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4. Folle ❗❕ (réécriture)


Minhok n'est pas le premier à me conseiller de me faire soigner.

Depuis mes 14 ans, dès que j'évoque ma plus grande conviction, j'y ai droit. Les premières à m'avoir traitée de folle furent les autres fans de Song Minsuk, celles qui se font appeler les E.T., en référence à son surnom à lui : l'extraterrestre.

Avant le drame, je n'étais déjà pas une jeune fille tout à fait comme les autres, mais sur le site du fanclub français de Song Minsuk, où je partageais avec d'autres une activité de mon âge et de mon époque, j'avais presque l'impression de l'être. Je sortais d'une période très compliquée et, d'une certaine façon, cette musique a été pour moi le meilleur des remèdes. Écouter Minsuk, lire ses messages et voir les émissions auxquelles il participait m'a beaucoup aidée. J'oubliais mon passé pour entrer dans ce présent-là : celui de Song Minsuk et de ses fangirls. On dit que la musique est un langage universel, je suis l'illustration vivante que ce ne sont pas de vains mots. C'est grâce à la musique du XXIème siècle que j'ai obtenu les clés pour comprendre les jeunes de ma génération et sortir de mon isolement. Sur le forum du site, je n'étais plus une jeune fille bizarre, j'étais une E.T. comme les autres, je faisais partie du groupe. Jusqu'à ce terrible 28 novembre 2014.

Tout a commencé par des témoignages : des Coréens racontaient à la télévision qu'ils avaient vu Minsuk passer par-dessus les parapets du pont de Mapo et se jeter à l'eau. Au même moment, Pak Entertainment, son agence, publiait une annonce officielle qui expliquait aux E.T. que les autorités coréennes avaient ouvert une enquête officielle pour disparition et que plusieurs pistes étaient explorées. Ils s'excusaient de l'inquiétude que pouvait provoquer cette situation et promettaient de nous fournir rapidement de plus amples informations.

Dès la publication de ce communiqué, l'ambiance sur les forums du fanclub est devenue plus toxique que si nous étions à bord d'un avion accidenté amorçant un atterrissage d'urgence. J'étais l'une des rares à ne pas m'inquiéter. Il me suffisait de fermer les yeux, d'écouter mon cœur et je savais : il ne lui était rien arrivé d'aussi grave, car Song Minsuk n'était pas le genre d'homme à se suicider.

Pourtant, seulement trois jours plus tard, on annonçait très officiellement le décès de mon idole.

Combien de fois ai-je relu le message de Pak Entertainment ? Combien de fois ai-je relu la lettre de suicide de Minsuk ?

À chaque décryptage, je me persuadais davantage d'avoir affaire à une imposture. Dans sa lettre d'adieu, les mots de Minsuk ressemblaient à un assemblage informe dans lequel je ne le retrouvais pas. J'ai découvert également, dans un article de presse, que les recherches pour retrouver son corps se poursuivaient. Ils avaient donc osé rendre les résultats de leur enquête avant de retrouver le corps !

Il devait être plus de trois heures du matin, j'étais encore éveillée, sur mon lit, plongée dans le noir. Seule la lueur de mon smartphone éclairait mon visage et mes yeux rougis par mes crises de larmes. Mes pouces s'activaient à toute vitesse sur l'écran tactile. J'ai créé un sujet : « Qui d'autre trouve qu'il y a trop de zones d'ombre dans la thèse du suicide ? ». J'y faisais part de tous mes doutes, en argumentant chacune de mes prises de position.

Moi qui espérais trouver un peu de soutien, j'ai été traitée de folle pour la première fois. Le sujet que j'avais créé été devenu une arène d'injures toutes dirigées contre moi. Il y avait même des personnes qui m'écrivaient pour me dire qu'elles savaient que j'étais un « troll », que j'inventais tout ça pour me rendre intéressante et m'amuser avec les plus naïves. Les gens qui me défendaient ne le faisaient que pour inciter les autres à un peu de modération, mais ils ne prenaient jamais mon parti. Au bout de quelques heures, le sujet a été supprimé par une modératrice. J'en ai recréé un, dans la foulée, qui a été à son tour supprimé, et en définitive j'ai perdu mon compte pour non-respect des règles d'utilisation du site. J'ai eu droit à ce mot d'explication :

« Trop de E.T. se sont plaintes de toi. Tu diffuses des informations fausses et dangereuses. Je suis sûre que tu es persuadée d'avoir raison, mais tu as tout faux. Tu risques de donner de faux espoirs à d'autres jeunes filles (certaines sont fragiles) et d'alimenter un discours dangereux qui décrédibilise toute l'industrie K-pop. Je suis obligée de supprimer ton compte. »

Après cette nuit-là, j'ai arrêté de communiquer avec les E.T.. De toute façon, elles ne m'auraient pas aidée à aller de l'avant. J'avais besoin de comprendre, j'avais besoin de réponse et aucune E.T. n'aurait été capable de m'en fournir. Les fans de K-pop ne reçoivent que des documents qui sont passés plusieurs fois entre les mains des censeurs. Celui qui cherche la vérité doit s'armer de patience et de persévérance. Il doit douter de tout, à chaque article de presse qu'il lit. Dans cette histoire, je ne peux compter que sur moi-même et cette certitude : Song Minsuk ne s'est pas suicidé. Sinon, et je sens que mes pires tourments me reprennent quand j'envisage cette option, c'est que je n'ai jamais rien compris à ce que m'a transmis Song Minsuk.

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Les suivants à me suggérer de me faire soigner ont été monsieur et madame Laaziz, respectivement Issam et Anissa. Il m'arrive de dire qu'ils sont mes parents adoptifs, même si techniquement ils ne m'ont pas adoptée. Ils ne sont que ma famille d'accueil. Émotionnellement, je me sens plus proche d'eux que de mes géniteurs. Les Laaziz m'ont appris le sens du mot parents.

Lorsque j'ai déraillé après l'annonce du suicide de Minsuk, ils se sont tout naturellement fait du souci pour moi. J'avais recommencé à m'isoler et surtout à me faire du mal.

Un jour, Anissa a trouvé les rasoirs jetables dans la poubelle. J'avais été négligente : j'aurais dû les cacher ou les jeter chez les voisins. Madame Laaziz est venue directement me voir et a exigé que je remonte les manches de mon pull. Elle ne m'a pas laissé le choix, elle n'a pas écouté mes protestations indignées, ni les mots injustes que je lui ai balancés : « Ne me touche pas ! Tu n'es pas ma mère ! »

Le tissu a été remonté, mes bras révélés : ils étaient striés d'estafilades rougies et fines. Anissa a donc découvert mes scarifications au bout d'un mois seulement après que je me les sois infligées ; ma propre mère ne les avait jamais remarquées.

À partir de là, j'ai dû me faire suivre par un professionnel. J'avais beau répéter à mon entourage et à mon psy que j'allais mal parce que personne ne voulait m'écouter, ils ne m'ont pas écouté plus que les autres. Une fois de plus, mes propos ont été traités comme des signes de démence.

Ce qui les choquait le plus dans ce que je leur racontais, ce n'était pas le fait que je niais la mort d'un homme, mais plutôt que j'en fasse toute une histoire, étant donné que ce n'était ni un ami ni un parent. Ils ne cherchaient pas à savoir si j'avais raison ou tort ; ce n'était pas à moi de mener cette enquête.

Minsuk n'est pas l'un de mes proches, il n'est que mon idole. Pour mes parents adoptifs, l'attachement d'une adolescente pour un musicien n'est qu'une passade, un coup de folie qui s'expliquerait uniquement par la montée de ses œstrogènes. J'ai essayé de leur faire comprendre que Minsuk représente plus pour moi qu'un amour de vacances, que j'y tiens comme à un grand frère, ils continuent d'affirmer que mes réactions disproportionnées sont les preuves de mon instabilité mentale, des symptômes, mais pas le mal lui-même.

Pourtant je le sais, moi, que je n'ai pas d'autre problème en dehors de celui de connaitre la vérité. Je peux facilement le leur prouver : il suffirait que je démontre que Minsuk ne s'est pas suicidé. Ainsi, je démontrerai d'une part que j'ai raison et d'autre part que je ne suis pas malade.

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J'ai passé mon bac à 14 ans et demi. J'évite d'en parler, car les gens me regardent différemment quand ils l'apprennent. Je ne pense pas être une fille géniale. En revanche, j'ai eu une instruction plutôt atypique. Mes parents n'ont fait confiance ni à l'école publique ni à l'école privée pour me donner l'éducation particulière qu'ils avaient prévue pour moi. J'ai été instruite comme un singe savant. J'ai appris à lire à l'âge de quatre ans, en même temps que j'étudiais les fractions et les tables de multiplication. Jusqu'à mes douze ans (âge auquel j'ai été placée chez monsieur et madame Laaziz), mes parents me faisaient l'école à la maison. Mon père me donnait les cours de littérature et de musique, d'histoire et d'Espagnol. Ma mère m'instruisait sur les mathématiques, les sciences, la religion et la géographie.

Au mois de septembre, pendant que les enfants de mon âge faisaient leur rentrée, chez moi, ma mère déballait les livres scolaires. Elle les consultait attentivement. Avec un feutre noir, elle recouvrait des mots ou des phrases entières. Ensuite, elle arrachait et jetait une partie des pages. À la fin de son travail, seul le livre de mathématiques restait pratiquement neuf. Les autres ouvrages m'arrivaient censurés entre les mains. Si je lui demandais ce qu'il y avait dans les pages qu'elle avait arrachées, elle me répondait qu'elle me protégeait des mauvaises influences.

Il n'y avait pas la télévision chez moi. Il n'y avait pas internet, pas de distraction autre que la littérature et la radio, que je n'avais pas le droit d'écouter sans surveillance.

J'ai lu pour m'évader, pour sortir par procuration de l'appartement où nous vivions ; j'ai lu pour m'ouvrir une fenêtre sur un monde que mes parents refusaient de me montrer. Je connaissais par cœur tous mes livres scolaires (ce qu'il en restait du moins) et l'ensemble des romans de notre bibliothèque. Mon ouvrage préféré était Oliver Twist, orphelin et libre.

Lorsque j'ai rejoint la société, j'avais un retard monstrueux socialement, mais une avance considérable au niveau scolaire. J'ai donc pu passer mon bac à 14 ans et demi. Ce qui m'a permis d'enchainer rapidement avec des études de traductrice, en langue coréenne. Ma famille d'accueil voyait cela d'un mauvais œil, mais puisque ce projet d'orientation était antérieur à la disparition de Minsuk, ils ne sont pas allés jusqu'à me l'interdire. Les seules limites qu'ils m'ont imposées ont été de poursuivre mes consultations et de ne pas passer la frontière, comme s'ils avaient peur que la Corée du Sud m'absorbe dès que j'y aurais posé les pieds.

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À l'université, j'ai fait en sorte de m'imprégner dans la culture de Minsuk. Je m'étais dit que si je parvenais à devenir entièrement lui, je finirais par comprendre ce qui lui était arrivé.

Certaines de mes découvertes auraient pu faire vaciller ma grande conviction. Par exemple, j'ai découvert le triste record coréen concernant les suicides. En 2011, ils étaient 43 par jours à se donner la mort. Le pont de Mapo lui-même se trouve être le pont du monde où le plus de désespérés viennent en finir. Deux ans avant l'affaire de Minsuk, déjà, la situation était devenue tellement dramatique, qu'une compagnie d'assurance avait décidé de mettre en place un dispositif anti-suicide sur le pont. Il s'agissait de grands panneaux d'affichage qui diffusaient des messages bienveillants, censés dissuader les candidats au suicide : « Avez-vous mangé ? », « N'y a-t-il personne que vous voulez voir ? »

À ces informations, qui rendaient le suicide de Minsuk étonnamment plausible, s'ajoutait ce que j'apprenais sur l'industrie de la K-pop. Les fans et les médias l'appellent le côté obscur de la K-pop. Je ne m'étais jamais beaucoup intéressée à cet aspect jusque-là. Maintenant, on peut dire que je suis une experte du phénomène.

Quand j'ai compris à quel point la vie de Minsuk avait pu être dure, j'ai sérieusement douté. Et si j'étais effectivement victime d'un cas pathologique de déni, comme le supposait mon psychiatre ? Et si j'étais dans l'erreur, depuis quatre ans ?

J'étais précisément dans cet état de confusion, lorsqu'un évènement capital est venu me redonner foi en mon combat.

Le 28 novembre 2017, j'étais à la bibliothèque, un livre ouvert devant moi, au sujet de la contre-offensive sino-nord-coréenne d'octobre 1950, mais je n'arrivais pas à m'impliquer dans mes études.

La date y était évidemment pour quelque chose, quatre ans jour pour jour après la disparition de Minsuk. J'avais le spleen. Je ne savais plus ce que je cherchais. Je butais avec les milliers de bonnes raisons qui auraient pu pousser Minsuk à se foutre en l'air et, de l'autre côté, l'absence de mobile pour expliquer ma propre théorie.

À ce moment-là, un miracle a eu lieu. Mon smartphone a vibré pour m'annoncer une notification. J'ai alors découvert le dernier tweet de Minhok, mon cœur s'est emballé durant la lecture. Je n'étais pas la seule à douter ! Minhok lui-même envisageait que son frère soit encore en vie.

Surtout, il me donnait une information capitale qui m'obsédait depuis le tout début de l'affaire. Jusqu'à présent, je supposais que le corps de Minsuk n'avait jamais été repêché. Je jugeais que l'information aurait été suffisamment pertinente pour que les médias coréens la diffusent, et dans ce cas, je l'aurais su. Mais ce n'était qu'un raisonnement par l'absurde, pas une preuve.

Minhok me montrait que j'avais eu raison jusque-là : il n'y a pas de corps. Dans mon esprit, je me permettais d'élargir : il n'y a pas de suicide. Mon spleen venait de s'évaporer.

Je relisais ce tweet encore et encore, je l'incrustais dans ma mémoire pour toujours, puis... il a disparu.

Je n'avais pas eu le temps d'en faire une capture d'écran. Aujourd'hui, je le regrette amèrement, car Minhok peut nier et se servir de mon étourderie contre moi. Il peut me rendre dingue et me faire douter de ma santé mentale, encore. Comme si j'avais pu inventer ce tweet !

Je lui ferai avouer la vérité. Dès demain. J'espère que sa menace au sujet de mon visa n'est pas sérieuse, sinon je risque de rentrer plus tôt que prévu à l'aéroport Charles de Gaulle.

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