101. Lecture ❗ (réécriture)
« Je lui ai tout dévoilé, l'avocat, son adresse, la nature de nos entretiens. Tout. Quand j'ai eu fini, il m'a averti :
— J'espère pour toi que tout ce que tu m'avoues n'est pas une invention. S'il s'avère que c'est un moyen de gagner du temps, tu me le paieras.
— Je n'ai pas menti, lui ai-je dit.
— Demain, tu téléphoneras à cet avocat, m'a ordonné Han... »
Je m'interromps, le temps d'échanger un regard avec Minhok. La présence de ce nom dans le journal de Minsuk nous confirme l'importance de cet extrait.
Je poursuis :
« ... m'a ordonné Han en me regardant dans les yeux, accroupis pour se mettre à ma hauteur. Tu lui diras que tu ne veux plus poursuivre ton entreprise et tu lui demanderas de détruire tout ce qu'il possède te concernant, tous les papiers, toutes les photos. Il ne devra rien garder. Je me suis bien fait comprendre ?
J'ai fait un signe de tête affirmatif. Il avait l'air de chercher sur mon visage une raison de penser que je ne me rebellerai plus. Il a dû déceler quelque chose qui ne lui plaisait pas, car il ne s'est pas contenté d'une menace vague, il a développé :
— Non, tu ne comprends pas. Tu n'as pas compris ce que j'ai l'intention de faire, quand je dis que tu me le paieras. Si j'entends encore parler de toi, Song Minsuk, je... »
Tout d'un coup, je m'arrête de lire, choquée par ce que mes yeux viennent de déchiffrer.
— Jeanne, me presse Minhok.
Je me force à reprendre la lecture :
« Si j'entends encore parler de toi, Song Minsuk, je m'en prendrais aux gens que tu aimes. »
En parlant, j'évite de croiser le regard de Minhok. Je crois bon de m'arrêter, pour lui laisser digérer l'information, mais il m'ordonne :
— Continuez.
Je baisse donc à nouveau les yeux sur le journal intime, les mains de plus en plus tremblantes. Je tente de me calmer suffisamment pour que mon souffle me permette de poursuivre. J'inspire profondément, avant de balbutier :
« Je sais que tu n'as pas beaucoup de famille directe. Une mère, un frère... Je sais parfaitement où ta mère habite et ce que nous allons lui faire si tu n'es pas exemplaire. J'ai besoin que toi aussi tu le saches. Si nous allons voir ta mère, ce sera comme si le... »
Je me tais quelques secondes, encore. Mon cœur ne suit plus. Je ne peux pas lire ça devant Minhok. Il s'agit de sa mère.
— Je suis désolée.
— Ce n'est pas grave, continuez.
Je me mords la joue. Je prends sur moi et je décide de lire la suite sans m'arrêter :
« ... comme si le Japon revenait envahir la Corée et que ta mère était la seule femme dans tout Séoul.
— Ne touchez pas à ma mère, ai-je crié.
— Ah bon, m'a répondu Han aussi calme que je devenais fou. Tu préfères peut-être que je commence par ton frère ? Si je m'en prends à lui, tu ne le reverras jamais. Toi, je ne t'aurais jamais tué tout à l'heure, tu sais ! J'ai enfoncé ta tête dans la baignoire. Tu as su ce que c'était que de boire la tasse, mais je t'ai épargné. Ton frère, lui, je le noierai... »
Je lève les yeux vers Minhok, brièvement. Malheureux réflexe qui ne me permet pas de sonder ce qui se passe en ce moment derrière ses yeux noirs. Il profite de mon interruption pour se tourner vers Gong :
— C'est quoi cette histoire de baignoire ? Vous avez torturé Minsuk ?
— Pas moi, se défend-il, pas moi.
— Vous l'avez torturé... et vous avez menacé ma mère. Ma mère et moi. Vous m'avez menacé de mort.
— Pas moi. Non, pas moi. Han. C'est Han qui a menacé Minsuk. Je n'étais pas présent quand ils ont menacé votre famille. Je ne l'ai appris qu'en lisant le journal.
— Et tu étais où alors ?
Il ne répond pas.
— Où étais-tu ? insiste Minhok, le doigt sur la détente.
— Devant... j'étais devant l'appartement. Je ne pouvais pas entendre.
— Tu montais la garde ?
— Non. Non. Ils m'ont fait sortir parce que...
Il se ferme soudain.
— Quoi ? Finis ta phrase, fils de pute. Je ne sais pas ce qui me retient de te...
— Minhok, intervient Hyejin, qui vient seulement de se remettre debout.
— Ils m'ont fait sortir parce que... je n'étais pas censé voir ce qu'ils allaient faire.
— Tu savais qu'ils allaient le torturer, non ?
— Je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais vraiment rien faire.
Minhok se crispe. Un long silence pesant s'installe, avant qu'il ne se tourne à nouveau vers moi.
— Continuez de lire, Jeanne.
« J'ai arrêté de parler, de penser », ai-je lu. « J'ai eu la sensation que quelque chose mourrait en moi. J'avais tout fait pour laisser ma famille en dehors de tout ça et, maintenant, il les menaçait directement. Tuer mon frère. Ils ont menacé de tuer mon frère.
Lorsque j'ai eu des attaques de panique cette année, l'infirmière m'a dit que c'était la peur qui provoquait ces symptômes. Je n'ai pas voulu la croire. Ce n'est que maintenant que je comprends qu'elle n'exagérait pas. Quand Han a suggéré qu'il allait tuer Minhok-hyung, j'ai ressenti les mêmes symptômes que ceux que j'avais déjà ressentis par le passé, pendant les fameuses attaques de paniques : j'ai commencé par ne plus parvenir à respirer, puis les extrémités de mes doigts et de mes orteils sont devenues glaciales et mon cœur battait comme s'il voulait me perforait la poitrine. Je pleurais aussi. Devant lui. Han m'a vu pleurer. Il a parfaitement compris qu'il avait trouvé mon point faible, qu'il avait gagné.
Avant de partir, il m'a répété une dernière fois que je n'aurai pas de deuxième chance.
Il m'a laissé avec Gong. »
Je jette un coup d'œil rapide vers l'intéressé, qui se penche en avant, ferme les yeux, tentant de se faire le plus discret possible. Je continue :
« Mon manager me regarde écrire dans mon journal, en ce moment même. Il sait que je relate tout ce qui s'est passé. Il n'essaie pourtant pas de m'en empêcher. Il a bien compris que je ne dirai plus rien, que je ne tenterai plus jamais de nuire à mon entreprise.
Tout à l'heure, en revenant dans le dortoir, il est allé me chercher des vêtements secs, mais j'ai refusé son aide. Je ne voulais plus rien qui vienne de lui. C'est lui qui les a appelés, c'est lui qui m'a donné à ces gangsters. »
Je m'arrête de lire, blême. L'homme concerné par ces accusations se ratatine encore davantage, les yeux hermétiques, le nez contre la carrosserie. La marque qu'a laissée le canon du pistolet sur sa tempe crevasse profondément son front humide. Au-dessus de lui, Minhok le considère avec un œil enragé.
— Tu l'aimais bien, hein ? T'étais proche de mon frère ? Tu l'as donné... enfoiré !
Contrairement à tout à l'heure, je ne prie plus pour la survie de cet homme. Je ne le défendrai plus. Plus jamais. Même Hyejin ne proteste pas quand Minhok déchaine sa colère sur Gong. Il attrape son arme par le canon, pour abattre la crosse contre son crâne, si violemment que l'homme bascule et s'étale sur le sol du garage. Il se redresse sur les coudes, une trainée écarlate s'étend rapidement sur son visage. Il reçoit un nouveau coup, de pied cette fois, toujours en pleine tête. L'homme geint par terre, il fait mine de se redresser, mais s'immobilise quand il voit que Minhok le pointe.
— Je vous en prie, je vous en prie, dit-il en protégeant son visage comme si son bras pouvait arrêter une balle.
Cette fois, Hyejin intervient :
— Minhok !
La mâchoire du mari se crispe. Il dévisage l'homme à terre avec dégoût.
— Tu as de la chance que ma femme soit là. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si on n'avait été que tous les deux.
Puis il se tourne de nouveau vers moi.
— Continuez, Jeanne. Continuez. Le temps presse... et j'espère pour ce sale chien qu'il n'y aura rien de pire que ça.
Qu'est-ce qui peut être pire que ça ? J'obéis et je poursuis la lecture, en commençant par la date qui est écrite en haut de la page :
« À Séoul, le 27 novembre »
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