J'ai un trou noir dans la poitrine. Parfois il est calme et me laisse un peu tranquille, mais parfois il fait des ravages en avalant tout autour de lui. Je ne peux rien faire d'autre à part le subir.

C'est ce que nous ressentons quand nous avons été élevés dans la maltraitance. Même si nous ne le sommes plus, notre cerveau et notre corps restent en mode survie, parce qu'ils se sont construits sur cette base. Ça non plus, je ne peux rien faire d'autre que de le subir.

Une réalité des conséquences de la maltraitance : l'insomnie. Je me suis réveillé à 5h30 et impossible de me rendormir. Je réfléchis trop. À tout moment je me crois dans mon ancienne maison.

La peur me ronge. Je suis censée être une adulte responsable mais j'ai peur de tout et n'importe quoi. Je suis encore une enfant qui a besoin d'être rassurée. Mais comme on n'a jamais pris la peine de me rassurer petite, j'ai aujourd'hui ce manque. Ça, c'est une autre réalité de la maltraitance.

J'ai quelque chose qui manque. Je pensais avoir mis le doigt dessus mais finalement je n'en suis plus si sûre. En tout cas, je sais que quelque chose me manque, comme un puzzle auquel il manque la pièce centrale. Je n'ai rien de fondamental qui m'appartient, dès lors tout ce que je construis s'écroule presque automatiquement. Et c'est pour ça que, même si les thérapies peuvent être efficaces, elles ne me donneront jamais cette pièce manquante. C'était quelque chose qu'il n'est possible d'acquérir que pendant la petite enfance. J'ai loupé sa distribution et maintenant c'est mon problème, je me dois débrouiller à vivre sans être complète.