Le bleu du ciel se reflétait dans les étendues d'eau. Les champs étaient dorés à perte de vue. Les blés avaient commencé à pousser. Le cadre semblait idyllique. Lorsqu'on regardait vers Ville Nouvelle, on y voyait un ciel sombre qui contrastait avec la clarté et la pureté de la campagne. Les mignonnes petites bâtisses étaient le lieu de vie et de travail des retraités. Mes grands-parents faisaient partie de ces petites fermes. Ils étaient situés non loin de la gare de marchandises, sur une petite bute qui surplombait le quartier principal de la contrée.

Je me dirigeai vers leur maison. Une chaumière qui, contrairement à la ville, était faite de matériaux naturels. Le toit de chaume rappelait les archaïques maisons de France. Les pierres naturelles ressortaient du mur, laissant apparaitre l'ancienneté de la bâtisse.

Ma grand-mère sortit dans son jardin. Elle n'avait pas changé, elle était toujours la même que sur les photos. Elle arborait fièrement son habit jaune poussin qui contrastait avec ses cheveux bruns puissants. Elle avait toujours son fichu autour du cou. Un bleu roi, en honneur à notre famille. Quelle ne fut pas sa surprise de me voir. Je lui souris de tout mon coeur. J'étais heureuse de la voir. Mais ce sentiment laissa place à la tristesse lorsqu'elle comprit que je ne venais pas pour rien. Elle comprit bien rapidement ce qui m'amenait par ici.

Elle m'invita à entrer dans leur cuisine. Elle était rustique et ressemblait à celle des films de l'ancien temps. Films qui essayaient de retranscrire la vie des personnes aux faibles revenus dans les campagnes françaises du XXIe siècle.

— Bonjour, petite fleur.

— Bonjour Suz-Suz.

J'étais sur le point de craquer. J'avais besoin de pleurer. Autant que mon corps pouvait le faire. Elle me prit dans ses bras. Son contact me rappela à quel point la famille est importante et sans elle on n'avance pas, on fait du surplace.

— Maman me manque.

— Je sais, je sais. Elle nous manque à tous.

De son regard bienveillant, ma grand-mère continua son discours.

— Elle a dû t'informer du secret que l'on se transmet de génération en génération.

— Elle aurait dû le faire mais elle n'a pas eu le temps. Elle a eu un accident avant de pouvoir me le dire. C'est pour ça que je suis là. Elle voulait que je connaisse la vérité grâce à toi.

— Installes-toi ici, je vais tout te dire.

— La fondation de Ville-Nouvelle n'est pas celle que nous croyions. Depuis des générations, les dirigeants nous trompent. Il existe bien une vie à l'extérieur de ces murs. Tout n'est pas mort, la vie existe dans chacun des pays de ce monde. Notre ville a juste été le fruit d'une expérience de la société. Tu ne t'es jamais demandé pourquoi nos habitations à la campagne sont réalisées avec des matériaux moins sophistiqués que en ville ? Le climat a certes changé et bien qu'on puisse le croire, nous avions aussi changé.

— Je ne comprends pas tout...

— Laisse-moi finir. La France a coupé les ponts avec les autres pays. Elle voulait voir si par des normes plus strictes en matière d'environnement, l'humain pouvait réduire son impact sur notre terre. Mais des sacrifices ont eu lieu. La population s'est vue réduire de moitié et la France s'est reconstruit. La société par une nouvelle organisation spatiale a pu contrôler plus facilement ses citoyens. Les quatre fondateurs de Ville Nouvelle se sont octroyés les pouvoirs de la ville et tout le confort qui allait avec.

— Qu'est-ce que je viens faire dans tout ça alors ? Pourquoi la vie de notre famille vaut-elle autant aux yeux de la société ? Pourquoi doit-on mourir pour ne pas révéler aux autres ce qui se passe dans leur dos ? Pourquoi ?

— Si on vient à parler de ce que nous savons, ils perdraient tous les pouvoirs qu'ils ont en ce moment.

Je comprenais désormais pourquoi la société voulait à tous les prix savoir ce que ma mère savait.

— Je dois t'entraîner, petite fleur. Tu dois devenir plus puissante qu'eux et transmettre ce message.

Elle me tendit une petite boite qui contenait une message numérique à brancher sur l'écran d'information des bracelets électroniques.

— Maintenant suis-moi. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Descendons dans le sous-sol.

Je la regardais de manière interrogative.

— Pourquoi ?

— Tu croyais vraiment que j'allais rester à cultiver des carottes après avoir été analyste au sein de la sécurité des quatre dirigeants ? Je me suis créée ce sous-sol. Ton grand-père y est en ce moment. Il prépare la salle depuis trop longtemps. Nous attendions tous les deux ta venue.

La salle s'alluma d'une couleur verte lorsque je franchissais le pas de la porte. Elle n'était composée que d'un tapis de course, d'une cible et d'un arc avec des flèches dans un carquois.

— Prend l'arc, vise et tire.

Je ne savais pas vraiment comment faire.

— N'hésite pas. Tu adorais ça quand tu étais petite.

Je bandai l'arc et me concentrai.

— C'est comme le vélo, petite fleur, ça ne s'oublie pas.

Je tirai et la flèche se planta au centre exact de la cible. J'en tirais une deuxième, une troisième, une quatrième et ainsi de suite. Elles arrivèrent toutes au centre.

— Tu es prête, Anastasia. Vole vers ton destin et accomplit ta mission.

Je ressortis de la maison et promis à ma grand-mère de passer la voir plus souvent.