XVII . Chapitre Vingt - septième
Je m'avance vers lui. Il est de dos, en position foetale sur le canapé.
« - Willow... »
Je murmure. Je me sens impuissante et mal-à-l'aise.
« - Regarde-moi. »
Je lui dit. Il ne bronche pas. Je fais le tour du sofa pour me planter face à lui. Il détourne la tête. Il a l'air contrarié.
« - Mon retour te dérange ? »
Je demande. Il ne répond pas.
« - Parle-moi bon sang ! »
Je m'énerve. Il sait articuler, non ?
Et encore une fois, pas un son. Le silence me rend folle. Je ne suis pas connue pour être patiente ! Vous l'aurez compris depuis un moment. Je me concentre pour rester immobile et ne pas me mettre à faire les cent pas. Je plante finalement mes deux bras sur l'acoudoir du canapé et rapproche considérablement mon visage du sien.
Malgré cela, il continue d'éviter mon visage et d'adopter une moue contrariée.
Raaah ! Il m'énerve. Ce sentiment est tellement... frustrant ! Je veux bien faire le premier pas, mais les efforts sont pas supposé se faire dans les deux sens ? Non ?
« - Willow ! »
Je parle à un mur de béton. Génial.
« - Tu veux que je fasse quoi pour n'avoir ne serait-ce qu'un regard de ta part, me montrant que tu m'écoutes ? »
Rien. En ce moment, j'ai l'impression de littéralement imploser. Répond-moi ! Parle ! Dis quelque chose ! C'est insoutenable !
Le silence pesant revient et je me dit que cette frustration intérieure me tape sur les nerfs.
« - Je suis désolée. Ça te va ? Je ne dirai rien de plus. Pas tant que tu n'auras pas daigné me regarder dans les yeux. »
Toujours et éternellement... RIEN !!! Mais que veux-tu que je te dises ? La colère me quitte et je suis soudainement dépitée. Mon regard se brouille. Comme quand je suis proche de pleurer. Pourtant. Je sais que je ne pleurerai pas. Les larmes ne couleront pas. Je me tourne et me laisse lentement tomber contre le canapé. Assise à même le sol, je me replie sur moi-même. Non, j'ai pas abandonné. J'ai remis la partie à plus tard. Je ne suis pas patiente ! C'est pas de ma faute bon sang ! Et son silence me désespère profondément.
« - Tu m'énerves. »
Je déclare. Si ça se trouve, il rit intérieurement ! Je suis si drôle que ça à énerver ? Je reste à marmonner et à broyer du noir pendant vingt bonnes minutes. Finalement, énervée, je lève les bras au ciel en un soupir.
Une main saisit l'un de mes bras et je lève la tête. A quelques centimètres de moi, mon ami me regarde dans le blanc des yeux. Légèrement penché sur l'acoudoir, nos visage sont plutôt proches. Assez pour me mettre affreusement mal-à-l'aise. La fait qu'il ait capturé l'un de mes bras ne m'aide pas. Son visage sérieux me fait virer rouge pivoine. C'est tellement rare qu'il aborde cette expression légèrement en colère et affreusement concentrée. En fait, ça n'était jamais arrivé devant moi.
« - Tu n'es pas partie longtemps. »
Le son de sa voix me met du baume au coeur.
« - Tu aurais préféré ? »
Il fronce les sourcils.
« - Je sais pertinemment que tu te protèges avec tes sarcasmes. Alors laisse-les de côté. »
Quoi ? Mais je fais quoi sans mon merveilleux humour ? Ok, c'est vrai que la plupart du temps, je lance des sarcasmes pour éviter les questions gênantes. J'aime les sarcasmes.
« - Que veux-tu que je te dises... »
Sa poigne se raffermit et une légère douleur me gagne. Sous la surprise, je me débat pour arracher mon bras à son contact. Mais il ne bouge pas d'un centimètre.
« - La... Lache-moi... »
Pas de réponse. Je tire encore un peu.
« - Non. »
Il me force, de sa main valide, à le regarder dans les yeux. Je remarque alors que je fuis considérablement son regard.
« - Pourquoi es-tu revenue aussi vite ? »
J'essaie d'évter de donner une réponse en restant silencieuse, mais son regard pesant me force à parler.
« - Je voulais... Protéger Antoine et Jules... Et aussi Carinne. »
Non, c'est faux. Ce n'est pas pour ça que je suis revenue.
« - Vraiment ? »
Il semble s'énerver devant mon refus à répondre sincèrement. Oui, j'avais dit que je serais sincère. Mais c'est difficile, d'accord ? Je ferme les yeux et baisse la tête. Sa main me relâche et je l'entend se lever et se diriger... vers la porte. D'un bond, je me relève.
« - Qu'est-ce que tu fais ? »
Il ne répond pas et je vois à sa démarche qu'il est énervé. Il sort dehors et mon cerveau se met en mode panique totale. Je fais vingt-cinq pas, oui j'ai compté, dans le salon avant de courir à sa suite. Alors que j'ouvre la porte à la volée, je le vois, debout face à la forêt. Un petit vent s'est levé et le temps s'est étrangement couvert. Mes cheveux volent et voilent momentanément mon visage. Je tente de les maintenir derrière mon oreille, mais ils n'en font qu'à leur tête. J'avance à petits pas vers mon ami. Il ne m'a pas remarqué. Je le vois alors s'avancer vers les bois. Prise d'une peur soudaine, je cours et l'attrape par derrière, l'étreignant ainsi de toute mes forces. Comme désespérée, je m'accroche à lui en l'empêchant de s'éloigner. Une étrange sensation me prend le bas-ventre lorsque je sens mon corps plaqué contre le sien. C'est quand même gênant comme position.
« - Arrête... »
Je murmure doucement. Il passe sa main sur l'un de mes bras pour l'ôter délicatement, mais je reserre un peu plus mon étreinte.
« - Je... Je ne te lacherais pas... »
J'articule avec peine, les joues en feu. Raaah ! Pourquoi je me mets toujours dans ce genre de situation, moi ? Il laisse ses bras pendre de chaque côté de son corps et je le sens s'énerver un peu plus.
« - Je suis tellement désolée de t'avoir laissé croire ces horreurs. »
Il s'immobilise et semble soudainement beaucoup plus attentif. Ok, jouer franc jeu dès le début aurait été tellement plus simple. Mais ça me fait mal de lui dire tout ça. J'ai peur qu'il me déteste.
« - Quand je suis partie. Tu te rapelles de ce que je t'ai dit ? »
Il hoche la tête et j'ai l'impression qu'il se tend.
« - Oublie. Ce n'était qu'un tissu de mensonge. Je ne regrette absolument pas de vous avoir rencontré. Vous êtes sans doute la plus belle chose qui me soit arrivée. Nos aventures, nos joies, nos malheurs... Je n'échangerais ça contre rien au monde. »
Je pousse un petit soupir. C'est dit. Je guette sa réaction. Pour le moment, il continue de se montrer attentif.
« - Si je suis partie... C'est parce que j'avais tellement peur qu'il vous arrive du mal par ma faute. Vous êtes si important pour moi. Je ne veux pas que vous soyez blessé. Mais en même temps... Je suis faibe. Sans vous, je ne suis rien. vous êtes ma force. Ce qui me permet d'avancer... C'est vous. Uniquement vous. Je suis revenue parce que j'ai compris que je ne suis pas faible. Qu'avec vous, je peux soulever des montagnes. Parce que je me suis rendue compte que je tenais à vous plus qu'à n'importe quoi. »
Je me sépare de lui. Il se retourne. Sans attendre sa réaction, je détache le collier qui pendouille à mon cou et dans un geste furtif, l'accroche au sien. Je ne sais pas pourquoi. Mes gestes ont été dictés par une autre personne, qui se cache loin, à l'intérieur de moi-même. Sous mes yeux ébahis, les yeux du dragon sont comme traversés d'une magnifique flamme dorée et son corps, enroulé autour de lui-même, laisse apparaître entre ses pattres un petit joyau couleur rubis. Je reste bouche-bée. Les yeux de Willow s'écarquillent, mais sans doute plus à cause de mon geste qu'à cause de l'étrange métamorphose du pendentif, qu'il n'a sans doute pas remarqué, et plus un mot ne s'élèvent dans l'ambiance frêle. Willow serait donc l'héritier du sang de Kyrian, le chevalier de la Déesse Egelyssia. Etrangement, ça ne m'étonne pas vraiment. Bien sûr, je ne m'en serais jamais douté, mais ça me semble comme... Naturel. Mes mains glissent sur son torse et un léger sourire perce mes lèvres. Je ferme les yeux et baisse légèrement la tête.
« - Je ne comprend pas pourquoi seul le franc-jeu marche avec toi. Je pourrai mentir à Claire, à Lou, à Lyn... Bien que ça me déchirerait intéreurement... Mais toi... T'es bizarre. »
Je relève les yeux vers lui et je vois un sourire s'afficher sur ses lèvres et son regard se faire infiniment plus doux.
« - Ne me refait plus jamais ça. On dirait que tu essaies de me faire faire un arrêt cardiaque ces temps-ci. »
Je lui fais un grand sourire et un clin d'œil.
« - Ne t'en fais pas. Si ton coeur arrête de battre, je te donnerai le mien. »
Je le sens devenir aussi rouge qu'une pivoine et je me rends compte que c'était vraiment étrange.
Détrompez-vous, c'était sans arrière pensées... Mais ça reste vraiment gênant. Le vent souffle de nouveau et n'arrache un petit frisson. Avec mes manches courtes, c'est normal que j'ai froid. Willow le sent et me tend sa veste blanche. C'est rare qu'il porte du blanc, mais ça lui va bien.
« - On rentre. Pour de bon cette fois. »
Je rougis légèrement et souris.
« - Oui. On rentre. »
O~o~O~o~O~o~O~o~O~o~O~o~O
Kyrian et Willow. Le premier lien est fait.
Passé, Présent, Futur. Ces trois entités m'observent-elles, depuis là où elles sont ? Moi, qui me promène à ma guise, hors de leur contrôle... Ne suis-je pas en train d'éveiller les êtres hors du temps ? Ceux qu'elles craignent et respectent en même temps.
Je danse, entre ces trois cages auxquelles j'échappe à chaque instant. Un premier lien s'est détaché. Je danse, et je cherche.
Qui suis-je ?
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