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V . Chapitre Cinquième

Mon regard rassuré va chercher celui de Claire. Nous nous sourions. Je suis tellement contente de la voir.

« - Merci. »

Je lui dis.

« - Non, c'est à moi de te dire merci... Tu sais, de notre équipe, j'ai toujours été le Bouc Emissaire de Nara. »

Elle me sourit. Un sourire radieux et ravi. Est-elle heureuse de m'avoir rencontré ? Ressent-elle envers moi la même confiance absolue que j'ai envers elle ? J'aimerais tant que ce soit le cas. Transportée par mes émotions, je la reprends dans mes bras puis me retourne vers le corps inerte de Nara. Elle ne risque pas de se réveiller de sitôt celle-là ! Alors que je me lève, j'aperçois Lou du coin de l'œil. Je ne peux m'empêcher de constater l'aura de sagesse qu'elle dégage. Dans ses mains repose le même livre qu'elle dévorait lors de mon réveil dans la maisonnette. Mes yeux remontent vers les siens et je les aperçois... Ces larmes qui perlent de ses yeux. Elle semble tellement choquée.

« - Claire... »

Lou énonce le nom de son amie avec gravité, articulant parfaitement pour lui faire comprendre qu'elle est en désaccord. Claire se retourne et aperçois son amie de toujours, qui s'avance. Son visage s'assombrit. Que va-t-elle dire à Lou ? Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'elle prendra ma défense. Claire se lève alors et me place derrière elle.

« - Désolé Lou, mais j'ai choisi mon camp. »

Comme pour démontrer ses dires, elle sort de sa poche une petite carte, de quelques centimètres, faîte sans aucun doute dans un métal étrangement souple. Sans démontrer la moindre hésitation, elle se baisse et la passe sur ma menotte. Celle-ci tombe par terre avec un petit bruit métallique. Malgré que plusieurs gardes assistent à la scène, aucun n'intervient. Pourquoi ? Je ne sais pas. Lou recule d'un pas, les yeux écarquillés. On dirait qu'elle va pour dire quelque chose, mais Claire la coupe.

« - Adieu... Tu le diras à Lyn et à Willow. Sache que ces années passées à vos côté ont été les plus belles de ma vie. Mais j'ai peur d'en avoir oublié mes valeurs. Je crains m'être perdue dans ce bonheur... Aujourd'hui, je ne vous abandonne pas. Je marche vers l'objectif que nous nous sommes fixés. Adieu... »

Elle me prend la main et nous courons vers la sortie. Personne n'essaie de nous arrêter. Ils nous regardent fuir en silence. J'aperçois leur regard. C'est étrange, un mélange de respect, de déception et... de remerciement ?

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Une fois sorties de l'immense bâtisse, nous courons à travers des jardins. Claire est devant moi. J'ai du mal à suivre sa folle cadence. Alors que nous débouchons sur la sortie, donnant sur un bois clair et pur, une dizaine d'hommes nous barrent la route. Ils ne sont pas comme ceux du hall, ils ont l'air amusé par la situation. Comme si tout cela n'était rien de plus qu'un jeu. Claire sort une dague.

« - Laissez-nous passer ! »

Aboie-t-elle.

« - Tu te montes contre Nara et tu penses vraiment qu'on va te laisser filer ? Non mais sérieux Claire ! Regarde-toi ! Tu es toute seule, tu n'as même pas encore exploité ton potentiel, et tu es confinée sous forme humaine ! »

Lui dit un des hommes.

« - Je suis assez forte pour vous battre tous, Dylan ! »

Alors qu'elle fonce vers le premier des gardes, une main l'attrape par le bras.

« - Laisse-moi faire ! »

La personne qui est intervenue se place devant nous et sort de son fourreau une grande épée qui doit presque faire la même taille que son porteur. L'escrimeur est assez grand d'ailleurs. Je ne le reconnais pas tout de suite, mais Claire me remet son nom en tête.

« - Willow !! »

Les gardes font soudainement beaucoup moins les fiers. Celui en face de Willow tremble et je peux même apercevoir une goutte de sueur sur son front.

« - Vous nous laissez passer ou je vous règle votre compte ? »

Demande-t-il.

« - C... C'est bon ! Passe ! On allait justement prendre notre pose ! Pas vrai les gars ? »

« - Oui, oui ! »

Ils partent en courant vers ce que je nommerai comme un palais, vu de l'extérieur. Claire et moi les suivons des yeux, étonnés par leur lâcheté. Après un soupir, nous nous retournons vers notre sauveur et mon alliée aux cheveux courts lui fait un large sourire enthousiaste.

« - Willow ! Qu'est-ce que tu fais là ? »

Le regard du garçon s'assombrit. Il range son épée et commence à marcher sur le petit chemin qui s'enfonce dans les bois quelques mètres plus loin. Voyant que nous ne le suivons pas, attendant une réponse, il jette un regard bienveillant à Claire.

« - Il est temps de tous nous libérer des chaînes dont nous ont affublés les premiers rebelles. »

Et il s'engage vers les bois. Cette fois-ci, nous marchons à ses côtés. Curieuse, je laisse mon regard le détailler. Ses cheveux noirs tombent sur sa nuque et couvrent le col remonté de sa tenue stricte. Je laisse un moment mes yeux traîner sur sa peau pâle, qui fait ressortir ses lèvres pleine et ses yeux onyx. Son nez délicat et légèrement retroussé lui donne un air très sympathique et enfantin. Cette impression est d'ailleurs en parfait contraste avec l'aura d'autorité et de force qu'il dégage par sa démarche et par sa tenue de Rebelles noire. La veste au col haut est assez moulante et laisse ressortir les muscles bien dessinés de notre sauveur. Le pantalon noir en denim qu'il porte se termine sous d'imposantes guêtres. A sa taille, il porte une ceinture à laquelle est accroché l'immense fourreau de son épée. Pour ne pas mentir, je suis forcée d'avouer qu'il est plutôt séduisant et que ça ne me déplait pas de faire route avec lui.

Passé, présent ou futur ? Je ne sais pas, mais je l'apprécie déjà.

Alors que nous marchons, je repense aux paroles du garde. « Tu es confinée sous forme humaine ». Je me tourne vers Claire. Avec son allure féline et ses yeux aux pupilles ovales, je conçois facilement qu'elle ne soit pas humaine.

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Nous marchons plusieurs heures dans le silence avant d'arriver devant une petite cabane perchée dans un arbre. Claire m'explique que c'est une planque qu'ils ont construit lorsqu'ils étaient plus jeunes. Alors qu'elle commence à me raconter quelques anecdotes, Willow attrape l'échelle de corde et commence son ascension. Claire le suit en levant les yeux au ciel et en râlant. Un peu intimidée, je monte en dernier. L'intérieur est plutôt confortable et chaleureux. Toute de bois, cette petite habitation au toit plutôt bas est coupée en trois « pièces ». La première, le salon, délimitée par un tapis et par un canapé. La deuxième, une petite cuisine, marquée par une trappe donnant sur une réserve de nourriture incrustée directement dans l'arbre. Je hoche la tête avec admiration quand Claire m'explique comment ils ont dû creuser dans le tronc sans abimer les veines de sèves. Le troisième et dernier espace est une « chambre ». Des couvertures et des peaux sont posées sur le sol, formant distinctement deux lits. Nous nous asseyons donc en cercle (plutôt en triangle...) au milieu du salon et Willow nous sert à chacune une bouteille d'eau placée dans la réserve et gardée au frais par un sort de glace. Plusieurs choses dans notre monde demandent des conditions particulières que la nature ne peut offrir. Nous avons donc astucieusement rassemblé la magie des magiciens et des sorciers dans de petites boules de cristal qui se vendent sur le marché et qui contiennent chacune un sort en particulier. Nous pouvons ainsi garder nos aliments au frais, faire marcher des machines incroyables et alimenter des armes. Après avoir avalé quelques gorgées d'eau, je pousse un soupir de soulagement. Je suis en vie et en liberté.

« - Bon, qu'est-ce qu'on fait ? Ils doivent sûrement déjà être à notre recherche... Nara ne nous laissera pas filer aussi facilement. »

Déclare Claire.

« - Je pensais qu'on pourrait continuer vers l'Est, atteindre Népholis et finalement rejoindre Craince... »

Lui répond son ami. Quand est-ce qu'il a pensé à ça ? Mes pieds me rappellent la longue marche que nous venons d'effectuer. Effectivement, il a eu tout le temps de penser à un itinéraire. Seulement...

« - Je pense que c'est une mauvaise idée. »

J'ai parlé sans réfléchir. Les mots se sont échappé tous seuls de ma bouche. Mes deux coéquipiers me fixent avec des yeux ronds. Je bafouille quelques mots en rougissant et place mes mains devant ma bouche. J'aurais dû me taire ! Je ne connais même pas si bien la géographie des lieux que je semble vouloir le faire croire ! Bon, en fait si... J'ai appris la carte de notre monde par cœur. Je connais le nom de beaucoup de villes. Ben oui, j'étais destinée à passer ma vie dans des bouquins, et je ne pensais pas un jour avoir les moyens de voyager. Fallait bien que je me mette l'eau à la bouche. J'aimais bien imaginer à quoi ressemblaient ces villes. Enfin...
Mes deux alliés fronce les sourcils, comme pour écouter mes arguments.

« - Pourquoi penses-tu que c'est une mauvaise idée ? »

Demande Willow. Claire a un petit rire, comme pour se moquer de son ami.

« - Je... Et bien... Je rougis un peu plus, puis soudainement, je laisse les mots sortir tous seuls. Craince est bien loin à l'Est. Nous prendrons trop de risques à suivre un chemin tracé dans une seule direction. Je propose de partir à l'Est, d'atteindre Népholis, puis de partir vers le Nord, on s'éloignera et en plus, nous serons difficile à suivre. Ensuite, nous partirons vers l'Ouest et pour finir, vers le Sud. Nous nous rapprocherons ainsi de notre point de départ, ce qui est assez imprévisible. Qu'est-ce que vous en pensez ? »

Le garçon fronce les sourcils et fixe un point sur le sol. Absorbé par ses pensées, il laisse planer un long silence que son amie n'ose pas rompre. Après un moment, il lève un regard confiant vers moi.

« - Je suis d'accord ! »

Sourie le noiraud.

« - Moi aussi ! S'exclame Claire en me donnant une petite tape amicale sur l'épaule. Et puis, c'est pas tous les jours qu'on voit quelqu'un trouver une meilleure stratégie que Willow ! Notre cher stratège en chef et chouchou des supérieurs se fait vieux ? »

« - Heeey ! C'est méchant ça ! Je suis pas vieux... »

La jeune fille éclate de rire et ébouriffe les cheveux de son « vieil » ami. Je ferais remarquer qu'il a l'air d'avoir le même âge que nous. Alors que mes deux compagnons de route s'activent à la préparation d'un repas sommaire, je remarque que... Depuis notre rencontre, je ne leur ai pas donné mon nom. Claire s'approche de moi et me tends une tranche de pain couverte de crème. Je lui souris et plonge mon regard dans le sien.

« - Je... Je m'appelle Leyla... »

Je lui dis, embarrassée. Elle hausse les épaules avec un sourire espiègle.

« - Je sais. »

Je soupire. Evidemment, après tout, j'étais leur captive.
Après notre petit repas, Willow m'indique que sous le canapé, il y a un matelas qui peut coulisser pour faire du simple sofa un petit lit confortable. Il m'invite à m'y installer pour la nuit.
Je n'ai étrangement aucun mal à m'endormir ce soir-là, bercée par les respirations régulières de mes deux nouveaux coéquipiers.

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Quand j'ouvre les yeux, c'est le noir autour de moi. Je ne sais pas ce qui se passe. Je regarde à ma main. Je tiens une épée au manche doré enroulé du mieux possible dans un ruban bleu. Il y a du sang autour de moi. Et soudainement, je tombe. Encore ce rêve ! Je tombe, tombe, tombe ! Je vais mourir ! Je me débats. Mais je ne veux pas mourir !!! J'entends encore ces voix.

« - Leyla... »

Je vois alors, au-dessus de moi. Ils me pleurent. Ca y est... Je suis morte.

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Je me réveille en sursaut. Il fait noir. Claire dort comme un bébé, un peu plus et je suis sûre qu'elle ronflerait. Willow est étendu près d'elle et semble quand même agité. Pas comme dans un cauchemar, mais disons que je pourrais parier qu'il ne qualifiera pas sa nuit de « réparatrice ». Je me lève, l'esprit encore affolé par mon rêve, essayant au maximum de ne pas réveiller mes deux alliés, et je marche jusqu'à la petite fenêtre. A l'extérieur, tout est calme. Pas un son... Pas même un bruit. C'est étrange. Normalement, en forêt, la nature est toujours présente. On entend les criquets, le bruit du feuillage. Je tends la main vers mon front et secoue la tête. Tout d'un coup, tous les bruits m'assaillent. Un torrent de son et de bruits assaille mon cerveau. J'entends les pas de tous les animaux présents en même temps. Même l'herbe jonchant le sol de la forêt fait un bruit infernal. Je hurle. J'ai l'impression que mes oreilles vont exploser. Je secoue encore une fois la tête. Rien, encore ce boucan qui fait saigner mes oreilles. Quelqu'un se dresse devant moi, de l'autre côté de la vitre.

« - Tu n'aurais pas dû chercher à fuir... Tu ne peux rien contre moi ! »

Je reste figée d'effroi en reconnaissant le visage qui me fait face. Le verre explose devant moi et tout se passe trop vite. Je sens mon corps être soulevé dans les airs et je suis projetée, à travers la fenêtre, jusqu'au pied de l'arbre. Ma tête me fait mal. Je ne peux plus bouger. Je ne suis que douleur. Ma vision est trouble, mais je peux la distinguer. Nara. Elle s'avance vers moi, Lou et Lyn derrière elle. Elles semblent désolées, toutes les deux. Alors que Nara m'attrape par les cheveux, un flot de sang jaillit de son poignet. Claire s'interpose entre elle et moi. Un couteau à la main. Willow atterrit à son tour près de moi. Je me demande quel genre d'entraînement ils ont suivi pour être capable de sauter du haut d'un arbre sans se faire mal. Nara, qui a reculé lors du coup porté par Claire, jauge ses deux adversaires du regard, un sourire arrogant sur le visage.

« - Des rebelles ? Willow, je ne m'attendais vraiment pas à ça de toi... »

« - Et bien il faut croire que je te réserve encore bien des surprises, Nara ! »

Sur ce, il brandit son épée et l'abat sur la femme. La lame la frôle à peine tant elle esquive rapidement. Avant qu'elle ne puisse rappliquer, Willow est envoyé sur le tronc le plus proche par de grandes bourrasques.

Devant mes yeux impuissants, un combat à mort s'engage. Avec pour enjeu ; mon enfer ou ma liberté...

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