IX . Chapitre Neuvième
Nous marchons, encore, encore, encore...
« - J'ai mal aux pieds ! »
Se plaint Lyn en sautillant pour se masser les talons.
« - Encore quelques heures et c'est fini sœurette ! »
Rit doucement Lou, une main passée dans sa queue de cheval haute.
« - On peut faire une pause ? »
Je demande doucement, épuisée.
« - Non ! »
Répond durement Claire. Lyn et moi nous jetons des regards désespérés. Nous marchons depuis deux jours consécutifs. Bien sûr, nous avons monté des tentes et nous nous sommes arrêtés pendant la nuit... Mais n'empêche que j'ai mal aux pieds !!!!
Claire et Willow marche en avant. Ils parlent gaiement d'un sujet qui, j'en suis sûre, me plongerait dans une profonde incompréhension si j'essayais de m'immiscer dans leur conversation.
Mon amie, qui marche d'un pas guilleret et dynamique, affiche un grand sourire ravi et joue avec l'une de ses deux longues mèches. Son corps athlétique est mis en valeur par ses habits de cuir. Elle a l'air parfaitement à l'aise dans la forêt, ce qui m'arrache un sourire, et la longue randonnée ne semble pas lui poser problème.
Willow, lui, rit de bon cœur aux paroles de son amie d'enfance et marche d'un bon pas. Son épée, habituellement à sa taille, est attachée dans son dos. Je l'étudie encore une fois. Longue et étrangement grande, elle est courbée un peu à la manière d'un sabre.
Mon regard passe alors sur Lou, qui marche juste devant moi, les yeux rivés sur son livre. J'ai appris de sa part, hier, que le manuscrit qu'elle a toujours entre les mains traite en profondeur tous les aspects de la magie. Il est donc très long à lire, mais aussi très intéressant. Elle m'a proposé de me le prêter quand elle l'aura fini, et j'ai accepté. Après tout, apprendre par les livres est ce que je fais depuis toujours.
Je me tourne légèrement vers Lyn, qui est à côté de moi. Encore en train de tenter de soulager ses pieds, elle sautille plus ou moins en ligne droite. Dans ses cheveux courts, la fleur qu'elle a placée là manque de tomber à chaque instant.
Pendant nos deux jours de marche, j'ai pu me rapprocher un peu plus de chacun de mes compagnons de route, et m'en faire des amis.
Lou s'est avérée être quelqu'un de très sage et de très réfléchie. Elle affectionne particulièrement les sarcasmes, mais peut se montrer très douce et très gentille. Il ne fait aucun doute qu'elle est la plus sérieuse du groupe et qu'elle prend hautement à cœur ce dans quoi nous nous engageons. Lyn et elle entretiennent une relation très complice, et ce malgré que la plus jeune d'entre nous soit en tout point l'opposée de son aînée.
Effectivement, Lyn est quelqu'un de très joyeux et qui aime la bagarre. Elle adore rire et faire des blagues, ce qui la fait considérablement attachante. Avec son caractère léger, elle anime nos soirées autour du feu et nous en fait voir de toutes les couleurs avec ses acrobaties et ses tours de passe-passe. Je la soupçonne néanmoins de cacher, avec ces sourires, tout le sérieux qu'elle peut mettre dans une mission ou dans une relation.
Je soupire, après cette rapide évaluation des membres de ma petite équipe. Chacun à leur façon, ils ont su me montrer une partie d'eux-mêmes qui m'a permis de les apprécier en si peu de temps.
Lyn se met soudainement à rire et je remarque qu'elle observe un papillon qui s'est posé sur le derrière de la tête de Lou. Je lève les yeux au ciel avec un sourire, puis mes pensées se remettent à vagabonder.
Dire que dans quelques heures, nous aurons atteint Népholis ! Cette ville est connue pour avoir accueillie les fondateurs des Rebelles, autrement appelés « Les Protecteurs de Liel ». J'ignore leur histoire, mais je sais qu'ils sont respectés partout en Liel. Même chez « L'Ordre ».
Tout d'un coup, Claire s'arrête et dépose son sac.
« - Pause ! »
Elle déclare en s'étirant. Lyn et moi sautons de joie avant de nous écrouler par terre.
« - Vous êtes vraiment désespérante les filles... »
S'exclame Lou en levant les yeux au ciel.
« - Parle pour toi ! »
S'exclame sa sœur en riant. Avec douceur, je retire mes chaussures et me masse doucement les pieds. J'adore la randonnée, mais à un moment, faut savoir s'arrêter.
Pendant quelques instants, nous restons assis à discuter de tout et de rien, avant de nous remettre en route pour la dernière ligne droite. Nous touchons à la fin de ce premier trajet !
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Les portes de Népholis se rapprochent à vue d'œil. Je pousse une petite exclamation d'ébahissement. C'est tellement beau !
Népholis est la capitale de Liel, le pays dans lequel je vis. Cette ville n'est de loin pas la plus grande, ni la plus fortifiée, mais elle est la seule restante à se montrer ouvertement neutre. Elle n'est ni sous le joug des Rebelles, ni sous celui de « L'Ordre ». Les deux organisations les plus puissantes de notre royaume cohabitent ici sans se faire incessamment la guerre. C'est un exploit qu'ont réussis les habitants de cette cité, en se montrant toujours neutre et en ne cédant pas aux attaques ou à la pression. Je ne suis jamais venue dans cette ville car j'ai toujours vécu en forêt, mais elle est sans aucune hésitation l'endroit que je voulais visiter en premier. Dommage que ma première découverte en dehors de ma maisonnette ait été le palais des Rebelles. Bien sûr, j'ai déjà été dans un village, puisque j'allais à la bibliothèque de celui le plus proche, mais... Entre un village et une ville, il y a une sacrée différence.
Les portes qui se présentent devant nous sont énormes. Ouvertes, elles donnent sur l'enceinte. Des tonnes de maison collées les unes aux autres, des enseigne de marchand, des odeurs de pain chaud, des voix qui s'élèvent... Tout est si beau !!!
Nous avançons. Deux gardes sont postés devant la porte.
« - Bonjour ! »
Nous aborde agréablement le premier, un grand sourire aux lèvres.
« - Qu'est-ce qui vous emmène à Népholis ? »
Demande le deuxième, un peu plus sérieux, mais tout aussi de bonne humeur que son collègue.
« - Nous venons chercher un ami à moi et profiter un peu du confort des auberges. »
Leur répond Lou avec un sourire modeste.
« - Donnez-nous vos papiers. »
Quels papiers ? Je commence à paniquer intérieurement. Mais... Euh... J'ai pas de papiers prouvant mon identité, moi ! Je savais pas qu'il en fallait pour pénétrer dans la capitale, d'ailleurs ! Lyn me fait un clin d'œil complice et tend des petites cartes de métal au garde. Celui-ci les passe sous un cristal d'identification et hoche la tête, avant de lever les yeux vers moi.
« - Et elle ? »
Il demande doucement, comme incertain.
« - Une orpheline qu'on amène en ville. Vous savez, avec la nouvelle politique des Rebelles, on est obligés d'apporter un soutien à tous ceux qui ne sont pas utiles à la société. Leur donner un coup aux fesses pour qu'ils se trouvent un revenu. Elle a été abandonnée plus jeune. Elle n'a pas de papiers. Mais, vous pourrez vous référer à notre supérieure, Nara. Elle vous affirmera que nous sommes en règle. »
Le mensonge de Lyn passe comme un couteau dans du beurre. Le garde m'offre un regard compatissant et nous désigne l'entrée.
« - Très bien ! Bon séjour à Népholis. »
Nous entrons dans la ville et j'ai déjà perdu un peu de ma bonne humeur.
« Abandonnée... »
Ça fait longtemps que je me suis faîtes à cette idée, mais c'est quand même douloureux quand les gens me jettent cette triste vérité en plein visage. Ça pourrait paraître comme une banalité, mais... Je prends cela très à cœur.
Mes parents... Mélissa Kim et Alex... Est-ce qu'ils sont encore en vie ? Sûrement pas. Les Protecteurs de Liel sont morts depuis un moment, tout le monde le sait. Mais j'aimerais tellement revoir leurs visages.
Je ne me souviens plus vraiment d'eux... Ils sont partis lorsque j'étais très jeune. J'aurais aimé pouvoir les connaître.
Mes pensées se perdent encore une fois et c'est Lou qui me ramène sur Terre.
« - Leyla ! »
« - Mmh ? Oui ? »
« - Ca fait trois fois que je t'appelle, tout va bien ? Tu m'as l'air bien pensive. »
« - Oui, oui... Ça va... »
« - Tu peux aller te balader si tu veux. On se donne rendez-vous devant l'auberge « Au Loup fumé ». Je te conseille d'aller explorer les quartiers du Nord, c'est là qu'est l'entrée de la tour de Népholis. Elle est réputée pour donner vue sur tous les environs. Une légende raconte qu'en jours dégagé, on pourrait apercevoir la mer. »
Elle me fait un clin d'œil pour signifier qu'elle ne croit pas une seconde à cette légende. Je lui souris.
« - Ca me semble être un bon plan... C'est loin de l'auberge ? »
« - Non, pas vraiment, mais il faut emprunter les ruelles pour aller plus vite. Ce que je déconseille aux touristes. »
« - Ne pas prendre les ruelles, c'est noté. Je n'ai même pas envie de frôler les ennuis, de près ou de loin. Je suis fatiguée. »
Mon amie me regarde un instant, comme pour juger de mon niveau d'épuisement. Puis elle me donne une petite claque revigorante sur l'épaule.
« - Allez ! Ce soir on aura un bon lit chaud et un repas haute gastronomie ! »
J'ai un petit rire.
« - J'espère bien ! Sinon je porte plainte. Ça devrait interdit de manger froid après trois jours de marche ! »
« - Je suis bien d'accord avec toi ! »
Elle m'adresse un immense sourire et réarrange son sac à dos.
« - Bon, et bien bonne balade, je vais aider Willow à marchander le prix des chambres auprès de l'aubergiste. »
Je hoche la tête et la salue. Dès qu'elle disparaît derrière la foule, je décide de commencer à m'engager vers l'imposante tour qui se découpe au Nord. La place est bondée de monde et l'architecture du bâtiment est incroyable. Dès que j'arrive à ses pieds, je sais que je ne serais pas déçue du détour. Je m'engage lentement dans les escaliers, prenant le temps d'admirer chaque petit détail gravé dans la pierre blanche. C'est si... Sublime ! J'arrive au sommet.
Les mots me manquent pour relater la splendeur de la vue. Les terres agricoles et les forêts s'étendent sur des lieux à la ronde ! On aperçoit même les silhouettes d'autres villes ! Ainsi que... Magnifique ! La chaîne de montagnes des « Hargneuses » !! J'ouvre la bouche, ébahie ! Les minutes passent et je reste là, à admirer le paysage qui s'offre à moi. En un instant, si bref qu'il s'éteint de lui-même, emportant les larmes qui auraient dû couler, je comprends l'étendue du monde. Je comprends à quel point il est vaste. Je comprends que je ne suis qu'un tout petit point dans ces rouages complexes. Ce sentiment est tellement grisant ! Je soupire de bonheur et redescend. Un jour, je me le promets, je prendrais le contrôle de mon pouvoir et je m'envolerais aussi haut que possible. Juste pour admirer cette vue, encore et encore. Juste pour profiter de ce sentiment radieux.
Je soupire une nouvelle fois. Un jour.
Une fois dans les rues, je me mets à marcher. Je ne pense pas vraiment à l'endroit où je me rends. Je me contente de me laisser guider. Après quelques temps, j'arrive devant une sorte de chapelle à l'architecture très élaborée. Des pierres blanches sculptées de rosaces et de spirales s'entremêlement dans une harmonie si belle qu'elle en est presque douloureuse pour les yeux.
Sur l'une des portes de bois massif est clouée une petite plaque en argent.
"En l'honneur des « Six Protecteurs de Liel » qui nous sauvèrent au péril de leur vie. A ceux qui ont combattu contre les démons et leur roi, qui ont réinventé l'espoir. Pour ces six valeureux guerriers sans qui il nous aurait été impossible de vivre en ce jour-même. Pour ceux qui nous ont toujours défendu. Paix à vos âmes."
Une chapelle dédiée à de simples mortels. Jamais je n'ai vu cela auparavant. Mais... A l'idée que je puisse peut-être en apprendre plus sur ma mère, je n'ai même pas le temps de formuler ma décision, j'entre. A l'intérieur, tout est extraordinaire C'en est presque arrogant. Les murs de pierres sont parfaitement nettoyé. Telle une église, des rangées de banc sont installés devant un autel, derrière lequel une rangée de hautes statues s'élève. Mais ces statues ne représentent pas un Dieu unique ou le Grand Créateur Elle représente six personnes qui sourient. Je les contemple. Ils ont l'air si courageux et déterminés. Je suis éblouie par de tant de splendeur. Simplement les regarder signifie brûler un peu plus la signification du mot extraordinaire. Je m'approche. Sous chacun des personnages est inscrit un simple prénom. Je cherche Mélissa. Elle est placée sur la droite, juste à côté de son meilleur ami et mari, Alex.
Ma mère... Elle a de longs cheveux et un visage angélique. Ses grands yeux expriment une détermination sans faille et elle porte à la taille une épée tout aussi détaillée que son visage. La personne qui a sculpté ces merveilles est un maître. Je m'incline au plus bas. Il a tout mon respect. Je fais glisser ma main contre la pierre froide.
« - Maman... »
Je murmure doucement. Pendant un court instant, j'ai l'impression que don regard me fuit, qu'elle m'ignore malgré toute la détresse qui émane de moi en ce moment. J'aurais tant aimé la connaître de son vivant.
Soudain, et par le plus grand des mystères, tout devient noir autour de moi. Je me retourne plusieurs fois. Il n'y a plus rien. Seulement un grand vide noir dans lequel je flotte. Je baisse les yeux. Mes vêtements de cuir adapté à la marche ont été remplacés par une longue robe immaculée. Où suis-je ? Des fils blancs s'enroulent autour de mes bras, tels des courants translucides qui s'enroulent, protecteurs, autour de mon corps fragile et démuni. Ma robe et les fils volent au vent. Mais pourtant, il n'y en a pas... De vent...
Devant moi, surgit une lumière éclatante. Je place mes mains devant mes yeux pour ne pas être aveuglée.
« - Leyla... »
Cette voix réveille en moi des sentiments contradictoire. D'abords, une joie si intense que je manque d'en pleurer toutes les larmes que je puis verser. Ensuite, un désespoir profond, un vide intersidéral, un manque atroce. J'abaisse mes mains avec précipitation. Qui a parlé ? A qui appartient cette voix si douce, si... Lointaine ?
A quelques pas seulement, une petite fille de huit ans tout au plus. Une innocente enfant qui se tient debout, mature, sage, le dos droit dans sa robe d'ivoire. Avec une lenteur qui me fait craquer intérieurement, qui me détruit un peu plus à chaque seconde, elle pose son regard sur moi. Un regard si troublant.
Un regard d'adulte.
« - Qui es-tu ? »
Je demande en m'avançant d'un pas, trop craintive pour m'approcher de trop près. Et si elle disparaissait ? Je ne veux pas perdre ce sentiment qu'éveille en moi le son de sa voix.
« - Ce n'est pas important. »
Elle me répond en secouant la tête. Un sourire timide prend peu à peu naissance sur ses traits fins, ses traits parfaits. Un ange vêtu de blanc, une sainte dans la plus pure des innocences, une enfant divine, une envoyée du Grand Créateur ou de la Déesse de la Lune. Je ne sais pas qui elle est, mais je sais qu'elle ne peut pas être réelle.
Son regard d'adulte, de sage millénaire, ce regard qui a traversé les éternités, qui a connu les temps, qui a côtoyé les étoiles, ce regard aux teintes si belles me traverse de haut en bas, atteint les tréfonds de mon âme et effleure ma peau.
« - Tu es très belle. »
Le compliment m'atteint en plein cœur. Je rougis, je bafouille, je la remercie dans un souffle.
Peu importe à quel point elle me trouve jolie, ou mignonne à croquer, je ne suis rien à côté de sa grâce innée, de sa beauté enfantine. Je n'effleure même pas l'ombre de son ombre.
A mon tour, mais avec un respect et une douceur religieuse, je le détaille entièrement. Je commence par la racine de ses cheveux bruns aux reflets cuivrés et traversés de fils d'or pur, puis je survole ses yeux aussi verts que l'émeraude et ses lèvres rosées. Ses joues légèrement rosies par le froid qui règne dans ce lieu vide complètent son visage rondelet au teint aussi pâle que la neige. Son corps, recouvert de la lourde étoffe de la robe, a tout de celui d'un enfant. Pourtant, ses doigts fins, son regard et ses paroles n'ont rien de ceux d'une petite fille.
« - Toi aussi, tu es très jolie. »
Je lui dis, même si « jolie » est le terme le plus éloigné de la réalité. Elle est tellement plus que jolie.
« - On me l'a souvent dit... Je suis heureuse que tu me le répète. Cela faisait longtemps que l'on ne m'avait pas complimenté. Ni même parler d'ailleurs. Mais de toute façon, tu ne me vois pas vraiment telle que je suis... J'étais sûrement plus mignonne étant enfant... »
Ses paroles laissent planer autour de nous une douce mélancolie, une profonde nostalgie, des regrets voilés et une faible note de tristesse. Je reste muette alors que les gouttes salées de la faiblesse humaine tracent sillons sur sillons. Je ne veux pas parler. Murmurer un seul mot, articuler un seul son... Ce serait comme briser à tout jamais cet espace de tendresse infinie. Ce serait comme exterminer à coup de masse la porcelaine de cette enfant de cristal. La réduire en morceaux, faire de ce vide un éternel souvenir amer. La signification de ce qu'elle me dit a beau m'échapper, je suis trop concentré sur l'afflux trop important d'émotions dans mon maigre corps. Mes yeux hagards vont se planter dans les siens et le sourire désolé qui étend ses lèvres me brise le cœur.
« - A voir ton regard, tu dois être un peu perdue... Mais ne t'en fais pas. Je voulais seulement te voir. Tu as grandis. Incroyablement grandis. Ta mère serait fière de toi. »
Elle s'arrête, ferme les yeux et inspire un grand coup. Les mots qui sortent de ses lèvres lui coutent énormément. On dirait qu'elle va abandonner. S'arrêter là, ne plus jamais me parler... Inconcevable.
D'un coup, elle reprend tout son courage.
« -Sache que nous serons toujours avec toi Leyla. Nous t'aimons... Oui, énormément. »
Le rêve s'arrête, l'espace se brise, le temps reprend. Elle disparait. Sous mes yeux apeurés, elle me laisse seule, en proie à mon désarroi, à mon incompréhension. Le désespoir me gagne, j'essaie de la rattraper, j'étends bras dans sa direction, juste au moment où la dernière étincelle de sa robe disparaît dans le néant absolu.
Ma main ne rencontrera jamais la douceur de sa peau. Je suis ramenée à la réalité par la froideur rugueuse de la pierre. La pierre dans laquelle est sculptée ma mère.
Rêve et réalité s'entremêlent un instant, avant que je n'ouvre définitivement les yeux. Mes joues sont sèches et le cuir frotte agréablement contre ma peau.
Seules les paroles de cette apparition résonnent dans ma tête, seules preuves que je ne vire pas folle. Seule et unique preuve que je n'ai rien inventé, que j'ai réellement rencontré l'incarnation vivante de tout ce qu'il y a de plus beau sur Terre.
« Je voulais seulement te voir. »
« Tu as grandis. Incroyablement grandis. »
« Sache que nous serons toujours avec toi Leyla. »
Le sens de ces phrases m'échappe encore, mais je sais qu'il y en a un. Une signification que je dois découvrir, pour pouvoir la revoir. Le besoins d'entendre à nouveau sa voix monte en moi, pressant, fiévreux. Je passe ma main dans mes cheveux. Le calme m'envahit d'un coup, vague purificatrice dans cet océan d'émotions contradictoires.
Le sens de ces paroles me viendra le temps venu, parce que pour moi, il n'y a pas de différence entre les différentes pointes. Tout me viendra, naturellement, tels de souvenirs qu'on prend un certain temps à faire ressurgir.
Mes pas me conduisent jusque devant l'auberge. Je suis de nouveau calme, mais la confusion règne tout de même en moi, mère de doute et d'incertitude.
Qu'est-ce qui peut bien m'arriver ?
Sans que je ne le remarque, mon regard se teinte peu à peu d'une lueur violette.
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