Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre ①⓪


Bonsoir les amis ! ^-^

Voici la suite (tant attendue) de Poupée ! Un chapitre full Taekook, ça vous dit... ? ;)


Bonne lecture ~ ♥


********************************


Nietzsche disait : « quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde à ne pas devenir monstre soi-même. »

Je me souviens, quand j'ai commencé à lutter. Ce ne fut pas de tout repos. D'abord, il faut accepter que l'on s'apprête à combattre ; ça passe en premier lieu par un contrat avec soi-même. Suis-je prêt à faire front ? À faire front pour m'en sortir, pour avancer, pour aller mieux ? J'ai mis tant de temps à le signer.

Tant de temps.

Ensuite, vient donc le combat. Et là, Nietzsche a raison. Il n'est pas chose aisée de se friter contre ses démons, plus encore quand les démons dont il est question ont élu domicile au sein de la personne avec qui l'on partage notre quotidien. C'est un rêve qui se transforme en cauchemar, c'est le sourire que l'on croyait si beau, si sain, si bienveillant, qui se casse comme de la porcelaine et dont les éclats nous entaillent.

Ce sont des je deviens fou, des je suis juste parano, pourquoi me voudrait-il du mal ? Ce sont des mais où est-ce que je vais chercher tout ça ? Il essaie simplement de m'aider.

Combien de fois me la suis-je répétée, celle-là ?

Il essaie simplement de m'aider.

— Tout va bien, Jungkook ?

Lutter contre un monstre crée le risque de le devenir soi-même sûrement parce qu'il est difficile de combattre avec une plume lorsque l'opposant brandit une épée.

— Ouais, j'étais dans la lune, c'est tout.

Combien de fois ai-je tenté de me forger une épée ?

— Encore, tu veux dire ? s'étonne Hoseok.

J'en ai dégainé une, une seule fois. Ce que je suis devenu ce soir-là m'a valu tant de culpabilité que j'ai décidé de ne plus jamais laisser personne me pousser à croire que je voulais me munir d'une arme capable de trancher.

— En tout cas, la porte semble toujours autant te faire de l'œil, s'amuse Imani.

Je sors de mes rêveries seulement lorsque celle-ci s'ouvre, mais détourne le regard quand je découvre un jeune couple entrer bras-dessus bras-dessous.

— Tu attends quelqu'un ? me demande Jimin.

— Non. Bon appétit.

Peut-être que lutter contre des monstres commence par ne pas tenir les monstres au courant du début de la guerre. Peut-être que ça leur laisserait le temps de s'armer à leur tour, peut-être, sûrement, qu'ils le sont déjà assez. Armés, je veux dire. Sinon, pourquoi les appellerait-on des monstres ?

Je ne sais pourquoi je ne les préviens pas de l'arrivée imminente de Taehyung. Mais les faits sont là. Je ne les préviens pas.

— Je savais que j'aurais pas dû mettre de la piquante, ça brûle !

— Hoseok, on ne parle pas la bouche pleine.

— Ça te va bien de dire ça, toi...

— Beg your pardon ? s'indigne Imani.

Rire général. Je souris rapidement pour donner l'impression que je suis leur petite blague, mais ma nuque se tord de nouveau vers l'entrée.

Je pourrais jurer que j'ai tout senti.

— Attendez, mais c'est..., murmure Jimin.

De la chaleur qui a gagné mes yeux pour les dilater...

— Bah... Il n'était pas censé ne pas venir ?

— En effet, répond Namjoon.

...À ma gorge qui s'est torsadée quand j'ai essayé d'avaler.

— Jungkook, tu étais au courant ? renchérit le délégué des deuxième année.

Mon attention n'est qu'accaparée par l'autre, cependant, et plus encore lorsque je ne rate pas une miette de la manière dont ses mains, couvertes de gants en cuir brun, replient délicatement un parapluie noir. Son manteau long est de la même teinte que l'objet qu'il arrive enfin à ranger après quelques tentatives plus sèches. Le col de ce dernier est large, rabattu soigneusement sur ses épaules si droites, et aucune écharpe ne m'empêche de voir son cou presque bronzé, habituellement plus blanc, mais biaisé par la lumière tamisée du restaurant.

— C'est cool, il a sûrement pu venir après son rendez-vous ! s'exclame Jimin en dévorant sa pizza.

Il n'obtient aucune réponse. Moi-même je ne saurais que lui dire puisque mon énergie se divise en deux parties ; l'une file dans ma jambe qui tressaute en rythme à en faire trembler la Terre, l'autre réside dans toute l'inclinaison de mon corps vers celui de mon aîné, encore dans l'entrée, qui commence calmement à nous chercher.

Je me retiens de lever la main pour qu'il nous repère plus facilement, geste à la connotation trop amicale, informelle, pour quelqu'un qui m'a repris en début d'année sur les honorifiques à employer.

Ses pupilles scannent l'endroit avec minutie, sans précipitation aucune ni sans un air penaud, perdu, dont l'expression qui en découlerait porterait à croire qu'il se demande mince, où sont-ils ? Je ne les trouve pas. C'est ce à quoi j'aurais eu l'air, si j'avais été dans son cas. Mais pas lui. Il avance tout de même d'un pas pour s'extirper de l'espèce de hall du restaurant italien, et quand sa vue n'est plus obstruée par les décorations lourdes de l'entrée, il nous trouve enfin.

Le noisette de ses yeux, plus intense dans une salle à l'éclairage chaud, reflète cette fois un chocolat qu'il m'est étonnant de découvrir. Entre les tables derrière lesquelles il se tient encore et qui sont les derniers obstacles qui nous séparent, je décèle ses habituels mocassins, bien qu'ils soient d'un modèle différent, ainsi que son pantalon droit, crème, qui contraste durement avec son épais manteau noir. Sa lugubrité détonne dans la pièce aux couleurs de l'Italie, mais il ne fait pas tâche ; au contraire, son élégance élève drastiquement le manque de finesse de cet endroit.

Taehyung slalome entre les tables dans la patience, et j'en profite pour tenter de faire taire ma jambe qui n'a de cesse de sautiller à répétition. Je ne sais pas pourquoi.

Enfin, il nous rejoint. Sa hauteur jette sur la table un peu d'ombre et, soudain, j'ai l'étrange espoir qu'un serveur va venir pour lui tirer la chaise et pour prendre son manteau. Comme si ça paraissait évident, logique, qu'il ait un traitement de faveur quand nous n'avons eu qu'un installez-vous.

— Bonsoir, je vous prie de bien vouloir excuser mon retard.

Sa voix se mêle à son parfum qui n'est pas effacé par la forte odeur de la pizzeria. Les deux se ressemblent étroitement, son timbre grave sans être enroué se marie parfaitement avec la senteur presque florale qui se dégage des mouvements qu'il effectue pour se déshabiller.

— Tu n'avais pas rendez-vous avec Joshua ?

Je manque de froncer les sourcils. Namjoon semble bien connaître monsieur Daniel, pour l'appeler par son prénom. Taehyung s'assied devant moi après avoir plié son manteau qu'il a déposé sur le dossier de sa chaise. J'observe distraitement sa chemise blanche, classique, soigneusement boutonnée, presque jusqu'en haut.

Presque.

— Si. Le rendez-vous a été annulé, il avait à faire.

Du coin de l'œil, je perçois Namjoon boire dans sa coupe de vin rouge qu'Imani a commandé plus tôt, sans répondre. Il ne lâche pourtant pas mon mentor des yeux.

— Bon, Tae, désolée mais nous on avait faim donc on a commandé, intervient Hoseok.

— Je comprends. Bon appétit.

Je le sens avant même que je ne le vois. C'est pour ça que je ne lève plus la tête vers lui pour faire mine de couper ma pizza.

— Bonsoir, Jungkook.

Son attention, qui décide de se déplacer sur moi.

Il a parlé plus bas. Les autres ont repris leur conversation dont j'ignore le sujet, car ils ne sont maintenant plus qu'un bruit de fond. Ma nuque se tend d'une drôle de manière, à mi-chemin entre mon verre et son visage, comme si mes yeux redoutaient de trouver les siens.

— Bonsoir, sunbae.

Je regretterais presque de lui avoir envoyé un message quelques maigres secondes plus tôt parce que, maintenant qu'il est devant moi, je ne peux que prendre conscience d'à qui j'ai envoyé un texto. Comme s'il était un ami. L'embarras me consume.

Pourtant, quand nos regards se croisent, je ne découvre rien de similaire sur ses traits parfaitement tirés. Une fois encore, il n'y a que moi qui ressens ça. Ce frisson de circonspection.

J'ai cru qu'il parlerait encore, mais il se saisit seulement de la dernière carte restante. Nous sommes face à face, à l'extrême droite de la tablée, et bien qu'Imani soit à mes côtés, que Jimin juxtapose également mon aîné, je nous sens drôlement isolés. Pas seuls, mais isolés.

J'avale ma bouchée en observant distraitement ses longs doigts tenir la carte comme si elle pouvait se casser.

— Tu veux peut-être que je te sers ? proposé-je en reprenant enfin contenance.

Je bombe un peu le torse en inspirant, me replace correctement sur ma chaise et force mes épaules à se détendre. J'ai le sentiment de sortir d'un état de transe. Si j'étais seul, je secouerais la tête pour me remettre les idées en place.

— Non, merci. Je reprends le volant pour rentrer.

Ma main, qui s'était déjà tendue vers la bouteille de vin, rebrousse chemin sans timidité. J'acquiesce, puis coupe une part de ma pizza pour la fourrer dans ma bouche. Tandis qu'il parcourt silencieusement les différents plats sur le menu, je ne peux empêcher ma curiosité presque vorace de voguer sur ses mèches si lisses, quoi qu'un peu bouclées quand vient la pointe, qui tombent sur ses longs cils.

Le voir en dehors de l'université est étrange. Pourtant, rien ne change. Peut-être un peu de lâcher prise sur la posture... Non, non, il se tient si bien que je me sens avachi quand bien même je fais un effort depuis qu'il a pénétré dans le restaurant.

— Jungkook ? Je ne sais pas..., entends-je de la voix de Jimin.

— Jungkook, t'as fait une licence de quoi, toi ?

— Hein ?

Je fronce les sourcils en rencontrant le regard d'Imani. Elle sourit quand elle comprend que je n'écoutais pas.

— On parlait de nos licences. T'as fait quoi, toi, après le lycée ?

— Ah. Lettres modernes.

— Vraiment ? J'aurais misé sur les sciences, s'étonne Namjoon.

— J'étais pas encore fan des sciences à ce moment-là. Ça m'est venu plus tard.

Hoseok penche la tête sur le côté.

— C'est peut-être pour ça que t'as raté ton entretien à l'université spécialisée.

Silence.

— ...Et t'as aimé ta licence ? rattrape Jimin.

Trop tard.

— Tu sous-entends quoi, Hoseok ?

J'aurais pu parler plus durement. J'aurais pu parler plus calmement. Je me temporise au mieux, parce qu'il y a mon mentor, que je ne veux pas avoir l'air d'une brute. Mais après tout, n'est-ce pas ce que je suis ? Les filaments de colère qui courent le long de ma peau jusqu'au creux de ma nuque me prouvent que je ne suis qu'une bombe à retardement.

— Bah rien, juste que pour entrer là-bas il faut être super super bon. C'est sûrement des types qui font de la science depuis le lycée qui sont acceptés, explique-t-il avec nonchalance, comme si sa remarque ne pouvait pas être mal reçue.

Mon poing se serre, mes dents grincent dans ma bouche, mais une voix s'élève soudain et me coupe dans mon élan de haine montante.

— Ce n'est pas tellement vrai.

J'aurais voulu clore les paupières pour me calmer, mais ce timbre singulier suffit sur l'instant ; mon attention est détournée de l'autre connard pour se reporter sur le nouvel arrivé.

— Ils ne réclament pas une extrême connaissance. Ni une grande intelligence.

— Alors quoi, si c'est pas ça ? demande encore celui que je vais finir par envoyer dans un mur.

— De la cohérence, je dirais. De l'adéquation entre le sujet et ce qu'ils offrent comme enseignements.

Je baisse les yeux sur mon assiette. Alors, c'est ça ? J'ai manqué de cohérence... ?

— Je crois que la réponse ne plaît pas trop à Jungkook, me taquine Jimin.

— Ne t'en fais pas, Kook, t'es dans la meilleure université du pays ! Bon, c'est pas la plus réputée, mais je t'assure que tu vas plus apprendre ici que nulle part ailleurs ! me rassure Imani.

— C'est bon, j'ai pigé, lâché-je.

Je m'insulte intérieurement après mes mots.

Taehyung est devant toi, putain, calme tes ardeurs.

Ce dernier ne semble d'ailleurs pas très étonné de mes réactions expéditives. N'est-ce pourtant pas la première fois qu'il m'entend parler ainsi ? Il se contente de nous observer à tour de rôle, quand bien même j'ai le sentiment que ses yeux s'arrêtent toujours une seconde supplémentaire sur mon visage. En tout cas, mon comportement ne le secoue pas le moins du monde.

La conversation continue tandis qu'il commande son plat. Des pâtes. Ça me ferait presque sourire ; je n'arrivais pas à l'imaginer manger une pizza.

— Jungkook, je te sers ? m'interroge Namjoon, bouteille en main.

— Allez.

Je tends mon verre. Imani lève les yeux au ciel.

— Je savais que t'étais un alcoolique, mais à ce point...

— Tu peux parler, ton verre est plein.

— Parce que je le sirote, moi, monsieur ! Sérieusement, vous ne savez pas boire.

J'avale une grosse gorgée, amusé de la décomposition de ses traits taquins. Je repose le contenant en me penchant vers elle.

— Je bois comme un homme, souris-je.

Elle me pousse doucement.

— Idiot.

Jimin et moi rions à son insulte. Dans la petite hilarité, je croise les yeux de mon mentor qui patiente silencieusement pour son plat. Je perds quelque peu mon air enjoué quand je constate qu'il nous ignorait plus ou moins puisqu'il est en train d'ôter ses gants, qu'il pose ensuite sur le bord du meuble. Ses bagues fines scintillent sur ses maigres doigts lorsqu'il les abandonne sur le set de table.

Son expression demeure énigmatique face à mes bêtises. Et je me demande pourquoi ça me contrarie.

— Sunbae.

Son visage tourné vers le serveur qui approche ne pivote pas vers moi.

Ses yeux, si.

— Mmh ?

Je pince l'intérieur de ma joue gauche du bout des dents. Ses pupilles sont de nouveau claires maintenant qu'il est proche. Comment peut-on les avoir si intensément noisettes ? Elles virent même à l'orange quand la lumière tamisée du restaurant s'y reflète.

— Tu as fait quelle licence, toi ?

Les autres ne s'arrêtent pas de parler pour nous écouter. Peut-être parce que je parle toujours si bas quand je m'adresse à lui, et peut-être parce que lui parle toujours ainsi.

— Tu n'as pas deviné ?

Mon torse pétille de surprise plaisante après sa réponse inattendue. Je me replace de nouveau sur mon siège pour chasser une drôle de sensation.

— Je pourrais.

Il ne sourit pas, mais ses traits trahissent de la bonne humeur.

— Je t'écoute.

Je regarde vers les autres, comme si l'idée qu'ils puissent nous entendre me déplairait. L'alcool monte, je le sens à cause de la lourdeur agréable dans mon front et la détente presque molle de mes muscles. Je commence à mourir de chaud.

— ...Je sens que je ne dois pas dire sciences.

— Pourquoi cela ?

— Ce serait trop facile.

Nous nous fixons jusqu'à ce que le bras du serveur, qui pose une assiette joliment présentée devant mon aîné, ne nous interrompe. Taehyung le remercie en inclinant légèrement la tête, puis il retrouve mon regard qu'il avait visiblement compris ne pas l'avoir quitté.

Là, il se met à remonter ses manches. Lentement. Je suis hypnotisé par ses gestes, mais mon cerveau tourne à plein régime.

— Trop facile ? articule-t-il, intrigué.

— Je cherche de la cohérence. Comme ce qu'il m'a manqué pour l'université spécialisée, ironisé-je sans mauvaise foi.

— La cohérence voudrait que j'ai effectué une licence scientifique.

— C'est vrai. Alors pourquoi est-ce que ce n'est pas ça ?

— Qui t'a dit que ce n'était pas le cas ?

— Je sais que ça ne l'est pas.

— Alors il va falloir trouver de l'incohérence, dit-il en terminant de retrousser son autre manche.

Je souris d'un air insatisfait en pinçant ma langue du bout des incisives. Il veut pas lâcher le morceau, hein ?

— Tu n'es pas simple, sunbae.

— Je crois l'être plus que toi.

Son parfait répondant me donne envie de renchérir sans m'arrêter.

— Et pourquoi ça ?

— Ma cohérence surpasse la tienne, souffle-t-il.

Là, j'ai peur de saisir ce qu'il sous-entend. Je tente de ne pas me braquer pour comprendre, l'alcool m'aidant à garder cette certaine diplomatie qui ne me ressemble pas.

— J'imagine que c'est pour ça que je suis à l'UG, me lamenté-je malgré tout en déplaçant l'attention sur mon verre vide avec lequel je joue.

— Oui. Parce que la psycho-rigidité des professeurs de l'université spécialisée n'aurait jamais apprécié ton incohérence.

Je relève vivement la tête, le cœur soudain gonflé.

...Ai-je bien compris ?

— Tu veux dire que...

— Photo ! Allez allez, les deux du fond toujours en train de parler boulot, souriez ! Vous êtes filmés !

Taehyung et moi cessons notre échange quand Imani brandit son téléphone haut dans le ciel, afin que toutes les têtes entrent dans le cadre. Son pouce frôle le bouton rouge et, au dernier moment, je surprends mon aîné à reculer légèrement. Le bruit significatif du moment immortalisé retentit, et Imani nous remercie en se réinstallant sans vérifier le cliché.

Moi, je suis si surpris que je n'arrive de nouveau plus à détacher la vue du visage maintenant en retrait, presque fermé, de mon mentor. Dans le mouvement général qui se calme, je croise le regard de Jimin. Confus, étonné.

Mais surtout lourd de sens, et inquiet.

**

— Non, pas de dessert pour moi non plus, je suis archi plein, grimace mon ami.

— Bon, si personne ne prend de dessert, je vais en profiter pour rentrer. J'ai à faire, soupire Namjoon d'un air épuisé.

— On y va tous, alors ? propose Imani.

Après quelques hochements de tête, on se lève de nos sièges confortables pour se rhabiller. Manteaux, écharpes, gants... Je rabats ma chaise sous la table, non sans prendre garde à ne pas trop tanguer. Du coin de l'œil, j'aperçois Taehyung chercher Namjoon du regard. Ce dernier le rejoint, comme s'il était acté que les deux délégués devaient se retrouver à la fin du repas. J'ignore ça malgré mon envie d'entendre ce qu'ils auraient à dire. Imani et Hoseok parlent de toute manière bien trop fort pour qu'on décèle autre chose que leurs éclats de voix.

À la caisse, je suis troisième. Imani paie sa part, puis c'est au tour d'Hoseok. Les mains dans les poches, je fixe le sol qui s'approche et recule comme si je faisais de la putain de balançoire. J'ai bu combien de verres, au juste ?

— T'as vu ça, Kook ? murmure Jimin, tout près de mon oreille.

— Hein ?

— Derrière.

Je me tourne légèrement, et il me faut un temps pour comprendre ce que je suis en train de voir, mais quand c'est le cas, je suis tout-à-fait abasourdi.

— Il a pas l'air bien ou c'est moi ? insiste mon ami.

Taehyung, encore près de la table, est comme épaulé par Namjoon. Ce dernier a la main posée sur le bras droit de mon mentor, lequel a le visage quelque peu tourné, comme s'il évitait à la fois notre attention et l'attention de Namjoon lui-même. Namjoon qui, d'ailleurs, semble lui parler comme s'il le réconfortait.

Ni une ni deux, j'entame un pas vers eux.

— Bonsoir, jeune homme. C'était la quatre fromages pour vous, me semble-t-il ?

Fais chier.

— Bonsoir. Oui.

Tandis que le caissier tape je ne sais quoi sur sa machine, je dois me faire violence pour ne pas rejoindre mes deux aînés plus loin. Est-ce que Taehyung va mal ? Pourquoi ? La fin du repas s'est pourtant bien passée. Il a mangé tout son plat, a de temps à autres participé à la conversation... Il était surtout silencieux, mais je suppose que c'est dans sa nature. Ou alors me suis-je trompé ? Était-il silencieux pour une autre raison ? Si ça se trouve, je n'ai pas remarqué que...

— Monsieur ?

— Ouais, heu, par carte.

Le type me lorgne d'un drôle d'air, agacé par mon manque d'attention. Je me dégage de là dès que j'ai payé sans lui souhaiter la bonne soirée, trop obnubilé par la scène qui se trame un peu plus loin. Mais la scène n'existe plus puisque, à présent, Namjoon et Taehyung font la queue derrière Jimin. Mon mentor a retrouvé son expression d'une écrasante neutralité. Enfin, "retrouvé"... Je n'ai pas vu si ses traits étaient tirés d'une autre manière lorsque Namjoon lui parlait dix secondes plus tôt. Peut-être qu'il a juste eu un moment de faiblesse, ou peut-être que Jimin et moi sommes un peu trop paranos.

Toujours est-il que je ne partirai pas sans lui avoir adressé la parole une dernière fois. Putain, il en est même hors de question. Je veux lui parler. Je ne sais pas de quoi, mais je veux lui parler. Encore.

Encore.

— Bon, je file. On se parle demain, me sourit Jimin.

— Ouais, vas-y. À demain.

— Dors bien.

Il sort. Imani et Hoseok l'attendaient dehors. À travers la vitre, ils me font signe. Je le leur rends mollement avant de me tourner de nouveau vers les deux derniers.

Namjoon paye. Remercie. Me rejoint. Taehyung paye. Remercie. Nous rejoint.

— C'était une bonne soirée. Merci à vous deux d'être venus.

— Merci pour l'invitation, réponds-je seulement.

Mon mentor ne pipe mot. Putain, fais chier. Pourquoi il parle pas ?

— Jungkook, je te dis à bientôt à l'association, me salue Namjoon.

— Ouais, fin... Compte pas là-dessus.

Je n'arrive même plus à le regarder dans les yeux. Je n'aime pas ce que je ressens, je n'aime pas l'ambiance actuelle. Je préférais quand nous étions à table, quand les autres ne nous écoutaient pas, ne nous entendaient pas.

— Tae, à plus. Prends soin de toi.

— Bonne soirée, répond enfin mon aîné.

...Prends soin de toi ?

D'un même homme, nous nous dirigeons enfin vers la sortie. Namjoon nous passe devant, comme souvent, pour ouvrir la porte vitrée et lourde du restaurant. Il nous envoie un dernier sourire en la lâchant, puis disparaît, sauf que je suis un peu trop beurré pour la rattraper. Comme un imbécile, je tente quand même de le faire au dernier moment, mais je ne sais comment j'arrive à m'en sortir pour être de nouveau maladroit ; je la maintiens du bout du pied et du coude, avant de tenter de la pousser, jusqu'à ce que mes yeux à moitié clos ne s'ouvrent promptement.

— Est-ce que tout va bien ?

La chaleur soudaine, dans le bas de mon dos, me paraît être une main qu'on a déposé là dans le cas où je trébucherais, dans le cas où je lâcherais la porte que j'arrive difficilement à maintenir de mon pied. C'est un geste préventif et j'en ai bien conscience ; mon aîné a dû comprendre avec le temps que la maladresse faisait partie de ma personnalité.

Mais c'est juste que ça ne m'aide pas. Ça empire plutôt la situation. Ces quelques doigts qui ont si facilement trouvé ma chute de reins, comme pour servir de soutien, provoquent la disparition de mon habituelle force qui devrait surpasser la sienne, qui surpasse à coup sûr cette foutue porte que je ne parviens pas à tirer.

— Heu... Oui, je... J'ai juste...

Sûrement que c'est aussi la faute de ce souffle chaud, calme, qui s'écrase contre ma nuque et qui me liquéfie sur place, si bien que si je ne me bouge pas tout de suite, toute cette situation risque de devenir étrange.

— Tu as bu, constate-t-il, le timbre bas.

Ce n'est pas un tu as bu qu'il découvre ; bien sûr qu'il m'a vu boire. C'est un tu as bu qui veut dire tu es beurré, un tu as bu qui signifie je ne pensais pas que tu avais bu à ce point-là.

Et ça m'énerve, bon sang, ça me rend dingue que ce soit lui qui m'ait encore demandé si je vais bien, ça me prend la tête, parce que c'était à moi de le faire, parce que je suis du genre à le faire, parce que je suis moins fragile que lui et je le sais, putain. Je n'ai plus de faiblesse, tout ça est terminé, j'ai tant appris, tant mûri ; les est-ce que tout va bien ne devraient plus jamais m'être destinés.

J'inspire profondément, et enfin, tout reprend sa place. Peut-être comme le soir où je l'ai vu seul, dans ce couloir, remettre lui aussi toutes les pièces en ordre.

— Ça va, réponds-je fermement.

Après quoi je tire la porte sans plus aucune peine. Taehyung se doit même de reculer légèrement tant je l'ouvre grand. Mais je ne sors pas. À la place, je rebrousse chemin pour me poster derrière lui, les yeux rivés sur sa nuque droite contre laquelle c'est à mon tour de souffler :

— Après toi, sunbae.

Et je suis satisfait, drôlement satisfait, de l'avoir assez pris de court quand je constate qu'il lui faut cinq bonnes secondes avant de bouger.

— Merci.

La porte claque derrière nous. Dehors, la pluie ne s'est pas arrêtée. Je fourre ma capuche sur mes cheveux légèrement emmêlés tandis que mon aîné se munit de son parapluie, qu'il ouvre pour se couvrir. Il le bascule en arrière pour pouvoir me regarder. Au creux de la nuit noire, je ne le vois plus aussi bien ; seule la moitié gauche de son visage m'est visuellement accessible grâce aux lumières du restaurant qui courent sur sa peau.

Je m'approche d'un pas pour bien l'entendre ; la pluie est bruyante. L'eau fait déjà des ravages sur mes vêtements.

— Je vais y aller avant de me retrouver tremper. Bonne soirée sunbae, à dem...

— Tu habites loin ?

Je me tais un instant. Quand je comprends, je secoue la tête.

— Ça ira, merci, le métro est à deux pas.

— Viens.

Il se tourne et se met à marcher.

...Ok.

— Sunbae, ne t'embête pas pour moi.

Il dépasse trois véhicules pour s'arrêter devant une voiture noire, presque brillante. Elle est sobre, discrète, sans manquer de classe. Je suppose que c'est parce que son propriétaire peut être décrit de la même manière.

— Tu vas tomber malade. Monte.

Je serre les poings dans mes poches. Au-delà du fait que le métro est bel et bien à deux pas, c'est surtout l'idée de me retrouver seul avec lui dans un si petit espace qui me paraît... Dérisoire. Comme si je m'apprêtais à pénétrer dans son intimité.

— Bordel, fais chier, murmuré-je pour moi-même en le rejoignant lorsque je constate qu'il m'attend.

Pire, il me tient la porte. J'évite ses yeux en la contournant pour m'engouffrer dans l'habitacle qui sent le cuir et la vanille. Il claque la portière avec une douceur mêlée à une fermeté qui lui est propre, et je profite qu'il fasse le tour de la voiture pour clore les paupières et me préparer à ce qui va suivre. Je n'étais mentalement pas prêt pour ça, je dois bien l'avouer.

Et pourquoi, au juste ? Je n'ai jamais été impressionné par personne. Jamais. Avec les autres, je suis ennuyé ; parfois, c'est moi-même qui ai l'ascendant, et ça me plaît. Mais avec Taehyung... Avec Taehyung, tout est différent. Je ne contrôle rien, ni mon flot de paroles, ni mes pensées, ni mes gestes souvent empreints d'une grande maladresse. Je déteste ça. Je déteste ça, et pourtant, je suis actuellement dans sa putain de caisse.

Il entre. Je me tends déjà. Après avoir difficilement fermé son parapluie trempé qu'il lâche à ses pieds, mon mentor démarre la voiture.

— Ta ceinture, Jungkook, m'intime-t-il, sûrement parce qu'il a compris que je ne le lâchais plus des yeux.

Je manque de sursauter en m'exécutant, angoissé à l'idée de lui faire perdre plus de temps.

— Tu n'étais vraiment pas obligé, sunbae.

Après avoir ajusté le rétroviseur, Taehyung sort de son créneau, l'œil déjà attentif sur son environnement.

— Je n'allais pas te laisser rentrer seul alors que tu as bu et que tu es trempé.

Je souris discrètement, gêné par cette remarque pour une raison qui m'échappe.

— Je ne suis pas bourré...

— Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Cette fois, je soupire audiblement, et j'ai l'impression que ça l'amuse. Pourtant, il ne sourit pas. Je ne l'ai jamais vu sourire, je crois. Mais je commence à connaître ses expressions qui, parfois, présentent une neutralité erronée.

Il me réclame mon adresse que je lui communique à voix haute, m'étonnant de ne pas entendre de réponse mais de le voir tourner au dernier moment à une intersection qu'il n'avait visiblement pas l'intention de prendre. Sa conduite est si douce et calculée que je ne ressens aucune secousse.

J'ai envie de le regarder. Je me retiens comme je le peux ; je ne veux pas qu'il sache à quel point il m'intrigue. Je vais passer pour un type bizarre, et à ses yeux, j'espère ne jamais l'être.

En métro, il m'a fallu une petite demi-heure pour venir jusqu'ici. Ce qui doit donner vingt minutes en voiture. Je ne sais pas si elles vont paraître rapides ou longues, mais quand l'on croise le centre commercial près du cœur de la ville, je me surprends à penser qu'au moins cinq minutes se sont déjà écoulées et que je n'ai vu que trente secondes passer.

— As-tu avancé ton mémoire ?

Sa voix me surprend. Il y a un petit temps qu'on ne parlait plus. J'en profite pour porter mon attention curieuse sur son visage de profil, dont le nez droit est absolument envoûtant. Chacun de ses traits semble avoir été dessiné dans une tentative de perfection absolue. Comme s'il avait été créé en usine, comme s'il était composé de pièces façonnées par des machines qui obéissent à des codes mathématiques.

— Oui. J'ai tenté une piste pour mêler la philosophie à la physique quantique.

— Laquelle ?

— Pour la dimension amoureuse que j'aimerais explorer, je me suis inspiré du texte d'Imani.

Il hoche la tête.

— L'amour conditionnel, devine-t-il.

— Oui. D'ailleurs, elle m'avait proposé un rendez-vous pour qu'on discute de tout ça, je crois.

— Ça s'est bien passé ?

— Je... J'ai refusé.

Je me pince les lèvres.

— Pourquoi cela ?

— Je ne suis pas certain... Enfin... D'avoir les connaissances et l'intelligence nécessaires pour aider quelqu'un en sciences.

L'ongle de mon pouce gauche pénètre dans la peau de mon pouce droit. À un feu rouge, Taehyung arrête la voiture, et la lumière écarlate se darde sur son visage lorsqu'il le pivote pour me voir. Je monte presque timidement mes yeux vers les siens, sans saisir une nouvelle fois ce qui m'empêche d'agir normalement avec lui.

— Il ne s'agit pas de donner un cours. Je suppose qu'elle songeait davantage à une discussion.

— À quoi ça sert, si je n'ai pas les compétences ?

— À éveiller ta conscience. Parler, c'est apprendre. Tu apporterais beaucoup à Imani, et elle t'apporterait beaucoup aussi.

Le feu passe au vert. Taehyung met un certain temps avant de quitter mon regard dans lequel il a presque appuyé ses propos, comme pour s'assurer qu'ils résonnent bien en moi. Tandis que je réfléchis, il enclenche les essuis-glaces puisque la pluie s'intensifie.

— ...Sunbae.

Il ne répond pas. Il attend que je continue. Du coin de l'œil, j'observe son gant en cuir glisser sur le volant.

— Est-ce que tu as fait une licence de philosophie ?

Silence. Je grimace quand je comprends que c'est manqué, jusqu'à ce qu'il ne se mette à sourire. Mes yeux manquent de s'agrandir. Il sourit. C'est léger, presque prudent... Mais l'ombre d'un rictus traverse son expression interdite.

— Raté.

Je soupire théâtralement.

— Cohérence, Jungkook.

— Mais c'était cohérent !

— Ça ne l'est pas, non.

— Je ne trouverai jamais.

— Tu as déjà trouvé.

Je me fige.

Minute papillon.

— ...Sciences ?

Il sourit de nouveau, et je n'en crois pas mes yeux.

— Sunbae, tu m'as mené en bateau !

— Je n'ai rien fait de telle sorte.

— Tu as dit que... Que...

— Que j'étais plus cohérent que toi.

Mince, c'est vrai. Je plisse les yeux en le considérant d'un œil trahi. Son sourire se fane, mais son expression amusée ne le quitte pas.

— Sciences. D'où ton entrée réussie à l'université spécialisée, je suppose.

— Je le suppose aussi.

— C'était bien, là-bas... ? J'aurais tellement aimé... Enfin...

Je fixe mes mains, qui continuent de se laminer l'une et l'autre de coups d'ongle à répétition. Des petits arcs-de-cercles blancs apparaissent un peu partout. Mes cheveux me démangent.

Taehyung tourne une dernière fois. Nous y sommes. Il garde le silence en s'arrêtant près de mon bâtiment qui, heureusement, n'est pas bien visible dans le noir de la nuit. Je ne voudrais pas que mon mentor constate dans quelle misère je vis. Le véhicule cesse de vrombir, les essuis-glaces s'éteignent.

Enfin, il m'avise. Le manque de lampadaire nous dissimule davantage dans le noir, seuls les feux qu'il n'a pas éteint nous permettent de détacher l'autre de l'ombre.

— C'était cohérent, répond-il finalement, sa voix tombant dans des graves plus intenses encore maintenant que nous abordons un sujet si épineux pour moi.

J'acquiesce lentement. Je crois que je comprends enfin ce qu'il veut dire. Et je dois dire que venant de lui, c'est très agréable. Presque réconfortant.

— Merci de m'avoir raccompagné. J'espère ne pas t'avoir dérangé.

— Je t'en prie.

— Bonne nuit, sunbae.

Il hoche doucement la tête, une seule et unique fois, comme simple réponse. Un instant, je reste accroché aux deux billes noires, parfois noisettes, parfois chocolat, qui me couvent comme la nuit le fait si souvent. Dans cette pénombre, la sclérotique qui les entoure leur donne l'allure de deux étoiles dans l'espace.

— Dix-sept heures demain soir. Ne sois pas en retard.

Je retiens un sourire, opine du chef à mon tour, puis ouvre la portière après avoir détaché ma ceinture. Quand je quitte le véhicule, une sensation de vide aplatit mon cœur, sensation que j'ignore tant elle m'est incompréhensible sur l'instant.

J'aimerais lui adresser encore quelques mots, mais l'incohérence de cette envie me pousse à reculer...



...Afin de l'imiter en m'imprégnant d'un peu plus de cohérence, puisque ce que je ressens, là, tout de suite, peut à l'avenir être susceptible de me coûter.






********************************


Je m'éclate tellement à écrire de tels moments... Les conversations, les regards, la tension... J'adore la romance aaah ! ♥

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre, les amis ? Un peu de prise de respiration avant la suite... ;)


Je n'ai pas grand chose à ajouter, je vous dis à très bientôt pour le 11 (il risque de prendre un peu + de temps à venir puisque je re-plonge en examens jusqu'au 20 janvier...), prenez grand soin de vous, et bon week-end ! ^-^ ♥

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro