- AIDEZ-MOI ! AIDEZ-MOI ! Avait crié l'inspecteur alors que le petit corps inconscient et drogué de Anna Dover était serré dans ses bras.

Un courant d'adrénaline avait fait son chemin dans les veines du médecin de garde aux urgences à cet instant.

Sans plus attendre, elle avait déposé les documents qu'elle avait dans ses mains sur le bureau le plus proche et s'était précipitée à la rencontre de cet homme au visage ensanglanté.

Elle était parvenue à sa hauteur à l'instant où il s'écroulait à genoux, la perte de sang et l'épuisement l'accablant pour de bon. Un autre médecin, le docteur Wilson, était arrivé à peu près en même temps, récupérant la pauvre enfant, cette petite fille disparue depuis des jours.

Une enquête qui avait retenue l'attention de tous dans le comté et fait frissonner un bon nombre de familles.

La gamine enfin en sécurité, l'urgentiste entouré de deux infirmières poussèrent le brancard vers une salle de soin.

Le policier reprenait son souffle alors que la femme en blouse blanche accroupie devant lui maintenait une prise ferme autour de son bras. Il était réellement à deux doigts de s'effondrer.

La nuit avait été agitée aux urgences de Conyers. Qui aurait pu penser qu'une telle histoire puisse avoir eu lieu ici dans cette bourgade plutôt calme ?

La petite blonde récupérait déjà au service pédiatrique, son estomac lavé de toute trace de drogue et son organisme aidé par les médicaments à retrouver un peu de stabilité. Elle avait bien failli mourir cette fameuse nuit. Si l'inspecteur Loki ne l'avait pas retrouvée, elle ne serait déjà plus de ce monde.

Le brun était dans sa chambre à feuilleter le journal du jour affichant les photos de Monsieur Dover et de Alex Jones. L'enquête l'avait poussé dans ses retranchements, faisant ressurgir ses pires souvenirs.

- Bonjour.

Il avait été interrompu dans ses pensées, par la femme médecin qui l'avait soigné il y a deux jours de ça.

- Bonjour, répondit-il.

Il n'était pas très bavard et apparemment pas très à l'aise avec les félicitations et remerciements. Qu'avait-il fait de si spécial, si ce n'est son métier?

La brune s'était avancée dans la chambre, rejoignant son patient assit sur le bord de son lit. Après avoir enfilé une paire de gants, elle avait avec délicatesse retiré le pansement sur le côté de la tête de l'inspecteur.

- Vous avez eu beaucoup de chance, la balle est passée vraiment très près, lui avait-elle dit en l'observant. Le projectile avait coupé la peau juste au-dessus de la tempe. Son œil droit était injecté de sang et un hématome colorait déjà son épiderme.

Il s'était contenté d'un bruit de gorge d'approbation, son tic facial de retour sous la gène.

Le docteur avait simplement refait un pansement propre avant que l'arrivée des deux petites filles et de leur famille n'oblige la praticienne à prendre congé de son patient.

- Prenez soin de vous, inspecteur.

- Merci, avait-il répondu simplement.

C'était plusieurs jours plus tard que Monsieur Dover avait été retrouvé dans la fosse sous la voiture de la tante de Jones, perdant son sang et à la limite de la mort. Mais toute cette histoire était enfin derrière l'inspecteur et il pouvait souffler un peu.

Loki voulait prendre un peu de temps. Son supérieur, le capitaine O'Malley, le lui avait demandé.

Le docteur urgentiste, Mary Cooper, se souviendrait longtemps de cette nuit et des jours qui suivirent, qui avaient mis fin à une semaine de calvaire pour les familles respectives des deux fillettes et la police. Cet inspecteur ténébreux avait marqué son esprit.

La jeune femme marchait en direction de son domicile, ses deux mains fouillant son sac à la recherche de ses clés, son téléphone calé entre son oreille et son épaule.

- Vous êtes bien sur le répondeur de Brie, laissez un message après le bip.

- Brie ? C'est moi, je voulais savoir si tu avais envie de sortir un peu ce soir. Je voulais te raconter comment j'ai encore refoulé John. Rappelle-moi, avait-elle dit d'une voix enjouée. Elle n'était pas de quart cette nuit et ne travaillait que demain après-midi. L'occasion parfaite de sortir boire un verre avec sa meilleure amie et lui parler de tout ça et du ténébreux inspecteur Loki.

Mary était médecin dans la jolie ville de Conyers. Elle avait fait de son métier sa passion. Son amie Brie l'avait toujours soutenue et l'avait encouragée chaque fois qu'elle doutait. Toutes deux étaient inséparables. Amies depuis la maternelle, elles étaient comme des sœurs.

Une fois son trousseau dans ses doigts, elle avait pénétré dans la petite maison qu'elle avait acheté il y a peu. Une jolie demeure typique, mais avec énormément de travaux à réaliser. Certes ce n'était pas un palais, mais c'était chez elle et ça lui suffisait amplement.

La chaleur ambiante fut un véritable délice pour sa peau endolorie par le froid mordant de l'extérieur.

- Minou. Appela-t-elle en entrant. Elle avait un chat ou plus précisément, son chat avait une humaine à son service.

L'animal vagabondait dans la cour à l'arrière de la maison et dans le quartier. Il reviendrait quand l'envie de croquettes sera plus forte que l'envie de conquête.

Mary avait mangé seule et n'avait plus espéré recevoir le coup de téléphone de la part de Brie. Elle devait être occupée. Alors elle s'était couchée et s'était endormie bien vite. Elle n'avait pas réalisé que la fatigue la tenait dans ses bras.

Le téléphone l'avait réveillée en sursaut. Elle n'était pas de garde. Hors de question qu'elle aille travailler cette nuit. Il n'était que deux heures trente-six sur l'écran et l'appel venait de John Wilson. Le John qui s'était fait encore remercié pour son invitation qu'elle avait encore refusée.

Elle fit glisser le curseur sur le signal lumineux vert. Et avait glissé son mobile sous son oreille avant de se rallonger.

- John ?... Répondit-elle la voix vrillée de sommeil. Que veux-tu ? Je ne suis pas de service.

- Mary... Il y a eu un accident.

Elle était parti aussi vite que possible. L'heure sur son tableau de bord lui avait indiqué que tout juste une dizaine de minutes s'était écoulées quand elle avait emprunté la route la menant jusqu'à l'hôpital. Elle ne voyait pas plus loin que son capot à cause de la pluie diluvienne qui s'abattait sur la carrosserie.

Elle était arrivée en trombe, poussée par l'angoisse. John ne lui avait donné aucune explication. Sans aucun indice sur le pourquoi du comment, elle avait garé sa voiture sur la première place qu'elle trouva.

Ses pieds frigorifiés par l'hiver et mouillés par la pluie, elle avait couru à toutes jambes vers la porte d'accès aux urgences, le vent glacial et la pluie brûlant de froid son corps tendu d'anxiété. Les portes s'ouvrirent sur son passage et la luminosité des néons lui fit cligner des yeux.

- Mary ! Entendit-elle. Mais elle n'avait que faire de qui l'interpelait. Elle l'avait vu. Là-bas au bout du couloir, l'inspecteur, accompagné d'officiers de police, d'un médecin urgentiste, John, et d'une infirmière en pleurs.

Non, non, non...

Ça ne pouvait pas arriver. Ce n'était pas possible.

- BRIE ! Hurla-t-elle en panique, les larmes brûlant déjà ses yeux.

L'inspecteur s'était retourné à son appel.

Elle avait couru désespérément, le corps soulevé par son souffle laborieux, l'esprit empli de peur et de visions d'horreur. Son amie, sa sœur, elle avait besoin de la voir. Elle devait la voir et s'assurer que John n'avait pas bien compris et qu'elle allait bien. Que ce n'était pas elle, pas sa voiture.

Non, non, non...

Elle n'était qu'à quelques pas, ses cheveux trempés fouettant son visage, mais elle ne put jamais atteindre la salle dans laquelle était son amie d'enfance.

L'inspecteur l'avait interceptée, la retenant d'un bras resserré autour de sa taille.

- Docteur ! Essaya-t-il de la calmer.

Mary se débattit de toutes ses forces, son corps et son esprit indescriptiblement attirés par la pièce ou les soins étaient donnés à sa sœur de cœur.

- NON, NON ! Hurla-t-elle désespérée. Elle a besoin de moi, elle a besoin de moi!

Elle avait fait ce qu'elle pouvait pour se libérer de la prise du brun. Ses deux mains serrées autour du poignet du ténébreux inspecteur, elle poussait de ses minces forces pour se défaire de son emprise.

L'homme dut passer son second bras autour d'elle pour mieux la stabiliser.

- Vous ne pouvez pas, ils s'occupent d'elle.

La porte s'entrouvrit pour laisser sortir une aide-soignante. À cet instant Mary l'avait vu, le corps désarticulé et couvert de sang, du sang, son sang, rouge et écoeurant, trop de sang et plus encore, elle avait entendu ce bruit, le bruit sifflant et continue d'un moniteur cardiaque, le son plat de la mort et de la fin.

Brie, Brie.

- Non, non, non, s'il vous plaît.
Mary ne luttait plus, le cœur au bord des lèvres, les larmes glissant sur ses joues pâles et froides. Ses jambes cédèrent sous son poids et son chagrin.

Le brun avait dû la retenir plus encore pour éviter qu'elle ne chute et Mary laissa le barrage de ses émotions céder.

Son amie n'était plus, elle était morte, disparue pour toujours. Elle était seule, seule, seule... Elle n'avait plus personne.