42.
YOONGI
Je pousse le personnel sur mon chemin, ignorant les regards insistants rivées sur mes vêtements ensanglantés.
Je me dirige vers l'accueil, soudoyant presque la réceptionniste pour qu'elle accepte finalement de me donner le numéro de chambre de Jimin, l'expression choquée et quelque peu effrayée lorsqu'elle bégaye la précieuse information.
Je dois faire peur, je l'avoue. L'adrénaline des dernières heures ne semble pas vouloir me laisser tranquille, me laissant agité et légèrement agressif.
Je me rue entre les couloirs, évitant un infirmer assez courageux pour oser se mettre sur mon chemin, les intentions toutefois bonnes lorsqu'il me demande si je suis blessé.
Je l'ignore et continue ma course jusqu'à atteindre la chambre 206, le cœur au bord des lèvres lorsque j'ouvre la porte à la volée.
Mes yeux se posent en premier sur le petit corps allongé entre les draps blancs, dans cette pièce stérilisée du sol au plafond. Je constate ses traits détendus, ses mèches blondes tombant devant ses yeux fermés, ses petites mains jointes sur ses cuisses. Il parait tellement paisible que je me détends immédiatement, me concentrant alors sur l'autre personne dans la pièce. Un médecin, d'après la longue blouse blanche et le badge accroché à cette dernière. Il me regarde avec de grands yeux, le stylo en suspension au-dessus de son calepin.
- Tout va bien, monsieur ? s'inquiète-t-il.
Je grogne une réponse positive, m'approchant du lit pour repousser délicatement les mèches de son front.
- Je vous demande pardon, mais êtes-vous un proche de mon patient ?
Le médecin, un bêta d'après son manque d'odeur, me demande, s'approchant prudemment de nous.
Je ne daigne même pas le regarder lorsque je réponds :
- Jimin est mon oméga.
Il doit déceler mon ton possessif, sincère, puisqu'il semble visiblement se détendre.
- Avez-vous besoin d'être occulté, monsieur ?
Je secoue la tête à la négative.
- Ce n'est pas mon sang, j'ajoute, et même si cela ne semble pas rassurer le médecin, il n'insiste pas.
- Comment va-t-il ? Je demande sans quitter Jimin des yeux, continuant mes légères caresses sur ses pommettes. Comme si l'oméga pouvait reconnaître mon toucher même profondément endormi, il penche inconsciemment la tête, appuyant un peu plus sa joue contre ma peau.
Je grogne, de rage, car l'autre côté de son visage est recouvert d'un hématome à l'apparence douloureuse. L'envie de retourner dans ce putain d'entrepôt et d'en finir avec Chan manque presque de me faire volte-face, mais Jimin est tellement plus important.
Je contrôle mon alpha, relevant la tête dans l'attente d'une réponse.
- Votre oméga va bien, le médecin reprend. Ce ne sont que des blessures superficielles, et l'échographie nous à confirmer la bonne santé de votre bébé. C'est un petit battant, il continue avec un léger sourire, comme réellement heureux de m'annoncer la nouvelle.
Attendez. Pause.
- Pardon ? Est la seule question qui me traverse l'esprit.
J'ai du mal entendre.
Le médecin fronce légèrement les sourcils.
- Votre enfant, monsieur. Il va bien, tout comme votre oméga. Jimin aura sûrement besoin de votre aide pour...
- Attendez, je le coupe, réellement ébranlé. Vous devez vous tromper de patient.
La ride soucieuse s'accentue alors qu'il vérifie ses notes.
- Non, ce sont bien les informations inscrites. Park Jimin, 21 ans, enceint de trois semaines.
Une sueur froide me remonte désagréablement la colonne vertébrale, la prise de conscience venant me paralyser de la tête aux pieds.
Le souvenir de notre ébat dans la douche me revient brutalement en mémoire, la seule fois où j'ai osé nous nouer ensemble. C'est ma faute.
Jimin est enceint. De moi. De mon enfant.
Mon enfant.
Mes yeux dérivent sur le visage paisible de mon amant, puis sur ses petites mains posées sur son ventre.
Il le sait. Il le sait sûrement depuis le début, mais ne m'a rien dit.
Pourquoi ?
Un million de questions et de pensées se bousculent dans ma tête, chacune avide d'une réponse qui m'est moi-même inaccessible. Incompréhensible. Impensable.
Mon enfant.
Je me laisse tomber dans la chaise près du lit, les yeux dans le vague et le cerveau tentant en vain d'enregistrer l'information.
- Je vais vous laisser avec votre oméga, le médecin reprend, dont j'avais oublié la présence. Une pointe de culpabilité semble se cacher derrière ses paroles. Il se rend peut-être compte qu'il vient de commettre une erreur.
Il se tourne pour partir de la pièce, s'arrêtant juste avant de franchir cette dernière.
- Hm, il se racle la gorge. J'espère que nous n'avons bien fait d'appeler sa famille...elle est en route, et devrait arriver d'une minute à l'autre.
Je me passe une main sur le visage, reversant la tête en arrière pour la poser contre le dossier. Je ne prends pas la peine de répondre, seulement capable de penser à mon cas, qui semble s'empirer de secondes en secondes.
Le médecin referme discrètement la porte derrière lui, et je reste immobile pendant une bonne dizaine de minutes, les yeux fermés dans l'espoir de calmer mon cerveau retourné par la panique, la culpabilité, la colère.
Contre moi-même, car j'ai été irresponsable. Merde quoi, qu'est-ce qui m'est passé par la tête, à me nouer à lui ? Juste pour le plaisir, et maintenant, on se retrouve avec un gosse sur le dos.
J'ouvre les yeux et bascule en avant, les coudes posés sur les cuisses. Je le regarde dormir paisiblement.
Jimin est enceint.
La pensée s'impose une énième fois à moi lorsque l'oméga s'agite subitement entre les couvertures.
Ses mains sont les premières à bouger, se levant au-dessus de sa tête dans un léger étirement encore endormie, puis ses cils suivent de près, papillonnant deux, trois fois avant de laisser place à deux pupilles dilatées de sommeil.
Je le regarde analyser la pièce, les phéromones teinter de détresses, jusqu'à qu'il croise mon regard, la panique laissant place au soulagement.
Il me lance un faible sourire, qui s'éteint très rapidement lorsqu'il constate mon sérieux. Je vois son expression changer considérablement, des points d'interrogation se dessiner derrière ses grands yeux bruns.
Silencieux, je me lève et me penche pour lui attraper délicatement la nuque. Il se laisse faire, la bouche entrouverte lorsque je l'embrasse.
Je laisse mon autre main caresser doucement sa pommette. Il me semble tellement délicat, fragile, en temps normal. À présent, il semble à deux doigts de se briser entre mes mains puissantes.
Peut-être juste une impression, ou seulement mon instinct d'alpha.
- Pourquoi tu me l'as caché ? Je murmure contre ses lèvres.
L'oméga s'écarte de mon visage, le regard interrogateur. Je pose une main sur la sienne, au-dessus de son ventre.
La réalisation inonde ses traits jusque-là euphoriques, laissant place à un sentiment semblable à...la peur. Pure et dure. Je fronce les sourcils, me redressant dans l'espoir de m'être trompé.
Hélas, j'ai vu juste.
Il redoute ma réaction. Après tout ce que nous avons vécu, il me craint toujours.
L'idée me retourne littéralement l'estomac, installe une gène au fond de ma gorge qui me donne presque envie de pleurer.
- Jimin, je croasse. Par pitié, ne me regarde pas comme ça.
La peur contredit alors la tendresse qui envahit ses yeux, un mélange opposé et singulier, comme si son cœur luttait sauvagement entre ses deux extrêmes.
- Je veux le garder, il murmure d'une toute petite voix, comme s'il s'attendait à ce que je le lui interdise.
La façon dont il me supplie du regard m'ouvre un peu plus le cœur.
Ö combien j'aimerais le rassurer, je suis incapable de lui promettre ce qu'il veut entendre.
Je le regarde sans pouvoir parler, ou plutôt ne sachant pas quoi dire.
Finalement, je me redresse en me passant une main sur le visage, essayant d'en chasser l'épuisement.
- Laisse-moi du temps, je murmure alors, incapable de faire mieux.
L'oméga baisse des yeux larmoyant sur son ventre, la lèvre avancée dans une moue absolument adorable.
Au même moment, la porte de la chambre s'ouvre à la volée, pour laisser apparaître deux bêtas complètement paniqués.
La mère de Jimin se rue sur son fils, pour s'arrêter net devant le lit et lui prendre délicatement le visage entre ses doigts fins.
Jin la suit de prêt, ignorant royalement ma présence.
- Mon bébé, sa mère geint en constatant ses yeux emplis de larmes.
De larmes dont je suis le responsable.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? la voix de sa mère se brise lorsqu'elle constate le bleu sur sa joue.
Jin se tourne soudainement dans ma direction, les yeux aussi tranchants que des dagues.
- Jin, murmure Jimin en constatant l'état de pure rage de son frère.
Mais le bêta semble être consumé par cette dernière, si bien qu'il ne réfléchît pas à deux fois avant de se ruer sur moi.
Malgré sa carrure plus imposante, c'est sans difficulté que j'esquive son d'attaque. Épuisé, je décide de mettre prématurément fin au combat, faisant pivoter Jin sur lui-même pour le plaquer contre le mur le plus proche.
Le bêta se débat de plus belle, alors j'attrape ses bras d'une main pour les croiser dans son dos, appuyant ma main de libre entres ses omoplates pour l'empêcher de bouger.
- Putain, Jin siffle, accompagnée d'un halètement surpris derrière nous.
- Calme-toi, s'il te plaît, je le supplie presque, profondément dépassé.
- Tu devais le protéger, il crie sans prévenir, me regardant par-dessus son épaule. Regarde-le. Il va finir par se faire...tuer, sa voix se brise sur ce mot, se remémorant sûrement des souvenirs douloureux de son père. À cause de toi, il finit avec un sanglot à peine caché.
Ses paroles me glacent le sang, car oui. Jimin aurait pu mourir aujourd'hui.
Et l'idée m'est juste impensable. Insupportable.
Je lâche le bêta lorsqu'il semble calmé, pour aussitôt me diriger vers la porte.
Une voix m'en empêche, féminine et autoritaire lorsqu'elle claque :
- Pas si vite, jeune homme. La fuite n'est pas une solution. L'oméga dans ce lit est le tien, et nous sommes sa famille. Nous avons droit à des explications.
Je considère pendant une seconde à l'ignorer, jusqu'à me rendre compte qu'elle dit vrai.
- Nous vous devons tous les deux des explications, me défend Jimin, et sa mère hoche vigoureusement la tête.
- On vous écoute, elle répond avec tout le sérieux du monde.
Après un dernier raclement de gorge nerveux, Jimin se lance en premier. Je décide de rajouter quelques détails entre ses explications, refusant toutefois de regarder qui que ce soient dans les yeux. Nous leur confions pour la morsure, Chan, ses projets, ma réponse et sa chute. Les confessions deviennent difficiles quand nous arrivons à la partie du kidnapping, pourtant nous n'omettons aucun détail.
- Et... continue Jimin, la voix voilée de doutes. J'ai eu peur, à ce moment. Car, uhm, j'avais peur qu'il blesse mon bébé. Mon...notre futur enfant, il continue en posant une main contre son ventre.
Je baisse la tête, ne préférant pas voir la réalisation envahir les visages.
- Jimin...tu...vous...un enfant ? Sa mère bégaye, l'émotion lui ôtant les mots de la bouche.
- T'es enceint ? Continue Jin, ahurie.
Jimin hoche doucement la tête, la confirmation arrachant un sanglot à sa mère.
- Je vais être grand-mère, elle murmure, le choc engravé sur son visage.
Ses émotions semblent tellement intenses qu'elle flanche, se rattrapant de justesse au lit. Jimin se redresse précipitamment pour la rattraper, Jin prenant le relais la seconde d'après pour l'aider a s'asseoir dans le fauteuil le plus proche.
- Vous voulez le garder ? nous demande Jin.
Je détourne le regard, à court de mots pour exprimer mes désirs sur le moment.
- Nous allons y réfléchir, reprend Jimin avec un petit craquement de voix.
Un silence religieux s'installe dans la pièce, puis après quelques secondes :
- Vous êtes tellement jeunes, murmure Jin, plus pour lui-même, mais nous avons entendu.
Jimin laisse échapper un souffle tremblant.
- Je crois que je suis prêt, prononce l'oméga d'une petite voix, le ton tellement sérieux qu'il sonne comme une promesse.
- Je serais-là pour vous aider, enchaîne la mère de Jimin, sans une once de doute.
Jimin hoche la tête, toute la reconnaissance brillant dans ses yeux lorsqu'ils les posent sur sa mère.
- Je sais pas, perso, murmure Jin. Quoi ? il s'excite lorsqu'il croise le regard réprobateur de sa mère. J'aime pas les gosses, moi.
Jimin rigole doucement, sachant mieux que quiconque que sa réflexion n'est pas à prendre au sérieux. Son frère a toujours été là pour lui, et ce n'est pas près de changer.
- Jimin, reprend ce dernier avec subitement beaucoup de sérieux. Promets-nous de ne plus jamais nous cacher de telles choses.
L'oméga hoche vigoureusement la tête, avec toute l'honnêteté dont il est capable. Jin n'a pas besoin de parler pour me faire comprendre le message, lorsqu'il pose ses yeux sombres sur moi.
- Promis, je dis simplement, tellement soulagé de ne plus avoir le fardeau du mensonge sur mes épaules.
Sa famille reste pendant des heures, pendant lesquelles la mère de Jimin ne peut s'empêcher de babiller à propos du bébé. O combien il sera mignon, beau. Aura-t-il le regard dure de son père, ou le regard doux de l'autre. Héritera-t-il des bonnes joues de Jimin, ou la mâchoire tranchante de Yoongi ?
De quel sexe sera-t-il ? Quel sera son nom ?
Des questions sans réponses qui ont finis par me mettre tellement mal-à-l'aise que j'ai quitté la chambre. Je me suis promené entre les couloirs stérilisés, puis j'ai contemplé la machine à café jusqu'à que toute la frustration accumulée ses dernières heures soit de trop et que je finisse par donner un grand coup de poings dans cette dernière.
Je pouvais sentir le regard des quelques personnes présentes sur moi, qu'ils ont aussitôt détourné lorsqu'ils ont croisé mon visage déformer par la détresse.
Je soupire, et me commande un café, soulagé en constatant que je n'ai pas fait trop de dégât au matériel.
Je finis par m'asseoir sur une chaise, dans la salle d'attente étrangement vide. Je passe une bonne heure assis seul, à siroter mon café alors que les pensées se bousculent.
Pourtant, parmi-elles, une seule retient mon attention.
Qu'est-ce que mon grand-père m'aurait conseillé de faire ? Lui qui savait toujours me guider vers la décision la plus sage, la plus bénéfique.
M'aurait-il conseillé de faire partie de la vie de cette enfant ?
⋅•⋅⊰∙∘☽༓☾∘∙⊱⋅•⋅
Les jours qui ont suivi ont été les plus éprouvants de ma vie. Entre la grossesse de Jimin, la situation avec la chan, et la meute, je n'ai eu aucun temps de libre pour me poser et réfléchir.
Car Chan s'est retiré de la meute, et de ma vie, lui valant un nombre important d'insultes et d'alphas mécontents le traitant de lâche.
Je me suis également fait insulter, lorsque j'ai annoncé publiquement que je reprenais mes droits de mâle-alpha. Avec Jimin à mes côtés.
J'ai instauré des conditions, cependant. Les relations alpha-oméga seraient à présent autorisés au sein de la meute. Comme prévu, ma déclaration a engendré des milliers de protestations, mais surtout, beaucoup de départs...des famille puissantes et conservatrices, qui ont préférées quitter la meute plutôt que d'accepter de telles absurdités. Leurs mots, pas les miens.
Ce qui était inattendu, cependant, est la quantité impressionnante de remerciement et messages de soulagement qui ont accueilli la nouvelle. Des familles entières se sont dévoilées au grand-jour, jusque-là obligé de cacher leur relation avec leurs oméga, de peur de se faire expulser de la meute et déshonorer à tout jamais.
Ils étaient reconnaissants que la meute abandonne finalement cette tradition que la plupart ont qualifiée de ridicule et de dépassé.
Namjoon m'a épaulé durant toute cette période, se chargeant de traduire mes mots en discours de qualité, en discours de leader. Je suis allé jusqu'à le nommer comme bras-droit. Je lui fais confiance, et je ne voyais personne d'autre tailler pour ce rôle.
Et puis...mes parents. Ils ne se sont pas prononcés suite à ma décision. Je m'attendais à une réaction violente de leur part, peut-être des insultes, voire un déshéritage.
Mais ils sont restés totalement silencieux.
Et ce silence est d'autant plus inquiétant.
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