JIMIN 

Les ongles plantés dans mon jean, anxieux et impuissant ainsi ceinturé au siège arrière de la voiture, je ne peux qu'observer le changement progressif subi par le paysage autour de nous. Les étendues de sable de Busan laissent place au gouffre sombre et suffocant qu'est le cœur de notre pays. Un cœur bien triste, si vous voulez mon avis. Le soleil de ma ville natale me manque déjà : les rayons gorgés de bienfaits sont une denrée rare par ici, dévorés par les lourds nuages de pollution qui surplombent perpétuellement cette jungle de goudron.

Nous croisons bientôt les premiers buildings de Séoul, ces géants de verre et d'acier qui semblent nous observer depuis leur trône dans les nuages. Je sens l'anxiété grandir à chaque nouvelle rue que nous dépassons. Il y a trop de circulation, d'intersections, et de recoins dans cette ville pour que je puisse m'y sentir à l'aise. J'espère sincèrement que ma vie étudiante sera plus prometteuse.

Le dispositif sonore annonçant l'ouverture des portières m'extrait de mes pensées. Avec une pointe d'appréhension, je relève la tête vers l'immense bâtiment de l'université nationale des arts de Corée, ma nouvelle maison pour les quatre années à suivre.

- Jiminie, c'est ton rêve qui t'attend. Ne fais pas cette tête.

Jin, mon frère, assis côté conducteur, tente de me rassurer. Je croise son regard à travers le rétroviseur, et l'encouragement silencieux qu'il tente de me communiquer fait étrangement son effet.

Il a raison. C'est ton rêve d'enfance, Jimin. Reprends-toi.

J'ouvre la portière, mon élan de courage venant aussitôt percuter un corps la seconde où je pose les pieds sur le trottoir.

- Mamaaan..., geignis-je en la repoussant gentiment.

- Désolée, soupire-t-elle en se reculant, lissant les pliures de son chemisier de ses doigts fins. Je veux juste profiter de toi avant de devoir te dire au revoir. 

En temps normal, je me serais senti coupable de lui refuser un câlin, chose que je fais peu, même du haut de mes vingt ans. Mais je suis incapable de ressentir autre chose qu'une appréhension grandissante, bien que l'excitation à l'idée d'être si proche de mon rêve soit dominante. J'agrippe des deux mains la valise tendue par mon frère, et initie courageusement le premier pas vers mon futur.

J'agrippe des deux mains la valise que me tend mon frère et initie courageusement le premier pas vers mon futur.

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Je m'arrête devant la chambre 146, vérifiant mon portable une énième fois pour confirmer mes souvenirs. Mon frère soupire, perdant sûrement patience devant ma prudence, avant de toquer sans ma permission. Je le pousse sur le côté, ahuri. Il hausse un sourcil : 

- Ba quoi ? Il hausse un sourcil. Tu as déjà vérifié ce foutu message une quinzaine de fois. Je parie que tu peux même le réciter par cœur.

Bien trop agacée pour prendre la peine de répondre, je détourne le regard au moment où un jeune homme brun absolument magnifique ouvre la porte.

- Hey. Tu es Jimin, n'est-ce pas ? demande t-il, un sourire étrangement rectangulaire complimentant son visage à la foi enfantin et masculin.

J'en perd la parole un instant, parce que cet homme possède une aura juste époustouflante. Il penche la tête, les yeux curieux et un poil malicieux, et je confirme ses suppositions avec un sourire béat.

Je vais partager ma chambre avec un mannequin, ou bien ?

- Oui, et toi, tu dois être Taehyung, c'est bien ça ?

Il hoche vivement la tête, ce sourire rectangulaire toujours plaqué sur son visage parfait.

Il a beau être un Oméga, il n'a pas l'air d'un petit être fragile et sans défense, conditionné à se soumettre aux moindres caprices d'un Alpha. Sa prestance est aussi imposante que celle des Alphas que j'ai pu croiser dans les couloirs de l'université en me rendant au dortoir des Oméga. À vrai dire, je me doutais que Taehyung n'était pas timide vu la facilité déconcertante avec laquelle il échangeait par message, comme si nous étions amis depuis des années. Après avoir été affecté avec un camarade de chambre par l'université, j'avais reçu un message d'un certain Taehyung et avais appris plus tard que nous allions être colocataire sur le campus de l'université. À savoir comment il a obtenu mon numéro, je n'en ai aucune idée.

J'entends Jin pouffer derrière moi, puis s'avancer pour poser un bras nonchalant contre le cadrant de la porte. Il prend appui contre la chambranle et se penche vers Taehyung. Il le surplombe de quelques centimètres, combien même la taille raisonnablement grande de Taehyung.

Je maudis chaque jour ma petite taille, qui me vaux toujours quelques moqueries de la part de mon frère. Il ne manque jamais d'utiliser cet argument contre moi chaque fois qu'un désaccord s'érige entre nous, me comparant à un microbe et utilisant son statut de bêta pour me faire perdre la bataille. Ça marche rarement, cependant. Je peux aussi avoir mon sale caractère.

- Tiens, tiens...L'alien, s'exclame Jin, un rictus amusé relevant les coins de ses lèvres charnues.

Taehyung fronce les sourcils, la surprise laissant rapidement place à une moue moqueuse.

- Mais qu'est-ce que tu fais ici, l'alpaga ?

- J'accompagne simplement mon frère ici présent. Quelle chance il a de t'avoir comme colocataire, Jin ricane en portant une main fine à ses lèvres. Notez bien une ironie non cachée derrière son compliment. 

J'observe la petite confrontation silencieusement, perplexe.

Ma mère se racle la gorge, avant de pousser mon frère sur le côté pour atteindre Taehyung et prendre ses grandes mains dans les siennes.

- Je te confie mon fils, Chère Taehyung. Je compte sur toi pour prendre soin de lui.

Taehyung serre ses mains dans les siennes, pas le moindres du monde gêné de ce soudain contact étranger.

- Maman, arrête. Je souffle, gêné.

En tant que seul oméga de la famille, cette dernière s'est toujours sentie obligée de me protéger des Alphas et autres potentiels dangers, et que je doive vivre seul ne rassure aucunement ma mère.

Le rictus moqueur de Taehyung est remplacé par son fameux sourire rectangulaire. 

- Ne vous en faites pas, Madame Park, je veillerais sur Jimin.

Mon frère entreprend de décharger mes affaires de ses larges épaules pour les déposer sur le lit vide. La chambre est suffisamment grande pour comporter deux lits simples, deux bureaux et des étagères murales pour ranger les affaires personnelles. Une décoration simple, quelque peu colorée, moderne et efficace comme le reste de l'université. Malgré la simplicité de cette chambre, le loyer est exorbitant, mais ma mère avait absolument tenu à me payer un logement étudiant sur le campus, argumentant que je serais ainsi en sécurité entre les murs de l'université.

Les yeux curieux de ma mère inspectent chaque recoin de la chambre, s'attardant un peu trop longtemps sur un petit sachet brillant sur la table de chevet de mon voisin. Les joues brûlantes, je détourne le regard et pousse ma mère vers la sortie.

Je la serre dans mes bras lorsqu'il est temps de nous dire au revoir. Je ne suis plus un enfant, mais cela ne m'empêche pas d'être très proche de ma famille. Et depuis la mort de mon père, je suis devenu presque dépendant de leur présence.

- De toute façon, s'il y a quoi que ce soit, tu peux appeler ton frère.

Ce dernier hoche la tête et ébouriffe mes cheveux platine.

- Oui, je ne suis jamais loin.

Jin est étudiant en dernière année dans la même université. Pourtant, son besoin de liberté et d'indépendance l'avait poussé à choisir une colocation en centre-ville dès la première année.

Un dernier bisou, et un grand signe de main de la part de Taehyung plus tard, et la porte se referme sur ma famille, me laissant finalement seul avec mon colocataire. Le silence retombe dans la pièce alors que je pousse mes affaires de mon côté de la chambre et entreprends de ranger mes affaires dans les tiroirs sous le lit. Plus vite, je m'installerai, plus vite, je me sentirai chez moi, non ?

- Jin est ton frère, s'exclame-t-il, comme s'il avait du mal à se faire à l'idée.

- Oui, et vous vous connaissez d'ailleurs ?

Taehyung ricane avant de se laisser tomber lourdement sur son lit.

- Mmh, il est colocataire avec mon ami Hoseok.

- Tu n'as pas l'air de le porter dans ton cœur.

Il hausse les épaules et ferme les yeux.

- Tu es arrivé quand ? Je lui demande en pliant mon pull préféré pour le ranger dans le grand tiroir.

- Il y a trois jours, j'avais trop hâte que tu arrives. Je commençais à me sentir un peu seul.

Je me relève et hausse un sourcil. Je ne suis pas très sûre de l'exactitude de sa dernière phrase, vu le contenu de sa table de chevet.

Je finis de ranger mes affaires sous le regard curieux de Taehyung.

- Tu viens à peine d'arriver, et tu as déjà tout rangé. Tu es incroyable.

Je pouffe et avise ses valises sans dessus-dessous.

- Tu veux un coup de main ?

Il tourne vivement la tête vers moi et m'éblouit de son sourire rectangulaire.

- Alors là, je ne vais pas dire non.

On s'accroupit tous deux devant sa valise, et j'entreprends de plier un t-shirt complètement froissé.

Il attrape un caleçon vert avec des dinosaures, l'attention tournée sur mes mains pour tenter de prendre le coup de main. Je garde les yeux rivés sur ma tâche de mon côté, concentré pour me retenir d'exploser de rire.

- Désolé, je vais ranger moi-même mes pyjamas, il ricane en attrapant un autre caleçon, cette fois bleu avec des petits canards jaunes.

Je m'étrangle avec ma salive, hilare. 

- Dit-moi pas que tu vas dormir avec ça ? Je m'exclame en avisant la caleçon dans ses mains.

Il hausse les épaules.

- Je dors toujours en caleçon... mais dit moi si ça te dérange, je ferais un effort.

Avec un clin d'œil, il sort un autre caleçon avec des têtes en forme de cœur et l'écriture « TATA » écrit en gros sur les fesses.

L'absurdité du caleçon me fait exploser de rire sans que je puisse m'en empêcher. Il fait mine d'être blessé, une main posée contre son cœur.

- Serais-tu en train de te moquer de mon caleçon fétiche, Jimin ?

Son expression et l'absurdité de la situation me font rire d'autant plus fort, obligé de me tenir le ventre des deux mains. Je secoue la tête une fois calmé, les larmes de mon précèdent fou-rire m'obstruant la vue.

- Jamais je n'oserai me moquer de tata, le caleçon fétiche, je me défends en secouant les mains devant moi.

Nous rigolons encore un moment, accroupie devant les valises, Taehyung sortant sa collection incroyable de caleçons loufoques et moi rigolant de plus belle à chaque nouvelle découverte. Décidément, nous venons seulement de nous rencontrer et je suis déjà pris d'un des meilleur fou rire de ma vie. Je me demande ce qu'il me réserve, ce petit Taehyung.

Mais si seulement je savais...