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X ― Etoile brûlante









✧・゚: *✧・゚:*  Chapitre X *:・゚✧*:・゚✧

Etoile brûlante










Sur Nova Roma, même la pluie avait une odeur artificielle.

L'averse avait surpris Saxa durant son jogging matinal et ce qui n'était qu'une petite bruine s'était transformée en véritable déluge. A ce moment-là, Saxa terminait à peine son vingtième tour du Parc Saturnal, en train de longer les rosiers du sentier central, ses doigts errant le long des pétales colorés qui indiquaient la route à suivre. Elle regrettait désormais de ne pas avoir écouté Senmout.

A la fin de la dernière journée d'essais de présaison, son directeur lui avait conseillé de prendre au moins deux jours de véritable repos avant de reprendre l'entraînement en compagnie d'Amunet et Avad. Saxa n'avait pas voulu rompre son petit rituel matinal ni échapper à une occasion de découvrir ce quartier de la ville avant l'heure de pointe — elle savait désormais qu'il n'y en avait pas. Nova Roma ne cessait jamais de vibrer.

Priam était censé l'accompagner, du moins l'avait-il affirmé la veille au dîner. Au bout de dix minutes à l'attendre devant sa chambre et après avoir frappé contre la porte une dizaine de fois sans réponse, Saxa en avait déduit qu'il ne viendrait pas. Sans le savoir, le sommeil de plomb du jeune garçon l'avait épargné d'une rincée de pluie chargée de pollution. Avoir un compagnon à sa mésaventure aurait pourtant aidé la pilote à mieux l'affronter.

Livrée à elle-même dans cette mégapole qu'elle connaissait peu, Saxa essayait de se souvenir du chemin suivi à l'aller, avec l'espoir de trouver un abri sur la route. Difficile de reconnaître les rues quand toutes se ressemblaient, encore plus avec le rideau de pluie qui brouillait sa vision. La jeune femme était cependant certaine d'avoir traversé ce pont qui surplombait ce qu'elle identifiait comme un marché nocturne, ses étals bien mieux protégés qu'elle ne l'était.

Ses vêtements de sport lui collaient à la peau, ses chaussures lui donnaient l'impression d'avoir trempé dans un fleuve gelé. Saxa craignait de glisser au moindre faux pas et de s'étaler contre le métal sous ses pieds, histoire que sa matinée soit bel et bien gâchée. Elle parvint à garder l'équilibre jusqu'à l'autre bout du pont et lâcha un soupir de soulagement à la vue de ce qui semblait être une traverse couverte.

Elle accéléra le pas pour limiter les dégâts et courut le sprint de sa vie jusqu'à entrer dans l'abri des arcades. Ses joues rougies par le froid et l'effort, elle s'appuya contre un pilier pour reprendre son souffle. L'ondée ne semblait pas dissuader les urbains de sortir de chez eux. Les voies aériennes et terrestres paraissaient aussi embouteillées qu'un jour de grand soleil, leurs phares comme des yeux de chimères inquiétantes entre les vagues de brouillard. Quelques piétons audacieux affrontaient les intempéries sous leurs drones-parapluie ou leurs manteaux imperméables, bien maigres boucliers contre la fureur des éléments.

Saxa jura au nom de cette pauvre Minerve lorsque sa tentative d'essorer ses cheveux tressés se termina avec encore plus d'eau sur ses chaussures. Elle se redressa, une joue gonflée d'agacement et remarqua qu'elle partageait son refuge avec un autre malheureux surpris par la pluie.

Bien que des lunettes de soleil recouvraient ses yeux, Saxa reconnut les traits du visage et les boucles rousses, bien aplaties par les trombes d'eau, d'Eneas Menoitos. Comme elle, il portait des vêtements légers : un short gris au tissu absorbant qui gouttait encore et un haut sans manche équipé d'une capuche loin d'être adaptée à la situation. Ses doigts jouaient avec une chaîne d'argent autour de son cou, au bout de laquelle se balançait un pendentif en forme de trident. La tête tournée vers l'extérieur des arcades, il n'avait toujours pas noté la présence de sa collègue aurige.

Un peu soulagée de ne pas être seule dans la panade, Saxa décida de se faire remarquer. Sa voix résonna dans l'enceinte de la rue couverte :

— Toi aussi tu as fait l'erreur de penser que c'était le bon moment pour aller courir, Menoitos ?

Sa question le fit presque sursauter, comme si la voix de Saxa brisait une sorte de transe contemplative dans laquelle il s'était enfermé. La jeune femme capta le léger tremblement de son corps alors qu'il se tournait, les deux mains refermées autour de son pendentif. Ce n'est qu'après avoir reconnu sa locutrice que son expression se détendit et qu'un sourire se dessina au coin de ses lèvres.

— Il faut croire. La météo de l'Hémisphère Sud est parfois très capricieuse, surtout en cette saison. Au moins, on y a échappé durant les essais.

Cela aurait été intéressant de tester les performances du monoplace en conditions pluvieuses, mais Saxa partageait son avis. Elle préférait voler au sec.

Saxa se rapprocha un peu de lui pendant qu'elle se frottait les épaules pour se réchauffer un peu. De son côté, Eneas retira ses lunettes dans l'idée de les essuyer avec le tissu de son haut. Il se ravisa quand il réalisa l'inutilité de la chose. Il devrait attendre de s'être séché.

Saxa n'y avait pas porté attention au premier abord mais cela la fit soudain tiquer :

— Tu portes des lunettes de soleil par ce temps, toi ?

L'aurige ricana, ses mains occupées par les fameuses lunettes qu'il s'amusait à faire tourner entre ses doigts.

— C'est pour éviter qu'on me reconnaisse et qu'on me demande encore de signer un truc bizarre. La rançon du succès, badina-t-il.

Eneas allait pour reposer la paire de verres solaires sur son nez mais il arrêta son geste devant la grimace dubitative de Saxa — et de quels "trucs bizarres" parlait-il au fait ?

— Ça te donne surtout l'air encore plus suspect, si tu veux mon avis, confessa Saxa.

Le pilote laissa échapper un « eh » vexé avant de ranger l'objet dans sa poche. L'expression boudeuse d'Eneas ne tint pas plus de quelques secondes avant que le rictus amusé de Saxa ne le fasse craquer. Sourire semblait aussi naturel pour lui que râler l'était pour Senmout.

Les deux auriges attendirent quelques minutes mais l'accalmie tant espérée ne voulait pas montrer le bout de son nez. Sur Ephèse, les giboulées de la saison humide se faisaient brèves pour la plupart. Certains jours, elles pouvaient se montrer aussi destructrices qu'un brasier forestier. Sur la Planète-Capitale, la pluie mêlait violence et durée, et à force de rester immobile, des tremblements de froid secouaient le corps de la jeune femme.

A deux semaines du premier Grand Prix de sa carrière en série alpha, il s'agissait de ne pas tout gâcher.

— Tu penses que ça va s'arrêter quand ? demanda-t-elle à son compagnon impromptu.

Eneas haussa les épaules, le regard perdu au loin dans le paysage urbain et pluvieux. Il avait recommencé à tripoter son collier.

— Je ne sais pas, le bulletin météo du canal central n'avait même pas annoncé la pluie aujourd'hui. Heureusement que les prévisions de nos ingénieurs sont plus fiables.

L'équipement de pointe employé lors des courses n'empêchait pas les mauvaises surprises pour autant, mais en effet, la plupart du temps, les prévisions tombaient juste.

Eneas se pencha vers Saxa pour lui donner un petit coup de coude. Il se laissait déjà aller à un peu plus de familiarité entre eux, ce qui ne déplaisait pas à la pilote. Elle préférait cela à un Avad toujours très distant.

— Déjà pressé de te débarrasser de moi, Caecilia ? s'enquit-t-il.

— Quoi ? Non !

Elle sentit le rouge lui monter aux joues face à Eneas, satisfait de la réussite de ses taquineries.

— C'est juste que je veux rentrer me mettre au chaud, avoua-t-elle.

Saxa se demandait comment Eneas pouvait ne pas partager cette envie alors que ses bras se trouvaient exposés à l'air froid et humide. Peut-être avait-il plus l'habitude de ce genre de climat ? Entre Naepolis, Sérifos puis Ephèse, Saxa avait surtout connu la lourdeur des fortes chaleurs.

A côté d'elle, Eneas poussa un soupir résigné.

— On a plus le choix, alors. On doit courir jusqu'à l'hôtel.

— Tu veux encore courir sous la pluie ? soupira la jeune femme, peu emballée.

— Si on veut attendre que ça s'arrête, on en a possiblement jusqu'à demain, sans exagération. L'hôtel est juste un peu plus loin après ce pont, là-bas.

Saxa regarda dans la direction qu'il pointait du doigt. Elle reconnaissait bien l'enseigne de fleuriste aux néons roses qu'elle avait aperçue durant le trajet jusqu'au parc.

— En courant, on devrait y être en... quatre, cinq minutes, évalua Eneas. Enfin, basé sur mes performances personnelles.

La pointe d'arrogance dans la chute de sa phrase n'échappa pas à Saxa. Elle pencha la tête sur le côté, bras croisés.

— Parce que tu crois que je suis plus lente que toi quand je cours ?

— Et bien, c'est ce qu'on va voir. Voyons lequel de nous deux arrive le premier.

Saxa ouvrit de grands yeux surpris.

— Tu veux qu'on fasse la course jusqu'à l'hôtel ?

— Quitte à se tremper jusqu'aux os, autant s'amuser un peu. Ne me dis pas que tu n'aimes pas les défis, Caecilia.

En effet, vu sous cet angle... Et Eneas visait juste, Saxa ne refusait jamais un défi, surtout lorsque celui-ci impliquait de montrer qu'elle était la meilleure. Cela avait d'autant plus de poids face à un aurige comme Eneas, même si la course à pied n'était pas leur type de course préféré.

— D'accord, on fait ça.

Elle resserra l'élastique de sa tresse et la rejeta en arrière, son regard fixé vers l'enseigne aux lueurs rosées et juste derrière, la silhouette de l'hôtel qui se devinait à peine. Elle se mit en position dans une imitation grossière d'un coureur debout sur la ligne de départ que représentait la limite du toit des arcades. Eneas se plaça à côté d'elle, le regard assuré.

— Prêt à perdre, Menoitos ? lança Saxa.

— Rattrape-moi si tu peux, Caecilia.

Sans même donner un signal de départ, Eneas sortit sous la pluie battante. Si Saxa n'avait pas passé autant d'heures à travailler son temps de réaction et ses réflexes, il aurait pu prendre une avance qui aurait vraiment fait la différence.

— Hé, c'est de la triche ! râla la jeune pilote.

Elle feula lorsqu'elle se retrouva à son tour sous l'eau glacée et partit à la poursuite de l'aurige de Protagoras. En quelques foulées, elle se retrouva presque à son niveau, aidée par une passante qu'Eneas manqua de percuter sur le pont. Saxa profita de son écart de trajectoire pour essayer de reprendre la tête mais il repartait déjà à toute vitesse et bloqua sa tentative de dépassement.

Saxa plissa les yeux sous les néons de l'enseigne fleurie. Les senteurs harmonieuses des bouquets exposés en vitrine la frappèrent quand elle passa près de la porte ouverte du magasin. L'odeur humide de la pluie reprit ses droits dès que Saxa fut trop éloignée et déjà, l'hôtel se rapprochait, les colonnes blanchâtres illuminées par les lumières de la réception. Plus que quelques mètres à parcourir jusqu'à l'arrivée, quelques mètres pour s'approprier la victoire. Comme sur le circuit, tout se jouait dans la dernière ligne droite.

Une accélération désespérée poussa Saxa plus en avant. Son épaule se porta au même niveau que celle d'Eneas juste avant des marches qui menaient à l'entrée de l'établissement. Ils passèrent sous la barbe du portier qui n'eut pas le temps de les réprimander et ce fut à l'aide d'un petit saut à l'atterrissage maladroit qu'Eneas pénétra dans le hall d'entrée le premier et leva les bras en signe de victoire.

Saxa laissa échapper un petit grognement et s'arrêta juste derrière lui, mains sur les genoux, le souffle court. L'excitation du moment mêlée à sa volonté de vaincre retombait petit à petit, laissant laplace à l'épuisement et la frustration. Le regard brûlant, elle releva la tête vers son adversaire qui célébrait toujours sa réussite derrière son sourire victorieux.

— J'ai gagné !

— Tu as triché, Menoitos, pesta Saxa.

Elle alla pour lui porter un léger coup de poing sur l'épaule mais Eneas se montra plus réactif et attrapa sa main pour bloquer son attaque. Les employés de l'hôtel et clients qui profitaient du bar de la réception assistaient à cette scène digne d'un jardin d'enfant, entre sourires amusés et regards embarrassés. Le jeune homme relâcha lentement sa prise sur le poing de Saxa qui ne savait plus trop si elle était énervée contre lui ou juste déçue d'elle-même.

Tout cela pour un petit jeu puéril.

Un défi futile qui lui avait pourtant fait un bien fou.

— D'accord, je l'avoue, c'était pas réglo, s'esclaffa Eneas. Pour me faire pardonner, laisse-moi t'inviter à boire un verre sur le toit-terrasse.

Voyant à son expression que Saxa semblait hésiter, il ajouta :

— Et c'est moi qui paye, bien-sûr.

— Hum... Dans ce cas-là, pourquoi pas ?

Elle aurait fini par accepter malgré tout, un moment de détente ne lui ferait pas mal — et Senmout serait content qu'elle fasse autre chose que de s'entraîner ou penser au Championnat.

— T'es vraiment marrante, Caecilia, s'amusa Eneas.

Saxa ne savait pas vraiment comment le prendre et décida de laisser passer pour cette fois.

— On se retrouve en haut dans vingt minutes ? Le temps de prendre une douche, de se changer et tout ce qui va avec.

Saxa acquiesça et cela tomba plutôt bien car la réceptionniste s'approchait d'eux pour leur demander de circuler. Leurs vêtements trempés de pluie dégoulinaient sur le carrelage de l'entrée.

La douche que prit Saxa une fois de retour dans sa chambre lui parut comme la meilleure de sa vie. Elle resta quelques minutes sous le jet à savourer le contact de l'eau chaude sur sa peau rougie par le froid. Elle fit courir ses doigts sur le tableau de commandes affiché sur la paroi de douche pour régler la pression à sa convenance ; elle avait passé sa première nuit ici à tester toutes les options et programmes qu'elle connaissait désormais par cœur.

La jeune femme ne s'éternisa pas trop sous la douche afin de se garder du temps pour bien se sécher et s'habiller. Saxa choisit un simple pantalon noir et un chemisier clair dans lesquels elle se sentait à l'aise. Elle garda ses cheveux lâchés pour leur permettre de sécher et quitta sa chambre en proie à une pagaille monstre — les vieilles habitudes revenaient au galop.

Un dôme translucide avait été déployé autour du toit-terrasse pour le rendre accessible aux clients même en un jour de fortes pluies comme celui-ci. Rien n'indiquait que les nuages se dissiperaient de sitôt et les grosses gouttes s'écrasaient contre le vitrage, longeaient la courbe de la bulle protectrice avant de disparaître dans le vide.

Une femme vêtue de pourpre jouait de la lyre sur la scène près du bar et distillait une musique envoutante dans l'enceinte du dôme. Il faisait aussi chaud ici qu'à l'intérieur du bâtiment à proprement parler, une température proche de celle d'une journée printanière. Le regard de Saxa défila entre les dizaines de visages des résidents de l'hôtel venus se désaltérer au milieu des sofas moelleux et des guirlandes de fleurs qui serpentaient autour des colonnes décoratives.

Une main agitée dans sa direction attira l'attention de Saxa. Eneas l'attendait installé à une petite table basse, appuyé contre le dossier d'un fauteuil plus grand que lui. Il avait lui aussi opté pour un ensemble simple et décontracté, accordé à une chemise turquoise. Il n'avait pas boutonné le vêtement jusqu'en en haut et Saxa pouvait deviner la présence de son pendentif dont une dent du trident s'était accrochée au tissu ondin.

Pendant que la pilote prenait place face à lui, il frotta les mèches frisées, au roux qui semblait plus foncé à cause de l'humidité. Saxa apprécia tout de suite la texture du siège jumeau à celui d'Eneas.

Une projection holographique affichait la carte des boissons au-dessus de la petite table. Joueuse, Saxa décida de commander un cocktail avec un nom farfelu, sans trop s'arrêter sur la liste des ingrédients. La couleur orangée du liquide que vint lui apporter le serveur quelques minutes après lui plut bien et la première gorgée fruitée et acidulée lui confirma qu'elle avait fait un bon choix.

Eneas s'offrit une première lampée avant de se laisser aller contre son fauteuil dans un soupir d'aise, imitée par Saxa. Elle s'affala contre le cuir doux, ferma les yeux. Du monde qui l'entourait, ne restait plus que le bourdonnement chaotique des conversations et le rythme suave joué par la musicienne. Un instant hors du temps où tous ses soucis s'envolaient.

Saxa rouvrit les paupières, consciente du risque qu'elle s'endorme pour de bon si elle s'attardait trop à la porte du royaume des rêves. Sa paille entre les lèvres formant un sourire, Eneas la regardait d'un air taquin.

— Déjà fatiguée ?

— Ne fais pas comme si tu ne l'étais pas toi non plus, répliqua Saxa. On n'a pas eu un seul instant pour nous ces trois derniers jours.

Entre séances en piste, interviews et obligations des sponsors, les deux auriges de Venator avaient eu beaucoup à faire, sous la surveillance sans faille de Thusnelda. Saxa était bien contente que la responsable de communication donne du mou dans les quinze jours à venir, même si en contrepartie elle devrait attendre aussi longtemps avant de se remettre en piste. Elle trépignait d'impatience à l'idée d'y retourner et de mener sa première course officielle.

— C'est vrai que les débuts de saison, c'est toujours compliqué, soupira Eneas. Maintenant que notre monoplace a passé les tests réglementaires, Nerva est plus motivé que jamais et ne nous laisse aucun répit à Aetios et moi.

Eneas s'attarda quelques instants sur le mouvement ondulant des paillettes comestibles qui se mélangeaient au colorant bleu, une nébuleuse harmonieuse qu'il pouvait tenir dans le creux de sa main. Son regard d'émeraude s'illumina d'un éclat assuré quand il déclara :

—.Je te jure, y a des soirs, j'ai à peine l'énergie de me traîner dans mon lit. Mais bon, c'est le prix à payer pour être le futur Champion qu'on attend de moi.

— Et bien, on ne peut dire que tu manques de confiance, railla Saxa.

Eneas essuya la goutte de liquide au coin de sa lèvre avant de se redresser sur sa chaise avec plus d'assurance que Saxa eut jamais fait preuve.

— J'ai toutes mes raisons d'y croire. L'année dernière, j'ai terminé troisième du classement général et à cause de la restructuration de l'équipe, notre vaisseau n'a pas été aussi performant qu'on l'aurait voulu. Mais cette fois, nos fabri se sont vraiment surpassés. Je ne vois pas ce qui pourrait m'empêcher de détrôner Iulius Donatus.

Saxa l'écoutait fanfaronner en buvant son cocktail, le mélange d'alcool et de sirop fruité rougissait ses joues claires et exhortait son envie de provoquer le pilote en retour.

— Et qui te dit que les autres n'ont pas leur chance ? Moi par exemple...

Le rire que le pilote laissa échapper n'avait rien des accords mélodieux qu'elle lui connaissait. C'était un éclat moqueur rempli d'arrogance, et le regard qu'il y joignit suintait la pitié et la condescendance. Pendant une seconde, elle crut revoir le visage cruel de Valerius et cela lui fit mal, très mal.

— Caecilia... C'est bien d'être motivée, mais mieux vaut se donner des objectifs réalistes. Les débutants comme toi se hissent sur le podium après deux ou trois ans. Une victoire demande parfois plus de temps. L'Histoire n'a jamais vu de titre lors d'un premier championnat et ça va pas commencer avec toi.

Et pourquoi ne pourrais-je pas marquer l'Histoire ? pensa-t-elle. Suis-je condamnée à rester la sœur d'un traître et la fille d'un raté ?

Ses mains se resserrèrent autour de son verre pour contenir la colère qui grandissait en elle. Elle en vint à croire que la sympathie dont Eneas avait preuve jusqu'à présent n'était que feinte, motivée par la charité envers cette petite débutante qui croyait pouvoir accomplir de grandes choses aux commandes d'un vaisseau de fin de tableau.

— Contente-toi déjà de finir ta première course en un seul morceau, reprit Eneas.

S'il faisait référence à son embardée en sortie de la chicane la veille, c'était arrivé uniquement car le vaisseau de Baket Djet-Mout s'était placé sur sa trajectoire et que Saxa avait voulu l'éviter. La pilote de Khéops avait reçu une réprimande pour ça et s'était excusée auprès de Saxa à la fin de la séance.

— Et puis... Tu pilotes dans un Venator, conclut Eneas. Leur auriges les ont sauvés l'année dernière, mais maintenant qu'Aedinius est parti chez Hydrangea, vous...

Saxa reposa violemment son verre sur la table ce qui fit réagir son locuteur qui haussa un sourcil et s'interrompit. La jeune femme ne voulait pas le laisser finir et traîner son équipe dans la boue après tous les efforts que Senmout avait déployé pour elle, pour eux. Saxa avait été capable de tenir tête à Valerius après des années à le craindre, à redouter de se voir privée de son rêve à jamais. Elle ne craignait pas Eneas Menoitos, ni aucun autre des autres auriges qu'elle affronterait. Elle allait leur montrer à tous qu'elle était capable de terminer la course, de monter sur le podium et de gagner.

— Je vais te prouver que tu as tort de me sous-estimer, Menoitos, cracha la jeune femme.

Un sourire amusé se forma sur le visage du pilote de Protagoras. Il se pencha en avant, coudes posés sur la table, un air de défi dans le regard. Malgré son expression moqueuse, Saxa avait réussi à éveiller son intérêt.

— J'ai hâte de voir ça alors. Vu que tu as l'air d'aimer les défis autant que moi, faisons un petit pari. Si tu arrives à prendre des points lors de ta première course, je te devrai une faveur et je m'engage à te considérer comme une adversaire digne de ce nom.

Son regard plongé dans les orbes verts de son locuteur, Saxa hocha la tête, déterminée. Elle saisissait toute la bêtise infantile qui motivait ce pari — et puis, comme si elle avait besoin de sa validation ! — mais reculer reviendrait à avouer sa défaite et elle ne lui donnerait pas ce plaisir.

— Tu risques fort d'être surpris, Menoitos !

— Ils disent tous ça, marmonna Eneas. On se retrouve sur la piste, alors.

— Parfait !

L'aurige de Venator se leva brusquement, bien décidée à soigner sa sortie et elle emporta son verre encore à moitié plein avec elle au passage — pas de gâchis ! Dans son dos, elle sentait l'intensité du regard que lui portait Eneas, toujours étendu sur son siège, son corps secoué de spasmes d'hilarité.

— N'oublie pas de ralentir dans le virage numéro dix, Sauf si tu veux finir dans le mur dès ton premier tour, le choix te revient, ironisa-t-il.

Il lui fallut toute sa volonté pour ne pas répliquer à la provocation. Saxa savait cela, elle avait passé des heures à tourner autour de ce fichu circuit !

Futur Champion, tu parles ! Le Champion des abrutis, plutôt...

Elle lui montrerait, puisqu'il avait besoin d'une preuve, leur ferait voir à tous qu'elle méritait d'être ici. Si la rage devait être son moteur, et bien soit, qu'elle embrase tout sur son passage.

Saxa voulait atteindre les étoiles, et en réalité les étoiles ne brillent pas.

Elles brûlent.





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Un chapitre vraiment court mais qu'est-ce que je l'aime ! J'aime tout ce qui touche de près ou de loin à la relation Saxa/Eneas (ou Saxeas hihi) :D

Le prochain chapitre est un peu particulier dans son ambiance, je vous laisserai découvrir ça l'année prochaine (oh lala mais qu'est-ce que je suis drôle, moi)

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