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I ― Proie ou chasseur









✧・゚: *✧・゚:*  Chapitre I *:・゚✧*:・゚✧

Proie ou Chasseur











Les données défilaient à une vitesse folle. Seul un œil surentraîné et un esprit informé était capable de tirer quelque chose des lignes chiffrées qui s'actualisaient en moins d'une seconde standard. Le temps d'un battement de cil tout pouvait basculer. Le premier devenait le dernier. La victoire devenait une défaite.

Il suffisait d'un instant pour foutre en l'air des mois de préparation. Plus que jamais, Senmout Sed-Saqqarah était conscient de cette réalité. Une fois le casque audio posé sur ses oreilles, plus rien n'existait en dehors de ce qui apparaissait sur le double écran qui lui faisait face. En bas, les résultats chiffrés mesurés par la dizaine de capteurs disposés autour du vaisseau en piste. En haut, les images enregistrées par la caméra intégrée au tableau de bord du même véhicule, offrant au jeune homme une vue sur ce que son pilote observait depuis sa place.

D'une certaine manière, c'était comme s'il y était, sauf qu'il ne risquait pas sa vie, lancé à haute vitesse, à un réflexe près de son voyage vers le royaume d'Osiris. Jamais Senmout n'aurait signé pour ça, surtout quand d'autres personnes plus qualifiées pouvaient le faire à sa place.

Malgré tout, les mêmes règles s'appliquaient pour lui. Concentration, action, réaction.

Virage numéro neuf, le pilote l'aborda avec une trajectoire large. Bonne stabilité, une seconde d'écart avec le vaisseau de devant. Le blanc immaculé d'un véhicule Mons Silvius se distinguait plus en avant. Impossible de le rater dans l'obscurité de la nuit dianalexrienne alors qu'il abordait la ligne droite à la sortie du virage. En un coup d'œil, Senmout compara sa vitesse à celle de l'aurige sous sa direction. Piste dégagée, suspenseurs en bon état. Toutes les conditions optimales étaient réunies.

Senmout pressa le bouton à droite sur la console inférieure afin d'ouvrir le canal radio qui le reliait au pilote derrière l'écran.

— Ceteghus à moins d'une seconde devant toi, Avad. Tu peux tenter un dépassement.

— Bien reçu, répondit la voix grésillante d'Avad Enkiddu.

Il entendit le moteur chauffer juste avant que le pilote ne coupe la communication pour se focaliser sur ce qui l'entourait et surtout sur l'appareil qu'il s'apprêtait à dépasser. Devant Senmout, les chiffres s'emballèrent alors qu'Avad prenait de la vitesse. La température de son vaisseau suivit la croissance exponentielle de sa vélocité.

Un léger vent soufflait depuis l'est, dos aux pilotes engagées dans la ligne de droite. Si cette météo accordait un avantage à Avad, elle favorisait également l'avancée de celui qu'il cherchait à doubler. Si Senmout avait appris une chose tout au long de sa carrière, c'était que les chiffres ne mentaient jamais. C'était en partie pour cela qu'il les aimait tant. Des données brutes, sans enrobage, des mesures élémentaires dont l'interprétation ne dépendait que de celui qui les découvrait. Dans ce cas précis nul besoin d'être un expert, Avad filait plus vite que l'aurige de Mons Silvius.

C'était tout ce qui importait.

Le visage penché au-dessus du terminal, Senmout observa la manœuvre parfaite d'Avad qui choisit d'attaquer par l'intérieur du virage suivant. Ceteghus freina pour lui laisser l'espace, préférant sans doute perdre une place plutôt que de risquer que sa course se termine sur une collision. Le classement fut actualisé dans l'instant. Les trois premières lettres du patronyme d'Avad grimpèrent dans la colonne et emportèrent avec elles la flèche bleutée de Venator. Sixième place. Jamais encore l'écurie n'avait terminé aussi haut en course. Cela changerait bientôt, Senmout le sentait. Non, il le savait.

Allez, Avad, ce n'est pas le moment de lâcher.

Le vaisseau monoplace de Venator entama un nouveau tour. Senmout avait conseillé au pilote de tempérer le rythme pour préserver son moteur et ses suspenseurs. Il se le permettait grâce à l'avance prise sur son concurrent de Mons Silvius, désormais septième. Plus en avant, la bataille pour le top cinq faisait rage et Avad n'attendait que l'instant propice pour s'y mêler et disputer de précieux points. Au moins pour ne pas finir dernier. Au moins pour préserver l'honneur de son écurie.

La gorge sèche, Senmout ne pouvait se résoudre à quitter son poste pour assouvir sa soif. Quand il ne guettait pas les mouvements de l'arrière, il vérifiait la direction et la force du vent. Quand ses yeux d'ambre ne fixaient pas les relevés relatifs à l'équilibre du vaisseau, ils parcouraient la liste des vitesses des vingt pilotes en piste. Partout à la fois, tout en même temps, voilà ce qu'on espérait d'un directeur d'équipe qui méritait d'envoyer ses auriges au sommet.

— Plus que dix tours, Avad. Essaye de pousser à la sortie du virage six. Tu devrais avoir Akh-Amset en visuel.

Si le pilote continuait à ce rythme, il pourrait prendre la cinquième place d'ici la fin de la course. Akh-Amset n'avait pas renouvelé ses propulseurs auxiliaires lors de son dernier arrêt aux stands et cette erreur devrait jouer en faveur d'Avad. Senmout voulait y croire plus que n'importe qui d'autre. Le dur labeur finissait toujours par être récompensé, n'est-ce pas ?

Cet adage faisait peut-être office de vérité dans la vie de tous les jours, mais la course suivait ses propres règles. Rien ne se passait jamais comme prévu.

Senmout ne le réalisa que bien trop tard, lorsqu'à l'entrée d'une courbe serrée la voix d'Avad lui parvint dans un râle.

— Ma commande de frein ne fonctionne pas bien. Je perds le contrôle.

Par Osiris, dites-moi que ce n'est pas vrai !

Senmout se redressa soudain sur son siège et entreprit une recherche frénétique de la raison de cette panne soudaine. C'était arrivé si vite, sans aucun signe avant-coureur, exactement comme lors de la dernière saison à Massalia. Avad filait comme le vent et la seconde d'après, l'avant de son vaisseau avait rencontré la barrière dans un crash mémorable qui avait fait la une de tous les journaux. Cet échec cuisant était en train de se reproduire sous ses yeux, et le jeune homme était totalement démuni.

Foutues machines !

Pourquoi maintenant ? Pourquoi toujours lorsque Venator était si près du but ? Il allait finir par croire qu'un membre du staff avait vraiment offensé les dieux pour qu'ils s'acharnent ainsi sur l'encore jeune écurie. Châtiment divin ou erreur technique purement humaine, la raison de ce fiasco importait peu.

Le temps parut passer comme au ralenti. Le monoplace d'Avad franchit les limites de la piste en suivant une trajectoire approximative. Dans une vaine tentative d'échapper à la réalité, Senmout ferma les yeux et serra les dents au moment où le bruit du choc résonna à travers son casque. Tous ses espoirs volèrent en éclat en même temps que le vaisseau bleuté. Nul besoin de regarder les écrans pour deviner que l'appareil ne volerait plus aujourd'hui. La course se terminait à cinq tours de la fin. Le nom d'Avad dégringola au bas de la colonne du classement. En quelques secondes, Venator avait tout perdu, encore une fois.

— Merde ! cracha Senmout.

Son poing s'abattit avec fureur sur sa console qui trembla sous l'impact. Même après une saison catastrophique, il ne s'habituait toujours pas à cette frustration. Il avait beau se fixer des objectifs bas — ne serait-ce que terminer une course sans accident — une partie de lui y croyait toujours. C'était justement en cela que l'espoir est si cruel. Il vous fait croire en vos rêves pour mieux vous détruire par la suite.

Dans un soupir las, Senmout rouvrit le canal radio.

— Simulation terminée, Avad. Est-ce que ça va ?

Il attendit quelques secondes avant qu'un grognement lui réponde.

— Ça va...

Bien que peu convaincu, Senmout préféra en rester là et glissa ses doigts sur son écran pour mettre fin à la simulation. Tandis que les fenêtres sortaient de leur mode opaque et que la salle s'emplissait des rayons solaires de cette fin de matinée, le jeune homme pianota sur le clavier tactile pour compiler les données acquises lors de cet exercice. L'action prit quelques secondes avant qu'il ne puisse tout rassembler dans un dossier à transmettre aux ingénieurs. Tassadit allait avoir du pain sur la planche pour venir à bout de ce problème de frein. Il entendait déjà leur faber en chef lui répéter pour énième fois la même chose : « Je fais ce que je peux avec les moyens que vous me donnez ».

C'était bien là le problème.

La porte derrière lui s'ouvrit dans un son étouffé. Senmout se retourna pour faire face à Avad qui terminait de retirer son casque. Ses cheveux bruns retenus en une demi-queue désordonnée collaient à la peau sombre de son visage aquilin. Vêtu de la combinaison bleu nuit floquée de la flèche argentée de Venator et du numéro trente qu'il s'était lui-même choisi, le pilote paraissait exténué et encore sous le choc de sa dernière action. Le simulateur reproduisait à la perfection les forces mise en jeu lors d'une véritable course — une des rares choses qui fonctionnait sans trop de problèmes dans les locaux de Venator — et si Avad ne s'était pas durement entrainé à encaisser un tel nombre de grammes?, il aurait depuis longtemps trouvé sa place dans l'au-delà.

— C'était quoi le problème cette fois ?

Senmout se crispa face au ton sec employé par son aurige. Bien qu'il pouvait aisément comprendre l'insatisfaction qu'il ressentait, le directeur d'équipe ne possédait pas assez de patience pour supporter les remarques d'Avad. D'autant plus que s'ils devaient comparer, Senmout gagnait haut la main la compétition dans la catégorie « sale caractère ».

— Je ne sais pas vraiment, répondit-il. Une rupture de connexion dans la structure du frein, peut-être ? Les ingénieurs nous enverront bientôt les données du nouveau modèle une fois le problème réglé.

Avad croisa les bras dans l'embrasure de la porte, ses yeux d'onyx aussi froid que ses mots.

— Tu dis ça à chaque fois, Senmout et pourtant rien ne change. Comment est-ce que je peux piloter dans de bonnes conditions si le vaisseau n'est pas fiable ?

— Hé, je fais de mon mieux, d'accord ? cracha son locuteur à bout de nerfs. On a encore plusieurs mois avant le début de la saison alors sois un peu patient.

— Si le vaisseau était le seul problème, je ferais preuve de plus de patience. Sauf qu'en attendant, vous ne m'avez toujours pas présenté mon nouveau coéquipier.

Autre sujet sensible pour l'écurie à la flèche d'argent. En même temps, qui voudrait s'engager avec une équipe de fin de grille lorsque des places libres pouvaient se trouver chez les meilleurs ? Senmout ne doutait pas qu'Avad aurait déjà pris ses clics et ses clacs si son contrat ne le liait pas à Venator jusqu'à la fin de la prochaine saison. Chaque chose en son temps. D'abord les freins, ensuite la place vide aux côtés d'Avad.

— Tu es libre pour la fin de la journée, Avad, lança Senmout en se levant.

Il empoigna sa tablette personnelle au passage après avoir rangé son poste. Le pilote n'ajouta rien mais son directeur sentit le regard assassin posé sur lui au moment où il franchit la porte de la pièce. Au fond, il n'en voulait pas totalement à Avad. Un talent comme le sien méritait plus que ce que Venator pouvait offrir. Senmout voudrait lui donner plus mais il était bloqué par l'état des finances qui ferait pâlir n'importe quel comptable.

Senmout releva la tête, prêt à endosser le rôle de coupable que lui attribuait Avad. Après tout, c'était aussi à ça que servait le directeur d'équipe.



La salle de repos du personnel offrait une vue sensationnelle sur la canopée d'Ephèse. La forêt qui recouvrait l'entièreté des terres émergées de la planète s'étendait à perte de vue, un horizon de verdure aux teintes changeantes selon la position d'Hypérion, l'étoile du système. Entre les branches les plus fines, on distinguait en contrebas les rues construites appuyées contre les arbres de la capitale locale dans laquelle Venator s'était basé.

La première fois que Senmout avait débarqué sur ce monde végétal, le contraste avec le climat désertique des planètes niliennes l'avait frappé. Bien que Siwa jouissait d'une météo plus douce et d'un nombre plus important de points d'eau comparé à ses voisines du couloir du Nil, elle ne rivalisait pas avec la flore prolifique et variée d'Ephèse. Par ailleurs, il pleuvait ici en une année standard bien plus qu'en dix ans sur Siwa.

Isolé à l'angle du comptoir où les employés se restauraient en ce milieu de journée, Senmout se souciait peu de ce panorama qui avait un jour suscité de l'admiration chez lui. De sa main droite, il piquait avec sa fourchette la nourriture de son assiette et portait à sa bouche les boulettes frites à base de fèves séchées qu'il avait commandées plus tôt. Les taameyas, encas traditionnels dont il raffolait depuis l'enfance, lui paraissaient légèrement trop cuites mais le plat restait décent compte tenu du budget alloué à la restauration du personnel.

De toute manière, les pensées du jeune homme se focalisaient sur des préoccupations bien différentes que la cuisson de son repas. Il relisait encore et encore la série de données obtenue à la suite de l'exercice de la matinée, désespérément à la recherche de ce qui avait pu causer les dommages des freins d'Avad. Il n'était certes pas faber mais il dirigeait cette écurie depuis trois ans maintenant. Il arrivait à comprendre certaines choses sans être un brillant expert dans les détails de la conception de véhicules.

Et dire que son père aurait voulu qu'il suive une voie d'érudit plutôt que de prendre la direction de cette équipe en difficulté. De cette équipe de perdants. C'étaient les mots qu'avait employés Meneptah Sed-Saqqarah le jour où Senmout avait annoncé son recrutement. Evoluer dans le cercle fermé de la course en série alpha pouvait être perçu comme un prestige, du moins lorsqu'on faisait partie des équipes de tête. Le public ne scandait que le nom des gagnants. L'histoire ne retenait que les exploits des pilotes qui montaient sur le podium. L'argent ne rentrait que dans les caisses des écuries situées le plus haut dans le classement du championnat constructeur.

Penser à son père et au peu de considération qu'il avait pour lui n'aida pas Senmout à retrouver le moral après ce crash mémorable en simulation. Heureusement qu'il ne s'agissait que d'une simulation, cela avait évité trop de dégâts à Avad et privé les médias d'une nouvelle occasion de se moquer de Venator.

Par Osiris, étaient-ils vraiment tombés si bas que ça ?

Le Siwan laissa cette question en suspens et poussa son assiette vide pour accéder à l'écran tactile qui composait le plateau du comptoir. Un bip retentit lorsqu'il posa sa main contre la matière fraîche et une fois la reconnaissance biométrique achevée, il pressa le bouton qui s'afficha pour commander un café. La boisson chaude tant désirée fut prête en quelques secondes et émergea des entrailles de la table juste devant lui. L'odeur caféiné aromatisée aux dattes arriva jusqu'à ses narines, chargées d'une douceur nostalgique et revigorante.

Le temps que la fumée qui jaillissait de la tasse s'estompe, Senmout repartit au début de sa liste chiffrée, prêt à une nouvelle lecture attentive mais la main qui se posa sur son épaule le coupa dans son élan.

— Tu as l'air particulièrement mal luné aujourd'hui, Sen. Enfin, plus que d'habitude.

Senmout resta neutre face au ton taquin et ne prit même pas la peine de se tourner vers la jeune femme qui venait de lui adresser la parole. Il attendit qu'elle le contourne et vienne s'asseoir à sa droite pour enfin poser le regard sur elle.

Le lien de parenté qui liait Senmout et sa cadette Amunet se devinait d'un simple regard. Les enfants Sed-Saqqarah partageaient leur teint brun et leurs épaisses boucles noires, coupées au-dessus des épaules pour le frère et aux pointes décorées de perles dorées pour la sœur. La ressemblance se poursuivait jusqu'à la structure de leurs visages qu'ils tenaient en grande partie de leur mère. Amunet avait également hérité de ses pupilles d'onyx tandis que les yeux de son grand frère brillaient du même éclat ambré que ceux de leur père.

Pendant qu'elle s'installait à côté de son aîné, Amunet s'était commandé une boisson fraîche qu'elle s'empressa de porter à sa bouche comme si elle venait de traverser un désert nilien. Senmout comprit grâce à ses cheveux humides et ses vêtements en fibre absorbante qu'elle terminait une séance de sport assez intense.

Il secoua la tête avant de souffler vers la surface de sa tasse de café.

— Disons qu'au-delà des problèmes techniques toujours non réglés, ton petit protégé commence vraiment à me taper sur les nerfs.

La réplique arracha un sourire à la jeune femme qui connaissait mieux que quiconque les détails de la relation tendue entre l'aurige de Venator et son directeur. En tant qu'entraîneuse personnelle du premier et sœur du second, elle possédait l'avantage d'avoir les deux versions de l'histoire. Elle prenait rarement parti lorsque le désaccord allait un peu trop loin. Senmout préfèrerait la voir faire preuve de plus de solidarité familiale mais il était bien conscient que son rôle n'avait pas à être celui d'une médiatrice. D'autant plus que les deux belligérants ne se comportaient pas toujours comme des adultes responsables.

— J'en conclus donc que ta matinée s'est mal passée, badina-t-elle.

Senmout ne prit pas la peine de lui répondre de vive voix. Le regard qu'il lui lança tandis qu'il terminait son café parlait de lui-même.

— Je t'avoue que je commence à sérieusement m'inquiéter pour la saison qui vient. On est vraiment loin d'être prêts.

— Il nous reste encore plusieurs mois pour améliorer nos performances, assura Amunet. Je suis certaine que tu arriveras à remettre l'équipe sur la bonne voie.

Son frère en était moins sûr. Il se demandait sans cesse comment sa cadette parvenait à tout voir sous le prisme d'un optimisme presque naïf.

— Et puis, on ne pourra pas faire pire que l'année dernière, ajouta-t-elle, taquine comme toujours.

Ce coup-ci, il hocha la tête dans un soupir résigné. La vérité faisait toujours très mal et même si Amunet pensait le rassurer, il aurait préféré qu'elle évitât de remuer le couteau dans la plaie. Le fiasco de la saison précédente avait été une conséquence de plusieurs soucis accumulés. Entre les problèmes techniques à foison et le duo bancal formé par Avad et son ex-coéquipier — parti piloter pour une écurie rivale sans aucun regret — l'équipe de Venator se satisfaisait déjà de ne pas avoir fini dernière du classement.

Ce n'était pas suffisant pour Senmout. Comme n'importe qui dans sa position, il visait plus haut. Il lui manquait seulement les ressources financières pour grimper jusqu'au sommet.

— Je suppose qu'il vaut mieux en rire qu'en pleurer, ironisa Senmout. Bref, j'ai du boulot pour cet après-midi. En attendant le retour de Tassadit, j'ai des données à étudier et de la paperasse à remplir.

— Heureusement que tu es là pour t'occuper de ça. Je crois que personne n'aurait le courage de se pencher avec autant de sérieux sur le bla-bla administratif de la Fédération.

— C'est sûr que toi, tu es du genre à signer sans lire les petits caractères.

Il devina dans son sourire gêné qu'Amunet repensait tout comme lui à la fois où elle s'était fait avoir par ce commerçant aux méthodes douteuses du marché de Siwa. N'importe qui aurait compris qu'il s'agissait d'une arnaque mais Amunet Sed-Saqqarah n'était pas n'importe qui, au grand dam de son cher frère.

Ce dernier commençait à rassembler ses affaires pour fuir vers son bureau dans lequel il comptait rester enfermé pour une durée indéterminée, loin de tout ce qui pourrait titiller ses nerfs.

— Et dans tout ça, il faudra aussi que je trouve du temps pour faire un rapport détaillé à Nikè, se rappela-t-il soudain. Même si ça risque de ne pas lui plaire.

Un éclair de réalisation traversa le regard d'Amunet qui s'empressa d'interrompre la sortie de Senmout en saisissant son poignet.

— Maintenant que tu en parles, j'ai oublié de te dire mais Nikè aimerait te parler. Je l'ai croisé en sortant des vestiaires tout à l'heure et elle voudrait que tu la rejoignes dans son bureau dès que tu auras un peu de temps.

Son cœur rata un battement à cette annonce et il manqua de lâcher sa tablette sur le coup. C'était décidément une très mauvaise journée.

— Tu n'aurais pas pu commencer par ça ? s'indigna Senmout.

— Je savais que ça te rendrait encore plus bougon alors j'ai préféré faire durer le suspense.

Elle ponctua sa réplique d'un clin d'œil. Si jusqu'à présent il se montrait plutôt réceptif aux blagues de sa sœur, désormais Senmout n'avait plus du tout envie de rire. Même s'il se doutait que ce face à face devait arriver un jour ou l'autre, il ne l'attendait pas avec impatience non plus. Evidemment, cela tombait pile le jour où la simulation du matin s'était mal passée.

Il était maintenant certain d'être celui qui s'était attiré la colère des dieux. Sekhmet la Vengeresse se montrait toujours cruelle dans ses châtiments. Senmout se promit de lui accorder une prière au moment du coucher si cela pouvait l'apaiser un tant soit peu. Peut-être en ajoutant une petite offrande ?

Monter à pied jusqu'à l'étage des bureaux ne lui avait jamais demandé autant d'efforts. Habituellement, Senmout aimait bien prendre le temps de suivre du regard les branches épaisses qui se distinguaient de l'autre côté des fenêtres et enlaçaient le bâtiment. Ce jour-là, trop de préoccupations se bousculaient dans sa tête pour que la vue d'un joli paysage suffise à les faire taire.

Il passait tellement de temps dans le couloir de la direction qu'il pouvait le traverser les yeux fermés et connaissait parfaitement l'ordre des noms inscrits sur les portes coulissantes. Son bureau personnel se situait pile au milieu du couloir, entre celui de la gestionnaire et du secrétaire principal. Il dépassa son antre avec grand regret pour rejoindre trop vite à son goût la dernière porte à droite avant le croisement du fond.

Le nom de Nikè Anastopoulos s'affichait en lettres capitales sur la surface plane, dernier obstacle entre Senmout et le tirage de bretelles qui l'attendait de l'autre côté. C'était la raison la plus probable de sa convocation par la Praefecta Maxima de Venator. En tant que propriétaire de l'écurie et principale décisionnaire, il paraissait évident que les résultats récents ne la satisfassent pas. Le jeune homme espérait qu'elle ne lui annoncerait pas avoir décidé de se reposer sur des épaules autres que les siennes.

Je fais de mon mieux, se ressassa-t-il pour se donner du courage. Et j'ai passé l'âge d'avoir peur d'être convoqué dans le bureau de la directrice !

Après une grande inspiration, il frappa contre la porte. Elle s'ouvrit sitôt qu'il eût écarté ses doigts du verre trempé et il fit un pas à l'intérieur.

Le bureau de Nikè baignait dans la lumière de ce début d'après-midi. Les grandes baies vitrées ouvertes laissaient passer un courant d'air frais et agréable, chargé de l'humidité de la forêt. Senmout appréciait cette pièce presque autant que son propre bureau car l'ordre y régnait. Il y avait assez peu de meubles et tous arboraient un design simpliste, imitant une texture boisée pour s'accorder au paysage extérieur.

Contre le mur à gauche de l'entrée, un petit autel dédié à Diane se tenait là, discret mais présent. Une reproduction miniature de l'entrée d'un temple entourait la statuette représentant la Chasseresse l'arc tendue, sa flèche pointée vers le ciel. C'était l'identité même de Venator qui se matérialisait dans les détails minutieux de cette sculpture. Malheureusement, la flèche d'argent peinait encore à viser le sommet.

— Ah, Senmout, je ne m'attendais pas à te voir aussi tôt.

Sans savoir comment interpréter ces paroles, l'interpelé s'avança vers le fond de la salle, les mains serrées autour de sa tablette pour réprimer ses tics nerveux.

Nikè était ce genre de personne qui faisait forte impression. Grande et athlétique, la quinquagénaire tenait plus de la sportive que de la femme d'affaires, malgré l'élégant ensemble marine qu'elle portait ce jour-là. Avant de devenir propriétaire de sa propre écurie, elle avait été une aurige renommée jusqu'à ce qu'un grave accident en course lui coûte un œil et un bras. Ces parties de son corps avaient depuis été remplacées par des prothèses qui, malgré leur réalisme, marquaient les esprits lorsque l'on devinait leur véritable nature par les sons peu naturels qu'elles produisaient. Loin de représenter pour elle un traumatisme, cet incident et sa carrière de pilote en général était un sujet de conversation que Nikè abordait fréquemment avec ses employés autour d'un café. Presque aussi fréquemment que ses déboires concernant son ex-femme.

Senmout se doutait bien qu'elle ne l'avait pas fait venir pour épiloguer sur son divorce agité. Pour une fois, il aurait préféré. Sa main de chair et de sang reposa le stylet qu'elle tenait. Le sourire discret imprimé sur son visage pâle dissimulait son agacement de façon efficace. Seulement, son locuteur la connaissait trop bien pour se laisser berner.

— Amunet m'a dit que tu voulais me voir, , alors je suis venu, déclara-t-il simplement.

Elle hocha la tête et lui indiqua la place face à elle. S'assoir sur cette chaise lui donna l'impression de pénétrer dans un piège duquel il ne pouvait désormais plus ressortir. La PM était la seule personne dans cette galaxie à avoir cet effet sur lui et pas seulement parce qu'elle tenait son avenir entre ses mains. Senmout avait déjà déçu son père et il faisait de son mieux pour éviter de revivre cela avec sa patronne.

Sauf que ce n'était pas gagné.

— J'ai entendu dire que la simulation de ce matin s'était mal terminée.

— Oui, confirma Senmout (à quoi bon mentir, elle savait déjà tout). Le système de freinage a lâché. Je suis sûr que Tassadit est déjà sur le coup. Dès qu'elle aura fini la nouvelle version du monoplace, on reprendra les essais et les plans seront envoyés aux usines dès que les résultats du simulateur seront satisfaisants.

L'expression de Senmout se renfrogna au rythme des battements de tête de la propriétaire. Sa longue queue-de-cheval blonde ondulait autour de son visage comme un halo divin.

— Il me semble que tu as déjà tenu un discours similaire il n'y a pas si longtemps, Senmout. Je sais que tu fais au mieux, je ne t'en veux pas ni à toi, ni à personne, mais il faut que l'on fasse quelque chose. Lorsque j'ai créé cette écurie, ce n'est clairement pas ce que j'avais en tête.

En même temps, qui désirait être un perdant ? Nikè avait à peine haussé la voix, mais son ton teinté de désappointement faisait tout autant de dégâts. Senmout repensa à sa sœur et à ce qu'elle lui disait à chaque fois qu'il hésitait face au risque. « Qui ne tente rien n'a rien ». Peut-être devait-il tenter, en priant pour ne pas perdre son travail dans la foulée.

— Tu sais où réside le principal problème, Nikè. L'argent. Nous sommes très loin du budget des équipes du haut. Avec plus de fond, les fabri feraient des merveilles. Là aussi, la question est complexe. Pour gagner, il nous faut de l'argent, pour avoir de l'argent, il nous faut des sponsors, mais les sponsors ne signent qu'avec ceux qui gagnent. C'est un cercle vicieux. On est d'autant moins crédible en étant la seule équipe à ne pas avoir de second pilote titulaire pour la saison à venir...

Il avait marmonné cette dernière phrase, pensant peut-être que la propriétaire ne relèverait pas, mais Senmout n'avait jamais été doué pour les pronostics.

— A ce sujet, tu n'as toujours pas trouvé de remplaçant à Kaeso ?

— Non... J'ai pensé à titulariser Priam, mais je trouve qu'il manque encore de maturité dans son pilotage. Quelques années de plus en série bêta lui permettront de se perfectionner.

Senmout ne lui révéla pas qu'au détour d'une conversation aux apparences innocentes, le jeune garçon lui avait annoncé le salaire qu'il comptait imposer à la signature d'un potentiel contrat. Une somme qu'un vice-champion du système en série bêta pouvait se permettre de réclamer, mais que Venator n'était pas en mesure de lui offrir pour le moment. Il coûtait moins cher en tant que réserviste.

— Mais je continue à observer les auriges en séries inférieures, continua-t-il. Je cherche seulement... La perle rare.

Nikè ne parut pas convaincue face à un Senmout qui ne l'était pas lui-même. Elle n'insista pas et tourna la tête vers la forêt, le regard mélancolique et perdu dans le lointain.

— Tu m'as déjà prouvé que tu étais capable du meilleur, Senmout. J'aimerais te voir briller durant cette saison. Je n'ai aucune envie de vendre mais il m'arrive parfois d'y penser.

— Tu n'auras pas besoin de le faire, Nikè, assura le directeur d'équipe. Je te le promets. Avad a terminé douzième l'année dernière, il peut tenter le top dix cette année — enfin, avec un minimum de bonne volonté, mais je vais le secouer.

Senmout se pencha au-dessus du bureau. Ce mouvement attira de nouveau l'attention de sa patronne qui établit le contact visuel. Il fallait prendre le temps de plonger son regard dans le sien pour détecter la légère différence de couleur entre ses deux yeux marrons et l'éclat morne de sa pupille artificielle.

— Et pour ce qui est des sponsors, ajouta-t-il, j'ai rendez-vous avec le patron de Centimanes sur Sérifos la semaine prochaine. Si j'arrive à le convaincre d'être notre partenaire, ça nous apportera des fonds supplémentaires qu'on mettra en priorité dans le développement.

Encore fallait-il persuader cet homme d'affaires, ce qui était loin d'être acquis. Cela ne serait pas non plus la solution à tous les problèmes, mais c'était un bon début. Un pas après l'autre.

Nikè se laissa partir contre le dossier de sa chaise et poussa un long soupir.

— Très bien, je te fais confiance, Senmout. Remets Venator sur pieds et offre-nous une place dans le milieu de la grille.

Plus facile à dire qu'à faire mais Senmout avait quelque chose en commun avec ces pilotes amateurs de sensations fortes.

Lui aussi aimait le défi.




─── ⋆⋅☆⋅⋆ ───


Et c'était le chapitre d'introduction, que j'aime plutôt bien, étonnamment x)

Je commence du côté de Senmout et de Venator, une écurie quelques peu en difficulté on va dire (y a pas les soous)

J'espère que cette entrée en matière vous a plu, malgré les nombreuses informations que je donne. N'hésitez pas à me donner vos impressions !

PS : une liste des personnages classés par écurie viendra un jour quand j'aurais le temps de m'y mettre-

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