Où la reine reprend son roi...
Connexion à Poisson Soluble.
M O D E : R Ê V E
La nuit s'étendait devant moi, le château d'ambre était en flammes. La reine avait été capturé. J'étais blessé à l'épaule. Une flèche de l'armée ennemie s'était plantée dans ma chair alors que je fuyais. La Reine rouge avait perdu la bataille et l'armée sanguinaire du Chevalier Noir s'était étendue sur tout le royaume. Je devais retrouver la Reine, la sortir du château avant que le Chevalier Noir ne l'exécute. J'avais mal à l'épaule, je n'avais pas dormi ni mangé correctement depuis plusieurs jours. J'étais épuisé.
La lune brillait assez fort dans le ciel pour me permettre d'avancer sans torche entre les arbres. Mon corps se rappelait encore des jours de fuite. J'avais laissé ma reine dans sa chambre après une nuit en sa compagnie, emplie de douceur, d'amour et de tendresse et j'avais fui à l'aube. Un archer comme moi n'était pas digne de partager la couche de sa Majesté. Ce sont les gardes du Château qui m'ont fait comprendre que ma venue et ma présence ici n'était pas désirée. J'aurais pourtant voulu m'enfuir avec elle, la protéger du joug du Chevalier Noir. Un personnage effrayant. Il avait juré de lever les ténèbres sur le Royaume, d'emprisonner le peuple dans l'esclavage et de laisser les démons dévorer les enfants. Certains tentaient de lui résister, comme la Reine Rouge, mais aujourd'hui, elle avait perdu. Les mains osseuses du Chevalier Noir autour de la gorge de la Reine, la forçant à se plier à la volonté de celui-ci. Il fallait que je me soigne, que je me mette en route, pour la sauver.
Harry, une de mes compagnons d'armes, m'attendait à l'abri dans une grotte, à l'orée des bois. On s'était donné rendez-vous et je priais pour qu'il ne soit pas trop tard, qu'elle soit encore là, à m'attendre. Elle aurait sans doute de quoi me soigner, de quoi me nourrir un peu. J'avais perdu beaucoup de sang et je sentais bien que j'avançais encore seulement grâce à ma volonté. Mes nerfs me tenaient. J'y arriverais. La grotte n'était plus très loin mais les soldats du Chevalier Noir grouillaient partout dans la forêt.
Je n'avais pas de plan en tête pour délivrer la Reine. Si elle était exécutée, le monde plongerait dans les Ténèbres et nous serions tous perdus. Elle était le dernier rempart contre le Chevalier Noir, la dernière étoile dans la nuit. Il fallait à tout prix qu'on la sauve. J'allais monter une mission commando pour la délivrer. Avec sa force et son courage, on pourra s'échapper. Ses gardes royaux avaient sans doute été tous tués et ses sujets les plus fidèles seraient exécutés avec elle, devant ses yeux, sans qu'elle ne puisse rien faire. Si on se faisait prendre par les soldats du Chevalier Noir, c'en était fini pour nous aussi.
J'apercevais la grotte où Harry m'attendait. Le feu crépitait à l'intérieur. Je me suis avancé, sur mes gardes, ne voulant pas me faire attraper par des soldats avant d'avoir rejoint mon amie. Je me suis cachée quelques instants dans les fourrés et j'ai attendu que les bruits aux alentours ne me paraissent pas suspects. Je me suis avancé et j'ai prononcé le mot secret qui nous permettait de nous appeler entre nous. Mon escouade me répondit timidement. Harry et quelques autres étaient là. Harry se leva pour m'accueillir, voyant à quel point j'étais mal en point. Elle m'attrapa par la taille et demanda de l'aide à Klink pour m'asseoir au près du feu. Celui-ci apporta des bandages et de quoi nettoyer ma blessure. Je leur donnais les informations que j'avais sur l'extérieur. Ils me dirent qu'ils avaient trouvé deux autres personnes blessés. Ces deux-là dormaient plus loin, sans doute épuisés par leurs plaies.
D E C O N N E X I O N
Je sauvegardais mon « rêve » mais étrangement, j'étais épuisé. J'avais besoin d'une vraie nuit de sommeil, sans toute cette fantaisie et cet instant d'héros. Je n'étais pas un héros. Sauver la Reine Rouge dans ce rêve ne m'aiderait en rien à comprendre ce qui se déchainait dans ma tête.
- Thomas ? Tu peux descendre m'aider à préparer le repas ?
Ma tante m'appelait de la cuisine. J'avais bien fait de me déconnecter. Je passais un sweat et descendais. Elle était attablée dans la cuisine, la fenêtre était ouverte et on entendait chanter les oiseaux. J'avais découché hier soir, j'étais rentré ce matin, à l'aube, dans l'espoir de rattraper quelques heures de sommeil avant de commencer le week-end. J'avais dormi chez Rachel, j'avais fait l'amour avec elle. Ça avait été si doux, si tendre et à la fois, j'avais ressenti un désir pour elle si nouveau, comme si c'était la première fois que je faisais l'amour avec elle, la toute première fois. On était sortis ensemble pourtant, elle avait été ma première copine, la première avec qui j'avais fait l'amour, qui m'avait fait comprendre que le désir d'un jeune ado pour sa copine a quelque chose de beau, de fragile et d'infiniment précieux. On avait grandi depuis. On s'était aimés, puis je l'avais quitté. J'étais tombé amoureux d'une autre fille et pourtant, d'une certaine manière, Rachel était toujours aussi importante dans ma vie. Elle me détestait de l'avoir quittée et je la détestais de ne pas m'avoir remarqué quand j'étais son petit ami. Une soirée comme hier me faisait croire qu'on pourrait réessayer, retenter, recommencer une nouvelle histoire. Je n'étais pas sûr non plus que ça soit une bonne idée. Je l'avais aimée, vraiment, du mieux que je pouvais, à l'époque. Mais aujourd'hui mes sentiments étaient emmêlés. C'était compliqué en moi. Je ne savais pas quoi penser. L'idée d'hier, de m'arrêter chez Rachel, de passer la soirée avec elle, de faire l'amour avec elle, c'était loin d'être intelligent. Ce n'était même pas brillant du tout.
J'épluchais les légumes avec ma tante. Elle me racontait toute sorte de choses qui lui passait par la tête. Beth, ma petite sœur était rentrée de l'internat hier soir. Elle était partie faire quelques achats avec Noé et maman. Ava, ma tante, était une personne très douce et certaines fois, je jurais contre l'univers d'être tant injuste avec elle. C'était une femme merveilleuse et elle était malade, d'une saloperie de cancer. Sa vie était en suspens, à chaque instant, et ça me révoltait. Chaque instant avec elle m'était précieux, comme un joyau qu'on chérit et qu'on admire. J'avais tant de peine pour Noé. Il était beaucoup trop jeune pour voir sa maman malade, et encore plus, pour la perdre. Ava claqua des doigts devant mes yeux.
- Bah alors, Tom, tu as l'air ailleurs... Qu'est-ce qui se passe ? me demanda-t-elle.
Certaines fois, j'avais envie de la prendre dans mes bras et pleurer comme un bébé. Je savais que sa douceur et sa voix effaceraient toute ma peine. Là, j'étais perdu. Je ne savais plus quoi penser. Je crois que je m'en voulais un peu d'agir comme ça. J'avais bien compris qu'elle était toujours amoureuse de moi. Rachel m'aimait encore et j'avais abusé de ce pouvoir-là pour l'avoir pour moi cette nuit, sans rien lui promettre en retour. Newt avait raison. Elle m'aimait toujours, les murs de sa chambre ne trompaient pas. Toutes les photos qu'on avait prises ensemble pendant notre relation ornaient son mur. Elle avait un sourire énorme et heureux sur la plupart d'entre elles et je ne suis pas sûr d'avoir revu ce sourire depuis. Je lui avais brisé le cœur. Je l'avais quitté parce que je ne l'aimais plus et mon agissement d'hier soir était celui d'un connard. Je n'avais pas d'excuses.
Ce qui aurait pu s'apparenter à une excuse, c'est sans doute la peur panique de succomber à Newt. J'avais fui Newt. J'avais flippé un instant et ma solution de repli était puérile et méchante. Il ne m'avait pas écrit depuis d'ailleurs. Quelle idée aussi, de lui dire que j'aurais préféré qu'il soit une fille. En y réfléchissant ce matin, en rentrant de chez Rachel, c'était méchant, presque trop con. J'avais l'impression d'utiliser les gens parce que je n'assumais pas qui j'étais. Je n'assumais pas non... si j'assumais mon attirance et mon désir pour Newt, je n'aurais pas été sonner chez Rachel pour me convaincre moi-même que j'aimais que les filles.
- Je crois que je ne suis pas hétéro et ça me fait super peur... j'ai dit à Ava qui me regardait réfléchir au sens de ma vie depuis que j'avais commencé à l'aider à la cuisine. J'ai rencontré un garçon qui me plait et qui m'attire et je crois que je flippe que ça aille plus loin parce que je n'assume pas... Du coup, je l'ai repoussé d'une façon horrible.
Ava a posé son couteau et m'a attrapé la main, m'offrant un petit sourire réconfortant.
- Qu'est-ce que tu lui as dit, à ce garçon ? Parce qu'il n'est peut-être pas trop tard pour rattraper le coup... C'est chez lui que tu étais hier soir ?
J'ai fermé les yeux en pensant que j'étais sans doute foutu. Ava essayait de me réconforter et je pense que lui dire ce qui s'était passé hier soir allait plus briser ses espoirs et réduire à néant sa réussite qu'autre chose.
- Je lui ai dit que j'aurais préféré qu'il soit une fille et que j'étais pas PD. Je lui ai dit ça juste après l'avoir embrassé et qu'il commence à me toucher... J'avais super envie de lui sur le moment.
J'ai caché mon visage dans mes mains et j'ai soupiré. Ava s'est levée, elle a allumé le gaz et a mis les oignons à dorer. Je crois qu'elle me laissait un peu de temps pour réfléchir, et peut-être qu'elle se laissait du temps à elle aussi, pour trouver les mots. J'avais eu un comportement atroce avec Newt. Je le rencontrais en vrai hier (hors le soir au bar, où il m'avait donné de l'eau), c'était l'occasion pour moi d'apprendre à le connaitre, de passer du temps avec lui et j'avais tout foiré.
- Bon, Tom... Je pense qu'il faut que tu en parles à ce garçon, que tu expliques que tu as peur. Et tu sais... m'a dit Ava en se retournant vers moi. Tu as le droit de ne pas aimer que les filles... Il n'y a rien de mal à ça. Le nier, cependant, ça peut te faire du mal à toi. Tu as le droit de prendre tout ton temps, mais ta sexualité, elle t'appartient, certes, tu ne la choisis pas mais tu ne dois pas changer qui tu es parce que tu as peur des autres. Il n'y a rien de plus beau au monde que des humains qui aiment d'autres humains et il n'y a rien de plus merveilleux que quelqu'un qui est fier et heureux d'être celui qu'il est.
J'ai grogné et j'ai enfoui ma tête dans mes bras, repliés sur la table. J'avais envie de pleurer. Ce que venait de me dire ma tante était sans doute l'un des plus beaux discours qu'un parent peut offrir à ses enfants pour lui faire comprendre qu'il n'y a rien de mal ou de mauvais à sa sexualité. Je ne sais pas si j'avais honte. Je crois juste que j'avais peur. Peur réellement. Peur de découvrir une part en moi différente, mais bien vivante. J'avais peur d'être différent, de ne plus rentrer dans le moule de cette société. Je n'étais pas hétérosexuel. C'était une évidence. Ça résonnait en moi comme une vérité. Newt n'était pas le premier garçon à m'attirer. Je n'avais juste pas compris avant. Je ne comprenais pas avant. Newt déclenchait des cataclysmes en moi que j'avais refusé de ressentir. Et lui avait ouvert les vannes. Mes « rêves » sur Poisson Soluble, avec lui, n'étaient que le reflet de ma sexualité refoulée qui s'exprimait enfin.
- Tu devais pas manger avec tes amis ce midi, au fait ? M'interpella Ava en continuant sa cuisine. Elle avait compris que je ne parlerais pas plus de tout ça, que le chemin se faisait tout seul dans ma tête, que mettre des mots sur ce que je ressentais me laissait sans voix. Et la voir me rappeler que je devais manger avec Harriet, Clint, Brenda et Minho me confortait dans l'idée que j'étais totalement à côté de mes pompes aujourd'hui.
- J'ai recouché avec Rachel hier soir, après l'incident avec le garçon... Je lui ai dit avant d'attraper mes affaires, ma veste et mes chaussures. Ava m'a regardé un instant. Elle a inspiré profondément et j'ai vu qu'elle était contrariée. Je rejoins mon crew au Burger Queen, merci de me l'avoir rappelé...
J'ai enfilé ma veste après avoir lacé mes chaussures et je lui ai déposé un baiser sur la joue.
- Ne joues pas avec les sentiments des gens, Thomas... C'est le seul conseil que je peux te donner. Allez, files, tu es déjà en retard et connaissant Brenda, elle va t'enguirlander.
J'ai claqué la porte et j'ai fait rouler mon skate jusqu'à l'entrée de la station du métro. Je retrouvais mon téléphone dans ma poche, ma batterie était à 17%, j'envoyais un message à maman pour lui dire que je ne serais pas là à midi, puis j'ouvrais la conversation de groupe pour notifier à mes copains que j'avais du retard. Brenda me répondit rapidement avec un pouce vers le bas. Clint m'informait qu'ils m'attendaient au bord du fleuve, sur les quais, à côté de BQ.
J'ouvrais mon compte Instagram et je vis que Newt n'avait ni lu ni répondu à mon message d'hier soir pour ses exploits contre Brenda. Soudain, la raison de notre déjeuner entre copains me revint à l'esprit. Brenda ! Son comportement des derniers jours, voire dernières semaines avait été rude, presque même étrange. Harriet voulait comprendre, Minho voulait lui remonter le moral suite à sa défaite face à Yzak-17 dans son duel à mort, suite aussi à la victoire volée de l'Epée d'Alura. Moi, je voulais lui dire d'arrêter de slut-shamer toutes les filles qui n'allaient pas dans son sens. Elle avait insulté Rachel, Teresa et sans doute d'autres encore. Elle semblait être en colère, véritablement, alors que ce n'était qu'un jeu.
Je descendais à la bonne station et descendais la rue jusqu'aux quais en skate. J'apercevais mes amis assis sur le bord, à parler tranquillement. J'écrivais un dernier message puis je les rejoignais et les saluais.
« J'ai envie de nous laisser une seconde chance... » C'est le message que j'ai écrit à Rachel.
Clint m'a attiré contre lui pour une accolade et j'ai rangé mon portable dans ma poche de veste. Brenda m'a collé une bise et Harriet m'a juste attiré contre elle dans un câlin. Minho m'a serré la main, me demandant comment j'allais. On s'est ensuite dirigé vers l'intérieur du Burger Queen...
à suivre...
Love, Ali.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro