Après une longue journée de travail, comme d'habitude, Nick prit le chemin de la maison de son oncle. Cela faisait quelques jours qu'il ne l'avait pas vu. Ils se parlaient souvent au téléphone. Mais ce matin, quand il l'avait appelé, il sentit de la tristesse dans sa voix. C'était presque comme s'il l'avait supplié de passer le voir. Il espérait que ce n'était rien de grave.

Une heure plus tard, il cognait à la porte de la maison de son enfance.

- Entre mon garçon, dit Roger en le laissant passer.

Nick y venait souvent et à chaque fois, toute cette période de sa vie qu'il tentait d'oublier lui revenait comme un flash. L'accident de son père, l'abandon de sa mère.

- Suis-moi, lui dit l'homme dont le poids des années se lisait désormais sur son visage.

Ils arrivèrent à la salle à manger où la table avait déjà été dressée.

- Carole nous a fait un véritable festin en apprenant que tu venais dîner ce soir.

Carole était la femme de ménage qu'il avait engagé pour s'occuper de son oncle. Elle avait bien sûr fait l'objet de scrupuleuses recherches à son sujet. Cela faisait maintenant dix ans qu'elle travaillait pour eux. On pourrait dire que c'était la seule femme laquelle il avait une once de respect.

- Alors, comment vas-tu mon garçon ? demanda Roger en commençant à les servir.

Il avait toujours gardé cette habitude de le servir comme s'il était toujours le petit garçon qu'il avait adopté.

- Je vais bien mon oncle. L'entreprise fonctionne à merveille. J'ai tellement de demandes en ce moment que je suis obligé de refuser certains contrats. Je...

- Je ne voulais pas parler de ton travail, dit Roger en s'asseyant. Je sais que ton entreprise se porte bien.

Nick s'affala sur sa chaise. Il savait de quoi il voulait parler. Il pensait qu'avec le temps, son oncle aurait compris qu'il ne voulait pas d'une femme dans sa vie.

- Tonton Roger..., l'appela-t-il comme quand il était petit.

- Ecoute mon garçon, je sais que tu n'as jamais eu de bon exemple en matière de femme. Et ce qui s'est passé avec ta mère et tante a été l'élément déclencheur.

Et il avait raison. Lorsqu'il fut assez grand pour comprendre les choses, son oncle lui avoua que l'accident de son père avait causé de sérieuses séquelles à sa colonne vertébrale. Il ne pouvait plus bouger aucun de ses membres. C'était la raison pour laquelle sa mère était partie. Il allait être un fardeau pour elle. Et à ce moment, la seule pensée qui lui vint était qu'il était déjà un poids pour elle car elle était partie sans même lui dire au revoir, lui son fils.

Ne voulant pas les laisser, son oncle avait décidé de les emmener lui et son père ici, à Seattle. Cela ne fit pas plaisir à sa tante. Pendant des jours, son oncle et elle s'étaient disputé. Un jour, le corps sans vie de son père avait été retrouvé. L'autopsie avait révélé qu'il s'était étouffé lui-même. Surement parce qu'il avait fini par penser qu'il gâchait leurs vies. Il avait dit à son oncle qu'il ne voulait pas faire subir ça à son fils.

Quelques jours après cela, son oncle avait perdu son entreprise. Sa femme s'était enfuie avec l'argent de l'entreprise. Il avait dû la revendre à un prix dérisoire. Il avait eu la chance de pouvoir garder la maison. Il avait pu trouver un travail dans un magasin de la place.

Son oncle était le seul qui ne l'avait pas abandonné. Il aurait tout fait pour le rendre heureux, mais finir sa vie auprès d'une femme semblait être au-dessus de ses forces.

- Mais tu ne dois pas laisser cela t'empêcher de vivre, d'espérer le bonheur, continua son oncle.

- Je suis heureux. Travailler me rend heureux.

Roger souffla. Son neveu avait toujours été intransigeant sur ce sujet. Mais il devait le convaincre. Il le faisait pour lui.

- Le travail, ce n'est pas tout dans la vie. Quand tu seras vieux et que tu ne pourras plus travailler, la seule chose qui pourra rendre ta vieillesse heureuse c'est une femme aimante à tes côtés, tes enfants et tes petits-enfants qui viendront te rendre visite.

Entendre son oncle parler de ça semble être une utopie pour lui. Fallait-il déjà qu'il trouve une femme qui sache aimer inconditionnellement.

- J'ai promis à ton père de te rendre heureux. Après ce que Marlène m'a fait, j'ai pensé que je serais plus heureux si je finissais ma vie sans femme à mes côtés et je pensais que cela aurait également été mieux pour toi.

Il avait arrêté de manger et son regard semblait se perdre derrière Nick.

- J'ai eu tort. J'aurais dû ne pas abandonner et trouver une femme qui aurait été une véritable figure maternelle pour toi. Peut-être qu'aujourd'hui, tu ne détesterais pas autant les femmes. Maintenant que je suis vieux, je vois mieux les choses.

Nick vit une larme couler sur son visage. Il était triste. Il avait de la peine pour son oncle.

- J'aime rester dans cette maison parce que j'y ai beaucoup de souvenir. Ça me permet de me rappeler l'homme que j'étais avant. Mais je me sens parfois tellement seul.

Roger fit une pause et reposa son regard sur son neveu.

- Tu m'as apporté tellement de bonheur mon garçon. J'aimerais que tu connaisses cela. Et surtout, je veux que tu ne finisses pas seul comme moi. Mais quand je vois ta vie et comment tu enchaines les relations sans lendemain, je me dis que j'ai failli à la promesse à ton père et j'ai failli dans mon rôle de père.

Nick, qui ne se montrait pas toujours sentimental, se leva et alla vers lui. Il prit ses mains et le regarda.

- Ne dis pas ça tonton. Tu m'as très bien éduqué et si j'ai réussi c'est grâce à toi. Tu as toujours été là pour moi et je serais toujours là pour, tu le sais.

- Je le sais.

- Et si tu te sens seul ici, tu peux venir chez moi, je te l'ai déjà dit.

- Oui. Mais ce n'est pas ça le plus important. Je serais rassuré si je savais que tu avais quelqu'un avec qui tu finirais heureux pour le reste de tes jours.

- Tonton...

- S'il te plait. Fais-le pour moi. Ne te faire plus à la possibilité de trouver une femme bien. Je voudrais voir au moins un de mes petits-enfants avant de partir.

Nick se mit à réfléchir. Son oncle avait tout perdu pour lui. S'il devait supporter une femme pour lui, il le ferait.

D'accord, finit-il pardire.