CHAPITRE 1 : Comme loup et lapin
Chapitre 1 : Comme loup et lapin
Len Yukimura ouvrit la porte de l'armoire de la salle de bain et en sortit un petit pot pharmaceutique. Il l'ouvrit et versa dans sa paume trois gélules. D'un coup sec, il porta les pilules à sa bouche et les cala sec avec un bon verre d'eau.
C'était les anti-dépresseurs que lui avait conseillé de prendre le médecin voilà déjà deux semaines, à la mort de Jayce... Son docteur voulait éviter qu'il ne fasse une rechute. Cependant, depuis le dernier texto de « BlackPen » qu'il avait reçu, il n'avait pas davantage dormi ni repris sa santé en main...
Il avait passé la dernière semaine à se faire les sangs et à se ronger les ongles. Il n'avait pas été aussi anxieux depuis son dernier meurtre, à vrai dire. Il n'avait pas reçu de nouveau texto depuis... Mais il n'en avait pas besoin. Il avait une certitude : Jayce était toujours en vie, quelque part et c'était cette unique idée qui le maintenait en vie, le retenait de mettre fin à ses jours et de faire un remake de Roméo et Juliette.
Il était déterminé à retrouver Jayce, quoi qu'il lui en coûte ! Au début, il avait songé à prévenir les anciens collègues de Jayce, mais il y avait renoncé. Après s'être lui-même fait accuser de meurtres qu'il n'avait pas commis, Jayce ne voudrait certainement pas revoir les gens qui avaient eu des doutes sur lui...
S'il avait fait en sorte de disparaître, ce n'était forcément pas pour faire un retour en force. De toute manière, s'il se re pointait, nul doute qu'il se ferait coffrer pour meurtre – la police trop contente de mettre la main sur BlackPen et la presse trop avide de faire un scoop - à moins que Len ne se décide à tout avouer. Ce qu'il ne pouvait pas faire. Et la police, maintenant qu'ils avaient un coupable, ne reviendrait pas sur cette idée : le débat était clos.
Len ferait donc cavalier seul, cette fois.
***
Cette journée-là, en revenant chez-lui après avoir été fait un jogging dans le Central Park comme il en avait l'habitude pour se remettre en forme après son inactivité de plusieurs semaines, une lueur rouge brillait sur le répondeur du téléphone résidentiel de l'appart, l'attendait. Quand il appuya sur « play », la voix robotique du téléphone commença son petit discours coutumier :
« Jeudi, 10 heures 30 minutes, 1 message, ... »
La voix qui décortiquait les syllabes se tut durant un bref instant, l'on entendit un « Bip » puis la voix bourrue d'un homme et étouffé par l'électronise mécanique de l'appareil prit sa place.
« Bonjour, je suis Newton Blore, le notaire officiellement chargé de s'occuper du testament de Mr. Colton. Si vous vouliez bien me rappeler, Yukimura Len, à ce numéro dans les plus brefs délais, s'il vous plaît... »
Len prit le numéro en note et appuya sur « stop ». La voix cessa. Il prit le combiné dans ses mains et composa le numéro qu'il avait noté sur le post-it. Il colla l'appareil à son oreille alors que la sonnerie retentissait.
« Dring, driing, driiing... Oui bonjour, ici le cabinet notaire Newton, qui est à l'appareil ?»
— Len, Yukimura Len, vous m'avez appelé ce matin, je crois.
L'homme toussota, semblant réfléchir un peu avant de jeter un coup d'oeil à ses fiches puis de répondre.
— Oui, effectivement, je vous ai appeler au sujet du testament de Mr. Colton. Je dois vous parler, que diriez-vous de prendre rendez-vous ?
Au fond de lui, Len savait que Jayce n'était pas mort, mais il songea qu'il devrait tout de même aller voir de quoi retournait cette histoire testamentaire. Il prit donc rendez-vous avec l'homme pour le lendemain après-midi.
***
Vendredi midi, Len attendait patiemment, jambes croisées, dans le bureau du notaire. Newton Blore s'était avéré être un vieil homme dépassant la cinquantaine légèrement rondelet, chauve et avec de toutes petites lunettes rondes sur le nez, cependant il n'en demeurait pas moins sympathique. Juste, juste un peu lent.
D'ailleurs, Len commençait à s'impatienter un peu... Cela faisait aux alentours d'une bonne dizaine de minutes que Mr. Blore s'afférait dans ses classeurs pour dénicher les bons dossiers dont il aurait besoin pour lui transmettre toutes les informations nécessaires. Il dut attendre un bon cinq minutes supplémentaires avant que l'homme ne trouve ce qu'il cherchait. Il finit par entendre une exclamation de triomphe étouffé et Newton revint vers lui, un ou deux dossiers en main. Il prit place devant lui, sur son siège et ouvrit son premier dossier qui contenait une copie photographiée du testament de Jayce.
— Mr. Colton a été très clair sur les détails : il vous lègue à vous seul toutes ses possessions à l'unique condition que vous alliez dans son pays natal pour les récupérer puisque mon client à laisser la plupart de ses biens là-bas ou, plutôt, les a envoyés là-bas quelques jours avant son décès ainsi qu'une grosse somme d'argent qui vous revient si vous allez chercher le numéro de compte bancaire qu'il a laissé pour vous.
Comme Jayce s'était, officiellement, suicidé, le fait qu'il ait envoyé plusieurs choses dans son pays de naissance avant sa mort ne laissait le notaire ni chaud ni froid, mais, Len, qui savait que Colton n'était pas vraiment mort, avait sa curiosité piquée au vif. Jayce cherchait-il à le guider jusqu'à lui ?
Il sourcilla. Il était tout de même assez surpris que tout lui revienne. L'agent avait-il tenu à lui avec autant de ferveur ? N'avait-il donc aucune famille...? Len se souvenait que Jayce lui avait dit détester son père, mais... Et sa mère ? Brusquement, Len prit conscience du fait qu'il n'en savait vraiment pas énormément sur la personne qu'il espérait retrouver...
— Son pays natal... répéta-t-il dans un murmure.
Soudain, il eut un rapide flash.
"— À votre tête, j'imagine que vous êtes Britannique, vous avez indiscutablement leur air hautain ! Déclara-t-il plutôt sur un ton devenu impoli.
Jayce scruta son interlocuteur avec un petit sourire amusé.
— J'ai vraiment leur air hautain ? demanda-t-il.
— Indiscutablement. "
Le notaire le toisa puis se racla la gorge.
— En Angleterre, mais il est spécifié que vous devez aller chercher l'argent et les biens dans la ville de Norwich.
Newton lui avait dit mais Len n'avait écouté que d'une oreille. Il venait de s'en souvenir. Bien sûr, Jayce était Britannique ! Ce n'était pas l'un détail que l'on pouvait oublier si facilement. Il hocha silencieusement la tête.
— Il a donné une date limite ?
— Non mais le plus rapidement possible sera le mieux, j'imagine. Il ne faut pas attendre trop longtemps pour ce genre de chose.
Mr. Blore ouvrit son second dossier et en sortit un ticket qu'il approcha de son œil comme pour mieux voir, il poursuivit :
— Mr. Colton a laissé ça pour vous. C'est un billet d'avion pour un vol jusqu'à l'aéroport de Norwich, c'est un vol direct, il plissa les yeux pour mieux lire les petits caractères, qui part... Hum... Demain soir, 10h.
Len eut un petit hoquet. Qu'essayait de faire Jayce? Il voulait qu'il n'aille aucune excuse pour ne pas se rendre à Norwich ? Ça en avait tout l'air. Le notaire lui tendit le billet et il le saisit précautionneusement, faisant attention à ne pas le froisser. Il n'avait pas le choix : il partirait demain soir ! Il allait retrouver Jayce, coûte que coûte !
— Hum... Mon client vous a également laissé ceci...
Le notaire poussa une enveloppe brune dans sa direction. Len la regarda d'un œil soupçonneux.
— Il vous laisse un montant de 5 000$ pour régler vos frais de transport et d'hôtel, une fois là-bas.
Len sentit sa mâchoire se décrocher. C'était beaucoup à avaler d'un coup...! Que Jayce ait prévu tout ça...! C'était... Incroyable !
Il prit néanmoins l'enveloppe, silencieux. C'était un véritable choc !
Il finit par sortir du bureau de Newton après avoir réglé les derniers détails et signé quelques papiers, toujours aussi estomaqué et choqué, pas de la somme d'argent, mais plutôt que Jayce lui fasse confiance à un tel point...
***
Le blondinet plissa les yeux et les coins de ses lèvres prirent un trait carnassier, décidé. Cela faisait des semaines qu'il travaillait, presque clandestinement - même si la majorité des membres de l'équipe étaient au courant, incluant MaClean qui avait tenté de le faire changer d'avis, – à prouver l'innocence de Jayce dans les meurtres de BlackPen.
Et, aujourd'hui était un grand jour. Enfin, il avait un avancement, et pas un petit ! Voilà une semaine, il avait mis le téléphone de Yukimura Len sous écoute.
Habituellement, il aurait eu besoin d'une autorisation écrite pour le faire, mais il ne s'en était pas soucié. Len était un yakuza, personne ne lui reprocherait rien, si on le découvrait.
Enfin, aujourd'hui, il était tombé sur une conversation intéressante entre Len et un certain Mr. Blore. Le testament de Jayce, hein ? Maintenant qu'il savait que Jayce léguait tous ses biens à ce yakuza qu'il soupçonnait de tous les malheurs depuis quelque temps, le jeune homme allait en profiter pour tendre un piège à Len. Son regard glissa sur le bureau qui avait autrefois appartenu à Jayce, entièrement vitré, personne n'avait encore osé y mettre les pieds ou l'occuper. De ce fait, tous les objets ayant appartenu à son ancien propriétaire y étaient toujours. Et il était plus que temps que quelqu'un vienne les chercher et qui de mieux passer pour cela que la personne à qui ses objets revenaient de tout droit ? Il pianota sur le clavier de son ordinateur et dès qu'il eut le bon numéro de téléphone sous les yeux le composa. Ce fut bref.
— Bonjour, ici le bureau du FBI de New-York, à ce moment précis, il fit une pause, en s'imaginant que, si Len était vraiment coupable, son estomac devait se tordre d'angoisse, puis il reprit, monsieur Yukimura, il faudrait que vous veniez récupérer les objets de Jayce. Personne n'y a touché et tout est encore intact dans son bureau. Venez dès que possible. Oui, aujourd'hui, conviendra très bien. À bientôt, monsieur.
Il se frotta les mains. Il venait d'attirer la proie dans la gueule du loup et ce fut facile, c'était le pire.
***
Vendredi, aux alentours de midi, le soleil brûlait les trottoirs new-yorkais.
Len arrêta la berline noire à quelques rues des bureaux du FBI dont la voix au téléphone lui avait donné l'adresse. Affublé d'un smoking tout aussi sombre que la voiture, il tentait de se donner l'impression d'être plus fort qu'il ne l'était vraiment émotionnellement.
Fronçant les sourcils, il prit une grande respiration, ferma les yeux, les rouvrit et retira la clef du contact. Il soupira, ouvrit la portière, posa un pied au sol, sortit de la luxueuse automobile et referma la porte derrière, accrochant le bouton pour la verrouiller, au passage. Il lissa son veston et se mordit la lèvre. Rien que de penser à Jayce le mettait dans un drôle d'état, mais il ne devait rien en montrer. Il marcha durant une dizaine de minutes puis il se dirigea vers la grande porte et la passa sans même prendre le temps d'y réfléchir. Dans son cas, trop penser serait nocif. Il déboucha dans le hall d'entrée. Des chaises en plastiques pas confortables, un bureau et une secrétaire aux lunettes Gucci qu'il croyait avoir aperçu lors des funérailles, c'est ce qu'il vit. Il s'approcha du bureau.
— Je... Heu...
La jeune fille lui coupa la parole sous le nez. Elle savait déjà qui il était. Mais qui ignorait son identité, ici, de toute façon ?
— Par-là, la porte à droite.
Décidant de ne pas argumenter, il alla dans la direction indiquée et débarqua dans une grande salle aux couleurs claires partagée çà et là par des bureaux aux parois transparentes, de sorte que l'on voyait tout ce que faisaient les gens à l'intérieur. Comme pour prouver que le FBI n'avait rien de vraiment secret ? Totalement ironique ! Il allait apostropher quelqu'un pour demander de l'aide, mais, avant qu'il n'ait pu le faire, une plaque au nom de « l'Agent Spécial Jayce Colton » sur une porte attira son attention.
Se devait être son bureau. Il y pénétra donc, s'arrêtant quelques secondes, la main sur la poignée, comme s'il s'attendait à ce qu'elle lui résiste. Ce ne fut pas le cas. Il pénétra donc dans le bureau avec une prudence exagérée. C'était comme s'il n'était pas sa place ici. Il tourna la tête pour observer l'environnement. Ça ressemblait à Jayce. Il n'y avait rien de familial ici, mais d'autres détails témoignaient d'une ancienne présence humaine. Des croquis de scènes de crimes, de corps d'hommes dénudés ou d'autres parsemaient le bureau. Jayce savait comment occuper son temps libre, il semblait bien.
Dans le coin de la pièce, il y avait une plante verte fanée et presque morte, probablement que personne n'avait daigné entrer ici pour l'arroser depuis... Depuis... Eh bien, vous savez. Len prit le carton que l'on avait laissé à son intention près de la porte et commença à y ranger les effets personnels de Jayce, à commencer par ses dessins. La plante suivit et il se promit de l'arroser à la maison. Il ouvrit, au hasard, un tiroir du bureau et un sourire naquit sur ses lèvres en tombant sur un exemplaire de "Mick & moi : attache-moi". De la porn'... Étrangement, tout ça semblait très typique de Jayce. Même du BDSM, rien ne le surprenait plus. Il se demanda juste si Jayce n'avait pas eu des petites tendances sado-maso à mater des films du genre. Il rangea la pensée dans un coin de son esprit, ce n'était pas le temps de penser à ça où il allait finir par y gagner une belle érection et il n'était pas question de se branler dans l'ancien bureau de Jayce !
Secouant vivement la tête, il se saisit du DVD et, faisant exprès de ne pas s'attarder sur sa couverture représentant un homme nu et attaché dans l'ombre d'un second plus sinistre, le mit dans le carton avec les autres choses. Des stylos vinrent le rejoindre, un ordinateur portable et un bloc de post-it. Dans le temps de le dire, le carton fut rempli et le bureau de Jayce vidé. Len contempla la pièce maintenant épurée, prêt à accueillir un nouvel agent spécial et décida qu'il ne voulait pas rester là plus longuement.
La boîte dans les bras, il refit le chemin en sens inverse et sortir des bureaux du FBI, adressant un petit signe de tête à la secrétaire qu'il revit en sortant.
Décidant de prendre un raccourci pour retourner à la voiture, Len emprunta une ruelle étroite. À mi-chemin, il crut entendre des bruissements derrière lui, il se retourna vivement, intrigué, mais rien... Il continua de marcher. Tap, tap, tap. Il crut entendre de nouveaux des pas derrière lui, se rajoutant aux siens. Il s'arrêta et, le cœur battant, se retourna. Toujours rien. Bon sang, la mort de Jayce l'avait affectée, certes, mais en était-il devenu parano à un tel point ? Ou alors c'étaient les antidépresseurs qu'il prenait ? Non, il n'était pas fou ! Il refusait d'envisager cette possibilité, hautement improbable.
Il s'enhardit puis continua à avancer. Rendu à mi-ruelle, le bruit le reprit. Persuadé qu'il n'était pas fou, mais voulant faire comme si ce son ne le dérangeait pas, il fit encore quelques pas quand, tout à coup, tel un ninja, une silhouette sauta et atterrit droit devant lui, lui barrant le passage.
— As-tu tué tous ces gens ? Lui demanda le blondinet, le transperçant de son regard vert comme l'émeraude.
— De quoi ? Lâcha Len, interloqué et à la fois choqué.
— Ces noms vous disent quelque chose : Steven Chase, Livia Jonhs et Jessica Parker ?
Len sentit son cœur lâcher dans sa poitrine à l'entente des prénoms qu'il aurait préféré enterrer, oublier au plus profond de lui-même. Néanmoins, il se cacha derrière un air offensé.
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler ! S'exclama-t-il un brin trop vivement.
— Vous devriez, pourtant, les noms sont passés aux nouvelles, voilà une semaine environ.
— Je ne suis pas un addict aux téléjournaux.
— Vous n'en avez pas besoin, avec votre petit-ami dans le coup, vous avez dû avoir des infos de premières qualités.
Len se raidit cruellement, détestant entendre parler en mal de Jayce. Il fusilla l'inconnu du regard et c'est alors qu'il reconnut sa voix et son visage. Il avait vu cet homme aux funérailles, une semaine auparavant.
— Je vous reconnais, fit-il finalement, vous étiez là, aux funérailles de Jayce.
— Bravo, je suis démasqué ! S'exclama-t-il avec un air mélodrame. Je suis Jimmy Harvard et j'ai la ferme intention de prouver que Jayce n'est pas coupable des meurtres dont on l'accuse, mais, à vrai dire... Mes soupçons s'orientent vers vous. Dissuadez-moi.
De plus en plus choqué, le cœur battant, l'adrénaline d'être découvert dans le sang - sentiment d'anxiété intense qu'il n'avait pas connu depuis son dernier meurtre - comme si son cœur battait dans son cou même, il fronça les sourcils et, sans qu'il ne puisse sans empêcher... Son poing alla défigurer le beau visage de ce trou du cul blondinet. Au début, il fut tenté de serrer le carton de la boîte entre ses doigts pour se retenir de frapper, mais il ne voulait rien briser. Il avait donc déposé la boîte au sol, puis céder à ses pulsions violentes.
— De quel droit osez-vous m'accuser ainsi ?! Vous n'êtes qu'un beau salopard trop sûr de vous et auquel il manque quelques boulons dans le cerveau. Je n'ai pas à me justifier devant pareilles accusations !
Les insultes ne semblèrent pas plaire à Jimmy qui, du haut de sa jeunesse impulsive aux hormones en bataille, sembla fulminer lorsqu'il saisit son collet pour le frapper à son tour d'un coup de genou dans le ventre. Len se tordit de douleur, mais, entraîné à se battre comme un vrai yakuza, il répliqua aussitôt d'un coup de tête dans l'abdomen. Jimmy allait l'empoigner par les épaules quand une nouvelle paire de mains se mêla au combat et se saisit de Jimmy pour le tirer vivement en arrière, lui faisant une clef de bras par la même occasion.
Le mec en chemise blanche du FBI ne sembla pas comprendre ce qui lui arriva lorsqu'il se retrouva bloqué et hors d'état de nuire par ce mec aux cheveux noirs sortis de nulle part. Len le reconnut aussitôt pour avoir mangé avec lui à tous les jeudis durant presque un an avant de n'arrêter à la mort de Jayce. C'était Kyle qui avait arrêté les rendez-vous, prétextant un empêchement, Len avait toujours douté de cette raison, mais ne l'avait jamais remise en question.
— Kyle, tu fous quoi, ici ?
— J'étais venu régler des affaires de territoires avec des flics corrompus à l'os, il offrit un sourire moqueur et ouvrit une parenthèse, - et non, je ne dirai pas de noms ; confidentialité oblige - quand je t'ai vu, je voulais venir te voir, mais j'ai vu ce gamin qui te suivait par la route des toits, ça m'avait l'air louche alors je l'ai suivi et, à ce que je vois, j'ai bien fait, car, sans mon intervention, tu aurais mis Blondie à terre et il aurait été dommage de gâcher une si belle gueule.
Jimmy lança un regard noir à Len, ne pouvant observer son détenteur dans les yeux, tout en essayant de se défaire de sa prise sans grand succès et visiblement mécontent du nouveau surnom qui lui avait été attribué.
— J'ai un flingue, j'aurais pu le descendre n'importe quand ! Se défendit Jimmy, oubliant tout du vouvoiement, avant de ne se rendre compte qu'il avait commis une erreur de débutant - tel qu'il l'était - en révélant sa possession d'arme lorsqu'une main baladeuse se promena sur son corps et, effleurant ses fesses, se saisit de son pistolet.
Kyle joua avec l'arme durant un instant avant de ne le glisser sous la chemise de Blondie et de n'appuyer le métal froid contre la peau du milieu du dos de son prisonnier, le faisant frissonner. Le mafieux avait un sourire amusé, semblant trouver amusant de torturer sa proie à sa façon, c'est-à-dire Jimmy, qui se tortillait en cherchant à éviter le contact du métal, arquant et dé-arquant son dos continuellement. Il faisait un peu penser à un chat à sa manière de s'étirer et de se contorsionner.
— J'aurais pu éviter les balles, après tout, ne suis-je pas un ninja yakuza ? plaisanta un peu Len, prenant pour acquis que Jimmy devait tout ignorer de la culture traditionnelle Japonaise, comme la plupart des gens, d'ailleurs.
Blondie ne fit que se renfrogner. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais la referma aussitôt. Il devait être bien petit dans son froque, pris entre le mafieux américain et le yakuza japonais et sans savoir ce que l'on ou l'autre projetait de faire de lui. Len riait un peu dans sa barbe, à vrai dire, car il savait que Kyle ne faisait que s'amuser et qu'il n'arriverait rien à ce jeune homme sauf peut-être si Kyle décidait de le traîner dans son lit, mais Blondie semblait hétéro en tout point, même si Kyle aimait les défis, Len n'était pas certain qu'il se lance celui-là.
— De toute manière, il t'aurait raté au tir, à peine, il t'aurait effleuré : les p'tits flics dans son genre sont tous des narcotiques impulsifs-énervés décidés à garder leur job minable d'aide-branleur pour vieux décrépis en manque d'amour-propre et de relations charnelles pour plus de six mois pour pouvoir se la gonfler pompette auprès de leurs potes.
Un mince sourire se joua sur les lèvres de Len. Kyle avait toujours eut le chic pour verbaliser les choses. À ses paroles, il porta une main quelque peu nerveuse à son épaule, celle où une balle l'avait blessée, voilà quelques mois. La balle de Jayce. Parfois, il rêvait de ne pas avoir plus qu'une simple cicatrice rougeâtre sur sa peau. Si seulement il avait perdu l'usage de son articulation. Si seulement. Il le méritait. Amplement. Pour ce qu'il était et ce qu'il avait fait. Il aurait dû payer plus que ça. Il aurait dû. Mais il devait se contenter de quelques amers regrets et des souvenirs qui lui restait. Le genre de souvenirs qui devenaient des cauchemars quand il fermait les yeux.
— Je ne m'inquiétais pas, de toute façon, répliqua-t-il simplement, monotone.
Décidant qu'il était temps pour lui de partir avant de se coltiner d'autres questions, il se pencha pour ramasser son carton et passa à côté des deux garçons.
— Bon, Kyle, demande à ton "Blondie" mon numéro de téléphone si tu veux me contacter : par un moyen détourné, il a mis la main dessus et (il regarda le jeune homme de haut en bas), ne l'abîme pas trop. Je dois y aller, mon avion part ce soir pour Norwich.
Cette information n'entra pas dans l'oreille d'un sourd...
Kyle lui offrit un clin d'œil.
— Je ferai gaffe, mais faudrait que tu définisses « pas trop » ...
Jimmy eut un air encore plus dégoûté qu'il n'y paraissait déjà, les muscles rigides, la mâchoire contractée et les yeux fuyants à gauche et à droite comme pour trouver une issue. Len lâcha un dernier ricanement, puis disparut sous le regard noir du blondinet même si ce dernier se retrouvait dans l'incapacité de le suivre du regard jusqu'au bout de la ruelle sans enfouir son visage dans le torse de Kyle, plus grand que lui. Lorsque Len fut hors de porter, Kyle bougea son arme à feu contre le dos de sa proie, tout sourire.
— Alors, tu me le donnes, ce numéro de téléphone avec, en prime... Hum, le tien ?
Jimmy lui lança un regard furieux comme il le pu, derrière son épaule.
***
Le reste du chemin du retour à pied se déroula sans embûches pour Len. Il mit la boîte contenant les effets personnels de Jayce sur le banc arrière et s'installa au volant de la voiture.
Il fut chez lui dans le temps de le dire. Il posa le carton contenant les effets personnels de Jayce sur la table du salon et en sortit la plante. Il la posa à côté de la boîte et alla dans la cuisine pour remplir un verre d'eau. Il revint dans le salon et déversa le contenu du verre dans la plante, pour l'arroser. Il déposa le verre sur le comptoir de la cuisine et resta planté devant les effets de Jayce, sans broncher et sans savoir quoi faire durant un moment.
Avait-il le droit de fouiller... ? De toucher ? Il voyait la boîte un peu comme un élément sacré. Jayce était un type trop bien pour lui, il le savait. Et, pourtant, il lui avait légué tout ce qu'il possédait. Len essayerait de s'en montrer digne. Puis, comme il ne doutait pas que Jayce l'attendait, quelque part, il hésitait encore plus à toucher à ses affaires en le sachant en vie, quelque part.
Après un long moment d'hésitation, il se décida finalement. Tout ça ne pouvait pas rester là, en plein milieu de son salon éternellement ! Il vida donc la boîte et fit le tri. Il mit quelques croquis et le film porno de côté et, le reste, il alla le fourrer dans son placard. Il prit sa valise de voyage en même temps et la remplit de morceaux de linge pour une semaine, ne sachant pas combien de temps il resterait là-bas.
Revenant dans le salon, il rangea ce qu'il avait mis de côté dans sa valise, par-dessus ses vêtements, se promettant qu'il ne reviendrait pas aux USA avant de n'avoir pu donner ses choses-là à Jayce en main propre.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro