5 : Éternité
Une semaine plus tard.
PDV ASHLEY :
Ça fait maintenant une semaine que je suis arrivée ici, et je ne sais toujours pas quoi faire...
Tenter de sauver l'humanité ? Je vois mal comment. Je n'avais jamais fait d'expériences ni suivi des cours de science comme l'avait fait mon frère avant de partir.
Je n'ai d'ailleurs toujours pas digéré son abandon, mais j'ai décidé d'ignorer cela pour le moment. Ça ne servait à rien de me focaliser sur des événements passés.
Suga était vraiment quelqu'un de désagréable et d'irritable, mais quand il le voulait il pouvait se montrer compréhensif voire même attachant...
Enfin, seulement quand il le voulait.
B
ref...
J'ai passé toute la semaine dans mon lit sous les ordres et les restrictions de ce dernier, mais il a enfin déclaré hier haut et fort que je pourrais remarcher aujourd'hui. Cette nouvelle était certainement la meilleure de la décennie, je devais bien l'avouer.
- Le mentos ! Viens ici !
Des pas lourds et rapides se firent entendre dans le couloir, et un murmure parvint à mes oreilles quand il ouvrit la porte.
- Quoi encore...? Et ne m'appelles pas comme ça sale gosse.
Je lève les yeux au ciel, épuisée par son air rabat joie. Je me vois dans l'évidence de vous montrer les choses telles qu'elles sont, or taquiner Yoongi était devenu mon petit loisir.
- C'était juste pour te demander de me faire visiter ce bâtiment qui m'est toujours inconnu.
- Juste pour ça..., soupire t-il.
Je me lève d'un bond, mais la douleur me fit sentir bien vite pourquoi j'étais restée si longtemps sur ce lit qui ne m'appartenait pas. J'essaie donc de ne pas trop solliciter ma jambe, mais marcher à nouveau était devenu étrange.
- Bon dépêche toi, il faut que je fasse une sieste.
- Ouais t'as raison, un papi ça a besoin de sommeil.
Il me lance un regard noir avant de se diriger lentement vers la sortie de la pièce. Je le suis sagement, heureuse de pouvoir enfin visiter cet endroit.
La porte débouche sur un long couloir froid, avec quelques portes de chaque côté.
- Ici, dit-il en me montrant la salle de bain, tu connais. En face c'est une bibliothèque.
- Oh...mais c'est trop bien !
- Tais toi et écoute.
- Oui monsieur, soupirais-je en roulant des yeux.
- Bien, à côté de la bibliothèque c'est le bureau de ma mère.
Sa mère...
J'acquiesce silencieusement tandis qu'il se dirige déjà vers la pièce principale. Mais il restait une porte, celle du bout du couloir dont il n'avait pas encore parlé.
- Et là ? Dis-je en pointant cette porte.
- Rien d'important, répondit-il sèchement.
- Bah si quand même...imagines tu tortures les gens que t'héberges ? Et si c'était moi la prochaine...? Brrr...
- Ne sois pas ridicule et viens, on continue.
Ah oui ? Il ne voulait rien me dire ? Très bien. Je me retourne vivement et me dirige d'un pas assuré vers cette porte. Quand il s'en aperçu, il se retourna brusquement.
- Idiote ! Je t'ai dit que ce n'était pas important !
Mais trop tard, j'étais déjà rentrée. Cette pièce était...une chambre. Une chambre à la décoration simple, épurée, plutôt jolie.
Juste une chambre.
- ...c'est ta chambre ? Demandais-je, déçue.
- Ma chambre est celle où tu dors. T'es contente petite fouine ? Maintenant sors. Me répondit-il agacé.
- Hein ? Mais...tu dors où alors ?
- Sur un canapé.
- Et cette chambre ? Tu aurais pu garder ton lit et me mettre dedans...?
Si je le faisais exprès ? Oui. Après tout, Suga était loin d'être net.
- Non, je ne peux pas. Cette porte n'aurait même pas dû être ouverte et ce ne sont pas tes affaires. Je ne te le redirai pas une troisième fois Ashley, sors d'ici.
Son ton était neutre et son regard distant.
Sur le moment j'avais eu des légers frissons...non je n'avais absolument pas peur de lui...
Je baisse la tête, impuissante et accaparée par ce sentiment de l'insupporter en jouant avec ses nerfs, et le suis sans dire un mot de plus.
.
.
.
La visite prend fin quand il m'emmène à l'étage. Il n'y avait qu'une grande pièce avec un toit sous forme de petit dôme en verre. On pouvait y voir le ciel, les étoiles.
La salle était remplie de machines et d'appareils électroniques en tout genre. Voir autant de complexité technologique et informatique me fascinait.
- Ici c'est le poste d'observation. Toutes ces machines servent à la météorologie. Il marque une pause. Bon voilà on a fait le tour. Enfin, dehors il y a une serre avec quelques plantes et un petit labo aussi mais j'ai la flemme de te les montrer donc tu feras sans moi.
- Ah...sympa. Merci, je suppose que je devrais me réjouir que tu m'aies accordé un peu de ton temps monsieur grincheux.
Sans un sourire mais en baillant, Suga se retourne et descend les escaliers, sûrement pour retourner se coucher sur son canapé.
Je regarde l'heure sur un des écrans d'ordinateur. Il était déjà plus de quinze heures. C'est perturbant...je savais que le temps nous était compté, qu'il ne nous restait que quelques mois, années avec un peu de chance.
Mais rien de tout cela ne m'atteignait.
Comme si dans ma tête ma vie s'était déjà arrêtée. Pourtant mon coeur battait encore.
Mais je ne peux refouler cette sensation...cette impression de...ne pas être à ma place. Comme si je n'étais pas censée être encore en vie à ce jour, et que j'avais miraculeusement échappé à mon destin.
J'ai l'impression de vagabonder.
J'ai l'impression qu'on ne m'a pas laissé mourir comme l'ordre des choses le voulait.
Et on voulait que je sauve l'humanité.
Quelle humanité mérite t-elle d'être sauvée ? Celle qui a détruit la Terre ?
C'est franchement ridicule.
Moi ? Un jeune fille frêle et sans aucune connaissance de la science ?
Et des paroles me revinrent en mémoire comme pour répondre à mes interrogations. C'était celles de mon frère...à cette époque je devais avoir quatorze ans, et mon frère devait à nouveau partir voir une collègue de science. Je lui avais dit vouloir partir avec lui, mais je savais que je ne le pouvais pas parce que je ne connaissais rien à l'apprentissage scientifique. Et je l'admirais, et je voulais devenir comme lui...
"Tu n'as pas besoin de connaître tout sur les sciences. Si c'est toi et pas un autre, c'est parce que tu sais ce qu'est la vie. La joie, la tristesse, la colère, le hasard puis parfois la déception, jusqu'à la haine, et enfin le désespoir. Tout ça, c'est la vie. Il ne te reste plus que l'amour. Le besoin d'être aimé, puis d'aimer. Je suis sûr que tu découvriras ce sentiment un jour. Ashley...tu es la fille qui tiens le plus à la vie de toutes les personnes que je connaisse, c'est ta force. Tu es plus forte que moi, que nous tous. Ne l'oublie pas, et ne change pas. Ne perd pas espoir."
Me souvenir de lui et de sa voix avait fait rouler des larmes sur mes joues. À cette époque je n'avais pas encore compris le sens de ces paroles. Je n'avais pas encore compris qu'il me disait adieu, qu'il me confiait cette mission. Moi, je voulais juste qu'il reste avec moi. Je voulais qu'il arrête de partir et de revenir des mois après.
Et cette fois, il ne reviendra plus.
Je m'effondre sur le sol froid de cette salle bien trop grande pour mon petit corps tremblant. J'avais l'impression que toutes les machines me regardaient, me jugeaient, voyaient l'être aussi pathétique et misérable que j'étais.
J'avais envie d'abandonner.
Et pourtant...Je n'y parvenais pas.
Quelque chose me retenait.
M'empêchait de sombrer.
M'aidait à m'accrocher encore un peu à la vie.
Je me leva d'un bond et couru jusqu'en bas. Ma jambe me faisait mal mais je m'en foutais royalement.
J'avais besoin de le sentir dans mes bras, de sentir sa chaleur, son corps contre le mien. Plus que tout au monde. Ça prenait le dessus sur cette envie de mourir qui m'obsédait. Ça prenait le dessus sur tout.
Mon frère, mes parents, la fin du monde, la mort qui planait au dessus de nos têtes...Tout ça je l'avais oublié.
Il n'y avait que lui.
Je me sentis rassurée quand je sentis enfin sa chaleur. J'entendis la voix rauque de son réveil soudain s'élever.
- Ash...tu fous quoi Ashley ?!
Rien que l'entendre prononcer mon nom apaisait mes colères. Pas assez pour me rendre heureuse, mais suffisamment pour m'empêcher de sangloter.
Il allait encore rouspéter, comme à son habitude, mais il se figea en me voyant dans cet état.
- Ashley ça va ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Je n'avais pas envie de le lui dire.
J'avais juste besoin de son réconfort.
Je ne répondis pas et serra son t-shirt dans ma main. Il soupira et me serra dans ses bras, contre son torse.
- Ça ira, je te le promets.
Je ne sais pas vraiment combien de temps nous sommes restés dans cette position, mais je finis par m'endormir.
PDV SUGA :
Il est vrai que le fait qu'elle aie sauté sur moi m'avait surpris. D'autant plus que ses jambes avaient entouré mon bassin et que sa poitrine s'était écrasée contre mon torse.
Elle m'avait réveillé, ça oui.
Déjà, je détestais être réveillé.
Mais en plus, elle m'avait réveillé en m'excitant.
J'allais la dégager de mon corps, mais quand j'avais posé mon regard sur son visage, mon coeur s'était serré. Ses yeux étaient rouges et gonflés, ses larmes coulaient si fort qu'elles en mouillaient mon tee-shirt. Pourtant elle ne faisait aucun bruit.
J'avais envie de savoir ce qui l'avait mit dans cet état, mais j'avais vite abandonné quand elle avait serré mon vêtement dans sa main avec un regard qui en disait long. "Je ne veux pas en parler, j'ai juste besoin de toi".
En guise de réponse et souhaitant lui apporter un semblant de réconfort, je l'avais serré contre moi. Son corps qui tremblait légèrement s'était détendu à mon contact.
Nous restâmes quelques minutes ainsi. Je souleva doucement une mèche de ses cheveux et m'aperçu qu'elle s'était endormie. Alors je ne tarda pas à faire de même.
Que pouvais-je faire pour elle, si ce n'est rester à ses côtés ?
.
.
.
Je me réveille quelques heures plus tard et le froid m'envahit. J'avais beau regarder devant moi, elle avait disparu de mes bras.
Ça m'inquiétait légèrement étant donné son état précédent, alors je me mis à la chercher dans le bâtiment. Je fus amplement rassuré en voyant la lumière se diffuser sous la porte de la salle de bain, et en entendant l'eau couler.
Je repars donc lassement dans le salon pour préparer à manger. Il était 21h25, et j'avais décidé de lui faire un bon plat pour la conforter aujourd'hui. J'étais rarement gentil avec quiconque, ce n'était pas mon fort.
Cependant, cela ne faisait pas de moi quelqu'un d'insensible.
Ce sera...des pâtes.
Bah oui, il ne fallait pas trop m'en demander. La flemme l'emportait toujours après tout.
Ce fut prêt quelques minutes plus tard, et c'est à ce moment précis qu'Ashley entra dans la pièce, vêtue de mes vêtements.
Je les lui prêtais parce qu'elle n'avait rien à se mettre sur la dos, et puis ça ne me déplaisait pas de la voir porter mes vêtements, bien qu'ils soient trop larges pour elle.
- Dépêche toi de t'asseoir, j'ai faim.
Elle me jeta un regard dédaigneux, un sourcil levé et les mains sur les hanches.
- Des pâtes ? Sérieusement ?
- Si t'es pas contente, ne manges pas.
Elle soupira et prit son bol de pâtes. Elle murmura un discret "merci" avant de prendre sa première bouchée.
Je pense que ma façon de m'occuper des autres était particulière. Après tout, je restais fidèle à moi même et ça semblait marcher parfois.
Nous regardions à travers la fenêtre le soleil se coucher. Oui, il se couchait tard, mais je vous rappelle que notre planète s'était déréglée. Les saisons s'étaient confondues, le temps variait d'un jour à l'autre.
Nous avions cassé cette planète.
Le soleil disparu derrière les nuages de pollution, ne laissant derrière lui que des traces orangées puis la nuit totale. Juste son reflet transmit par le biais des rayons de lune.
- Tu crois qu'il nous reste encore combien de temps ? Me hasardais-je à lui demander.
- Je ne sais pas...très peu. Trop peu sûrement.
- Trop peu pour quoi ? Ricannais-je.
- Pour nous laisser le temps d'être heureux, me répondit-elle pensive.
- Comment pouvons nous l'être ?
- En s'aimant.
Sa voix était claire, dénuée d'une quelconque hésitation. Comme si cette voix était celle de son cœur. Ses mots résonnaient dans ma tête en boucle. Il me firent sourire par un mécanisme absurde, mais mon sourire se perdit bien vite.
De un, jamais je ne ressentirai quoi que ce soit envers quiconque, et encore moins envers Ashley. Nous étions opposés, contraires, pas faits pour s'entendre.
Je baissais mon regard vers le sol en secouant la tête, les sourcils froncés, et quand elle s'aperçut de ma confusion elle se mit à rire, gênée.
- Euh...Yoongi ? Désolé, sorti de son contexte c'est un peu étrange, mais c'est ce que mon frère me disait tout le temps.
Puis elle se leva sans pression, et rangea la vaisselle dans l'évier avant de repartir dans sa chambre.
Aimer.
Je disais que je ne le voulais pas, mais quoi faire quand il sera trop tard ? Pourrais-je contrôler mes sentiments, réprimer mes émotions ?
J'avais déjà bien mal au coeur de devoir la perdre un jour, ça commençait très mal. Et maintenant que je m'en rendais compte, je voulais me maudir.
Je devais refouler ces sentiments naissants.
Il fallait que je l'aide à sauver l'humanité, il n'y avait pas de place pour l'amour à présent.
Et pourtant j'avais envie de tout foutre en l'air.
- Tu sais Suga ! Dit-elle en réapparaissant dans la pièce, légèrement essoufflée. Tu es lâche de croire que la mort nous séparera comme elle l'a fait pour ta mère et toi ! Je ne suis pas elle...
Elle avait visé juste. Comme toujours. Ça en devenait lassant, fatigant, injuste. Comme si elle pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Comme si elle était la seule à pouvoir me comprendre.
Sa voix s'adoucit ensuite, comme une prière.
- J'ai besoin de toi, moi...
Si ses mots me blessaient, ils me soignaient aussi. Je me posais moi même un ultimatum futile. Il suffisait juste de s'oublier.
Je savais que ce serait dur. Mais je voulais nous laisser cette chance, de pouvoir enfin être heureux. Que l'on y parvienne par amour ou par amitié, je m'en fichais à présent. Je ne devais plus avoir peur, je devais ouvrir les yeux.
Il fallait juste nous laisser le temps.
- Ashley, je ne m'appelle pas Suga. Moi, c'est Yoongi, murmurais-je.
Elle me sourit, les yeux humides mais avec cet air satisfait collé au visage.
- Je savais que ce n'était pas ton vrai nom. Tu comptais attendre combien de temps avant de me le dire ? Riait-elle tristement.
- Je suis désolé d'être aussi con.
Nous rions ensemble pendant de nombreuses heures, avec au cœur de nos conversations des sujets diverses et hilarants. Cette soirée, je ne l'oublierai jamais.
De l'amitié, de la complicité, de l'espoir...
Je ne voulais pas mettre de nom à ce sentiment, mais je lui faisais confiance.
Je n'ai jamais aimé une personne au point de vouloir l'aimer encore jusqu'à l'éternité.
Ashley fut la première.
Et inévitablement la dernière.
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