3 : Univers
À ce moment là j'ai su que j'avais fait une connerie. Une immense connerie.
J'avais fait fuir celle qui représentait notre dernier espoir, et, plus que ça, j'avais jugé une jeune fille maudite trop vite, brisant son coeur en me laissant un goût amer dans la gorge.
J'aurais dû prendre sur moi.
Je me lève brusquement, me ruant à l'extérieur la lampe torche à la main, priant pour qu'elle ne se soit pas trop éloignée et qu'il ne lui soit rien arrivé. Ben tiens, d'un coup, ça m'intéressait.
Quand je cours, j'ignore toutes mes peurs. Et, tout ce à quoi je pense, c'est de revoir ses cheveux bruns flottant dans le vent, son sourire qui se dessinait en une esquisse rêveuse, sa silhouette timidement délicate, et ses yeux verts humides reflétant la lumière des étoiles.
On ne voit la vraie lueur des étoiles seulement quand elle se reflète dans les larmes...elle me faisait penser à ce film, Stardust.
Je ne pensais plus à rien, juste à te trouver, et, je ne savais même pas pourquoi cela avait d'un coup autant d'importance. Ce n'était pas parce que tu pouvais sauver l'humanité, ce n'était pas parce que tu avais été abandonnée.
Peut-être était-ce la mention du nom de ma mère dans cette lettre qui avait fait ressurgir en moi des sentiments que je pensais enfouis. Que j'avais esperé, enfouis.
Mais il y avait quelque chose de fort, qui me rattachait à toi. Sûrement parce qu'on était les seules personnes sur Terre à être encore en vie à l'heure actuelle.
Et un seul mot murmuré passa la barrière de mes lèvres quand je découvris ton corps inerte que j'osais à peine éclairer de ma lampe, baignant dans une petite flaque de sang qui entourait ton genou, rouge pourpre. Ton sang.
"Ashley...!"
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PDV ASHLEY
Mes pensées quittaient mon esprit et, pour la première fois depuis longtemps, je me sentais bien. Apaisée. Comme si tous mes problèmes avaient disparus. Je ne vis aucun souvenir défiler, juste le visage de ceux que j'ai aimé.
Et j'entendis une voix murmurer mon prénom.
"Ashley...!"
Sans savoir pourquoi, cette voix m'empêchait de sombrer. Alors que je croyais que ma lanterne s'éteignait peu à peu, elle se raviva de plus belle.
Je gardais conscience. J'étais trop faible pour ouvrir les yeux, mais j'entendais un bruit de déchirure, puis sentis que l'on serrait ma jambe et nouait un bout de tissus sur ma plaie béante.
Je sentis ensuite des bras passer derrière mes cuisses, me soulevant. Mes bras s'étaient automatiquement placés autour du cou de l'inconnu. Je le sentis friser à ce contact.
- Ashley ? Tu m'entends...?
Cette voix, c'était celle de Suga et, même si je le détestais, une partie de moi ne voulait plus le lâcher. Sûrement parce que j'étais à moitié dans les vappes...
Oui, ça devait être ça.
Je m'efforça à lui répondre, bien que faiblement.
- Oui...
- Surtout ne t'endors pas ok ? Tu as perdu beaucoup de sang et...
Il s'arrêta, mais je devinais facilement la suite : "Et tu risquerais de ne plus jamais te réveiller "
Étrangement, bien qu'étant consciente de la situation, cela ne m'effraya point.
Si je devais partir, alors je partirai.
Mais, les mots qui parvinrent à mes oreilles à ce moment là me chamboulèrent plus que prévu.
Ces mots simples firent pencher la balance du mauvais côté. Ils trouvèrent place dans mon coeur froid d'avoir été trahi.
La voix qui les avait prononcé m'avait provoqué des frissons inexpliquables, et je pouvais ressentir la dimension profonde de ces paroles prononcés non pas par des cordes vocales, mais par la douleur d'un coeur meurtri.
Ces mots qui résonnaient dans tout mon être me faisaient prendre conscience de ce qu'il m'arrivait.
Je perdais la vie.
Je mourrais.
"Ne me laisse pas..."
Et soudain, j'avais peur. Peur de mourir.
Alors je luttais contre le sommeil qui m'appelait, souhaitant m'enfermer dans cette éternelle prison qu'est la mort. Je sentais le corps de Suga bouger sous le mien, se traçant un chemin parmi les branches, veillant à ne pas que je me fasse griffer par l'une d'elle.
Et soudain je réalisais.
Son parfum envahissant mes narines, ses cheveux effleurant ma tempe, ses mains s'agrippant à mes cuisses...
Je ne comprenais pas.
Comment la personne que j'avais détesté si fort pendant quelques instants avait pu devenir celle pour qui je voulais vivre, en si peu de temps ?
Quand il me déposa délicatement sur un matelas, je sentis à nouveau mes forces vaciller.
Mais dans un élan de courage, je parvins à ouvrir les yeux. La lumière m'aveuglait.
Suga, ayant certainement remarqué ce geste, baissa la luminosité, éteignant la plus grande des deux lampes qui éclairaient la pièce.
Mes yeux s'habituaient alors progressivement à la lumière et la première chose que je vis fut son visage légèrement caché par ses mèches de cheveux mentholées qui retombaient sur ses yeux.
Il planta son regard dans le mien.
Et c'était si...intense. J'ai cru voir l'univers en plongeant dans son regard. Il y avait tellement de choses qu'il cachait, de sentiments qu'il se retenait de crier, tant d'émotions refoulées.
Je détourne mon regard, gênée par cette profondeur intimidante. Je ne voulais pas qu'il arrive à lire en moi.
Il reprend alors ses occupations, à savoir s'occuper de ma jambe. Il prend en main une trousse de soin, que je reconnu comme étant la mienne, et commence à soigner mon genou.
J'aurais dû avoir mal, mais son sourire rassurant me faisait oublier cette douleur. Je savais que ce n'était pas son genre de sourire.
Je savais que c'était à moi qu'il était adressé, et je ne pu m'empêcher de sourire à mon tour.
Quand il finit de passer l'aiguille sous ma peau, il soupire de soulagement.
- Ça devrait aller, mais tu vas devoir te reposer.
Je hoche faiblement la tête. Suga me regardait étrangement sans que j'en sache la raison. Il avait l'air pensif et...attristé. Perdu, coupable...
Mais je ne me pose plus de questions puisque je ressens à nouveau cette fatigue, épuisée par les événements.
- Tu peux dormir maintenant Ashley.
Comme si j'avais attendu son approbation, je sombrais dans le sommeil après que mon prénom ait franchi la barrière de ses lèvres.
Je n'avais jamais aimé ce prénom, mais il paraissait si beau prononcé par lui.
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POV SUGA
Des tonnes de questions me torturaient de l'intérieur. Alors que j'avais fini de recoudre sa plaie, je lui dis qu'elle avait besoin de repos.
Je regarde à nouveau son visage pâle et pourtant rayonnant. J'avais peur qu'il perde cette lueur quand elle lira le mot de son frère.
Comment le lui dire ?
Comment lui dire que sa famille l'avait abandonné depuis longtemps déjà, la laissant porter un fardeau aussi lourd que le poids du monde.
Une jeune fille si frêle.
Un destin si lourd.
Et quand elle ferma les yeux, je cru encore un instant la revoir. Cette même expression qu'elle avait avant de partir.
La dernière.
Sans que je ne puisse rien contrôler, une larme glissa le long de ma joue.
J'étais empli de regrets qui me détruisaient un peu plus chaque jour, m'enlevant à chaque fois une part de mon humanité.
Jusqu'où cette douleur telle à un poison se répendrait dans mon corps ? Jusqu'à ce que mon coeur en devienne noir d'avidité ? Jusqu'à ce que je ne puisse plus rien avoir d'un humain ?
Je reprends rapidement mes esprits et m'en vais de cette pièce qui m'étouffait à présent. Ce n'était ni le moment ni l'endroit de penser à tout ça, alors je décide de sortir dehors.
J'étais épuisé, mais j'ignorais les appels de mes muscles qui me lâchaient par moment, et de mes paupières qui devenaient lourdes.
J'avais peur.
Peur de refaire ces rêves douloureux.
Un jour je n'aurais plus la force de fuir, et ces songes me rattrapperont. Je le savais mieux que quiconque.
Mais, pour l'instant, peu importe la décision qu'elle prendra, je serais là pour l'épauler.
Elle en aura besoin.
Et en pensant à Ashley mon coeur se serra. Je pensais à nouveau à sa poitrine se soulevant au rythme de sa respiration, rencontrant mon dos quand je la portais. À son souffle chaud et plein de vie qui s'échouait sur ma nuque, à ses yeux fixant les miens, puis se détournant subitement.
Je regardais le ciel bien trop pâle. Le jour s'était levé depuis peu et le soleil m'obligeait à plisser les yeux.
Je ne regardais pas le ciel, en fait.
Je les regardais eux, tous ces gens qui ont cru aveuglément qu'ils survivraient autre part, en abandonnant cette planète après l'avoir vidée de ses ressources.
Tous ces cons.
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