18| deux lycéens découvrant ce qu'est l'amour
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m a r k
JE VENAIS DE QUITTER Donghyuck. Nous nous étions séparés à l'endroit habituel, au coin de la rue où nos chemins se séparaient et comme d'habitude, j'avais embrassé le coin de ses lèvres en guise de "bonne nuit". Il n'était pas si tard que ça, à peine vingt-et-une heures trente, si bien que le soleil n'avait même pas encore totalement disparu derrière les grands immeubles de la ville. J'avais perdu l'habitude de rentrer si tôt, ayant désormais l'habitude de me faufiler chez moi aux alentours de trois heures du matin.
Je me suis arrêté dans le petit parc situé non loin de chez moi, allumant une cigarette tout en m'asseyant sur un banc. En face de moi, un grand-père nourrissait les pigeons en regardant ses petits-enfants descendre le long du toboggan en riant aux éclats. J'avais l'impression de me revoir jouer avec le mari de ma mère, enfin, mon père pendant des heures aussi bien dans des aires de jeu comme celles-ci que dans celles qui se trouvaient au Canada. C'était le bon vieux temps.
Le mois de juin avait cependant été beaucoup plus reposant pour mes émotions que ceux qui l'avaient précédé. Malgré mes réticences, j'étais retourné voir le psy et ses questions qui appuyaient là où ça faisait mal m'avaient aidé à essayer de trouver un meilleur moyen de gérer ma situation familiale qu'en ignorant mes deux parents et en gardant toutes mes émotions à l'intérieur. Alors certes, j'allais devoir attendre un bon bout de temps avant de retrouver une relation normale avec mes parents parce qu'une thérapie ne se faisait pas en trois séances mais j'étais persuadé que tout finirait un jour par s'arranger. En ce moment, je respirais l'espoir.
Et puis, il y avait Donghyuck à mes côtés pour me soutenir. Depuis la nuit de l'anniversaire d'Yves, pas un seul jour n'était passé sans que je n'entende le son de sa voix. Nous étions inséparables et même si nous savions très bien que chacun de nous était fou amoureux de l'autre, nous avions refusé de remettre une étiquette sur notre relation vu ce que ça avait donné la première fois. Tout ce qui était clair pour moi, c'était que Donghyuck était mon humain préféré et que je voulais que l'on reste aussi apaisés tous les deux le plus longtemps possible.
J'ai fini ma cigarette, adressé un sourire au vieil homme puis je me suis levé et j'ai quitté le petit parc. J'avais quitté l'appartement de Yukhei près d'une heure auparavant mais les rires que nous avions partagé me remplissaient encore la tête. Donghyuck, lui et moi ainsi que Renjun, qui était beaucoup plus sympa lorsqu'il ne me détestait pas, Chenle, Jeno et Jaemin avions passé l'après-midi ensemble et j'avais découvert des garçons réellement adorables. J'avais envie de les découvrir encore plus et de passer plus de temps avec eux, surtout si cela me rendait toujours aussi joyeux.
Sur le peu de chemin qu'il me restait à faire, je ne pouvais empêcher un petit sourire de flotter sur mes lèvres. J'avais vraiment passé une bonne journée et le lendemain s'annonçait tout aussi agréable puisque je déjeunais chez les Lee. Le père de Donghyuck m'adorait sans vraiment que je sache pourquoi, il m'aimerait sûrement moins s'il savait combien j'avais blessé son fils à peine quelques mois plus tôt, je connaissais bien ses deux frères qui étaient à peine plus âgés que moi et sa belle-mère et Seulgi, que je ne connaissais presque pas, étaient vraiment gentilles. A entendre Donghyuck parler, on pouvait croire que sa famille était complètement dysfonctionnelle et que leurs relations étaient vraiment compliquées mais si c'était le cas, alors ils étaient tous de très bons acteurs.
- Je suis rentré j'ai crié en ouvrant la porte d'entrée.
Il y avait de la lumière dans le salon et d'ici, je pouvais entendre le son de la télé, beaucoup trop fort comme d'habitude. Je ne savais pas si mon père était rentré de son congrès à Busan mais ma mère était là, c'était sûr. Elle seule adorait regarder ces émissions qui présentaient des enquêtes impossibles à élucider et qui finissaient par vous rendre parano.
- Bonne nuit j'ai dit en traversant le salon sans même jeter un coup d'œil vers le canapé. Je me suis arrêté en pleine course, juste avant les escaliers. J'ai oublié de vous prévenir que demain je mangeais chez les Lee donc ne m'attendez pas pour déjeu-
- Mark, assied-toi. Mon père avait parlé avec sa voix grave et profonde, celle qu'il utilisait pour avoir des discussions sérieuses qui ne me plaisaient généralement pas. Ta mère et moi avons quelque chose à t'annoncer.
J'ai grimacé, fait trois pas en arrière puis me suis assis sur le gros fauteuil marron qui leur faisait face. Ma mère s'est rapprochée de son mari et serré sa main. Il a éteint la télé et le silence pesant a envahi la pièce.
- Tu sais, le mois dernier je suis allée à Toronto et je t'ai dit que j'allais rendre visite à ton oncle. Et bien, hum comment dire, je ne t'ai pas dit toute la vérité. Elle a resserré son emprise sur la main de mon père. En fait, j'y étais surtout pour visiter des maisons.
- Visiter des maisons ? j'ai répété. V-vous divorcez ?
J'étais abasourdi. S'il y avait bien un couple qui devait tenir, c'était celui de mes parents. Certes, ils avaient des hauts et des bas comme tous les couples de la Terre mais ils s'aimaient encore comme au premier jour, comme deux lycéens découvrant ce qu'est l'amour.
- Non, Mark on ne divorce pas m'a rassuré mon père. En fait, on rentre au Canada.
*
JE NE POUVAIS PAS dormir et je n'arrivais pas à comprendre comment est-ce que Donghyuck pouvait y arriver et ronfler à moins d'un mètre de moi. C'était notre dernière nuit ensemble. Dans quelques heures, je serai dans un avion qui m'emmènerait loin de lui, laissant derrière moi des souvenirs qui mettraient un long moment à s'effacer de ma mémoire.
Je n'avais pas envie de quitter cet endroit, notre endroit. Quitter notre maison, notre plage, notre chambre, notre cuisine, notre île me donnait la nausée et une soudaine envie de pleurer. Quitter ce garçon, ses lèvres roses, sa peau brune, ses yeux brillants, son sourire solaire et son rire retentissant me brisait. Je n'avais pas envie de tout quitter parce que c'était ici que nous étions devenus deux lycéens découvrant ce qu'était l'amour.
J'avais peur de ce qui arriverait là-bas, une fois que nous serions rentrés. J'avais peur que tout ce que nous avions partagé ici ne disparaisse, englouti par le tumulte de la ville, les copains qui me charrieraient et les jolies filles qui me souriraient. J'avais peur que l'image de Donghyuck riant à une de mes blagues ne s'estompe, remplacée par celle d'un garçon trop bourré que je ne connaissais pas, que le son de sa voix chantant une douce mélodie rien que pour moi ne s'évanouisse, détrôné par les insultes échangées que je hurlerais au visage de mon père.
Je me connaissais. Je savais très bien que je n'étais pas constant. Tous ces petits détails qui me fascinaient aujourd'hui - la fossette qui apparaissait lorsqu'il me souriait, sa manière de toujours chantonner peu importe la situation, nos réveils ensoleillés, sa main effleurant la mienne alors qu'une vague vient s'échouer sur nos pieds, ses lèvres à quelques millimètres des miennes parce qu'il est trop timide pour s'approcher un peu plus - allaient s'ancrer dans ma mémoire mais j'allais tout de même faire semblant de ne pas y accorder d'importance juste pour profiter de tous les plaisirs que la vie m'offrait.
Et puis, surtout, je savais à quel point est-ce qu'il tenait à moi. Je savais comment est-ce que, lorsqu'il se rendrait compte que j'étais complètement abîmé, il essaierait à tout prix de me réparer, sans faire attention à se protéger. Et je ne voulais pas qu'il se blesse mal, il ne le méritait pas.
Donghyuck ne le savait pas mais lui et toute notre histoire deviendraient des souvenirs chargés d'épines qui écorcheraient mon cœur dès que j'y repenserais (tout le temps).
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