10| dimanche de novembre
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r e n j u n
DONGHYUCK AVAIT L'AIR bien plus apaisé depuis que nous étions arrivés en Croatie que celui qu'il avait arboré au cours des dernières semaines. J'aimais le voir comme ça, il rayonnait aussi fort qu'un soleil de juillet. Cela lui allait bien mieux que son expression aussi triste qu'un dimanche de novembre et j'étais ravi de constater qu'il s'épanouissait autant.
Je n'aurais pu dire quel était l'élément déclencheur d'un tel changement chez lui. Peut-être était-ce l'éloignement de sa famille qui, d'après les rares choses qu'il avait accepté de me confier, semblait s'effriter en un million de morceaux ? Ou bien était-ce la proximité avec Mark, ce garçon aux cheveux ébènes qui arrivait à dessiner des sourires aussi longs que le Nil sur son visage ?
Il ne m'avait jamais réellement parlé de lui. D'après Donghyuck, Mark était simplement le fils des collègues de ses parents, un bon pote ou encore celui avec qui il avait passé son été, rien de plus. Mais j'avais des yeux et des oreilles et j'avais remarqué cette atmosphère qui régnait entre eux. Lorsqu'ils étaient ensemble avec d'autres personnes, c'était comme s'ils se trouvaient sur leur propre planète, à l'écart de tous ceux qui n'avaient pas la chance de partager une alchimie aussi puissante que celle qui les unissait. Cela me paraissait évident et pourtant, personne d'autre, pas même eux, ne semblait l'avoir remarqué.
- Renjun, tu vas chercher 'Hyuck ? Les garçons nous attendent dans la chambre de Jeno et Jaemin pour regarder le film.
Je relevais les yeux de mon écran, sur lequel je regardais les photos prises au cours des trois derniers jours, et hochais la tête en direction de Chenle. Il était installé sur son lit, à moitié avachi sur Jisung, qui portait un sweat appartenant à Felix, et les deux regardaient une vidéo apparemment drôle.
- J'y vais, rejoignez les autres. On arrive rapidement je lui assurais avant de me diriger vers la porte.
Dans le couloir, Yuta et Minnie discutaient, doigts entrelacés et sourire niais sur les lèvres. Je les saluais en retenant une grimace, ils me faisaient rire à prendre au sérieux cette idylle qui prendrait fin à l'instant où ils poseraient les pieds sur le sol de l'aéroport sud-coréen.
- Hyuck ? Je peux entrer ? J'avais toqué trois fois, sans réponse. Donghyuck, ça va ?
Personne ne répondait alors je suis entré. Donghyuck était là, allongé sur le lit, fixant le plafond sans même prendre la peine d'essuyer les larmes qui s'échappent de ses yeux sombres. Je l'avais rarement vu pleurer, il avait toujours été quelqu'un d'assez optimiste ou du moins qui essayait de ne jamais montrer quand il allait mal.
- Qu'est-ce que tu fais là ? m'a-t-il demandé d'une voix tremblante en relevant légèrement la tête. Je suis désolé, j'ai pas vraiment le moral ce soir.
J'ai simplement souri avant de m'asseoir sur son lit et de le serrer dans mes bras. Et alors, il s'est laissé aller. Ses larmes ont inondé mon épaule et ses bras se sont resserrés autour de mon torse, comme si j'étais la bouée à laquelle il s'accrochait. Moi, j'étais un peu gêné, un peu crispé. Je n'avais pas vraiment l'habitude de réconforter des gens.
- Tu te sens prêt à m'expliquer ce qui t'as mis dans cet état ou c'est trop tôt ? j'ai demandé sans m'écarter.
Il n'a pas immédiatement répondu. Pendant près de deux minutes, aucun de nous deux n'a parlé et le seul bruit qui se faisait entendre était la respiration saccadée de Donghyuck. Et puis, il s'est lancé.
- Je t'ai menti, 'Jun. Je t'ai dit que Mark était simplement un bon pote et c'est bien plus que faux, même si parfois je me dis que ce serait beaucoup plus simple pour moi si il l'était vraiment. Il s'est détaché de moi et a tenté de sourire, lamentablement. Mark Lee est le premier et seul garçon que j'ai réellement et profondément aimé durant les presque seize petites années qui composent ma vie. Et cet été, j'ai crû que mon premier amour allait être semblable à celui de ces stupides films romantiques où tout se passe tellement bien que ça en devient insupportable et en fait, rien ne m'a jamais fait autant de mal. Ses yeux brillent, non pas de joie mais de tristesse. J'avais envie de pleurer avec lui. En plus de ça, ma famille est littéralement une loque, j'ai pas d'autres mots. On essaie tous de faire bonne figure mais personne ne va bien, personne sauf mon père qui est comme un ado amoureux avec sa nouvelle pouffe.
Je l'ai écouté se confier pendant de longues minutes. Il m'a tout dit, la manière dont Mark l'avait envoûté, comment il avait flotté sur un nuage pendant quelques semaines et puis la chute brutale qui s'en était suivie. Comment est-ce Mark avait doucement tenté de se faire pardonner, comment lui avait flanché, comment est-ce que leur relation avait été ambigüe tout au long et comment est-ce qu'il avait surpris une conversation entre Mark et Mina où ce dernier lui disait qu'il ne supportait plus Donghyuck.
Je bouillais de l'intérieur. Qui avait donné l'autorisation à cet abruti de faire du mal à Donghyuck, à le traiter comme un vulgaire torchon qu'il utilise uniquement en cas de besoin ? Mes ongles s'enfonçaient dans ma paume.
- Où est-ce qu'il est maintenant ? j'ai demandé, la mâchoire serrée.
- On s'est disputés après sa conversation avec Mina, enfin je l'ai insulté, beaucoup, trop et il est parti. Putain, j'aurais jamais dû le laisser s'en aller, je suis sûr qu'il va faire des conneries.
Et ses larmes ont recommencé à couler. Je détestais Mark Lee et je détestais cette sensation de ne rien pouvoir faire pour aider mon meilleur ami. Je savais pertinemment que quoique je fasse, quoique je dise, il suffirait d'un baiser de ce garçon aux cheveux ébènes qui lui avait retourné le cœur pour qu'il retombe dans ses bras sans la moindre once d'hésitation.
- Je ne peux rien te dire, 'Hyuck. On sait tous les deux que tu n'arriveras jamais à lutter contre l'amour que tu lui portes, celui qui coule dans tes veines mais la seule chose que je te demande, c'est d'essayer de garder au mains une partie de ton cœur intacte. Fais-le pour moi.
Il a acquiescé, comme s'il allait y arriver.
- Merci d'être là pour moi, Renjun. Désolé de t'avoir caché tout ça.
Je suis resté avec lui jusqu'à ce qu'il s'endorme, ignorant les appels des garçons qui s'impatientaient. Je l'ai regardé tomber dans le sommeil et même ainsi, son air triste ne le quittait pas. C'était le retour de la tristesse du dimanche de novembre.
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