01|amour d'été
01
m a r k
JE DÉTESTAIS LA RENTRÉE. Revoir tous ces gens dont j'avais oublié le nom, ces profs qui m'avaient pris la tête toute l'année dernière et qui s'apprêtaient à recommencer cette année et puis, tout simplement, ce vieux lycée où je rêvais de ne plus jamais remettre les pieds me donnait la gerbe. Mais je n'avais pas d'autres choix que de revenir ici parce que mon père ne comprenait pas qu'on pouvait réussir sa vie sans passer la moitié de son existence à étudier. Parce qu'il ne comprenait pas que personne ne voulait avoir sa vie. Surtout pas moi.
Je terminais ma cigarette, adossé au mur de l'école. Certains parents, ceux les enfants étaient encore assez jeunes pour accepter qu'ils les accompagnent, me regardaient avec dédain et éloignaient leur progéniture de moi. Il fallait dire que parmi tous ces jeunes tirés à quatre épingles, je faisais tache. Encore heureux, tout ce que je voulais, c'était éviter de leur ressembler.
J'ai poussé un long soupir de désespoir puis j'ai rangé mon paquet de Marlboros presque vide dans la poche de mon jean, assez apparent pour qu'on me fasse la remarque. A contre-coeur, je suis passé de l'autre côté de l'immense porte en bois et j'ai balayé la cour du regard.
Je n'appartenais à aucune bande en particulier, je choisissais en fonction de mon humeur ; la plupart du temps, c'était les basketteurs et les Cheerios si je voulais discuter sans me prendre la tête, les hockeyeurs et les nageuses si j'avais besoin d'un peu plus de calme et les deux-trois drogués du lycée quand je voulais fumer. Les seuls avec qui je n'avais pas sympathisé étaient les artistes parce qu'ils n'étaient pas assez pragmatiques et que je ne supportais pas ça.
De loin, j'ai aperçu Yuta qui discutait avec un nouveau mais je ne suis pas allé les voir, n'ayant aucune envie de sociabiliser dès neuf heures du matin. Au centre de l'espace des lycéens, les uniformes rouges vifs des Cheerios détonaient parmi les tenues ternes des autres élèves. D'un pas décidé, je me suis dirigé vers cette réunion de queues de cheval hautes et de joueurs de basket.
Mina était entre Eunbin et Chaeyeong et quand je l'ai attirée contre moi, elle a eu l'air surprise. Je l'ai embrassée parce que je la trouvais jolie sous le soleil matinal. Elle avait l'haleine chargée de caféine et mélangée à la mienne qui empestait la nicotine, cela donnait un résultat pas réellement agréable.
- Tu nous avais pas raconté ça, Mina ! s'est exclamée Momo, ravie de découvrir un nouveau potin. Les amours d'été qui durent sont si romantiques.
La vérité était que je connaissais à peine Kang Mina. Je l'avais croisée dans une soirée deux jours plus tôt et on avait couché ensemble, c'était tout. Rien n'avait été promis entre nous, je ne savais même pas ce qui m'avait pris de l'embrasser. Mon amour d'été, c'était ce garçon à la peau bronzée et aux yeux brillants qui se trouvait de l'autre côté de la cour et qui nous regardait, l'air triste.
***
LA ROUTINE AVAIT REPRIS son cours mais quelques drames étaient venus déranger la petite vie tranquille des lycéens. Tout le monde ne le savait pas mais Jaehyun avait couché avec Somi, elle était tombée enceinte et Jackson l'avait appris, bref, c'était une histoire digne d'une série. La dispute avait éclaté ce matin et je les avais vus se battre puisque j'étais arrivé en retard, encore.
Ce midi-là, le trio emblématique manquait à l'appel et cela se sentait dans l'ambiance qui régnait autour de la table. Je passais la plupart de mon temps avec les populaires maintenant que Mina et moi étions considérés comme un couple. La Cheerio était assise à mes côtés, un simple yaourt posé sur son plateau : elle suivait un nouveau régime. J'avais essayé de l'en dissuader parce qu'elle était très jolie comme ça mais elle ne m'avait pas imaginé, obnubilée par ses kilos en trop imaginaires. En face de moi, Jeno et Guanlin, la dernière recrue de l'équipe, discutaient de leur prochain match et un peu plus loin, Doyeon s'étouffait dans sa colère, marmonnant des paroles incompréhensibles. Les autres riaient en écoutant Momo faire le point sur les derniers ragots croustillants. Elle était gentille Momo, mais je ne l'avais entendue parler d'autre chose que des rumeurs qui couraient.
Près de nous, les artistes, menés par Hwasa, et les joueurs de hockey sont passés. Ils avaient recruté le nouveau, Taeyong si mon souvenir était bon. Je ne le connaissais pas du tout, je n'étais même pas sûr de lui avoir déjà adressé plus de deux mots mais il avait l'air gentil, pas trop "prise de tête". Doyeon s'est levée en les apercevant et je ne sais pas pourquoi, je l'ai suivie. Elle s'est dirigée vers le nouveau, l'air décidé et le front fermé.
- Pourquoi est-ce que tu me suis, Mark ? m'a-t-elle demandé en ralentissant le pas pour m'attendre.
- J'me fais chier là-bas. Pourquoi est-ce que tu vas les voir ?
Elle a haussé les épaules avant de me répondre qu'elle allait mettre quelqu'un en garde de protéger sa réputation. J'ai souri et me suis moqué d'elle intérieurement. Ils accordaient tous une importance particulière à cette chose stupide qu'était la réputation sans comprendre que dans deux ans, quand on quitterait enfin ce lycée, elle ne vaudrait plus rien. La brune a appelé le nom de Taeyong et il s'est arrêté. J'ai relevé les yeux de ses chaussures, des Nike qu'il avait joliment customisées, et j'ai immédiatement perdu mon sourire.
Parce qu'il était là en face de moi, parce que je n'étais pas prêt à lui faire face, parce que je n'étais pas sûr de pouvoir résister à l'appel de ses lèvres au goût de miel, parce qu'il me mettait dans tous mes états rien qu'en posant ses yeux sur moi.
J'ai tenté de conserver une expression neutre, blasée, alors qu'il me faisait signe de le suivre afin de s'éloigner un peu des deux autres. Nous avons fait trois pas et il s'est planté face à moi, un peu à l'abri du regard des gens. Je n'arrivais pas réellement à déceler l'expression qui se reflétait dans son regard : colère ou tristesse.
- Félicitations, j'ai pas eu le temps de te le dire plus tôt. En même temps, c'est la première fois que je te croise, à croire que tu m'évites.
- Pas du tout, Donghyuck. Mais tu sais très bien que je ne supporte pas tes potes je me suis justifié alors que je faisais tout pour ne pas tomber sur lui depuis le début de l'année. Pourquoi est-ce que tu me félicites ?
- Hum, je sais pas trop. Peut-être que c'est pour ton joli couple avec Mina, vous êtes très mignons ensemble il a dit d'un ton sarcastique. Ou peut-être que c'est pour ton jeu d'acteur remarquable, qui sait ?
J'ai dégluti. Je sentais qu'il voulait amener la discussion sur un sujet en particulier et je n'en avais aucune envie.
- De-, je me suis raclé la gorge, de quoi est-ce que tu parles ?
- Mark, à quoi est-ce que tu pensais quand tu me disais que tu m'aimais cet été et que lundi tu t'es ramené avec ta pouffe, désolé pour elle ? Tu croyais que j'allais rester sur le côté et vous regarder jouer aux amoureux transis sans vouloir savoir ce qu'il allait se passer pour moi ?
- Ecoute, je-
- Peut-être que tu peux dire je t'aime à n'importe quel inconnu qui passe dans le rue mais moi, non. Mark, j'étais sincère cet été. Est-ce que tu l'étais ?
J'ai fermé les yeux un instant. Je voulais être partout sauf ici à ce moment. J'avais besoin de fumer mais j'avais fini mon paquet le matin-même. Un silence qui a paru durer une éternité a pris place. J'ai inspiré un grand coup avant d'ouvrir les yeux. Donghyuck était toujours face à moi et son regard était encore plus triste qu'avant.
- Ecoute, je pense que tu as mal interprété ce qu'il s'est passé dans cette maison. J'suis pas sûr de bien comprendre tout ce que tu racontes mais sache que de mon côté, tu n'es rien de plus que le fils des meilleurs amis de mes parents.
Des larmes ont envahi ses yeux mais il les a rapidement ravalées. Un je vois a traversé ses lèvres et il est retourné vers Taeyong d'un pas mal assuré. J'avais l'impression d'avoir brisé son coeur mais peut-être que c'était le mien qui s'effritait, je ne savais pas trop. Peut-être que c'était la mauvaise décision mais c'était celle qui me paraissait la moins toxique pour lui maintenant.
J'ai rejoint Doyeon et nous avons fait le chemin inverse pour retrouver nos places. Je me suis assis puis, j'ai embrassé Mina, imaginant que ses lèvres avaient le goût du miel.
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