→ 3. Hoseok
Le modèle avait été installé confortablement sur une chaise recouverte de tissus sale, il se tenait exactement comme l'avait positionné le peintre : assis de trois-quart, les jambes croisées recouvertes d'une robe qu'il avait lui-même emmenée d'après la description faite par l'artiste : une robe comme on en voyait tous les jours porté par les plus riches duchesses de la ville. La forme du moins était la même, elle était autrement bien plus simple, bien moins ornée de riches parures, de pierres ou de fils d'or bien que Hoseok aurait rêvé d'en posséder une pareille. Ses pieds étaient chaussés de fins chaussons de cuir dont seulement la pointe paraissait sous la robe.
C'est l'étroitesse du corps de son ami que Yoongi trouvait parfaite pour peindre les portraits de commandes des dames : il était objectivement beaucoup trop maigre, bien trop halé, mais ses proportions étaient parfaites et qui que soit la personne censée être représentée sur le portrait – fictive, biblique ou réelle – le corps de Hoseok s'adaptait parfaitement à tous les visages. Les clients étaient contents de pouvoir faire l'acquisition d'une peinture qui mettait tant en avant leurs femmes.
Yoongi ne sortait que très peu de son atelier. Il ne s'aventurait à l'extérieur que pour aller acheter des produits que Namjoon ne pouvait lui fournir et le plus rarement possible pour ses commandes. Sur place, chez ses commanditaires, il ne s'attardait pas, il croquait exagérément les traits des visages qui devaient se trouver sur son tableau avant de retourner à son atelier et de demander à ses amis de prendre les poses exigées – classiques le plus souvent, droitement levés ou majestueusement assis. Il harmonisait ensuite corps et visage ensemble pour rendre au mieux la personne. Il n'était aucunement réaliste, il donnait aux gens les reflets qu'ils voulaient avoir d'eux-même, il ne manquait à aucune des exigences sociales mais savait malgré cela dégager l'essentiel d'une personne sur ses toiles afin que cette personne peinte reste la vraie et pas une autre. Il avait parfois des exigences autres : des vêtements avec lesquels ses clients voulaient être peints, des objets, des animaux : dans ce cas de figure soit il empruntait tout ça à ses clients, soit il croquait rapidement l'accessoire avant de retourner s'enfermer chez lui et de faire lui-même des mises en scènes hasardeuses dans son atelier. Il avait une mémoire des choses débordantes et un coup d'œil sur n'importe quel objet ou personne lui suffisait pour pouvoir le reproduire à la perfection. Il aimait quand même travailler ses compositions en les reproduisant en face de lui : tant que c'était chez lui cela lui convenait ; et pour cette raison il faisait venir ses amis, ses uniques modèles depuis longtemps, à partir desquels il laissait se déployer à la fois la maîtrise de son art, sa mémoire et son imagination.
Taehyung se tenait aux cotés de son maître, prêt à lui fournir ce dont il avait besoin à la moindre occasion. Maintenant qu'il avait reçu ce carnet il rêvait de dessiner Hoseok qu'il trouvait si beau dans ses parures toujours soignées. Mais Taehyung lui, ne voulait pas le peindre comme quelqu'un d'autre, il voulait le peindre comme Hoseok, comme Yoongi ne l'avait jamais peint.
Jin, qui avait accompagné son ami, était assis derrière eux et observait la scène qu'il connaissait depuis le temps parfaitement bien. Il était un des deux modèles masculins de Yoongi, son second choix à vrai dire, mais le premier choix n'était pas disponible en permanence. Avec ses larges épaules il portait très bien les manches bouffantes, il était parfait en animaux chimériques, il était le modèle que Yoongi préférait de dos. Quand à son modèle masculin par excellence, Yoongi l'avait depuis longtemps aussi trouvé : celui qui était la beauté grecque incarnée, celui dont la musculature aurait faite pâlir hommes comme femmes et qui ne l'ignorait pas. Lorsqu'il revenait, Yoongi le peignait sous toutes les couture, préparant ses toiles futures.
- Taehyung ! lança le peintre alors que son élève – ou servant devrait-on presque dire – se trouvait tout près de lui. Veux-tu aller chercher le morceau d'étoffe bleue que nous avons récupéré l'autre jour : c'est la couleur de la robe de Madame.
Taehyung hocha la tête dans le vide, le peintre sachant très bien que de tout ordre qu'il donnait allait être exécuté par le châtain dans tous les cas, et s'éloigna de la scène en direction de la pièce du fond. Il ramena la pièce au peintre, lui tendant sans rien dire, se faisant le plus discret possible comme à chaque fois que son aîné travaillait.
Min Yoongi avait comme à son habitude produit un travail parfait. Après plusieurs heures, le peintre qui aimait les modèles vivants pour pouvoir les faire bouger à sa guise alors même qu'il peignait, eut terminé. Le corps de la Dame que le peintre avait pour commande de représenter était parfait. Il se déplacerait dès le lendemain chez le commanditaire pour les derniers détails, le corps d'Hoseok servant de base au peintre qui n'aimait pas peindre hors de son atelier mais qui ne voulait pas y laisser entrer n'importe qui non plus.
Taehyung s'affairait à présent : il n'avait jamais beaucoup de temps pour contempler les œuvres de son maître : il ne les laissait pas traîner au milieu de son atelier, il était très maniaque et demandait à ce que tout soit soigneusement rangé selon ses directives – contrairement à Taehyung qu'on aurait sur ce point là pu qualifier de Dionysiaque en opposition avec un Min Yoongi Apollinien. Taehyung profitait donc du moment du rangement pour zieuter les peintures de Yoongi.
Il attrapa délicatement la toile presque terminée pour aller la déposer dans le coin de la pièce qui servait à la conservation des œuvres en cours. Tout en marchant, le tableau dans les mains, il observait. Il apprenait ainsi, il avait toujours appris ainsi, en regardant avant de faire : c'est son enfance dans la nature qui l'avait rendu si à l'aise quand il s'agissait de dessiner des animaux, des plantes, des paysages. C'est sa qualité d'observateur qui faisait qu'il pouvait reproduire n'importe quoi en dessin ; et c'est encore la même raison qui ferait de lui un peintre excellent la première fois où il toucherait à des couleurs – parce qu'à son grand désespoir il n'avait jamais pu mettre de la couleur à ses dessins et ça lui manquait cruellement, surtout depuis que ces innombrables palettes aux arc-en-ciels infinis se donnaient à son regard.
Pour lui il n'y avait pas de doute : Yoongi était le plus grand maître qui existe – en même temps il n'en connaissait pas d'autres – et son talent dépassait de loin celui de l'artiste inconnu qui avait peint les seuls fresques de la vielle église de son village aux couleurs passées. Mais pour Taehyung qui regardait cette toile, si la femme sur ce tableau était très belle, si le corps de Hoseok avait été parfaitement adapté à ses proportions, il n'en demeurait pas moins celui de Hoseok, et la figure du travesti la seule à pouvoir être en harmonie parfaite avec ce corps.
Yoongi avait quitté l'atelier pour monter dans sa chambre où Hoseok le rejoindrait. Taehyung, qui continuait à ranger l'atelier, interpella alors le roux qui s'apprêtait à le suivre.
- Est-ce que maître Min t'as déjà peint ?
Hoseok se retourna alors vers Taehyung, lui seul pouvait être le sujet de sa question puisque Jin était dans la cuisine et que personne d'autre ne se trouvait dans la pièce.
- Un nombre incalculable de fois Tae-Tae, répondit-il. Il vient de le faire à nouveau.
Ça faisait deux mois que Taehyung était ici, il se faisait un peu mieux comprendre des citadins mais sa manière de s'exprimer était toujours maladroite et ses questions lui étaient propres, tout comme sa vision du monde : c'est la raison pour laquelle Hoseok ne s'étonna pas de la question de Taehyung qui de l'extérieur, alors que Yoongi venait de faire poser son ami, paraissait absurde.
- Non, dit Taehyung penseur, les yeux toujours plongés dans le tableau qu'il brandissait toujours devant lui, pas comme ça. Je veux dire, est-ce qu'il a déjà peint Jung Hoseok.
Hoseok ouvrit de grand-yeux.
- Tu veux dire fait un portrait de moi ?
Taehyung hocha la tête.
- Oui, est-ce qu'il t'as déjà fait posé pour ne représenter que toi ?
Hoseok était abasourdi par une telle question. Taehyung était si ignorant du monde, si naïf. S'il avait grandi physiquement parlant depuis qu'il était arrivé – son corps s'était remplumé et sa voix avait continué à muer – il restait toujours aussi enfantin par bien des aspects.
- Taehyung, dit alors tristement Hoseok. Tu te rappelles le métier que je fais n'est-ce pas ? Je ne suis rien dans cette société.
Taehyung déposa le tableau contre le mur pour le laisser finir de sécher. Sans regarder le roux pour autant il lui avoua :
- Mais tu es magnifique Hoseok.
Le roux sourit, attendrit par les propos du plus jeune. Il adorait son petit Tae-Tae qui ne manquait jamais de le faire sourire et de lui faire chaud au cœur. Il faudrait le protéger à tout prix !
- Merci mon artiste en herbe. Tu es très beau toi aussi.
- Je ne serai jamais aussi beau que Jin et toi, répondit-il. Vous êtes les plus beaux êtres au monde.
- Tu me fais rougir, Tae, dit Hoseok. Je te laisse finir le rangement, je vais rejoindre Yoongi. Jin est dans la cuisine, il fait à manger si tu veux aller le voir après.
Après ces mots il quitta la pièce. Qu'est-ce que ce serait lorsqu'il tomberait sur la muse de Yoongi ? Taehyung si sensible à la beauté y survivrait-il ? songea le roux en montant les escaliers.
***
Up ! Chapitre 3. J'essaie aussi de mettre en avant le personnage de Hoseok qui est toujours un peu en retrait bien qu'avec des rôles importants dans mes fictions. J'espère que cette version vous plaît !
A très vite !
~tacha'
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