→ 26. Le prince perdu dans les bas-fonds
Yoongi avait retrouvé Jungkook. Yoongi devait à présent retrouver Taehyung car ce dernier ne lui pardonnerait pas de l'avoir tenu à l'écart, jamais. Surtout que les blessures de Jungkook étaient profondes, et son état très loin d'être satisfaisant : son corps se battait depuis des semaines et il arrivait à bout de forces. C'est à peine si le noiraud était conscient quand Yoongi avait pénétré chez Jin après avoir perdu ses poumons la journée durant sur le port.
« Min Yoongi ? Regardez, c'est Min Yoongi ! ». Des exclamations avaient jailli autour de lui, on l'avait reconnu et cela malgré la foule et les temps qui ne s'y prêtaient pas du tout. Jungkook, il devait trouver Jungkook. Mais des bras l'agrippaient, des rires le moquaient au milieu des blessés débarquant. Il avait pensé passer inaperçu, que l'ordre du jour l'y aiderait, mais il s'était retrouvé à être celui qui attirait tous les regards et pour qui on oubliait les gémissements.
Jungkook, se répétait-il, il était venu seulement pour Jungkook. Et pour Taehyung. Pour eux, les seules personnes avec Jin et Hoseok à avoir de la valeur à ses yeux dans ce monde qu'il haïssait profondément et qu'il dépeignait pourtant, et si beau. Il avait, par le passé, fait partie de ces gens ignobles, de cette vermine ; il avait essayé de s'en extraire, chenille tissant sa chrysalide pour devenir un papillon. Mais les papillons vu de près sont laids eux aussi, tout aussi dégoûtant, et bien plus effrayant que les chenilles, dans leurs accoutrements grandiloquents. Alors Min Yoongi ne sortait plus, ne se mêlait plus à personne par peur qu'au présent son passé vienne, comme aujourd'hui, le rattraper ; par peur du futur où il ne voyait non pas lumière mais obscurité, comme celle qui engloutissait peu à peu ses amis, progressant jusque dans leurs yeux. Hoseok évidemment, qu'il avait vu pourrir, qu'il avait participé à faire croupir ; Jin dont la seule lueur qu'il avait pu voir dans ses yeux datait de son avant, n'était visible plus que sur un tableau le représentant en portrait qui traînait à présent au fond de la malle que ce dernier conservait dans sa chambre de bonne ; Jungkook ensuite – et ç'avait été le plus dur pour Yoongi, de voir s'assombrit le regard noir de cet enfant qu'il avait vu grandir, qu'il avait presque élevé avec les autres – et finalement Taehyung en la légèreté duquel il avait osé croire un court instant.
Le monde n'est pas un endroit semblable à l'image divine qu'on en a. Le monde n'existe pas pour Min Yoongi : il n'est réel que dans l'art mensonger qui le représente.
Il avait fini par se réfugier un peu plus profondément dans les ruelles qui partant du port s'enfonçaient dans un quartier encore plus sombre et humide que le sien. Il s'était machinalement laissé porté par ses pieds vers chez Hoseok à travers ces rues qu'il n'avait plus foulées depuis des années. Arrivé devant la porte de la maison partagée il avait demandé à le voir et une jeune femme qui ne le connaissait probablement pas l'avait redirigé vers chez Jin.
Alors il s'était rendu chez le grand brun, un immeuble qu'il savait situer mais où il avait passé moins de temps.
Et il était là Jungkook. Il avait été cueilli par les deux amis il y a peu – ramassé serait le terme plus approprié – alors qu'on le débarquait juste, une paire de main autour de ses chevilles, deux autres mains sous ses aisselles transpirantes. Hoseok s'était précipité sans réfléchir, se jetant sur le corps mourant de son enfant. Jin s'était figé, comme Yoongi venait de se figer, en découvrant le corps de son jeune ami, de leur jeune protégé. Taehyung, pensa le peintre presque immédiatement en voyant Hoseok déverser toutes les larmes de son corps même une fois le jeune marin installé dans le lit accueillant de Jin.
Taehyung, il devait aller chercher Taehyung, pensait-il alors qu'il rejoignait sa demeure d'un bon pas. Il avait peur aussi, de la réaction du châtain. Il avait peur surtout, de ne pas revenir assez vite.
Mais arrivé chez lui ce n'est pas Taehyung qui se tenait devant sa porte.
Mais un jeune homme richement habillé, aux cheveux blonds étincelant à la faible lueur de la fenêtre de la voisine. Que faisait-il là ? Aussi tard ! Qu'est-ce que ce prince était venu faire devant sa demeure à lui, Min Yoongi.
S'il attendait c'est probablement soit que Taehyung n'avait pas osé ouvrir – c'était très probable –, soit qu'il n'était pas là – possible aussi, il allait souvent au port le soir, raison pour laquelle Jin était parti dans l'autre direction tandis qu'Hoseok restait au chevet du marin. Yoongi devait-il faire demi-tour ? Il hésita. Mais il voulait savoir ce que Park Jimin faisait ici.
- Bonsoir, articula-t-il alors en se courbant.
Le blond sursauta. Il était toujours aussi magnifique pensa Yoongi. Mais il se faisait petit, timide. Il n'était pas chez lui, il était sorti de son monde et se retrouvait perdu, sans défense. Yoongi remarqua alors son jeune âge. Nu de toute expression facile de domination il n'était plus qu'un être fragile. Que faisait-il ici ? Il n'y avait pas sa place. Comment avait-il pu fouler cette terre, entrer dans ce monde ?
Regardez, il avait déjà perdu de son éclat, nota le peintre. Il était peut-être un poil moins éclatant c'est vrai, mais cela n'empêcha pas Yoongi de laisser son regard se faire happer une fois de plus par lui. Quand est-ce que tout cela cesserait ? Quand est-ce que cette obsession malsaine toucherait à sa fin ? Yoongi ne pouvait posséder ce jeune homme, Yoongi ne voulait de toute façon en rien posséder ce jeune homme. Pourtant celui-ci s'était déplacé jusqu'ici, devenant tout à coup presque atteignable.
- Park Jimin, se présenta le blond. Enfin vous vous souvenez, n'est-ce pas ?
Le fils d'un riche marchand venait-il de se présenter alors même que le peintre avait passé les deux dernières années à travailler chez lui ? Ça faisait quelques semaines à présent, une bonne douzaine peut-être, mais Park Jimin n'était pas du genre de ceux qu'on oublie.
- Évidemment, répondit Yoongi, n'osant approcher de chez lui car cela signifiait se rapprocher du blond.
La scène était particulière, particulièrement particulière et s'il avait pu la regarder de l'extérieur, Yoongi ne l'aurait pas peinte, car elle ne représentait pas l'idée du monde qu'il se faisait. Car il n'avait jamais mélangé ainsi les deux mondes ; car pour lui c'était inconcevable que l'autre monde apparaisse dans le sien.
S'il avait regardé ce tableau, il l'aurait trouvé immonde.
Mais en faisait partie et il trouvait simplement cela irréel. Tellement irréel qu'il ne savait pas comment agir. Tellement irréel qu'il avait oublié, tout, excepté, Park Jimin.
Devait-il l'inviter à entrer ? Devait-il attendre que son vis-à-vis le fasse ? Qu'avait-il à lui offrir à l'intérieur à part peut-être une puanteur moins forte qu'il troquerait contre des relents d'huile et de suie ? Que pouvait bien attendre cet homme devant chez lui si ce n'était lui ?
Mais pour quelle raison ?
- Que faites vous là, monseigneur ? demanda alors Yoongi, reprenant un instant seulement ses esprits, détournant son regard de celui du blond, car cela faisait plusieurs minutes que les deux se toisaient.
Mais ils étaient presque à égalité, si tant soit peu que Yoongi puisse être aussi beau que le prince. Presque à égalité car, hors de son monde, Park Jimin n'affichait pas cet air qui le rendait supérieur ; car ici il n'était pas à sa place et méprisé et il risquait d'être la risée de l'autre coté si on apprenait qu'il avait mis les pieds de ce coté du fleuve et qu'il s'y était enfoncé profond, jusque dans cette rue minuscule qui finissait en cul-de-sac.
Min Yoongi était Maître ici, et respecté un million de fois plus que de l'autre coté où il n'était il y a quelques années encore qu'un artisan inconnu, pire même, qu'un fantôme transparent autant de par son visage que de par son nom. Ici il était roi, dans ce quartier du moins il faisait figure d'exemple.
Le peintre regarda la fenêtre de la maison de sa voisine et il vit des yeux posés sur eux.
Il était maître ici et faisait figure d'exemple mais la présence de Jimin n'allait jouer à son avantage. Déjà quand Hoseok s'aventurait dans le coin il rappelait à tous que Min Yoongi n'était pas l'artiste talentueux et enviable qu'il pouvait paraître être quand de chez lui sortait Namjoon une ou deux toiles sous le bras. Mais que diraient les gens, quand demain, le récit déformé de cette soirée aurait fait le tour du quartier ?
Min Yoongi s'en était toujours moqué de ce qu'on pouvait dire de lui et demain serait de même, il était immunisé depuis longtemps contre tout ça. Il avait depuis longtemps été saigné à blanc par des gens qui au fond, ne valaient pas plus que lui. Qu'importe qu'on puisse penser qu'il vendait à présent lui aussi son corps et à de riches gens. Qu'importe vraiment, ce qu'on pouvait penser de lui. Tant que cela n'entraînait pas d'autres personnes...
Et là ces regards sur Jimin rendaient Yoongi mal à l'aise...
Hoseok avait bien trop subit à cause de lui. Mais Hoseok subissait chaque jour. Qu'avait perdu Jimin en venant ici ? Que perdrait-il ?
- Vous ne me faîtes pas entrer ? demanda alors le blond, ne répondant pas à la question de Yoongi, ne l'ayant pas lui-même initiée.
Il avait suivit le regard du peintre vers la fenêtre voisine. Sur le pas de la porte d'ailleurs se tenait sa cuisinière, les mains sur les hanches. Il la vit, elle secoua un chiffon dans les airs et s'en retourna, fermant la porte derrière elle.
- Il n'y a rien de plus à voir à l'intérieur, lâcha-t-il sèchement.
L'être habitué au respect resta sous le choc d'avoir reçu une réponse négative.
- Que faîtes-vous là ? demanda alors à nouveau Yoongi, profitant de ce moment où la carapace du blond avait molli encore un peu plus.
Contre toute attente, il répondit :
- Je veux un portrait.
Pour quelle autre raison en effet ? La question de Yoongi était rhétorique. Mais pourquoi venir jusque là pour un portrait ? Namjoon était le passeur entre leurs deux mondes, Jimin n'avait aucunement besoin de venir jusque là pour une telle demande ; c'est pourquoi le peintre fut surpris, sans pour autant s'attendre à une autre raison.
- Un portrait ? fit écho le peintre.
- Une peinture de moi.
Oui, Yoongi savait ce qu'était un portrait. Seulement il perdait tous ses moyens. Qui était cet homme devant lui déjà ? La cloison entre deux mondes venait d'éclater en milles morceaux et Yoongi ne savait plus où il était, plus qui il était. Il n'y avait que Jimin et plus personne d'autre. À nouveau il se sentit minuscule, pourtant rien chez le blond n'était domination, au contraire, il dégageait beaucoup de douceur, peut-être même un peu de peur.
- Je veux que vous me peignez en femme.
- Pardon ? s'étrangla Yoongi qui ne s'attendait pas à ça.
C'est donc de là que venait cette peur. Le blond frissonna en prononçant ses mots, détourna le regard.
- Et je veux que ce soit vous et personne d'autre qui le fassiez, ajouta-t-il.
Yoongi, bras ballants, regarda le visage du riche héritier rougir jusqu'à approximer la couler du costume qu'il avait porté pour paraître un jour, devant le peintre, et Yoongi s'en souvint, que ce jour là où rien n'aurait du paraître féminin chez Jimin, il restait ses lèvres, ces mêmes lèvres qui ce soir, à la nuit bien tombée, étaient entrouvertes et pourpres.
- Je peux vous donner beaucoup d'argent, continua le blond commençant à être effrayé par le manque de réaction de la personne devant qui il venait de livrer son plus profond et plus intime désir coupable. Alors ? Vous acceptez n'est-ce pas ?
Évidemment qu'il acceptait. Il avait même déjà accepté avant l'argent sans le savoir.
- N'est-ce pas..., répondit-il en s'avançant enfin vers sa porte d'entrée.
Si Taehyung n'était pas là, Jin allait le trouver. Et Jungkook.
Un instant Yoongi pensa au noiraud qu'il avait vu, à qui il avait promis de ramener Taehyung, à qui il avait promis que tout irait bien.
Mais ce fut le temps d'un instant. Il poussa la porte de chez lui qui n'était pas verrouillée : le blond en venant ici venait de détruire le monde et d'en réduire à néant toutes les valeurs par cette simple demande : « Je veux que vous me peignez en femme ».
***
Si vous me demandez ce que c'est que ce chapitre et bien sachez que je serai incapable de vous répondre... Je crois que j'étais en manque de Yoonmin... en plus c'était clairement pas le moment, je suis désolée T-T
Rétrospectivement je me dis que j'aurai du dès le départ planifier un Spin-off pour le Yoonmin de cette histoire :s le fait est que c'est trop tard à présent. Promis ça reste un KookV ! il sera juste un peu plus long que prévu vu que l'auteure s'égare...
Sur ce j'espère que le chapitre vous a plu ! ♥ (et l'album aussi ;p)
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