PRELUDE
Rachmaninoff - Piano Concerto No.2, I. Moderato
Le bruit des pas sur le parquet résonne dans toute la salle de l'opéra tandis qu'un jeune homme en queue de pie s'avance et que les applaudissements s'élèvent. Une première révérence devant le public assis puis devant le chef d'orchestre qui lui rend sa salutation d'un signe de tête. Un léger sourire s'étire sur la bouche du veille homme puis il se redresse en direction des musiciens, levant sa baguette d'un geste net et précis. Le froissement des vêtements de la centaine de musiciens qui se redressent sur leur chaise se tiennent prêt alors que le jeune homme à la queue de pie s'installe devant un immense piano noir.
Les lumières diminuent, le silence s'installe. Le jeune pianiste prend une profonde inspiration, ferme les yeux l'espace d'une seconde et remonte élégamment ses mains au-dessus des touches. Le chef d'orchestre tourne le poignet dans sa direction donnant le départ des premières notes qui retentissent. Moderato, crescendo. La puissance s'accentue jusqu'à exalter. Ses mains traversent le clavier avec dextérité, tandis que le chef d'orchestre fait démarrer les violons, altos et contrebasses. Les mouvements sont fluides et le son s'étend comme des vagues régulières. Le pianiste se laisse porter, ses mains délicates qui frappent les touches sont guidées par sa passion instinctive. Comme enivré, son corps entier est entraîné dans ses mouvements, emmenant l'assistance avec lui au frontière de son monde. Là où les émotions, où les sensations nous submergent jusqu'à nous couper le souffle, où la lumière est si forte qu'elle nous empêche de fermer les yeux.
Lorsque les vagues deviennent moins fortes, que la musique devient plus lente et romantique, l'assemblée peut respirer à nouveau, le torse soulevé par des respirations haletantes. Les gorges se serrent, les mains se crispent mais celles du pianiste restent aériennes et subtiles. Son cœur tambourine contre sa poitrine alors que la musique accélère à nouveau. Forte. Les bois se mêlent aux violons, les notes de piano frappent et font basculer sa tête une seconde, imprégné de l'apogée de l'œuvre.
Puis, decrescendo, moderato...Ses paupières se ferment et s'ouvrent lentement alors que ses lèvres s'ouvrent laisser échapper une expiration lente et supplétive, inaudible. Les dernières notes, les bois s'élèvent comme annonçant la fin du voyage, les violons. Encore quelques notes, encore quelques brides délicates.
Lorsque les dernières notes de piano résonnent dans toute la salle une dernière fois et que silence tombe brutalement, l 'assemblée explose dans un tonnerre d'applaudissement et les corps se lèvent les uns après les autres. Pas de sifflement outrancier mais une émotion comme jamais ils n'ont ressenti auparavant, mêler à la joie et aux larmes d'avoir assisté à un moment privilégier.
Le pianiste se lève, le chef d'orchestre se retourne et l'accueille l'invitant à remercier les spectateurs alors que les lumières les éclairent à nouveau. Plusieurs révérences, pour le public, les musiciens, le chef d'orchestre. Un sourire éclatant illumine son visage si juvénile et gracieux. Ses cheveux blonds plaqués en arrières laissent échappés quelques petites mèches qui retombent son front perler d'une fine pellicule de sueur. Un dernier signe et le pianiste quitte la scène.
« MON DIEU ! C'était magnifique ! »
Une jeune femme lui saute littéralement au coup, ses longs cheveux blonds ondulés et ses yeux pétillant de fierté. Il l'accueille dans ses bras avec douceur, sentant son corps encore tremblant après sa performance. Elle s'écarte enfin, révélant ses billes bleus larmoyantes, n'arrivant plus à exprimer le moindre mot sans risquer d'éclater en sanglot sous la joie intense. A la place, elle l'embrasse bruyamment sur la joue, s'essuyant une larme traîtresse du revers de la main.
Attendri, le pianiste ne peut s'empêcher de lui déposer un baiser délicat à son tour sur son front.
« Monsieur Lee, le Directeur du conservatoire veut vous voir. »
Un employé de l'opéra lui fait signer de le suivre, le pianiste jette un regard à la jeune femme avant de s'écarter et suivre l'employé d'un pas ferme et rapide. Il longe les coulisses jusqu'à sortir et rejoindre un escalier menant aux loges. Après plusieurs marches, à l'étage des loges les plus prisées, l'employé s'arrête devant un rideau de velours rouge, il l'écarte de sa main laissant passer le jeune musicien.
« Felix ! Tu es là ! »
Le pianiste arque un immense sourire et s'incline humblement devant l'homme imposant d'une cinquantaine d'année. Les cheveux grisonnants, une barbe taillée, parfaite. Un smoking noir sur-mesure agrémenté d'une écharpe blanche. A ses côtés une femme somptueuse, du même âge mais d'une élégance indéniable. Ses cheveux châtains coiffés de pinces d'or et de diamant, une magnifique robe satinée grise épousant sa silhouette bien moins flatteuse que dans sa jeunesse mais qui n'a rien à envier aux femmes célèbres de son âge. Le couple respire la noblesse et la grâce de leur rang, non pas que cela présume de leur réputation, mais quiconque porte ses yeux sur le Directeur du conservatoire et son épouse sans les connaître ne peut que comprendre qu'ils ne sont pas n'importe qui.
« J'ai été époustouflée, lui murmure l'épouse.
– Je vous remercie, dit-il en s'inclinant une nouvelle fois.
– C'était magistral. Tu as de l'or dans les mains, je suis sans voix à chaque fois. Lui dit cette fois le Directeur.
– J'ai appris du meilleur, dit-il flatteur.
Le Directeur laisse échapper un petit rire, partagé entre la gêne et la fausse modestie.
– Ton talent est inné, je ne fais que découvrir ce qui était déjà là. Dit il posant sa patte d'ours sur son épaule avec force. Allons rejoindre les autres et recevoir des compliments encore un peu. »
Le Directeur entraîne son musicien à sa suite, suivi par les petits pas de sa femme. Dans une salle privée de réception aux allures de royales, réserver aux invités les plus prestigieux de l'opéra, les musiciens se mêlent à la foule et prennent leur bain de compliments, tant hypocrites que véridiques. Concernant Lee Felix, le pianiste prodige du conservatoire de Séoul, les compliments sont indubitablement authentiques. Depuis qu'il est enfant, il a toujours su susciter de vives émotions à tous ceux qui ont eu la chance de l'écouter jouer. Sans comprendre comment cela se produit, chacun a ressenti comme une boule naissante au fond de la poitrine, teintée de sentiments propres, indescriptibles, mais si puissants qu'ils réussissent à faire taire même les plus réfractaires. La musique est sa compagne la plus fidèle, elle semble l'aimer plus que n'importe quel autre, le couvrant de tout ce qu'elle a de plus divin. Son futur semble si brillant et si certain qu'il se trace aux yeux de tous. La conviction d'être en présence d'une étoile qui marquera l'histoire.
Tout cela, il l'entend chaque soir de concert et avec la même gêne. Il a mis beaucoup de temps à les accepter, beaucoup de temps à arrêter de se cacher pour ne pas s'évanouir à force d'être admiré pour des raisons aussi triviales que la musique. Lui, tout ce qu'il a toujours voulu c'est jouer du piano. Laisser son âme s'exprimer, laisser ses doigts glissés sur les touches glacées et arpenter les œuvres des grands musiciens d'autrefois en essayant de ressentir tout ce qu'ils ont pu ressentir.
Le piano. C'est toute sa vie. Chaque minute, chaque seconde, tout ce qu'il entend c'est les notes. Elles peuvent parfois émaner des instruments mais aussi des gens, comme des partitions suspendues dans l'espace qu'il est le seul à voir. Aussi loin qu'il se souvienne, il en a toujours été ainsi et il ne s'imagine pas vivre sans.
Monsieur...lix...Vous...ttendez....mal....Vous...Perdu...Monsieur...Vous....Perdu...L'ouïe....
Monsieur...V...Sourd.
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ENFIN ! Je peux vous mettre le Prelude/Prologue
Je ne publierai pas tout de suite le premier chapitre, je veux d'abord terminer l'autre fiction mais j'avais quand même hâte de la démarrer ! Elle m'inspire tellement en ce moment.
On se retrouve sur "A la fin du manège", en attendant le premier chapitre de cette nouvelle fiction "Piano".
Vous aurez une composition de piano à chaque chapitre, l'écouter n'est ni obligatoire ni spécialement recommandé mais ça peut vous mettre dans l'ambiance.
A bientôt !
D.
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