Chapitre 26
Le jour J arriva vite.
Immobile face à la porte de l'appartement, droit comme un piquet, Jungkook inspira profondément. Toute tentative de quiétude était vaine mais il devait impérativement se donner du courage pour la suite. S'étant levé avec la volonté du monde, l'abandon n'était pas envisageable. Pas après tout ce qui s'était passé.
Se retrouver devant son ancien appartement était très étrange.
Son doigt tremblotant pressa la sonnette.
Peut-être se mettait-il trop de pression.
La porte s'ouvrit et ses yeux se posèrent instinctivement sur l'individu responsable de ses questionnements incessants. Ils avaient tous deux opté pour une tenue présentable mais décontractée, contrairement à celle que l'établissement scolaire leur imposait.
Ils se fixèrent longuement, comme s'ils avaient du mal à réaliser ce qui se produisait.
Ce fut Jungkook qui amorça le premier mouvement et qui les sortit de leur rêverie. Ils se saluèrent en une politesse plus que formelle. Si par écrit, les barrières étaient tombées plutôt facilement, il en allait autrement une fois face-à-face. La difficulté était montée d'un cran.
« Vous pouvez entrer.
Tel un automate, Jungkook s'exécuta et Monsieur Kim referma la porte sur son passage. Après avoir suspendu son sac, il lui enjoignit de se déchausser dans un coin où diverses paires se côtoyaient déjà.
- Je ne vous fais pas visiter, vous connaissez déjà. Quoique, votre ancienne chambre est devenue mon bureau.
Jungkook opina et jeta un coup d'œil circulaire.
- J'aime bien cette décoration.
- Merci.
Le professeur les amena jusqu'au salon et ils s'assirent sur le canapé en velours, côte à côte, à une distance raisonnable. Par pur réflexe, Jungkook déposa son téléphone sur la table ovale devant eux.
- Je vous sers une boisson ?
- Qu'avez-vous à me proposer ?
- Du thé vert aux fleurs de cerisier. Vous avez déjà goûté ?
Intrigué, il secoua négativement la tête et quelques instants plus tard, Monsieur Kim revint avec deux tasses fumantes. Il souffla un bref remerciement.
- Comment se passent vos vacances ? Tout va bien ?
- Oui. Pour le moment, j'en profite juste pour voir du monde et me reposer.
- Vous faites bien, l'homme admit sans grand mal, d'un ton presque professionnel. Le devoir-maison que j'ai donné à la classe n'est pas très long. Si vous êtes efficace, il ne vous prendra que trois ou quatre heures.
Jungkook manqua de grimacer à cette annonce, qui se voulait rassurante mais qui ne l'était définitivement pas. À la place, il but une gorgée et son regard navigua sur les divers éléments du salon. Juxtaposée à un lampadaire et un cactus, une bibliothèque s'étendait sur tout un pan du mur. Il nota également une télévision, une imprimante et un bocal. La pièce était aménagée avec rigueur, se limitant à de l'utilitaire sans pour autant tomber dans le fade et l'austère.
C'était drôle, de voir combien elle différait de l'ancien salon.
Sa tasse désormais vide, Jungkook la posa sur la table et prit à son tour la parole :
- Et vous vos vacances ?
- Ça va mais... vous m'avez manqué.
Après une seconde de flottement, le temps que l'information atteigne son cerveau, Jungkook lui offrit un sourire radieux. Et Monsieur Kim se figea, désarçonné par ce paysage aux allures chimériques.
- Vous aussi Monsieur.
- Je crois qu'au stade où on en est, vous pouvez m'appeler Taehyung. Vous m'autorisez à faire pareil pour vous ?
- Oui, il répondit tout en contenant sa joie. D'ailleurs vous l'avez déjà fait.
- Ma langue a dû fourcher. Ce n'est pas de ma faute, vous avez un si joli prénom.
À cette réplique, Jungkook se mit à scruter la bibliothèque. Discrètement, ses ongles exercèrent un infime appui au niveau des genoux, pour tenter de se canaliser. Le flirt flagrant du professeur le rendait aussi nerveux que surexcité. C'était plus simple à gérer par écrit.
Et s'il rentrait dans son jeu ? Il en avait sacrément envie, au point qu'il était résolu à surmonter sa vilaine timidité. Hors de question de se freiner. Il ne voulait rien regretter. Il n'allait rien regretter.
- Le vôtre est également très beau, son cœur était à deux doigts de lâcher lorsqu'il murmura la suite. Et il n'y a pas que ça qui est très beau chez vous...
Aucun bruit, si ce n'est le poisson rouge en pleine course contre son ombre dans le bocal.
Jungkook se retenait de loucher sur ses lèvres mais de son côté, Taehyung ne s'en privait pas. L'atmosphère était pesante, tous deux savaient pertinemment ce qui se tramait.
- Hum... Et on n'a jamais eu l'occasion d'en reparler, mais votre rendez-vous médical s'est bien passé ? Celui que vous aviez lorsque je voulais vous mettre une heure de colle.
Oh, la morve jaune fluo.
À son tour, Jungkook s'éclaircit la gorge.
- Oui à merveille.
- Rien de grave ?
- Ma morve était d'une couleur bizarre.
- Et ?
- Elle a dit que c'était à cause du pshit pour le nez.
Le visage de Taehyung était étrangement tendu, comme s'il se retenait de rire. Jungkook fronça les sourcils, hébété.
- Vous trouvez ça drôle ?
- On ne va pas se mentir.
- Vous vous moquez de moi ? il demanda d'un air bête.
- Peut-être un peu. Juste un peu. »
Jungkook rougit faiblement.
La honte.
Et en même temps, il se fit la réflexion qu'il appréciait cette facette, taquine mais loin d'être méchante.
Les deux hommes continuèrent à converser, apprenant doucement mais sûrement à se connaître par le biais de questions ordinaires. Malgré la retenue dont ils faisaient preuve, quelques barrières tombaient. Par ailleurs, Jungkook le remercia à nouveau pour ses précieux conseils d'orientation.
D'autres questions, plus osées, leur brûlaient les lèvres sans qu'ils ne les posent. Mais une en particulier ne pouvait pas attendre.
« Dites, Jungkook. Vous n'acceptez pas tout ça de peur que je signale votre petite fouille des casiers, hein ? Je ne suis pas tordu au point de vous faire du chantage.
La mémoire sélective faisait des miracles de nos jours. Il aurait presque pu oublier cette histoire.
- Non, non, bien sûr que non. Je fais ça car je le veux. N'en doutez pas.
Et le poids dans la poitrine de Taehyung s'estompa de moitié.
- C'est rassurant. Je me demandais parfois si vous... enfin... Je craignais de vous manipuler sans même le savoir.
- Ce n'est pas le cas. Leurs mains, aveuglément posées sur le velours du canapé, se frôlèrent avant de vite s'éloigner. Jungkook la plaça sur ses cuisses, les sens en alerte. Et pourquoi n'avez-vous rien dit ? Pour ce que j'ai fait, il demanda avec appréhension.
- Vous n'avez quand même pas cru pouvoir m'échapper aussi facilement ?
- Plus sérieusement, pourquoi ? il répéta, bien qu'une fois de plus séduit par son attitude charmeuse. Il adorait ce côté de sa personnalité, qui se dévoilait peu à peu pour son plus grand bonheur.
- À ce moment-là, je n'étais pas amoureux de vous. J'ai donc pris en compte plusieurs éléments objectifs. Vous êtes en dernière année de lycée, vous allez passer le bac et je ne suis pas sûr qu'un lycée de bonne renommée aurait accepté de vous accueillir en cours de route, encore moins pour faute disciplinaire. Si je l'avais rapporté à la direction, vous auriez été viré. Je ne dis pas que cet acte est dénué de gravité, je considère juste qu'être viré pour ce genre de bêtises débiles, c'est du gâchis. Et ça pourrait même jouer en votre défaveur lors de la sélection post-bac. Je vous ai donné une seconde chance et je crois que vous l'avez saisie. N'est-ce pas ?
- Je... Jungkook cligna, tiraillé entre reconnaissance et embarras. Il fallait sauver le peu de dignité qui lui restait. Je n'ai jamais recommencé. Tellement désolé... je ne sais pas ce qui m'a pris.
- Pourquoi avez-vous fait ça ? Vous cherchiez quoi ?
Les deux questions s'étaient enchaînées d'une traite. Jungkook fuit son regard, la gorge nouée. Aussi loin que ses souvenirs remontent, il n'avait pas compris ce qui l'avait poussé à commettre une telle absurdité, tout à fait contraire à sa morale. Il ne pouvait quand même pas lui dire que sa motivation avait été, sur le moment, de lui nuire ? C'était à la fois si pitoyable et immature. Qu'allait-il penser après ? Son estime comptait beaucoup pour lui.
À ce silence, Taehyung comprit qu'il avait touché une corde sensible.
- Désolé... Jungkook souffla.
- Vous savez, je vous ai excusé depuis bien longtemps. »
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