Remanié pour un défi Halloween

Une maman et ses deux filles se préparent à partir en vacances. Thallya l'aînée de dix-sept ans et Taïna âgée de quinze ans. Les jeunes filles se sont réveillées plus tôt afin d'être prête à partir vers dix heures. Comme toujours, elles se taquinent tout en s'affairant. En se levant, Taïna se plaint d'avoir encore été piquée par des moustiques. Ses bras sont tout boursoufflés. Sa mère lui répond que c'est sûrement parce qu'elle a le sang sucré tout en jetant un œil désapprobateur à Thallya.

—Pourquoi tu te maquilles ? demande Taïna à sa grande sœur. Tu crois que les poissons vont tomber amoureux de toi ? Les poissons n'aiment pas les rats, se moque-t-elle.

Thallya sort de la salle de bains et bouscule légèrement sa cadette, la traitant de sorcière moche et méchante. Celle-ci, vexée, la pousse et s'en suit alors une course poursuite à travers la maison. La maman excédée de ces chamailleries continuelles leur promet de les laisser si elles ne sont pas prêtes à l'heure...

Enfin, le départ. Les trois femmes montent en voiture, direction l'île de Ré. L'ambiance est bonne enfant. L'aînée met de la musique à fond. Ça chante, rit et raconte des histoires drôles.

Au bout d'une heure de route, elles s'arrêtent dans un Fast Food pour déjeuner. Après un repas plus sommaire que nourrissant, elles sortent du restaurant lorsque Taïna désire aller aux toilettes. Quelques minutes après y être rentrée, elle croit entendre des voix dont celle de sa sœur, scander des paroles à peine audibles puis suivi d'un rire effrayant. Apeurée, elle appelle sa sœur.

—Thallya ? Thallya ? C'est toi ?

N'obtenant pas de réponse, elle se dépêche de finir. Elle passe la tête en ouvrant discrètement la porte des toilettes. Il n'y a personne. Elle pense que sa sœur a voulu lui jouer un mauvais tour, se lave les mains et les rejoint furieuse.

—Tu te crois drôle ? accuse-t-elle son aîné. Avec ta tête de rat !?

Thallya ne comprend pas, se défend d'avoir fait quoique ce soit. Elles continuent de se disputer dans la voiture.

—J'ai entendu ta voix de crécelle quand j'étais dans les WC, dit Taïna toujours convaincue que c'était sa sœur.

—Je t'ai dit que je n'ai rien fait, s'énerve Thallya. Tu n'as qu'à demander à maman. J'étais avec elle dehors à t'attendre.

—Les filles, crie la maman, serait-ce possible de passer un peu de temps ensemble et s'amuser durant ces vacances, sans vos continuelles disputes ?

Du fond de la voiture, elles se rejettent chacune la faute.

—Bon, taisez-vous ! Je me fiche de qui a commencé, je ne veux plus vous entendre !

—Maman a raison. Tais-toi Taïna, dit Thallya en faisant le signe d'un zip qui se ferme sur sa bouche.

Un étrange silence se fait dans la voiture. Profitant de la musique passant à la radio, la maman  se délecte du calme de ses filles sans se douter de la véritable raison.

Une fois arrivé à la villa, elles se ruent chacune pour choisir une chambre. Leur mère leur propose de se reposer un peu avant d'aller profiter des quelques heures de soleil restantes.

Une heure plus tard, elles sortent, serviette sur le dos en direction de la plage.

—Alors, t'a fini de faire du boudin ? demande sa maman à Taïna.

—Je ne faisais pas du boudin, je n'arrivais plus à parler, répond la jeune fille.

—Franchement, ça m'a fait du bien de ne plus t'entendre, raille la plus grande, avec un regard sardonique.

—Je ne vais même pas te calculer, rétorque Taïna, méprisante.

— Et si on allait se baigner, annonce la mère en direction de la sortie.

Les filles courent et traversent les quelques mètres qui les séparent de cette eau bleue. Thallya trouve un endroit non loin d'une grotte. La maman pose les serviettes et autres affaires tandis que les jeunes filles vont s'amuser.

Taïna n'aime pas cet emplacement qu'elle juge trop éloigné de la plage. Pour la calmer, sa sœur lui propose de faire une chasse aux trésors dans la grotte. Elle refuse car elle n'aime pas les endroits clos. Et encore moins la manière dont sa sœur insiste. Elle s'imagine qu'elle va encore lui faire une farce.

—OK, je viens, finit-elle par accepter. Mais t'as pas intérêt à faire quelque chose de bizarre, la prévient sa cadette sur la défensive.

Elle succède Thallya dans la grotte, peu rassurée.

Son aînée se tourne vers elle, lui montrant du doigt une lumière provenant du fond de l'antre.

—Regarde ! On va voir ? propose Thallya en se mettant à courir.

Taïna la suit tant bien que mal jusqu'à arriver à un renforcement. Elle est stupéfaite de voir deux autres femmes ; une vielle et une très jeune à côté de sa sœur. Pas loin, il y a une grande marmite posée sur un feu de bois d'où se dégage une délicieuse odeur de cuisine puis un peu plus à gauche une sorte de plan de travail.

—Je ne pensais pas que tu aurais réussi à convaincre notre potion de jouvence de te suivre, dit la plus âgées.

—Tu me prends pour qui ? riposte Thallya arrogante. Aucun mortel ne me résiste. Surtout si c'est ma famille.

—Comment ça, mortel ? s'étrangle Taïna. Tu n'es pas humaine ? Non, c'est vrai, t'es un rat, rit-elle.

—Je vais te montrer ce que je suis en réalité, ricane sa soeur. 

Thallya prononce des mots ressemblant à une incantation et une tornade l'entoure elle et les deux autres femmes. Une fois le vent apaisé, trois êtres ridés et informes se tiennent devant elle. Elles ont un aspect décrépit, blafard. Quelques cheveux blancs se battent en duel sur leur tête rongée par la calvitie. Elles penchent sur un côté tant elles semblent vieilles. Taïna a l'impression qu'il lui suffirait de leur souffler dessus pour qu'elles tombent en poussière.

—Alors t-tu es une... une sor... une sorcière ? réussit-elle à articuler avant de tenter de prendre la fuite.

Elle trébuche, tombe et se relève en panique. Elle court comme une dératée en direction de la sortie. Taïna se retourne de temps en temps pour voir si elles ne sont pas à ses trousses.

Elle se heurte au bout de quelques mètres à sa mère qui lui demande ce qu'il se passe. Elle lui raconte affolée. Sa maman n'étant pas sûre de comprendre,  lui demande de la conduire à sa sœur.

—Franchement vous et vos histoires, se désespère la femme. Quand elle n'est pas un rat, c'est une sorcière ? persifle étrangement la maman.

—Je te jure que c'est vrai, maman ! Elles sont toutes laides et blanches comme des culs. On ne devrait pas y aller maman, supplie Taïna.

Sa mère croyant à une supercherie de ses filles, l'y conduit de force, expliquant qu'elle ne peut pas laisser son autre enfant comme ça. D'autant plus que la cadette lui a rapporté que sa grande n'était pas seule.

Arrivées à l'endroit en question, force lui était de constater la véracité de l'histoire.

—Bon... et bien, je ne peux que te croire. Ta sœur est effectivement une sorcière, admet calmement la maman...

***

Une demi-heure plus tard, Thallya et sa mère ressortent de la grotte.

—Tu crois qu'on continuera à nous prendre pour mère et fille maintenant que j'ai retrouvé mes vingt ans, s'enquiert-elle auprès de son enfant. Elle n'était pas assez pour nous quatre, boude-t-elle. Pourquoi tu as invité ces deux vieilles peaux ?

—Parce que ce sont les seules qui peuvent faire la potion de jouvence avec un corps entier. Si tu avais passé plus de temps à étudier tes formules au lieu de faire ta belle auprès des mortels hommes, on n'aurait pas besoin de partager avec elles chaque fois, récrimine Thallya.

Sa mère lui lance un regard de petite fille et lui attrape le bras.

—Bon, cette fois-ci, je vais en adopter une plus dodue, promet la maman.

Les deux femmes s'en vont, riant, bras dessus bras dessous tandis que leurs affaires de plage se rangent eux-mêmes dans le sac qui vient s'accrocher sur l'épaule de la mère.