Partie 1 ⚓
La brise légère souffle dans mes cheveux et les fait flotter au même rythme que les vagues. Mes joues sont certainement rosies par la basse température de la nuit qui se lève, et mon regard se perd dans le fond de l'océan.
Lui et moi, nous avons levé l'ancre en fin d'après midi. Un simple message m'avait prévenu.
Taehyung : Prend des affaires de rechange et un maillot de bain. On embarque à 18h.
Je ne m'attendais pas à plus. C'était toujours pareil avec lui. Il décidait sur le qui-vive, et entrer dans sa vie ne pouvait laisser personne indifférent. Moi, je me suis laissé avoir par son regard maritime, ses boucles brunes, son teint halé et cette aura aussi sombre que le fond de la mer. C'est le genre d'aura qui captive, on la contemple en se demandant si elle est bien réelle, si la ténébreuse lueur dans ses orbes n'est pas seulement le fruit d'une imagination débordante.
Notre rencontre s'est faite il y a de cela quelques mois.
Je peignais, seul, dans mon atelier ouvert au public, où j'expose régulièrement de nouvelles œuvres. Absorbé par les couleurs et la vivacité de ce que je créais, je ne remarquais pas celles qui apparaissaient sur mon corps. Une tâche bleu ciel pointait sur le bout de mon nez, mes bras et mes jambes étaient couverts de ce bleu marine si particulier, alors que quelques autres tâches roses et jaunes défiaient mon t-shirt blanc. Une lèvre entre mes dents, le pinceau en suspension, je ne l'ai pas entendu entrer. C'est quand j'ai senti une drôle de présence derrière moi que je me suis retourné.
Ce genre de prestance, si sombre, ne s'oublie pas. À l'instant même où j'ai croisé son regard, j'ai su qu'il me hanterait jour et nuit. Que je verrais ses yeux dans mon sommeil, que je sentirais ses mains sur ma peau sans cesse. Son aura m'avait déjà attirée dans ses filets.
- Ce que tu peints, on dirait mon bateau. M'avait-il dit, simplement, comme si cette phrase était banale comme bonjour.
Il était simple, faisait les choses comme elles devaient être faites, disaient les choses comme il voulait les dire. Pourtant, malgré sa liberté, je ne l'avais pas vu sourire une seule fois.
- Je me suis inspiré d'un bateau que je trouve particulièrement beau lorsque je me balade près du port. Alors c'est peut-être le tien...
Ce n'est qu'à partir de là que j'ai échappé à son regard, mais que j'ai contemplé quelque chose de plus enivrant encore. Ses cheveux noirs tombaient en cascade entre ses yeux, contournant élégamment ses oreilles. Ce jour là, il portait deux petites boucles, agrémentées d'une vague en or sur chacune d'elle. Il était vêtu simplement et sentait l'eau salé et le vent de l'air marin.
- Je peux te l'acheter ? Il est à combien ? J'aimerais le mettre en décoration dans mon bateau...
Un sourire avait orné mes lèvres, mais les siennes étaient restées imperturbables.
- Je peux t'en faire le prix de 65 800 wons, et je pourrais te l'amener demain à ton bateau lorsque je l'aurai finalisé.
- Très bien.
Il avait levé une main, frotté légèrement de ses doigts fins le bout de mon nez, effaçant la trace bleu ciel. J'avais frissonné, et il l'avait vu. Puis il était parti, sans demander son reste.
Le lendemain, il m'avait invité à entrer dans son bateau : un beau voilier équipé de tout pleins de choses et d'objets techniques dont je ne connaissais pas l'utilité. Je l'avais aidé à accrocher mon tableau à l'un des murs de la grande cabine. Nous n'avions pas beaucoup parlé, et je sentais une certaine tension s'installer. Je n'osais plus le regarder dans les yeux, ou bien j'allais plonger. Alors que j'allais partir, il m'avait retenu et s'était bien trop rapproché de moi pour que ce ne soit pas volontaire. Ses yeux me scrutaient avec une profondeur qui me faisait trembler, et les siens étaient tombés sur mes lèvres. Puis il avait passé son index sur le coin de celles ci.
- Tu avais une tâche de peinture.
Puis il m'avait laissé seul sur le perron, retournant à ses occupations, tandis que mon cerveau et ma peau brûlaient. Tout de moi brûlait pour ce regard et je n'en comprenais pas même encore la teneur.
Les jours suivants, je revenais régulièrement au port, me balader pour espérer le croiser. Quelques fois, on s'apercevait et je détournais le regard. Au bout d'un moment, j'avais commencé à lui apporter d'autres tableaux, à lui proposer plusieurs exemplaires de son bateau, peint dans tous les styles et sous tous les angles. Il m'en achetait toujours un, et le mur de sa grande cabine commençait à se remplir de mes œuvres, et j'aimais les savoir avec lui.
Ma cinquième visite. Je m'étais tâché, mais je l'avais fait exprès. Du rouge tout juste au coin de mes lèvres, et un peu de turquoise sur ma joue droite. À son habitude, il s'était approché, avait nettoyé délicatement ma joue, puis dans la continuité, avait tracé le bord de mes lèvres. La peinture disparaissait et laissait place à la chaleur enivrante de ses doigts sur ma peau.
Soudain, il m'avait embrassé.
Ardemment, entraînant une flamme dévastatrice dans tous les recoins de mon âme. Son corps avait fondu sur le mien aussi sombrement que je plongeais mon regard dans le sien. Reculant, j'avais fini par être coincé par le mur de la cabine de son voilier. Le souffle court, je m'étais laissé embraser, et ses mains sur ma taille, sur mes hanches et mes poignets me rendaient fou au point d'en oublier ma conscience. L'abnégation dans sa beauté et son avertissement avait pris possession de mon corps.
Nous nous sommes bien embrassés dix minutes, avant que je ne sente la flamme se faire trop intense et que je ne l'écarte de moi. Une petite trace rouge -reste de peinture- traînait à présent au coin de ses lèvres, et ça me fit sourire.
Lui, n'avait pas sourit une seule fois. Il se contentait de me dévorer du regard. J'ai entrouvert sa main, ai laissé mon numéro dans le creux de sa paume, alors qu'il fixait toujours mes lèvres rougies. Et c'est en sentant ses yeux sur mon dos que j'avais quitté le bateau, la respiration haletante. La nuit ne m'avait pas aidé à reprendre mes esprits, bien au contraire. J'en rêvais en boucle, et chaque fois, ses mains s'aventuraient un peu plus loin.
C'était indéniable, j'étais attiré par lui comme par un aimant. Et je ne faisais plus que peindre son bateau. Et bientôt, une autre forme s'ajouta à ma collection de peintures. Quelque chose de nouveau, dans lequel je ne m'étais jamais aventuré. Un visage. Des yeux. Un regard surtout. Mais j'avais beau peindre et repeindre, je n'arrivais jamais à reproduire fidèlement cette lueur. Cet éclat de passion lorsqu'il avait fixé mes lèvres, mélangé aux vagues, à la douceur, aux ténèbres mais surtout à la douleur.
Je ne pouvais pas le nier, la douleur habitait ses orbes. Elle y avait trouvé son refuge, et elle était fulgurante.
Attrapant un de mes carnets de croquis dans lequel j'avais l'habitude de noter les petites tâches du quotidien à réaliser, je fis glisser en cette douce matinée ci mon stylo plume sur la page à grain. Quelques mots délicats se révélèrent au grand jour, sous les rayons orangés de l'aube.
Le voir sourire.
Je revenais sans cesse le voir avec de nouveaux tableaux, les lui faisait à moitié prix, puis gratuits. Il semblait toujours ravi de voir son voilier sous une nouvelle perspective. Sa petite maison sur l'eau devait être très importante pour lui. Il semblait y vivre seul, et il n'était jamais là le soir. Le bateau disparaissait du port. Il devait faire un tour à cette heure là.
Plus le temps avançait, et plus j'en apprenais. Nous ne nous étions plus jamais embrassés, mais son regard m'embrasait bien plus que son toucher. Je m'enflammais à la simple vu de la noirceur qui s'y enfermait.
- Pourquoi ne t'ai-je jamais vu sourire ? Avais-je un jour demandé alors que je lui apportais ma toute dernière création. Son mur serait bientôt plein de mon art, et il n'y aurait plus de place pour mes visites.
Ses sourcils s'étaient froncés. Il avait l'air déconcerté.
- Je ne sais pas. Je n'y pense pas.
J'avais éclaté de rire.
- C'est drôle, ça ! Il ne faut pas penser pour sourire.
Il m'avait fixé avec étonnement et curiosité.
- Ah bon ?
- Ben oui, regarde, là j'ai souri, mais je ne faisais même pas attention !
Il avait haussé les épaules, un peu indifférent.
- Tu vis seul, ici ? L'avais-je questionné.
- Oui.
- Et avant, tu vivais bien avec quelqu'un, non ?
Il avait hoché la tête. Seulement ça, rien de plus. Alors je n'avais pas insisté, car la pénombre dans ses orbes devenaient de plus en plus dangereuse alors que les conversations devenaient plus profondes, plus personnelles.
Le jour suivant, il m'avait envoyé un message pour me dire de venir embarquer avec lui sur son bateau à 18h.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro