(Peter)

La maison est un véritable chantier. Les gars sont en train de vider l'ancienne chambre de Léo.
Est ce que nous allons réussir Anne et moi, à construire un "nous" dans cette maison ?

J'avoue que je suis angoissé à ce sujet. Pas sur notre capacité à construire un avenir : Je n'ai aucun doute sur ce que je ressens pour Anne. Elle est celle que j'attendais. Elle ne remplacera jamais Flora. Elle le sait, et ne l'exige pas. Flora était mon premier amour. Nous avons dessiné cette maison et y avons vécu des jours heureux.
D'où mon inquiétude !

Ne devrions nous pas vendre cette maison et repartir à zéro. Démarrer une nouvelle vie dans un lieu nouveau pour nous deux .

Inès est là et gère en compagnie d'Amy les trois enfants. Elles s'entendent bien toutes les deux. La discrétion d'Inès a un effet calmant sur l'incroyable énergie d'Amy.

Matt et Tom sont partis avancer dans les cartons.

Anne est au boulot. Elle a géré d'une main de fer le cas Mariani. Celui-ci a, sans grande surprise, accepté de partir loin d'ici, en échange du silence sur son vol des photos.

***

- Matt ! Ne jette pas tout ! Si je te laisse faire, il faudra un container pour tout mettre.

- Tu es sûr de vouloir garder tes vieux slips pourris ?? remarqué-je avec un de ceux-là entre deux doigts. Crois-moi, si je les avais vu avant, bébé, tu les aurais retrouvés accrochés partout dehors pour te foutre la honte !

- C'était avant de te connaître ! s'excuse-t-il rouge vif.

- Heureusement ! Si j'avais découvert ça en te déshabillant, je ne ferais pas ces cartons crois-moi, dis-je en éclatant de rire.

- L'important n'est pas le contenant mais le contenu !

- Je sais cela bébé, mais j'aime que le contenant soit à la hauteur du contenu.

- Pervers.

- J'assume, mon cœur. Est-ce qu'il y a un truc pour les dvd ? Je me rappelle plus.

- Je ne crois pas. On regardera ce soir. Au fait, demain je vais voir Andy. Tu viens ?

- Si tu veux. On emmène Lilou ?

- Bien sûr.

Quinze jours après, Franck avait proposé de garder Lilou, afin que nous soyons tranquille pendant le déménagement. Il ne restait que les cartons, quelques meubles et le lit de Lilou. Honnêtement, Matt et moi redoutions sa réaction. Elle dormirait pour la première fois dans un lit, seule dans sa chambre.

- Je mets ça où Matt ?me demande Nicolas, avec un objet dont je ne me rappelle même pas l'existence.

Il y a tellement de mouvements autour de nous. Si je m'écoutais, je me roulerais en boule dans un coin.

- Aucune idée, Nicolas. Là, je ne sais plus rien. Je suis épuisé.

- Je vais poser ça dans le coin, alors, décide-t-il.

- Fais ça, oui, répondis-je, désabusé.

- Matt. Tu vas bien ? J'ai l'impression qu'il y a un truc qui t'angoisse.

- Non. Rien de ce genre, Nicolas. Je crois que je subis le contrecoup de toutes ces semaines. Maintenant, j'ai envie de vivre auprès de l'homme que j'aime et de voir grandir ce cadeau du ciel qu'est Lilou.

- On en a pris plein la gueule. Tu sais, quand Franck m'a parlé de ce qui était arrivé à Léo, j'ai failli devenir dingue. J'avais honte d'être un homme, j'ai même eu envie de me séparer d'Amy. Et puis, j'ai décidé d'agir en l'aidant.

- Moi, je les aurai pistés et tués, grondé-je.

- J'ai été tenté de le faire, admet-il. Mais leur faire plier l'échine comme nous l'avons fait tous ensemble m'a rendu heureux et fier. Et puis j'ai rencontré des gens merveilleux.

- J'ai souvent des cauchemars mêlant mon histoire, celle de Lilou, de Léo.

- Matt, tu as un talent fou. Sers-toi de cela, lâche ce que tu ressens. Rien ne t'interdit de t'adresser aux adultes.

- Et d'assumer, je sais. Quelqu'un me pousse à le faire depuis très longtemps.

Je me prends une claque mentale en le formulant à haute voix. Depuis tout ce temps, je suis fâché avec la seule personne qui a tout compris. Que de temps perdu !

Dans l'après midi,
Inès et Damien nous ont ramené Lilou. Elle a regardé avec ses grands yeux d'enfant, sa chambre. Elle a touché son lit, surprise. Puis, elle a sauté dessus en rigolant. Comme une petite fille. Nous en avons pleuré Tom et moi.

Puis tout le monde est rentré chez soi.
Nous avons couché Lilou, épuisée, dans son lit.
Nous nous sommes retrouvés tous les deux sur le grand canapé, serrés l'un contre l'autre.

- Tom ? J'ai pris une décision, aujourd'hui, lui dis-je le nez enfoui dans son cou.

- Je t'écoute.

- Je vais porter plainte.

- C'est vrai ?

- Je suis enfin prêt à le faire, oui. Je crois que je pourrais enfin les regarder dans les yeux sans avoir honte.

- Tu n'as jamais eu honte, mon cœur. Je suis fier de toi, Matt.

- Tu m'aideras à ne pas flancher ?

- Je serai là, à tes côtés. Pourquoi. maintenant ?

- J'ai réalisé que je ne pouvais pas t'épouser sans laisser cela derrière moi. Les gens doivent savoir que cela existe.
Qu'un père peut haïr son enfant pour cela, au point de presque le tuer.
Tu veux bien attendre encore un peu, pour le mariage ?

- Bien sûr. C'est une très bonne raison.

- Merci. Et si on allait essayer notre belle et très grande chambre ?

(Tom)

J'ai cru entendre un bruit. Matt dort profondément à côté de moi. Cela faisait très longtemps. Je suis tellement fier de cet homme. Je ne sais pas exactement ce qui l'a aidé à prendre cette décision, mais j'en suis très heureux. Nous nous sommes souvent pris de tête à ce sujet au début. Je suis un flic. A cette époque, j'étais très clair, très droit. Ils devaient payer. Mais, lui, préférait les rayer de sa vie. Je lui ai laissé ce choix.

De nouveau ce bruit. Nous ne connaissons pas encore les sons de cette maison.
J'entre dans la salle. Lilou est endormie en boule sur le canapé.
Dois-je la réveiller ?

- Elle est sur le canapé ? me demande Matt alors que je reviens me coucher.

- Oui. Elle dort...

- On verra demain, hein ? Ce n'est pas si important, si ?

- Non.