— Tu es un putain de génie, mec ! gueule Nicolas avec sa discrétion habituelle. Comment l'idée t'es venue ?

— J'ai juste copié le truc que Lilou promène partout. Tu sais avec les images. Pour communiquer, explique calmement Phil.

— Et ?

— Je suis souvent avec eux, leur silence me convient. Et puis ils sont trop mignons ensemble. J'ai vu Lilou communiquer avec Léo, lui montrer des images. Au début, ça me faisait marrer de voir ce petit bout utiliser ça pour Léo. Lui, il hochait la tête.

—Je vois ça d'ici !

— Et puis au fur et à mesure, j'ai vu Léo essayer lui aussi avec elle. Alors comme la nuit je dors pas, j'ai réfléchi à un truc plus facile pour lui. J'avais l'idée, après la programmation c'est du gâteau !

— Ben mon bonhomme, tu as de l'or dans les pattes, sifflé-je d'admiration. Tu as appris ça où ?

— En prison. Tu peux le montrer à Franck ? Il m'a pas à la bonne, je crois. Je m'en fous mais le gamin ça pourrait l'aider.

— Pourquoi tu dis qu'il t'aime pas ? m'étonné-je.

— Il me laisse jamais seul avec lui.

— Ah Ah ! Moi non plus, je peux pas. Personne à part lui, l'infirmière et Lilou ne peut. Tu vas lui montrer ça, je vais le chercher.

— Déconne pas, s'affole-t-il.  Je vais pas y arriver, il me fout la trouille, ce mec !

— Tu sais ce que je vais faire, je vais le chercher et je reste avec vous. 

Je me dirige vers la maison où est sûrement Franck. Phil est un drôle de mec. En fait, ils se ressemblent beaucoup tous les deux.
A force de se protéger pour ne pas craquer, leur carapace fait des dégâts autour d'eux.

— Franck ? Tu peux venir s'il te plait ?

— Pas le temps, Nicolas. Je dois m'occuper de Leo, là.

— Suis-moi, s'il te plaît. Ça vaut le coup qu'il attende un peu.

Une heure après, j'assiste à un spectacle de choix. Franck est assis devant l'ordi de Phil. Il utilise l'appli et à voir leurs regards, ils vont se parler plus souvent.
Je réalise que ces mecs vont sérieusement nous manquer. Personnellement, je ne vais sûrement pas pouvoir couper les ponts avec eux.

Je retourne dans la cuisine, Amy est avec les garçons. C'est lourd pour elle, il y a constamment du monde. Pas de moments de répit. Je l'enlace, et lui embrasse la nuque.

— Attention ! Mon mari n'est pas très loin ! lâche-t-elle en zieutant partout..

— Mmh. Il aurait dû réfléchir et ne pas te laisser seule. Ça va, mon trésor ?

— Oui. Tu peux prendre Max, Fred est réveillé et il va s'énerver.

— Bien sûr, je vais dehors voir Matt et Oliv.

— Fumer une clope, plutôt ? Prends Lilou, elle m'a montré sa photo. Tom dort sur le canapé.

— Ok ! Lilou ? Viens on va voir Matt !

***

(Damien)

Oh merde ! Qu'est-ce qu'il fait là ?

Je connais Oliv depuis un sacré moment. C'est un gars génial, fidèle en amitié. Il ne fait pas que des trucs légaux, mais  moi non plus.
La question que je me pose est celle-ci : Qu'est-ce  qu'il fait chez un flic ?

Bon, en plus du fait que ce n'est pas mon problème, je dois trouver un moyen sûr, discret et rapide pour me débarrasser de lui. Pas gagné.

— Dis donc, t'es plutôt loin de ta cité, gamin ?

— Ouais. Y a des interdictions, maintenant ? répliqué-je avec humour.

— Non. Après, tu accompagnes peut-être la demoiselle ?

— Voilà, c'est ça.

Je sens Inès s'accrocher à mon bras. Elle est terrorisée. Mais je ne sais pas quoi faire. Oliv est un malin, il a compris que je n'étais pas très à l'aise.
Un mec vient de sortir de la maison, et se dirige droit vers nous, enfin plus précisément vers Oliv.
Merde, c'est le mec à Bisson. Il ne connaît pas Inès, mais elle va flancher c'est sûr.

— Un souci, Oliv ?

— Non, non. Damien vit dans la cité. On se connaît depuis un bail. On discutait vite fait.

— Tu pourrais au moins lui payer une bière, mec !

— Désolé, pas le temps, je dois raccompagner mon amie, en profité-je pour m'esquiver. Passe au loft, un de ces jours !

Un autre mec sort de la maison avec un bébé dans les bras et une petite fille qui lui donne la main. J'entends Inès faire un drôle de bruit, entre cri et hoquet. Ses ongles me rentrent dans la paume.

— Matt, Lilou te cherche partout.
Vas-y, petit cœur, il est là et avec Oliv en plus.

La petite lâche la main du mec et fonce vers Matt et Oliv. Je comprends à la réaction d'Inès que la petite est Ellie.
Je libère ma main pour la prendre par la taille, j'ai l'impression qu'elle va s'écrouler. La petite nous voit et s'arrête juste à côté de Matt.

Inès est blême, la petite se trouve à un mètre de nous. Elle fixe Inès de ses grands yeux verts. Ne bouge plus du tout. Je vois des larmes couler sur ses joues.
Matt et Oliv, silencieux, la regardent. Puis, elle s'approche de la grille, fixant Inès, qui fait de même, les joues inondées de larmes. Leurs mains se joignent et Inès, dans un souffle, brise le silence.

— Ellie

Matt se rapproche, se met à genoux, à côté de la petite, lui touche la tête d'un geste doux, puis lève les yeux vers Inès. Il a les yeux brillants mais il lui sourit tendrement.
La petite se colle à lui, il la pousse un peu et ouvre la grille.

— Je pense que vous devriez entrer.

Inès est tétanisée, je la prends de nouveau par la taille pour la soutenir. Ses jambes flanchent, elle ne tient plus debout. Je la prends dans mes bras et entre dans la cour. Matt la petite dans ses bras s'approche d'Inès. Pas un mot juste des regards, des larmes.
Je chuchote dans l'oreille d'Inès.

— Elle t'a reconnu Chica !

Celle-ci me regarde et me sourit. Je lui embrasse le front tendrement. Et je suis Matt. Le mec qui a emmené Ellie, nous regarde passer. Son regard sur Inès n'exprime pas grand chose. Mais son regard vers Matt et la petite est puissant.
Je me rends compte que, autour de nous, il y a de plus en plus de monde.
Inès, toujours le regard centré sur Ellie, se crispe malgré tout.

— N'aie pas peur, je ne te lâche pas. Je reste avec toi. Toujours.

— Merci ! me souffle t-elle.

A l'entrée, Matt s'arrête et je vois son visage se métamorphoser. Un homme apparaît dans l'encadrement de la porte : Bisson. Il fronce les sourcils, inquiet.
Il ouvre la bouche, mais, au moment où il va parler, la petite lui prend la main et la pose sur celle d'Inès.
Tout est dit. Il enlace Matt et ses larmes coulent.