Chapitre 5.
Malgré le fait qu'il déteste les hôpitaux, Matt y est depuis presque quatre heures. Et, à part pour la bouffe, il ne râle pas. Un miracle ! La nourriture est une source de conflit entre nous. Il aime tout ce qui est fast-food : il paraîtrait que cela lui coupe son inspiration de se préparer à manger !
Moi, mon truc, ce sont plutôt les légumes.
Matt fait des efforts, "juste pour me faire plaisir me dit-il" .
En chemin, je pense à ma discussion avec Peter.
Pour l'enquête c'est normal, je n'étais pas en service. En fait, si Matt n'avait pas trouvé la gamine, les collègues seraient venus pour prendre le relais. Mais je ne suis pas dupe. C'est aussi un bon moyen de me faire payer mon homosexualité.
Le commissaire est un con, c'est tout ! Je pourrais porter plainte, comme me dit Matt, mais franchement, je n'en ai pas envie.
Sur la totalité du personnel, seuls deux ou trois ne m'apprécient pas à cause de mon orientation sexuelle. Les autres me connaissent et savent comment je bosse. Ma vie privée n'intervient que rarement dans mon boulot. Je suis juste en rage de ne pas avoir l'enquête !
Pour le reste de la conversation, je ne sais pas. Est-ce que cette gamine pourrait venir chez nous ? Est-elle folle ou muette ? Peut-elle subitement devenir un petit animal sauvage agressif ? Est-ce que Matt arrivera à la gérer à chaque fois ? Et moi ?
Trop de questions, pas assez de réponses. Je n'en ai pas encore parlé avec Matt. Après ce que m'a dit le toubib, l'idée que cette môme se retrouve dans un asile, shootée, me révulse. Mais sommes-nous capables de nous en occuper comme il faut ?
Et je revois Matt assis au sol, ses longues jambes allongées devant lui et cette gamine la tête posée sur ses genoux, les écouteurs sur les oreilles, dormant paisiblement. Il était tellement beau, son sourire m'a limite fait monter les larmes aux yeux.
C'est le Matt que j'adore, le sensible. Juste avant qu'il dise une connerie ou une grossièreté !
Je me gare dans la cour.
Si la petite vient vivre chez nous, il faudra que je répare ce portail.
Mais qu'est-ce qui m'arrive ?
Je rentre et vais directement dans la salle, où est le bureau de Matt.
Quand il est venu s'installer avec moi, j'avais dégagé une pièce qui ne me servait à rien pour qu'il y fasse son coin. Il n'y a jamais été. Il se sent mieux dans la salle, sur la table ou, le plus souvent, vautré sur le canapé.
La pièce est petite mais elle pourrait faire une petite chambre, non ? (Tom, tu as besoin d'un café pour te remettre les idées en place ! )
Je trouve le mp3 de Matt où il m'a dit. Des écouteurs, ce n'est pas très compliqué, y en a partout : Matt écoute de la musique tout le temps. L'ordi est sur le bureau. C'est bon j'ai tout ! Direction Macdo, je commence à avoir faim !
(Matt)
Le toubib n'est pas très rassuré. Bon, je le comprends, elle a voulu le mordre tout à l'heure ! Je ne pense pas qu'elle recommence, mais elle ne le lâche pas du regard pendant toute la durée des soins. Pour la tranquilliser, je pose ma main sur son bras, elle tourne la tête vers moi et sourit. (Oh putain ce sourire. Je m'en lasse pas !)
- Pourrais-je vous parler cinq minutes ? me demande-t-il.
- La puce, il faudrait que je discute avec le docteur, dis-je à cette petite sous le regard attentif du médecin. Je suis juste derrière la porte. C'est bon ?
Elle hoche la tête sans sourire cette fois.
- Tu veux de la musique ? dis-je en lui montrant mon smartphone.
Je lui installe les écouteurs et c'est parti !
Le toubib est dans le couloir, je laisse la porte ouverte pour la voir et la rassurer le cas échéant.
- Bon alors, doc, qu'est-ce qui se passe ?
- Elle est fortement anémiée mais avec une alimentation normale et des vitamines, elle va vite reprendre des forces. Le fait qu'elle ne parle pas m'inquiète plus. Elle n'est pas bête. A priori, elle comprend ce que vous lui dites.
- Oui. C'est évident. Où est le problème, alors ? dis-je inquiet.
- Les places en institutions sont rares. En général, un an pour y entrer, à condition que quelqu'un paye.
- L'aide sociale à l'enfance, la Sécu, ces organismes s'occupent des enfants dont les parents sont déficients ou morts, non ?
- Oui. Mais si j'ai bien compris, on ne sait rien sur les parents dans son cas, non ?
- Pour l'instant. Il va y avoir une enquête. L'officier Bisson, probablement. Le temps de son hospitalisation le problème sera réglé.
- Je ne peux pas la garder dans le service plus de deux jours, au mieux jusqu'à vendredi, précise-t-il.
- Alors qu'est-ce qui se passe pour elle, d'ici vendredi ? commencé-je à dire en haussant le ton.
- Si personne ne la prend en charge, ce sera l'hôpital psychiatrique, j'en ai peur, conclue-t-il.
- Mais elle n'est pas cinglée ! Elle est muette, ou elle ne veut pas parler tout simplement. Ça arrive non ? Elle était enchaînée comme un chien, bordel ! hurlé-je.
- Je sais, Monsieur, je sais, tente-t-il de me calmer.
- Alors quoi ? Je l'aide à reprendre confiance et après je la largue dans un asile. Non, non et non ! crié-je, hors de moi.
Je réalise que mes hurlements ont pu l'affoler. Je jette un œil dans la chambre, son regard est suffisamment explicite. Je rentre aussitôt dans la chambre. Elle a les pupilles dilatées, signe de peur.
- Hé ! Je suis là, ne t'inquiète pas. Je ne voulais pas te faire peur, excuse-moi ! m'exprimé-je d'une voix qui se veut rassurante.
Elle m'écoute mais ne s'apaise pas. Elle est tendue. Qu'est-ce que je peux lui dire ?
Que faire ? Et si, en attendant, elle venait chez nous ?
Elle semble m'accepter, être plutôt calme avec moi. Je travaille à la maison donc je peux m'occuper d'elle. Est-ce que Tom serait d'accord ? Je n'ai aucun doute le concernant. Il n'acceptera pas plus que moi l'idée qu'elle se retrouve à l'asile. Je le sais. Tom est la personne la plus gentille, la plus douce que je connaisse. Il déteste l'injustice. Ça le met hors de lui.
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