Chapitre 27.
(Peter)
Mais c'est quoi ce bordel ?
Je ne comprends pas.
Que doivent-ils vérifier ? Et moi, je fais quoi maintenant ? Anne s'est-elle occupée de voir pour l'adresse IP ?
Je n'en peux plus, je suis fatigué. Je vais rentrer comment chez moi sans voiture.
Je prends le fixe et appelle Laval
— Tu es au poste ? Tu peux venir dans mon bureau ? Dans cinq minutes ? Merci.
Au moins Laval est là. Je cherche dans le tiroir de mon bureau. J'avais un vieux portable là dedans, enfin je crois.
Laval entre sans frapper comme d'habitude. Il a quoi à me regarder comme ça ?
— Y a un problème ? lui dis-je sur un ton agressif.
— Je ne sais pas, moi. C'est toi qui m'appelle !
— Quelqu'un m'a volé ma bagnole hier soir. Avec mon portable, les clefs de chez moi, tout ce qu'il y avait dedans. J'ai rien vu. Homme, femme rien et ça me fout en rogne.
— Tu te moques de moi ? J'ai passé le stade du bizutage, tu ne crois pas ? se moque-t-il.
— Il se passe quoi aujourd'hui ? D'abord Anne et Nicolas, maintenant toi.
— Quoi, Anne et Nicolas ? s'intéresse Laval.
— On devait bosser ce matin mais ils sont partis vérifier un truc, je ne sais pas quoi.
— Eh Peter ! Reprends-toi, tu as l'air complètement largué !
— Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. J'ai plein de trucs à te dire. Laisse moi prendre un café bien serré et je te mets au courant. Et excuse-moi pour ce bref moment de fatigue.
Ce n'est vraiment pas le moment de perdre mon sang froid. Si je n'ai pas de nouvelles d'Anne d'ici cet après midi, je contacterai Matt. Je veux savoir qui m'a piqué ma bagnole !
Je savoure mon café et j'adorerais fumer avec.
— Vas-y maintenant, raconte ! s'impatiente Laval.
— Pour l'instant tout reste hors enquête. Hier après-midi, nous sommes allés chez Tom, sous prétexte de leur poser des questions sur la voiture.
En fait, Anne et Nicolas voulaient les rencontrer pour décider si on les impliquait dans l'enquête.
Tom n'en peut plus de se trouver à l'écart, tu en dis quoi, toi ?
— Tu oses me poser la question ? Tom me manque, j'ai toujours aimé bosser avec lui. Anne et Nicolas, ils sont d'accord ?
C'est pour cette raison que tu m'as envoyé avec Sanchez ? Pour qu'ils aient la possibilité de refuser ? déclare-t-il les mains sur les hanches.
— Des fois, je suis très lourd, désolé. Ils sont d'accord. On est reparti de chez eux vers 19h, chacun de notre côté.
— Anne n'est pas restée chez toi ? ricane cet idiot.
— Tu peux écouter et la fermer, s'il te plaît !
— Ouep ! dit-il simulant un garde-à-vous.
— Je voulais aller discuter avec le pompiste sur la route de Charmiou, tu vois.
Il était dehors, je suis juste sorti sans faire gaffe. Et j'ai rien vu, soupiré-je. Bref. Je me suis retrouvé comme un con, sans bagnole, sans portable à cinq kilomètres de chez moi. J'ai appelé Nicolas.
—Sympa, grimace-t-il. On bosse ensemble depuis cinq ans et t'appelles Nicolas. Sympa !
— Ta femme et toi en ce moment, c'est plutôt chaud, non ?
— C'est pas faux, admet-il. Donc ?
— Nicolas est venu me chercher et il m'a emmené chez lui. Au fait, il a compris pour le pognon, il sait pas qui ni comment mais il sait et il est d'accord. Il était à peu près vingt et une heure quand on m'a volé la caisse.
Tu suis ?
— Ouais ouais. Vas-y.
— Vers une heure du matin, Anne a appelé Nicolas. Elle avait fouillé sur la toile et elle est tombée sur des photos. Nos photos, Laval ! Mises en ligne à vingt et une heure trente.
— Putain !
— Comme tu dis. Du coup, on l'a rejoint pour pas réveiller Mme Valmi et les petits.
— Mme Valmi ? Elle est comment ? Des gosses ?
— Belle avec un putain d'humour. Et des jumeaux de 6 mois. On a passé une partie de la nuit à chercher des photos sur des sites de plus en plus glauques. Voilà. Et toi ?
— Rien. On a interrogé tout le monde. Hommes et femmes. Personne ne se rappelle de nanas chez le mec. On a rien, Peter. A part la petite et les vidéos. Elle va comment d'ailleurs la petite ?
— Elle est impressionnante. Elle a eu très peur quand Anne est rentrée dans la cour avec sa bécane. Mais Tom et Matt sont géniaux avec elle.
— Qu'est ce qu'on fait pour la voiture ? On essaye de trier dans les vidéos ?
— On a plus que cela comme piste possible : le tueur. Au boulot Laval !
***
(Nicolas)
Je me gare sur le bas-côté, sors mon portable.
— On est là dans cinq minutes. Si tu veux, je le fais. C'est ta décision, Franck.
Je me retourne vers Anne après avoir raccroché, très mal à l'aise.
— Anne ? Il faut que tu le comprennes, il a dû se protéger. J'ai tenté de le faire changer d'avis, dis-je en sortant un foulard de sa poche.
Elle regarde le foulard, soupire.
— J'accepte car je veux comprendre. Mais je me sens comme humiliée, là.
Je l'embrasse délicatement sur la joue et je lui mets le foulard.
— Au fait, si on se fait arrêter par des collègues, je te laisse te démerder ! me dit-elle en rigolant.
Je rentre dans le sous-sol. Elle ne sourit pas, elle est tendue, la mâchoire serrée. Je sors et après avoir fait le tour, je lui ouvre la portière. Elle tourne la tête dans ma direction, réactive aux bruits.
— Viens ! dis-je en l'aidant à sortir.
— Tu diras merci à ton pote, j'ai trouvé une idée pour pimenter une prochaine soirée !
J'entends Franck rire dans mon dos.
Anne s'est arrêtée net, à l'écoute.
Elle est magnifique, j'ai envie de la filmer pour offrir ce moment à Peter.
Franck s'approche et enlève le foulard d'Anne.
— Bonjour ! Enchanté de vous avoir donné une idée de jeux coquins et veuillez m'excuser pour le foulard. J'aurai dû écouter Nicolas.
— Joker ! Et on se tutoie, réplique-t-elle avec sa répartie habituelle.
— Suivez-moi ! Nicolas t'a parlé de ce qui s'est passé, je ne vais pas recommencer.
Je dois prendre la décision de te montrer toutes nos preuves accumulées pendant plus d'un an. Je les ai obtenues en questionnant ces victimes. La question est : veux-tu vraiment le savoir ?
— Tu as dit que tu aurais dû écouter Nicolas. Il pourra te dire que je ne suis pas du genre à reculer. Je veux vous aider et pour cela il faut me raconter tout, explique-t-elle d'une voix claire.
— Franck, tu dois décider maintenant. Elle est des mœurs, et elle a des couilles.
— On a tout, Nicolas. Il ne reste plus que le final. Nous n' avons plus besoin d'aide. Festes va payer ! lâche mon ami effrayé par l'idée de se tromper dans sa décision.
— C'est Festes ? Nicolas ? C'est lui ? demande Anne effarée.
— Tu vois, j'ai pris ma décision. Je veux bien qu'on lui montre tout mais le final n'a pas changé. Tu me l'as promis, Nic. C'est toi qui va l'arrêter.
— Je tiens toujours mes promesses, tu le sais.
— Alors en route vers l'horreur, Anne.
****
(Anne)
Franck me montre la porte. Il me semble apaisé alors que tout à l'heure, il me faisait presque peur. Son regard était dur, déterminé. Il parle de ces hommes mais lui, que lui est-il arrivé ?
Nicolas s'adresse à lui comme il le faisait avec mon frère Gilles. Leur relation semble dater de longtemps, mon meilleur ami est fidèle en amitié.
Nous entrons dans la maison : la pièce principale est épurée, presque vide de meubles, le sol carrelé de blanc et les murs sont beiges et taupes. Aucun tableau ou affiche au mur. Pourtant, la pièce ne semble pas froide.
Je sens le regard des garçons et je rougis, comme si j'avais été surprise à fouiller dans un tiroir.
— Ne rougis pas ! La pièce est vide, aseptisée mais pas morte. Si tu l'as ressentie, je suis complètement rassuré, me dit Franck avec un large sourire.
Il se dirige vers une porte à notre droite, l'entrouvre, jette un œil sans faire de bruit.
Comme un père regardant si son enfant dort paisiblement. Son visage se métamorphose en une fraction de seconde, affichant un sourire beau et bienveillant.
— Tu es réveillé ? demande-t-il. J'arrive dans cinq minutes.
Nicolas s'approche de moi, tendu. Ses yeux ont l'air d'évaluer mes réactions, de se demander si je vais être à la hauteur. Du coup, je ne me sens plus aussi sereine.
C'est au tour de Franck de se diriger vers moi.
— Anne ? Je voudrais te présenter mon frère Léopold. Tu es d'accord ?
— Oui, bien sûr.
Il me prend la main et m'emmène vers la chambre.
— Leo, je te présente Anne. C'est une amie de Nico.
Sur le lit, un homme, semi-allongé dans un lit médicalisé. Ses yeux, d'une couleur incroyable presque violets, semblent être la seule vie dans son visage. Sa bouche descendant d'un côté explique assez bien le reste. Je suis tétanisée.
— Bonjour Léopold.
Nicolas, que je n'ai même pas vu entrer, me prend dans ses bras tendrement et me pousse gentiment hors de la chambre.
— Viens, on va sortir un peu. Franck a besoin de lui faire des soins. Et moi d'une cigarette.
— C'est lui qui lui fait les soins ? Tous les jours ?
— Oui, Franck ne le quitte que si Manon, une amie infirmière est là. Il travaille chez lui. Et c'est comme cela depuis un an.
— Un an ? Comme le temps de votre enquête ? dis-je en comprenant ce que cela implique. C'est Léopold, le septième ?
— Oui, Anne, dit Franck en approchant de moi. Vous avez compris. Leo est la septième victime de Festes. Tu as fini de fumer, Nicolas ?
Je hoche de la tête. Il va falloir que je me calme sur les clopes !
Franck a déjà sorti son portable. Il est prêt. Le calme et la réaction d'Anne face à Leo l'a rassuré. Il a compris pourquoi je lui ai demandé de faire confiance à cette femme.
— Voilà une photo de Leo. Elle date de deux ans. Il avait 17 ans. Il était un élève correct, pas très bon mais il bossait. Il était plutôt solitaire au bahut. Pour ne pas se faire remarquer. A cause de son homosexualité.
Il a juste croisé le chemin de salopards. Je ne sais pas comment ils ont fait pour le repérer.
J'aimerais vraiment leur poser la question les yeux dans les yeux, Anne. Pour lui, ils ont changé leur façon de procéder, continue-t-il mais sa voix se brise, il n'arrive plus à parler, des sanglots dans la voix.
— Je vais continuer, Franck, lui propose mon ami.
— Non, juste un moment, c'est à moi de le faire. C'est important.
— Je vous attends, Franck, dis-je en lui posant la main sur l'épaule. Le temps qu'il vous sera nécessaire.
Il s'essuie les yeux d'un revers de main, le même geste que Nicolas tout à l'heure.
— Ils l'ont pisté comme des chasseurs avec du gibier. Puis ils l'ont enlevé et séquestré pendant cinq jours. Pourquoi ? Encore une question à laquelle je voudrais une réponse, Anne. Durant ce temps il a été frappé à maintes reprises, les docteurs ont dénombré trente fractures différentes en dehors de la colonne vertébrale et il a été violé bien sûr.
Je suis au bord de l'évanouissement. Nicolas se lève et reviens avec des verres et de l'eau, m'en tend un que j'avale sans lâcher Franck des yeux un seul instant.
— Un mec qui promenait son chien l'a trouvé au milieu d'ordures, continue-t-il, il a vu qu'il respirait à peine et a eu le réflexe d'appeler les urgences. Ils l'ont intubé, mis en coma artificiel pour lui donner une chance.
Il ne parle plus, ne marchera plus jamais... Je connais les cinq hommes qui lui ont fait cela. Mon désir de les tuer à petit feu a été très grand, Nicolas aussi. Puis, nous nous sommes jurés de ne pas devenir comme eux alors nous avons récolté toutes les plus petites preuves et maintenant nous sommes prêts.
— Ils sont tous flics ? demandé-je.
— Non ! Deux seulement.
— Comment comptez-vous faire ?
— Nicolas va aller voir Festes, lui montrer une partie des preuves. Puis il lui proposera un deal : soit lui et ses collègues se dénoncent soit on lâche tout aux médias.
— Quoi ? Êtes-vous cinglés ? Vous croyez franchement qu'ils vont se rendre ? Et risquer la prison à perpétuité ? Vous êtes naïfs. Je crois qu'il faudrait mieux les suivre et les arrêter tous en même temps. Sinon, une partie d' entre eux se tirera et échappera à la justice. Je suis sûre que tu ne veux pas de cela Franck, ni toi Nicolas.
— Je te vois venir mais c'est non. Je ne veux pas prendre le risque qu'il y ait des potes à eux dans les équipes qui les arrêteront, assène Franck d'un ton ferme.
— Franck, je te comprends, sois-en certain. De toute manière, j'ai juré à Nicolas que j'obéirais quelque soit ta décision. Je suis quelqu'un qui tient ses promesses . Je vais vous laisser tous les deux en discuter. Tiens, c'est mon portable pour que tu sois sûr que j'en profite pas pour passer un coup de fil.
Au bout d'un temps qui m'a semblé durer des heures, Nicolas me fait signe de venir. Son visage fermé ne dévoile rien. C'est une de ses forces. Ce mec est incroyable : un humour de dingue, un regard qui peut rassurer ou tuer suivant ce qu'il pense de vous. Il est fidèle en amitié et sûrement en amour. Il est comme cela, il ne fait rien à moitié.
Franck est appuyé contre la table, imperturbable.
— On a décidé de te faire confiance.
Je reprends mon souffle .
— Je vous en remercie tous les deux, dis-je reconnaissante.
— Nicolas n'a pas eu beaucoup de mal à me convaincre, tu l'avais déjà fait. Dis-nous comment tu t'y prendrais, je ne te promets pas que je vais tout accepter sans rien dire mais ...
— Je ne veux pas de cela, je ne dirige pas.
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