-T'es pas sérieuse?

Rebecca discutait à bâton rompu avec une camarade de classe dont Lucie avait déjà oublié le prénom. En fait, toute son attention était dirigée vers Maël assis à ses côtés et qui traçait d'innocentes arabesques sur son genoux ; un geste instinctif et discret. Pendant ce temps, celui-ci parlait de tout et de rien avec ses amis. Mais le sujet qui prima fut celui que Rebecca avait lancé qui se propagea et gangréna toute la tablée en un rien te temps.Tous les regards convergèrent vers cette fille qui relatait des faits avec une conviction farouche.

-Si ! Mais je l'avais déjà trouvée étrange, elle était pas crédible dès le début !
-Mais attends, elle va plus aller en cours ça veut dire?
-Aucune idée mais vaut mieux pas. Je revois encore son geste à la piscine et si je la vois, je ne réponds plus de moi!

Lucie comptait combien de frites il lui restait dans son assiette, elle ne comprenait rien à leur discussion et ne cherchait pas non plus à comprendre cette dispute de cours d'école.
Maël mit une légère pression sur son genoux. Non pour lui faire mal mais plutôt pour la reconnecter à l'assemblée qui débattait vivement du sujet.

-Mais t'en es vraiment certaine? Demanda à nouveau la rousse, ayant du mal à changer de disque.
-Tu penses que je mens comme elle ou quoi?!
-Respecte la au moins, renchérit Maël.
-Est ce qu'elle nous a respectés elle?! Je pense pas que débiter des mensonges devant la classe est respectueux!
-Laura, c'est bon, conclut Daniel. Elle est mytho et maintenant on le sait. Quand elle reviendra au lycée, on tentera de l'aider comme on peut.
-On sait tous que tu la kiffais, arrête de faire genre! Dit Loïc goguenard.

Lucie se pencha vers Maël qui sirotait son soda auréolé de cinq pailles. Apparement, ce rituel n'avait pas l'air de surprendre ses amis. Elle lui chuchota discrètement.

-Mais de qui parlez-vous?
-D'une fille dans notre classe. Elle mentait tout le temps et Laura l'a mauvaise de ne pas avoir percuté dès le début!
-Mais elle mentait.. Comment ça?
-Genre elle est mytho quoi. On la voit plus depuis un mois, je crois qu'elle est à l'hôpital après avoir étranglé une autre pote.

La jeune auteure haussa les sourcils, perplexe face cette histoire invraisemblable pour des adolescents. Cette période de la vie est faite d'insouciance, exaltée de questions existentielles en vrac. Pour Lucie, l'adolescence est juste le préambule d'un lent désenchantement vers la vie d'adulte...
Elle reprit le cours de sa conversation.

-Mais ce n'est pas plutôt à la fille agressée d'aller à l'hôpital ?
-Elle est partie à l'hosto,"Mais plus de peur que de mal", c'est ce que lui a dit le toubib.

Vu de l'extérieur, les deux colocataires pouvaient offrir un spectacle assez intimiste. Calés dans leur bulle, ils donnaient l'impression au groupe de tenir la chandelle. Ainsi Daniel décida de rompre ce tête à tête exclusif.

-Dis Muselle, comment t'as rencontré Lucie?

Maël mit du temps à émerger... Plongé dans les yeux de Lucie et caressant machinalement son genou , il fut dérangé par cette question intrusive. Il y répondit prestement:

-J'te l'ai dit! Quand elle a répondu à l'annonce.
-Lucie, je peux te poser une question? Demanda Daniel
-Je t'écoute.

Sous l'attention de la bande, le métis arbora un air malicieux. La jeune femme se sentit gênée par tous ces regards inquisiteurs...

-Qu'est ce que t'as pensé de Maël au départ?
-Que c'était un papillon.

Visiblement, ce n'était pas la réponse à laquelle ils s'attendaient à voir tous ces visages sceptiques.

-Ce que je veux dire par là, c'est qu'il a un côté instable et libre qui me fait penser à un papillon.

Mais ce qu'elle omit de dire, c'était que l'effet papillon n'avait jamais été aussi vrai qu'avec cet adolescent là.