Le jour se levait péniblement voilé d'une brume cotonneuse. Sur l'autoroute près d'un champs, la vie reprenait lentement. Deux êtres s'éveillaient réchauffés par les rayons timides de l'astre jaune.
Lucie ouvrit un œil et le referma avec un gémissement. Elle avait mal dormi et se retrouvait avec des courbatures et un mal de crâne. Sa tête avait épousé le volant, ses avants bras la protégeant de sa rigidité. Maël les jambes recroquevillées sur le siège, avait le visage posé sur les genoux de la jeune femme. Des positions inconfortables en somme. D'ailleurs, il remua les doigts en marmonnant ; elle ne saisit pas tout mais elle put entendre des bribes:

-Mm.. encore...fatigué..ch..

Lucie se prit les tempes entre les mains et se les massa doucement. Elle jeta un coup d'œil à l'écran de l'autoradio, elle put y lire 8h47. Il était tôt et en pensant à leur pique nique nocturne, tous deux n'avaient pas eu leur quota de sommeil. Elle abaissa le pare-soleil et y examina sur le petit miroir les cernes sous ses yeux et de légères traînées noires, vestiges de son crayon noir. Vraiment, elle avait une sale mine.
Elle entreprit d'ouvrir la portière de son coté mais mal lui en prit car le froid la saisit. Maël sursauta, le changement de température l'avait réveillé.

-Mais qu'est ce que tu fous!?
-Je te réveille.
-Rhaa, Lucie, s'te plaît !!

Et l'adolescent se roula en boule, son écharpe rabattue sur le visage pour lui tenir chaud. La jeune femme tira dessus et la tête du lycéen se retrouva de nouveau à découvert. Il injuria ses grands dieux, tentant de fermer sa veste en cuir.

-Allez on se lève!
-Nan.
-Si, sinon tu n'auras pas de petit déjeuner..
-Pas grave. Laisse-moi dormir!!

Lucie le secoua comme un prunier ce qui provoqua la capitulation du dormeur. Levant une paupière lourde, il lui jeta un regard assassin. La jeune femme haussa les épaules, un sourire moqueur aux lèvres.

-T'es chiante.
-Je sais.
-En plus, j'ai froid.
-Pauvre chou !

Maël grommela avant de bailler à s'en décrocher la mâchoire. Lucie décida qu'il était temps de partir, elle démarra donc, faisant rugir le moteur ensommeillé. Les frais rayons du soleil caressaient les champs et les embellissait d'une lumière douce. Les deux mains sur le volant, la jeune femme jeta un coup d'œil à sa droite. L' adolescent était prostré sur son siège. Elle haussa les épaules et prit de la vitesse afin d'arriver le plus rapidement possible. Bientôt, des maisons et des immeubles se dessinèrent au loin.
Faisant le chemin inverse, l'atmosphère nocturne de la veille avait cédé la place à un matin froid et timide.

-T'as un beau profil.

Lucie sursauta. Dans le silence du véhicule et plongée dans ses réflexions, cette phrase l'avait surprise. Maël rit doucement en s'emmitouflant davantage dans sa veste en cuir pour se tenir chaud. Elle le pensait endormi.

-Tu m'as fait peur..
-Je vois ça! Je savais pas que je pouvais te faire flipper.

Elle tourna soudainement à gauche pour finir par se garer entre deux voitures. Ils étaient devant la boulangerie "La Mie Croustillante".

-Qu'est ce que tu veux?
-Dormir.
-Maël! Je te parle de viennoiseries!

L'adolescent lui lança un regard torve en croisant les bras.

-Ouai bon. Je veux un pain au chocolat.
-Une chocolatine donc...
-Non, un pain au chocolat. Je sais pas ce que tu viens de me dire mais ça a l'air chelou.
-C'est exactement la même chose en réalité.
-Bah pourquoi tu te fais chier? T'es obligé de donner un nom précis à chaque objet ou aliment que tu trouves?
-Mais c'es..
-Trop de vocabulaire tue le vocabulaire. Dis quelque chose que tout le monde comprend!
-Tu me saoules. Tu le comprends ça au moins?

Et le lycéen fut pris d'un fou rire incontrôlable.