Perpétuité
Qu'est-ce qu'il peut faire sombre ici.
Cela fait si longtemps que je n'ai pas vu la lumière. Même si je la voyais, serais-je capable de la reconnaître ? J'en doute de plus en plus. Pourtant, je dois la retrouver. Je le sens dans mes tripes. Mais honnêtement, j'ai abandonné tout espoir depuis longtemps. Un rêve inatteignable.
Les jours se ressemblent tous. Dans ce morceau de ténèbres, je ne sais même plus réellement ce que j'attends. Enfermé depuis des années, sortir me semble être un bon objectif. Mais ces foutus barreaux sont si épais, et si solides.
Je les vois en permanence. De mon réveil jusqu'au soir, je ne vois qu'eux. Ils sont apparus tout doucement, et sans que je ne m'en rende compte, ils s'étaient ancrés dans le sol. Quand j'ai demandé de l'aide à mes parents, ils m'ont assuré qu'il n'y avait pas de barreaux... Comment ne pouvaient-ils pas les voir ? Leurs marques s'étaient même incrustées sur mes poignets. Mais ils ne voyaient rien.
Ou alors, ils prétendaient que j'exagérais. Que les barreaux n'étaient pas si gros, ou que la porte de ma cellule était grande ouverte. Que je ne me plaignais seulement pour avoir de l'attention.
Pourtant, je me sens horriblement mal. Une sorte de tristesse vide qui me remplit. La sensation de ne plus avoir de sentiments, de n'être rien, qu'une enveloppe de chair avec rien à l'intérieur. Si ce n'est une boule noire qui me tord les tripes, qui me fait me sentir terriblement mal. Mon manque d'émotion me rend horriblement triste, ironiquement. Mais peut-on parler de tristesse lorsqu'elle est permanente ? Peut-être est-ce juste mon état normal désormais.
J'essaye bien des choses pour m'échapper. L'alcool, la weed, le porn, la bouffe... Mais rien n'y fait. De temps en temps, lorsque je rentre assez de saloperies en moi, je vois un rayon de lumière. Si beau, si pur et si merveilleux. Mais le retour à la réalité n'en est que plus brutal. Les quelques fois où je peux voir cette lumière, elle finit inéluctablement par disparaitre, me renvoyant violemment dans le froid glacial et les abysses de ma cellule qui semble rétrécir chaque jour.
Chaque jour.
Chaque jour je repense à elle. À lui. À eux tous. Ceux qui m'ont amené là. Volontairement ou non. Je repense à cette époque où la lumière était quotidiennement dans ma vie, cette époque où je ne me rendais pas compte de la chance que j'avais de sentir cette douce chaleur sur ma peau.
Mes amis aussi ont essayé de m'aider. Certains essayent toujours. Ils m'ont dit tellement de fois que la porte était ouverte, et que j'avais juste à l'ouvrir. Mais chaque fois que j'ai essayé, le même constat fatal se faisait. Celle-ci ne bougeait pas d'un poil. Impassible et menaçante, ricanant devant ma faiblesse.
D'autres faisaient passer de petites limes à ongles. Un outil bien modeste contre de tels barreaux, et même après des jours à essayer de les couper, rien à faire. Je ne pouvais que réaliser la triste vérité : je suis destiné à mourir ici.
Mourir.
Je ne veux pas, mourir.
Ce que je veux, c'est ne plus être ici. Ne plus être dans cette obscurité. Ne plus me réveiller la boule au ventre, avec l'horrible sensation d'être un moins que rien emprisonné à vie. De n'être... qu'une merde, incapable de voir la lumière alors qu'elle éblouit tout le monde.
Mais plus le sablier s'écoule, plus cela me semble être la seule échappatoire. Chaque jour que Dieu crée me fait souffrir. Ma prison rétrécit continuellement, et les barreaux que j'avais connus si fins se sont transformés petit à petit en véritables murs.
Je ne peux presque plus voir mes amis au travers désormais... Ou alors, ils sont peut-être tout simplement partis. Probablement. Qui voudrait d'un gars enfermé comme ami ? Je suis un fardeau à porter... Mais je me sens si seul dans ma cellule... Si seul... Je veux qu'on m'aide à sortir, mais d'un côté, je sais que c'est impossible. Je vais faire fuir tous mes amis si je continue de leur en parler. Je dois me taire et prétendre voir cette lumière. Peut-être font-ils pareil après tout ?
Je me sens si faible. Un énorme poids me cloue au lit. Je n'ai envie de rien. De toute manière, je n'ai même plus la force pour me lever. Pourtant les autres marchent tranquillement avec un grand sourire sur leur visage. Dieu que je suis pathétique... Personne ne doit me voir comme ça. Personne ne doit voir l'échec que je suis, ni à quel point je suis pitoyable. Je suis si minable. J'ai honte de ce que je suis. Mais je n'ai pas la force de changer... Ni même l'envie. Faire semblant est bien plus simple.
Aujourd'hui, il est plus que clair que je ne pourrai jamais m'échapper d'ici. Pas en vie en tout cas. C'est juste impossible.
Je rêve d'en finir. De ne plus rien ressentir. D'être n'importe où, mais ailleurs. Même l'enfer me conviendrait.
Puis un nœud coulissant, dans le fond, c'est pas si compliqué que ça...
Alors que je passe la corde autour du cou, j'aperçois une lumière juste devant ma cellule.
Elle est si belle, si douce, si agréable à regarder. Elle jaillit d'un tout petit interstice, le seul me permettant d'entrevoir le reste du monde. Puis celui-ci grandit. Les barreaux maigrissent à vue d'œil. Un miracle, moi qui me pensais coincé là à jamais.
Mes murs deviennent de plus en plus fins. Je la vois, avec ses longs cheveux et son sourire angélique. L'obscurité disparaît petit à petit, remplacée par une lumière douce, chaude et rassurante. Ces barreaux qui ont mis des années à devenir ma maison disparaissent sous mes yeux ébahis.
Peut-être suis-je en train de rêver ?
Elle s'approche de moi, me faisant plonger dans sa lumière. Elle m'éblouit au début, mais j'ouvre tout de même les yeux, persuadé d'être mort. Mais non, je suis enfin en vie, pour la première fois depuis des années.
Je la vois.
Elle me sourit.
Et je lui souris.
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