Petite, Manon était espiègle. Très espiègle. Il lui était déjà arrivé d'élever des tas de fourmis pour ensuite les mettre dans le lit de ses parents lors du premier avril, ou même de sécher l'école. Toutes ces bêtises lui valaient nombre de sermons et de punitions, mais peu lui importait. Elle s'amusait, elle s'empiffrait de bonbons et elle rigolait ! Plusieurs fois, la jeune fille fut convoquée dans le bureau de la directrice mais rien n'y fit : elle continuait ses bêtises. Voilà qu'elle était en CM2 et elle n'en avait toujours pas fini avec les reproches...

Elle aimait semer la pagaille comme personne, et cette passion cachait aux yeux des autres ses nombreuses qualités comme son imagination débordante, sa débrouillardise et son agilité.

Petite, elle les dévoilait toutes au grand jour. C'était une élève sérieuse, attentionnée qui se montrait agréable envers tout le monde. 

Cependant, elle avait changé. Déjà, elle ne se rappelait plus de cette époque, ce sont ses parents qui lui avaient raconté le début de son enfance. Et oui, du jour au lendemain, elle avait tout oublié suite a une excursion dans la forêt aux renards... Un terrible accident qui avait tout bouleversé.

Un flashback accompagna cette pensée. Un vague souvenir, coupé par instants et grésillant, comme... flou.

Une petite fille aux cheveux châtains et à la figure ronde pleine de déception et de colère fixait ses parents.

Elle sortit de chez elle en courant, encore et encore. Puis, se rendant compte que courir loin n'allait rien changer, elle se retourna en quête de sa maison. Mais elle ne voyait que des arbres. Des arbres. Des arbres. Et encore des arbres. Leurs branches grinçaient sous l'effet du vent, se penchant vers la petite fille. Un corbeau coassa bruyamment, la faisant sursauter. Tremblante, elle tourna sur elle même, perdue.

Ses grands yeux marrons s'emplirent de larmes. Elle hurla le nom de ses parents et les entendit crier le sien. Elle courut vers la voix de sa mère qui l'appelait et buta contre une racine. La dernière chose qu'elle vit ce fut le sol se précipitant à sa rencontre...

Elle s'était ensuite réveillée à l'hôpital, avec un amas d'appareils branchés à elle. Et surtout, sans aucun souvenir de sa vie passée. Merci le trauma crânien...

- Manon, tu m'entend ? dit sa maîtresse en agitant une main devant ses yeux.

Manon sursauta et baissa les yeux vers ses pieds. Mme Perle était sa professeure qui était assez sévère avec la petite écolière. En même temps, il faut dire qu'elle lui avait demandée si elle avait été élevée par une huître, étant donnée son nom. Il est vrai que ça n'a pas dû aider.

Mme Perle se tourna vers ses parents, agacée.

- Voilà. Voilà le comportement que votre fille a envers moi ! Elle ne prête même pas attention à ce que je dis, ceci est inadmissible ! dit-elle en abattant son poing sur la table ( faisant trembler sa tasse de café ). Dans une semaine, si cette insolence terrible n'est pas guérie, je prends les choses en main et change votre fille d'école ! Est-ce bien clair ?

M. Et Mme Kats acquiescèrent.

- Et toi, mademoiselle, c'est compris ?

- Oui, répondit-elle avec un soupir. Un très long soupir pour un si petit corps. Trois mois que son institutrice disait ça, et pourtant elle n'avait pas encore mis sa menace à exécution. En vérité, la petite fille craignait de devoir changer d'école. Et ses amis ? Comment resterait-elle en contact avec eux ? Prenant conscience de cet enjeu, Manon prit la main de ses parents et les regarda avec son petit air implorant qu'elle avait à maintes reprises utilisé pour se tirer d'affaire. Pour toute réponse, sa mère murmura d'un air peiné :

- Manon... je vais être honnête avec toi : nous ne savons plus quoi faire. S'il te plaît, fait cet effort pour nous...

La petite maligne sauta sur l'occasion.

- Mouais... Ok... marmonna t-elle en mâchant son chewin-gum. MAIS...

- IL N'Y A PAS DE MAIS ! La coupa sèchement la vieille maîtresse. Elle jeta un œil malveillant à la sucrerie qu'elle avait dans la bouche. Je vous prie de vous exprimer de façon convenable ! D'ailleurs, les bonbons sont strictement interdits à l'éco...

Manon prit un malin plaisir à la couper et à continuer de parler :

- MAIS je veux pouvoir organiser une soirée pyjama. Dans la forêt avec toutes mes copines. C'est clair ?

Aïe. Elle était peut-être allée un peu trop loin... la forêt. 

Là où elle avait tout perdu. 

Là où ses souvenirs avaient disparu.

Manon frissonna, mais ce qui est fait est fait.

Bon... ok. Cet endroit n'est pas le meilleur choix, mais j'y suis déjà retournée avec mes parents ! Je suis plus grande maintenant, je ne risque pas de buter contre une racine.

Elle attendit le verdict. Son père se tenait au bureau de la professeure, tremblant, et sa mère fixait sa fille comme si elle était devenue folle.

Elle retint son souffle et se fixa un objectif : si la réponse était négative, elle se lançait dans l'Opération chewin-gum, c'est à dire jeter le bonbon collant dans les cheveux de sa professeure. Le couple se consulta du regard, puis ses parents dirent...

- NON !