Antoine et l'inconnu
Antoine est un petit garçon qui a perdu sa bonne dans la foule parisienne...
Ce matin-là, comme chaque matin, la bouche de métro avale des citadins. Entre les tours grises, dans la lumière du matin, elle les mange puis les recrache pour mieux les dévorer, le soir venu. Les gens se pressent vers cette bouche avide de foule. Le ciel est gris et les gens des ombres. Parmi ces ombres, un homme. À son doigt, il porte une bague noire et or. À son arrêt, il se lève, l'air soucieux et préoccupé. Il bouscule des passagers sans s'excuser puis débouche à l'air libre sur la rue de Provence. Sa dernière transaction s'est mal passée et de moins en moins d'enfants se perdent. Ruminant ces sombres pensées, il aperçoit sur le trottoir d'en-face ce qui pourrait bien être sa prochaine cible...
Le regard braqué devant lui, Antoine sert les lèvres pour ne pas pleurer. Il commence à perdre l'espoir de retrouver sa bonne. Il sursaute lorsqu'une grosse main se pose sur son épaule. Il se retourne, affichant son air le plus courageux. Personne ne le fera pleurer. Un homme assez grand lui fait face. L'inconnu a l'air à la fois bienveillant envers le petit garçon et soucieux. Mais au fur et à mesure qu'il scrute Antoine, son visage s'éclaire. Il s'accroupit pour se mettre à la hauteur du garçon et engage la conversation :
"Que fais-tu ici tout seul, bonhomme?"
Un instant, Antoine hésite. Doit-il faire confiance à cet inconnu? Son visage est bienveillant et il l'aidera certainement à retrouver sa bonne. Mais c'est un inconnu et on lui a toujours répété de ne pas faire confiance aux gens qu'il ne connait pas. Voyant qu'il hésite, l'homme demande :
"Ne serais-tu pas perdu?"
Antoine secoue la tête de droite à gauche. Son instinct lui interdit de se fier à cet homme.
"Pourtant, cela fait quelques minutes que je t'observe et tu ne fais que tourner en rond. Es-tu sûr de ne pas être perdu?"
À ces mots, l'enfant sent fondre sa résistance. Il acquiesce. En son for intérieur, l'homme jubile. Il a trouvé sa cible. Qui plus est, il l'a attiré dans ses filets! Il prend la main du petit bonhomme qui le regarde à présent avec de grands yeux bleus craintifs. Antoine se laisse entraîner par cette grosse main ornée d'une grosse bague. Main dans la main, l'homme et l'enfant cheminent jusqu'à une bâtisse un peu délabrée, mais qui en son temps devait être assez imposante. L'homme sonne et la porte s'ouvre. Une petite fille, un tablier à la taille, vient retirer le manteau de l'homme et celui d'Antoine. Il croise son regard effaré. Dans sa tête se posent mille et une questions. A-t-il bien fait de faire confiance à cet inconnu? La petite fille n'a pas l'air bien heureuse. Est-ce la fille de l'homme? Mais que fait-elle un tablier à la taille? Pourquoi a-t-il l'impression que ses yeux de fillette lui disent de fuir, fuir loin de cet endroit? Mais la lourde porte est déjà refermée sur un petit garçon à présent très inquiet pour son avenir. Antoine suit l'homme et, dans toutes les pièces qu'il traverse, cette impression se renforce. Partout, il croise les regards d'enfants tristes et inquiets. Tous travaillent et ne disent pas un mot. Les seuls bruits sont ceux des casseroles qui s'entrechoquent dans une lointaine cuisine, les pas des enfants et ceux du maître de maison. Mais le bruit dominant est celui de la souffrance silencieuse des petits travailleurs.
L'homme s'installe dans un immense fauteuil. À côté de lui, un jeune garçon apporte une boisson. Sirotant avec satisfaction le liquide, il crie:
"Rassemblement !"
Quelques secondes plus tard, la pièce est pleine d'enfants accompagnés d'une vieille femme, qui a l'air d'être la cuisinière.
"Eh, l'aveugle ! Je t'ai amené un apprenti! Il commence tout de suite. Jules, tu lui montreras la paillasse du petit parti ce matin. Retournez à vos occupations."
Et la petite foule se disperse aussi vite qu'elle est arrivée.
Une nouvelle vie commence pour Antoine au côté de la cuisinière aveugle. Le travail est dur, mais il y a aussi la promesse d'une évasion prochaine et l'amitié de Jules...
Vendredi 16 octobre 2015
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