may, elle sentait le muguet, et était belle comme une rose.
may, sa vie était colorée mais un peu morose.
may, son corps si frêle était couvert d'ecchymoses.

may, elle était belle et gracieuse. ses beaux cheveux roux et ses yeux verts lui donnaient un air mystique que personne ne pouvait décrire. elle avait un parfum fleuri, presque estival, comme celui du muguet qu'on vend lors des premiers éclats du printemps.

ce genre d'enfant que les gens qualifieraient de "parfaite", s'ils la remarquaient : car may se fondait dans la foule. les gens semblaient comprendre qu'à défaut de vivre, may se contentait d'exister.

mais en grandissant, elle apprit à apprécier l'indifférence que portaient les gens à son égard. en effet, elle aussi aurait aimé ne pas avoir à croiser son propre regard dans le miroir. pourquoi ?

parce qu'elle se détestait plus que tout.

elle comprenait la manière dont les gens la regardaient sans la voir, car elle aurait souhaité ne pas faire subir au monde sa futile existence.

un des principaux facteurs de cette carence de confiance en elle était son père. may et lui étant les seuls rescapés de la famille qu'ils furent un jour, quand sa mère était encore là, ils se supportaient mutuellement tant bien que mal. mais le mal prenait sans cesse le dessus et, au fil des années, le corps de may, pourtant si pâle et jeune, se tâchait d'ecchymoses. le temps et l'alcool avaient fait disparaître de l'esprit du père le peu d'humanité qui lui restait, et may en était la seule victime.

oui, may n'était qu'une pauvre victime dans le sombre mécanisme de la société, coupable d'avoir sali le monde d'une naissance qui n'était même pas désirée par ses misérables géniteurs.

mais may gardait la tête haute, même quand l'espoir venait à manquer. elle ne ressentait plus les coups, les injures, non ; son esprit était soudé à l'idée d'un avenir meilleur, dans lequel elle pourrait enfin se libérer de ces chaînes.

alors quand le crépuscule chassait le soleil loin derrière l'horizon, elle criait au ciel qui était le seul témoin de ses espoirs :

"le muguet finit toujours par faner, aussi beau soit-il. mais si le soleil succède à pluie, ne renaîtra-t-il pas l'hiver passé ?"