
Chapitre 5 L'aiguille tourne !
Les remous de vagues, les embruns, l'odeur des dunes, saline et minérale gonflaient ses narines. Le Bordelais ouvrit subitement les paupières pour être immédiatement aveuglé par le soleil. Il avait survécu ? Comment était-ce possible ? Edward se frotta énergiquement le visage pour décoller le sable humide. Il s'agenouilla pour serrer les poings de joie, que la vie était belle ! On prenait conscience du plaisir d'exister que lorsque l'on échappait à la mort. Le motard avait tant de choses à faire, apprendre, expérimenter tant de nouveaux plaisirs, découvrir une multitude d'horizons aux quatre coins du monde. Qu'il était plaisant de respirer, sentir la chaleur du soleil !
Il se leva pour tourner sur lui-même en regardant le paysage. Il aperçut la moto reposant sur la béquille à une dizaine de mètres sur le trottoir de front de mer. Son casque était posé en équilibre sur le réservoir.
Il se leva en se dépoussiérant, puis approcha sur la défensive de la route. Le Bordelais contourna le deux roues pour remarquer les rayures, du sable démontrant les récentes traces de chute de la moto. Qui avait pu relever la moto ? Pourquoi ?Mais surtout, qui avait empêché Albert de le tuer ?
Qui aurait pu convaincre l'homme de main de renoncer à le tuer ?
Était-ce possible ?
Non, seul un... L'émissaire ! Pourtant, il avait été clair. Non, tu n'as pas compris, je ne compte absolument pas t'aider, mais vérifier que rien ne puisse incriminer Lucien, son aveu confirmait bien son refus d'incursion et pourtant... Il surpassait inévitablement Albert, mais l'absence d'accord interdisait toute démarche.
Qui lui était venu en aide ?
L'émissaire ?
Son mentor, Stephen ?
Le comte De Vaucluse ?
Il sourit à la dernière supposition, il ne l'avait croisé qu'à deux occasions, leur première rencontre à Pau, puis une seconde brève à Bordeaux. Le comte était d'une précision incroyable dans ses propos, chaque mot était détaillé, avait son utilité. À croire que chaque phrase était résumée au plus juste ! Edward avait eu du mal à ne pas fixer son attention sur la longue cicatrice traversant la joue gauche du comte. Comment, non, pourquoi personne n'en faisait jamais référence ? Était-ce par peur, respect ou désintérêt ? Quelle autre raison ?
Il se pencha pour dépoussiérer le flanc de la moto, scruta consciencieusement le moteur, les boîtiers de liquide de frein. Toutes les pièces étaient opérationnelles. Le motard attrapa son paquet de cigarettes pour en allumer une. Quelle satisfaction de ne plus redouter les risques de fumer !
Le Bordelais pressa l'allumage moteur pour faire rugir les pots d'échappement.
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Une demi heure plus tard, le motard marchait dans le centre-ville tout en fumant. Les journaux affichaient en page principale, création du premier mammifère par clonage, une brebis nommé Dolly. Il secoua le visage en esquissant en murmurant, « et si vous connaissiez toute l'histoire » ! Une bousculade malencontreuse lui fit perdre sa cigarette.
— Hé, connard, hurla-t-il à l'encontre du responsable.
Un blond de deux mètres de haut en maillot de bain, tee-shirt compétition Hawaïenne de surf quitta la discussion avec un brun taillé comme un bodybuildeur.
— Quoi ? T'as un problème ?
— Un problème, c'est toi qui vas en avoir un,s'exclama Edward en le lorgnant de haut en bas ?
Le blondinet gonfla les pectoraux pour le dévisager avec haine. Le motard fixa le menton carré, les yeux clairs, la chevelure châtain clair, puis esquissa un sourire moqueur, l'archétype de Ken dans Barbie ! Le surfeur perdit son assurance pour osciller du regard avec gêne.
— Aller, dégage, s'exclama le surfeur en le contournant.
— Qui t'a dit que c'était fini, le stoppa d'une poigne ferme le motard ?
Le surfeur tremblait de nervosité du bout des doigts, il craignait une réelle altercation et pas simplement une réprimande. Il choisit de rester muet.
— Il est où ton cerveau, dans ta planche de surf, renchérit le bordelais !
Le compère du surfeur empoigna l'épaule du motard.
— Lâche-moi, s'exclama le motard en allumant une nouvelle cigarette, je ne suis pas gay.
Vexé par la remarque, l'acolyte du blond voulut le gifler, mais le motard bloqua sèchement sa main pour la serrer fermement. L'autre voulut se mêler de l'altercation, mais le coup de pied à la cheville le fit trébucher pour tomber à genoux, le second coup le projeta lourdement sur les fesses. Le blondinet se contorsionnait de douleur sans pouvoir frapper son agresseur, le maintenant hors d'atteinte avec facilité.
— Allez jouer à la dînette, les fillettes, se moqua le pilote de Harley en le relâchant.
Les deux jeunes hommes taillés comme des athlètes se dévisagèrent honteux pour finalement abandonner. Ils prirent la direction de la plage. De nombreux regards scrutèrent le motard avec incompréhension, respect, admiration, crainte. Un peu plus tard, le motard observait la devanture du restaurant gastronomique à la bonne saveur. Que de souvenirs ! Le battant de la porte d'entrée s'ouvrit pour figer le jeune homme en découvrant la silhouette féminine aux cheveux courts sortant sur le perron.
— Amanda !
— Edward !
L'ancien couple se dévisagea longuement en silence.
— Surprenant la coupe de cheveux, mais tu es toujours aussi canon... Euh, belle.
La jeune femme ne pouvait le quitter des yeux, mais sans pour autant parvenir à formuler le moindre mot. Un serveur sortit pour mettre un terme à la rencontre fortuite.
— Mandine, désolé, on a besoin de toi à la table sept !
— Bien, confirma-t-elle en faisant demi-tour tout en baissant le visage.
Le Bordelais resta immobile, ne sachant que faire,ni dire, il relâcha la cigarette, se consumant trop proche de ses doigts. La porte se referma sur son absence totale de réaction. Il était redevenu le gentil garçon anodin de leur rencontre amoureuse.Que faisait-elle à Soulac-sur-mer ? Était-elle en vacances ? Il devait savoir, lui parler, s'excuser. Il ouvrit précipitamment la porte pour se heurter à une courte connaissance. Le souvenir jaillit dans son esprit.
Edward dégustait les paroles sans parvenir à assimiler que cela le concernait. Deux splendides jeunes femmes lui parlaient sans le connaître. Jérémie assistait à la scène avec dégoût, on ne lui accordait aucune attention.
— Allez, les filles, on nous attend, s'exclama un grand blond à la carrure de surfeur, au visage d'acteur de films d'action.
Il les empoigna fermement, adressa un regard haineux à Edward tout en les forçant à regagner le trottoir. Le berger allemand se leva en grognant. La brune parvint à se libérer pour faire demi-tour. Rex l'ignora en fixant le malotru.
— Géraldine, s'exclama le blondinet.
Elle déposa une carte de visite sur la table.
— N'hésite pas à m'appeler !
Edward regarda avec incompréhension la carte, la brune et à nouveau la carte. Comment une telle fille pouvait-elle s'intéresser à lui ?
Comment avait-il pu oublier, le blondinet de tout à l'heure était celui-ci !
— Le maître-chien, Edward, c'est ça, hein ?Comme t'es devenu canon, tu me cherchais ?
— Je repars ce soir.
— J'ai ma voiture un peu plus loin, on s'envoie en l'air si tu veux.
— Tu connais la fille aux cheveux courts qui vient d'entrer ?
— Mandine, oui, je travaille avec elle depuis,ben, ton départ. Elle est sympa, mais c'est une coincée, je suis un meilleur coup.
Edward resta figé, était-il responsable de sa présence ici, avait-elle attendu son retour ? Inconcevable, il était parti comme un voleur, sans réellement en avoir eu le choix. La brune l'empoigna pour ensuite reposer son autre main sur son torse.
— Tu vas prendre un pied d'enfer, promit-elle en lui suçant l'oreille.
Il la repoussa brutalement pour ouvrir la porte du restaurant.
Il devait crever l'abcès, tant que c'était encore possible.
Amanda n'avait jamais cessé de le hanter, on ne rencontrait l'amour véritable qu'une seule fois. Il devait lui parler !
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