Épilogue
Route des vins du médoc le 07/07/1996.
Une moto américaine bourdonnait bruyamment sur une départementale Girondine. Le véhicule motorisé à deux cylindres en V attirait l'attention des automobilistes ainsi que des touristes marchant le long des vignes.Le motard en veste en jean, gant en cuir, bottes, sifflotait it's a Rainy Day, une chanson en vogue de l'année tout en observant le dénivelé de la route. Son casque bol noir affichait de chaque côté l'envol d'un dragon avec à l'arrière en petite police couleur dorée les lettres LDV. Le jeune homme à peine rasé répondit en sourire au bonjour d'une passagère d'une voiture française tirant une remorque pleine. Il joignit l'index et le majeur de la main gauche pour se toucher les lèvres puis les orienta dans sa direction. Elle tressauta en rougissant, détourna le regard pour sourire à sa sœur.Le père quitta la route des yeux pour sermonner sa fille ne devant absolument pas prêter attention à un motard. Ils avaient mauvaise réputation, étaient la lie de la société. Le motard resta à hauteur de son admiratrice pour déclencher le CD audio afin de lancer la chanson italienne più bella cosa, puis augmenta le volume des hauts parleurs. Il ignora les gesticulations de colère, paroles blessantes du père pour persister au niveau de la jeune femme à la chevelure bouclée.Le pilote du deux roues fit péter les pots d'échappements pour envoyer un bisou à son admiratrice. Le titre de la chanson la plus belle chose lui était adressé.
Le conducteur de la voiture accéléra, le motard fit de même.
Des klaxons à contre-sens avertirent l'homme en Harley du danger, mais celui-ci refusait d'abdiquer. Un relief de la route fit sauter le CD qui se coupa pour reprendre sur la chanson I Don't Want to Miss a Thing. Je ne veux rien manquer,thème concernant d'une certaine manière le motard qui avait éclos de son cocon. Il ne se rabattrait pas !
Le monospace ne cessait de faire des appels de phares, sonores sans pour autant ralentir. Le motard quitta la route des yeux pour sourire à la jeune femme l'encourageant à freiner.
La voiture familiale ralentit, permettant ainsi au motard de s'intercaler juste avant le carambolage.
— Oh putain, quel pied, hurla le pilote du deux roues américain. Trop chaud, c'était à deux doigts.
Il sautillait de satisfaction sous l'adrénaline. Le siège grinçait sous ses gesticulations, béatitude machiste. Le véhicule à l'arrière klaxonna son mécontentement, mais le motard l'avait déjà oublié, cela appartenait déjà au passé. La douce chaleur du soleil chauffait sans excès les pièces métalliques de la moto.
L'envie d'une cigarette lui fit quitter la route. Il se gara devant l'immense portail d'un vignoble pour déposer son casque sur le rétroviseur.Il alluma la clope pour ensuite poser les fesses sur la selle,s'étendre sur le réservoir. Il tendit la jambe gauche pour se caler dans la position pour observer le ciel. Il songea à sa destination,elle devrait être précise, rapide, silencieuse, mais marquante ! Un klaxon le fit sursauter. Il détourna le regard vers la route pour découvrir un véhicule de transport d'alcools. Le chauffeur passa la tête par la vitre pour hurler.
— Ce n'est pas une aire de stationnement, veuillez quitter les lieux !
Le motard retira ses lunettes de soleil pour se frotter les yeux, puis les repositionna. Il se tapota les jambes,s'étira de tout son long, puis se dirigea vers le camionneur. Il marchait lentement, claquant volontairement les semelles sur le bitume. Il écrasa bientôt sa cigarette contre la portière en esquissant un sourire.
— Oh, tu fais quoi, s'écria le quarantenaire de quatre vingt kilos de graisse en ouvrant la portière.
L'homme en blouson cuir la referma brutalement pour agripper la vitre afin de se hisser vers le chauffeur.
— Dis-moi ducon, tu le vois mon casque là-bas ?
— Oui, et alors ?
— Lis les trois lettres ?
Le camionneur scruta le casque pour grossir les paupières de terreur, La peur transforma rapidement son visage en le faisant bégayer.
— Je...Je suis désolé, on a pris un peu de retard dans le dernier paiement.
— M'en tape, je ne suis pas là pour ça, s'exclama le motard en déposant pied à terre.
Il s'apprêtait à repartir, mais fit demi-tour.
— T'as du café chaud ?
— Euh, oui.
— Files en dans un verre propre.
— Désolé, j'utilise le couvercle du thermos pour boire.
— Va me chercher un café et fissa, j'ai de la route à faire.
Le chauffeur descendit de son véhicule pour prendre la direction de l'entrée du vignoble. Le bordelais alluma une cigarette pour regarder les grosses fesses du chauffeur rebondissant à chaque pas. Quel pitoyable spectacle ! La sonnerie de son portable le rappela à l'ordre, il décrocha aussitôt.
— Es-tu arrivé ?
— Encore une vingtaine de bornes.
— La soirée à la mairie est confirmée pour vingt heures, choisis bien le moment, mais attention, aucun témoin, Si vous étiez capturés ou tués, je nierais avoir eu connaissance de vos agissements, termina son interlocuteur en raccrochant.
Le motard esquissa un sourire pour la réplique de la série mission impossible. Son mentor était unique, ne ressemblait à personne d'autre. Son guide lui avait tant appris, avait joué de son immaturité pour en faire un homme, un vrai. Le jeune homme avait rapidement compris qu'il jouait dans un échiquier dont il détenait le choix des cartes. Que serait-il devenu sans la rencontre avec le comte ? Rien, un médiocre travailleur ne vouant sans vie qu'au travail, aux factures. Il était conscient du danger, mais chaque instant méritait sa peine ! Le bordelais évoluait désormais dans un monde différent, plus accessible, moins complexe, il décidait, agissait sans a priori ! Il huma longuement les multiples odeurs environnantes associées à l'évolution des tanins ou au bois des fûts de vieillissement, ainsi que de brûlé, de fumée, de cuit. La senteur de café premier prix lui fit plisser les narines de dégouts. Il enjamba la selle, enfila son casque, ses lunettes de soleil, puis pressa le démarreur pour faire rugir les pots d'échappements.
— Le café est chaud, s'écria le chauffeur encourant tout en renversant la boisson chaude à chaque pas.
Le motard dérapa du pneu arrière en patinant sur le côté, de la terre caillouteuse gicla pour ricocher sur le mur du vignoble, les jambes du lourdaud, la calandre du camion. Quelle sensation géniale de se foutre de tout, de ne redouter aucune réprimande, songea le pilote de la moto. Il regagna rapidement la route pour prendre la direction de Soulac-sur-mer.
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Le motard avait abandonné son deux roues sur le bord de mer, il marchait dans le centre-ville tout en fumant. Les journaux affichaient en page principale, création du premier mammifère par clonage, une brebis nommé Dolly. Il secoua le visage en esquissant en murmurant, « et si vous connaissiez toute l'histoire » ! Une bousculade malencontreuse lui fit perdre sa cigarette.
— Hé, connard, hurla-t-il à l'encontre du responsable.
Un blond immense de deux mètres en maillot de bain tee-shirt compétition Hawaïenne de surf quitta la discussion avec un brun taillé comme un bodybuildeur.
— C'est à moi que tu parles, minus, s'exclama-t-il en le lorgnant de haut en bas ?
— Oui, il est où ton cerveau,dans ta planche de surf !
Le blondinet gonfla les pectoraux pour le dévisager de haut avec haine.
— Non merci, s'exclama le motard en allumant une nouvelle cigarette, je ne suis pas gay.
Vexé par la remarque,l'autre abattit avec rage sa main pour le gifler, mais le motard l'attrapa sèchement au poignet pour le serrer fermement. L'acolyte du blond voulut se mêler de l'altercation, mais le coup de pied subit à la cheville le fit trébucher pour tomber à genoux, le second coup le projeta lourdement sur les fesses. Le blondinet se contorsionnait de douleur sans pouvoir frapper son agresseur, le tenant hors d'atteinte.
— Aller jouer à la dînette, les fillettes, se moqua le pilote de Harley en le relâchant.
Les deux jeunes hommes taillés comme des athlètes se dévisagèrent honteux pour finalement abandonner. Ils prirent la direction de la plage. De nombreux regards scrutèrent le motard avec incompréhension,respect, admiration, crainte. Un peu plus tard, le motard observait la devanture du restaurant gastronomique à la bonne saveur.Que de souvenirs ! Le battant de la porte d'entrée s'ouvrit pour figer le jeune homme en découvrant la silhouette féminine aux cheveux courts sortant sur le perron.
— Amanda !
— Edward !
L'ancien couple se dévisagea longuement en silence.
— Surprenant la coupe de cheveux, mais tu es toujours aussi canon... Euh, belle.
La jeune femme ne pouvait les quitter des yeux, mais sans pour autant parvenir à formuler le moindre mot. Un serveur sortit pour mettre un terme à la rencontre fortuite.
— Mandine, désolé, on a besoin de toi à la table sept !
— Bien,confirma-t-elle en faisant demi-tour tout en baissant le visage.
Le Bordelais resta immobile, ne sachant que faire, ni dire, il relâcha la cigarette, se consumant trop proche de ses doigts. La porte se referma sur son absence totale de réaction. Il était redevenu le gentil garçon anodin de leur rencontre amoureuse. Que faisait-elle à Soulac-sur-mer ? Était elle en vacances ? Il devait savoir, lui parler, s'excuser. Il ouvrit précipitamment la porte pour se heurter à une courte connaissance. Le souvenir jaillit dans son esprit.
Edward dégustait les paroles sans parvenir à assimiler que cela le concernait. Deux splendides jeunes femmes lui parlaient sans le connaître. Jérémie assistait à la scène avec dégoût, on ne lui accordait aucune attention.
— Allez, les filles, on nous attend, s'exclama un grand blond à la carrure de surfeur, au visage d'acteur de films d'action.
Il les empoigna fermement, adressa un regard haineux à Edward tout en les forçant à regagner le trottoir. Le berger allemand se leva en grognant. La brune parvint à se libérer pour faire demi-tour. Rex l'ignora en fixant le malotru.
— Géraldine, s'exclama le blondinet.
Elle déposa une carte de visite sur la table.
— N'hésite pas à m'appeler !
Edward regarda avec incompréhension la carte, la brune et à nouveau la carte. Comment une telle fille pouvait-elle s'intéresser à lui ?
Comment avait-il pu oublier, le blondinet de tout à l'heure était celui-ci !
— Le maître chien, Edward,c'est ça, hein ? Comme t'es devenu canon, tu me cherchais ?
— Je ne suis de passage courte durée, je repars ce soir.
— J'ai ma voiture un plus loin,on s'envoie en l'air si tu veux.
— Tu connais la fille aux cheveux courts qui vient d'entrer ?
— Mandine, oui,je travaille avec elle depuis, ben, ton départ. Elle est sympa, mais c'est une coincée, je suis un meilleur coup.
Edward restait figé, était-il responsable de sa présence ici, avait-elle attendu son retour ? Inconcevable, il était parti comme un voleur, sans en avoir réellement eu le choix. La brune l'empoigna pour ensuite reposer son autre main sur son torse.
— Tu vas prendre un pied d'enfer, promit-elle en lui suçant l'oreille.
Il la repoussa brutalement pour ouvrir la porte du restaurant.
Il devait crever l'abcès, tant que c'était encore possible.
Amandine n'avait jamais cessé de le hanter, on ne rencontrait l'amour véritable qu'une seule fois. Il devait lui parler !
La suite ou fin alternative, choisissez, dans :
Pénitence, la mère des péchés !
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