Chapitre 1... 27/07/1994
La détonation d'un pot d'échappement souillait la sérénité d'une route de Gironde. L'unique feu de croisement éclairait le virage à cent degrés surplombant un fossé sur toute sa longueur.La Forêt de conifères donnait l'illusion d'une muraille verdâtre.Le paysage nocturne défilait à toute vitesse de chaque côté, le pilote en veste jean accéléra cependant pour approcher les deuxcents kilomètres à l'heure. Le frottement du vent sur le casque l'assourdissait en vibrant sur ses tympans sans pour autant le ralentir.
Imaginez la puissance d'un jet d'eau dans un tuyau d'arrosage !
À une telle vitesse, on apercevait le danger sans aucun moyen de l'éviter. Il discerna à peine les panneaux de signalisation qu'il était déjà dessus. Il eut juste le temps de se pencher sur la droite pour ne pas rater la sortie de Soulac sur Mer. La moto monta sur la dénivellation en béton pour se faufiler entre le panneau d'indication et frôler celui de directionnelle à droite.
Il roula à contre sens sur l'autre voie pour stopper cent mètres plus loin.
Un véhicule provoqua plusieurs appels de phare pour éclairer la FZ 750 Genesis gris anthracite, noir. L'automobiliste klaxonna en injuriant le motard tout en le frôlant depuis l'autre voie. Le motocycliste restait immobile en serrant les poignets de torpeur !Le ralenti du pot d'échappement berçait sa frayeur. Il aurait pu percuter la voiture de face, mourir sur le coup. Quelle mort stupide.Les accidents de la route en comptaient des milliers !
Il enjamba maladroitement la selle pour trébucher avant d'avoir pu poser un pied à terre. Il perdit l'équilibre pour s'étaler au centre de la route à quatre pattes. Il grattait nerveusement le bitume au travers des gants. La nuit était bien avancée, mais lesvacanciers ne respectaient aucune heure, une voiture pouvait arriver à tout moment malgré les trois heures du matin.
La bile remonta dans une déglutition nauséabonde, il retira immédiatement le casque intégral pour le faire rouler sur le bitume afin de vomir.
Le jeune homme aux cheveux courts, blouson, pantalon en jean manquait de force pour se relever.
Il plia le bras gauche pour pivoter sur le côté. Le motard se cala sur le dos pour ne plus bouger. Il contempla le ciel étoilé pour bientôt avoir une vision brouillée.
Le jeune homme était peu coutumier des pleurs, de la tristesse sous toutes ses formes ! Pourtant, l'humidité dans ses yeux rendait floue la pleine lune. L'homme brun se contrefichait totalement d'être étendu sur la route en pleine nuit ! Un éventuel véhicule apercevrait les feux de la moto, mais pas le motard étendu entre les deux voies.
Il avait cru à tort que son passage de vingt-quatre mois dans l'armée aurait été le moment le plus difficile de sa vie, mais il s'était trompé ! Un animal ailé coupa un court instant son champ de vision de la lune. Le cri grave confirma une chauve-souris.
Il avait lu que le ton grave aidait les chauves-souris à mieux cartographier le paysage environnant.
Du mois de mai jusqu'en juillet était la période la plus propice pour observer les chauves-souris, mais le motard était tourmenté par un souci bien plus préoccupant !
Il détourna le regard en direction de sa moto dont il ne discernait que le feu de route, ceux de signalisation à l'arrière.La luminosité partielle éclairant les côtés ne trahissait que la présence de l'autocollant de la marque Yamaha en blanc et l'autocollant Génésis du carénage sous la selle. C'était le modèle Génèsis de mille neuf cent quatre-vingt-neuf. Il l'avait acheté à crédit à la fin de son service long de deux ans dans l'armée de Terre.
Son attention se fixa sur son casque, mais plus particulièrement sur le sang recouvrant un petit impact au niveau des autocollants phosphorescents à l'arrière. Il se leva précipitamment pour le saisir, puis le frotta énergiquement dans l'herbe pour retirer toute trace de son délit. Il ne parvint cependant pas à camoufler les rayures ancrées profondément à l'intérieur.
— Merde, merde, merde, hurla-t-il en s'agenouillant. Qu'est-ce que j'ai fait ?
Il se releva lentement pour approcher de la moto. Il déposa les mains sur la selle pour se perdre dans des remords inutiles. Aucune rédemption ne pourrait changer la situation.
On était le jeudi vingt-sept juillet mille neuf cent quatre-vingt-quatorze.
Il avait connu l'amour et... la mort !
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