Le soleil était déjà haut dans le ciel. Huit heures cinquante-cinq, Jeongin passa rapidement les portes automatiques et se rendit à l'accueil du rez-de-chaussée. Il avait à peine eu le temps de vérifier qu'il s'agissait bien du bon bâtiment, mais quand il vit l'énorme logo au mur derrière la réceptionniste, il sut qu'il n'y avait pas d'erreur possible : la forme de poire stylisée lui confirma qu'il était bien chez PearBox. 

Il s'avança vers la jeune femme derrière le comptoir.

— Bonjour, bienvenue chez PearBox, en quoi puis-je vous aider ?

Jeongin chercha ses mots, il se racla la gorge.

— Bonjour madame, Yang Jeongin, je… je suis le nouveau stagiaire.

La jeune femme lui sourit.

— Un instant s'il vous plaît.

Elle décrocha le téléphone devant elle et composa un numéro à quatre chiffres.

— Oui, bonjour. Oui il est arrivé. Très bien merci. Quelqu'un va venir s'occuper de vous, dit-elle en raccrochant, vous pouvez patienter par là-bas.

Elle lui indiqua un petit salon près des immenses baies vitrées. Jeongin la salua et se rendit dans le salon où il s'installa. Il était tendu. N'importe qui aurait pu le remarquer. Il vérifia une énième fois qu'il n'avait pas taché sa chemise en prenant son petit-déjeuner. 

Il n'avait pas réussi à s'endormir avant deux heures du matin, il était beaucoup trop stressé, du coup, sa mère avait eu du mal à le tirer du lit et il s'en voulait. Il aurait dû arriver bien plus tôt. Il avait eu pour consigne de se présenter pour neuf heures à la réception de l'immeuble et clairement, arriver cinq minutes avant l'heure annoncée n'était pas la meilleure chose à faire pour donner une bonne première impression.

— Yang Jeongin ?

Celui-ci releva la tête à l'appel de son nom, il se leva d'un bond quand un jeune homme aux cheveux blonds s'approcha de lui. 

— Oui monsieur, c'est moi, répondit-il en s'inclinant.

— Ok, suis-moi, lui ordonna l’autre de sa voix grave avant de tourner les talons.

Jeongin ne se fit pas prier, il suivit le jeune homme jusqu'aux ascenseurs. L'employé pressa le bouton du vingt-cinquième et dernier étage.

— Je t'ai attendu, dit l'inconnu une fois dans l'ascenseur, j'ai même fini par croire que tu ne te présenterais pas.

— Je suis désolé, j'ai eu… 

Jeongin s'inclina mais ne savait pas quoi dire pour s'excuser.

— Stressé ? lui demanda son guide.

Jeongin hocha timidement la tête. Visiblement, ça ne servait à rien d'essayer de lui mentir.

— Moi aussi j'étais stressé quand je suis arrivé la première fois, mais ça va bien se passer tu verras.

Il lui adressa un sourire adorable et Jeongin se sentit tout de suite un peu moins tendu.

— Lee Félix, dit-il, une main tendue vers Jeongin.

Celui-ci le lui serra.

— Yang Jeongin.

— Oui je sais.

Jeongin rougit, il se sentait déjà si ridicule.

— Vous travaillez ici depuis longtemps ? 

Félix réfléchit quelques secondes avant de répondre.

— Ça doit faire bientôt un an…

Jeongin cligna des yeux, ce Félix n'avait pas l'air beaucoup plus vieux que lui et pourtant il avait l'air si sûr de lui et à l'aise, chose qui paraissait pour le moment impossible pour le nouvel arrivant.

— Comme tu es juste stagiaire, ne t'attends pas à avoir des choses exceptionnelles à faire, reprit Félix, tu vas devoir te contenter du café, des photocopies et des archives pendant un petit moment. Mais si tu as de la chance, le boss te laissera peut-être assister à des réunions ou autre, ça serait sympa.

Jeongin hochait la tête chaque fois que Félix ouvrait la bouche. Il devait s'estimer heureux d'avoir eu l'opportunité d'entrer en tant que stagiaire dans une entreprise aussi prestigieuse que PearBox, et il devait faire de son mieux pour se montrer reconnaissant. Ses parents étaient très fiers de lui et ils avaient fait des sacrifices, surtout financiers, pour qu'il puisse saisir cette chance. 

PearBox était une entreprise récente, fondée depuis près de deux ans par un très jeune homme. On y développait des applications en tout genre pour smartphone et beaucoup de jeunes garçons rêvaient d'y travailler. Jeongin avait été chanceux et il en avait parfaitement conscience. 

PearBox avait battu tous les records, ses revenus avaient rapidement atteint des montants incroyables auxquels personne n'avait été préparé, et son PDG était devenu le plus jeune millionnaire de Corée du Sud à seulement vingt ans. Ça inspirait la concurrence, mais personne n'avait encore été assez doué pour faire mieux, et PearBox régnait donc en maître sur le royaume des applications mobiles.

— Il y a beaucoup d'étages, mais ne t'en occupe pas, tu vas rester à l'administration au dernier étage, et si jamais tu dois te rendre ailleurs, on t'expliquera, lui indiqua Félix. Les archives sont au vingt-quatrième, tout est écrit là.

Il posa son doigt à côté du bouton "24", et en effet, à côté de chaque numéro était indiqué le nom des services qui s'y trouvaient. 

Après des minutes qui parurent interminables à Jeongin, l'ascenseur s'arrêta enfin au vingt-cinquième étage. Les portes s'ouvrirent et Jeongin resta figé. Il avait bien entendu fait quelques recherches sur les bureaux de l'entreprise mais il ne s'attendait pas à ce que tout ait l'air si… 

Il cligna plusieurs fois des yeux, c'était comme arriver dans un autre endroit. Le sol était recouvert d'une épaisse moquette grise effet marbre et les bureaux étaient séparés par des grandes vitres opaques par endroit. Le mobilier était simple mais moderne, le tout toujours dans un dégradé de blanc, de gris et de noir. C'était lumineux, et les nombreuses plantes disposées de part et d'autre des bureaux donnaient une ambiance agréable à l'ensemble. Jeongin ne se rappelait pas avoir déjà mis les pieds dans un endroit aussi classe, et pour être honnête, il ne se sentait absolument pas à sa place. 

— C'est classe, pas vrai ? lui demanda Félix.

Jeongin hocha simplement la tête en esquissant un sourire. Il jouait avec les manches de sa chemise, mal à l'aise. 

— Ne t'étonne pas si on t'appelle par ton prénom ici, tout le monde le fait, c'est plus sympa. Bonjour Sun-Hi.

Félix salua une jeune femme qui se trouvait derrière un des premiers bureaux, elle se leva et s'approcha des jeunes hommes.

— Bonjour Félix ! Nouveau stagiaire ? demanda-t-elle en regardant Jeongin.

— Yang Jeongin, enchanté, répondit ce dernier en s'inclinant peut-être un peu trop bas.

— Il est tendu, l'excusa Félix en riant.

La jeune femme sourit, visiblement amusée par l'attitude de Jeongin. 

— Sun-Hi est la secrétaire du boss, tu vas beaucoup la côtoyer, mais ne t'inquiète pas, elle est très gentille. Son bureau est là-bas.

Félix pointa du doigt un large bureau situé à l'autre bout de la pièce, le long d'une des immenses baies vitrées, en face d'une pièce dont les parois n'étaient pas en verre.

— C'est le bureau du boss, indiqua Félix à Jeongin.

— Je vais le prévenir que tu es là Jeongin, lui dit Sun-Hi.

Elle s'avança vers la grande porte recouverte de cuir noir, et toqua plusieurs fois. Quelqu'un avait dû lui répondre car elle entrouvrit la porte et annonça :

— Woojin, le nouveau stagiaire est là avec Félix.

Elle se tourna vers les deux jeunes hommes :

— C'est bon allez-y.

Si le cœur de Jeongin avait pu bondir hors de sa poitrine et prendre la fuite, il l'aurait fait sur le champ. Le jeune homme avala difficilement sa salive et entra dans la pièce juste derrière Félix qui referma la porte derrière eux. 

La pièce était grande, bien trop grande pour n'être le bureau que d'une seule personne. Le sol était recouvert de larges carreaux gris brillant, les murs blancs et les meubles toujours dans un dégradé de blanc, gris et noir donnaient à la pièce un aspect presque stérile et inhospitalier. Il y avait de grandes armoires contre le plus long mur, devant, un large bureau recouvert de divers documents trônait face à un mur de verre qui offrait une vue imprenable sur la ville. Dans un coin se trouvait une table avec quelques chaises, et à côté, face à la baie vitrée, un canapé noir si large qu'on aurait facilement pu y dormir à deux. Un jeune homme était assis dessus, en pleine conversation téléphonique, il se leva à l'entrée des deux garçons et s'approcha de la fenêtre, son portable toujours à l'oreille. 

— Écoute-moi bien, c'est pourtant pas compliqué, je te laisse deux jours pour régler ce problème. J'en ai rien à faire. Rappelle-moi qui est l'avocat dans l'histoire ? Oui c'est toi, alors tu me règles ça dans les deux prochains jours. Oui. Oui c'est ça...

Le jeune homme laissa échapper un long soupir après avoir raccroché. Il rangea son portable dans la poche de son pantalon et se tourna vers Jeongin et Félix.

— Bonjour Woojin, dit ce dernier en s'inclinant légèrement, je t'amène Jeongin, le nouveau stagiaire.

Le PDG scruta Jeongin de haut en bas une expression difficile à décrypter sur le visage et Jeongin se sentit soudain rougir. Enfin il le rencontrait… son modèle, Kim Woojin, le plus jeune PDG de Corée du Sud, le fondateur et gérant de PearBox, et il en imposait… 

Jeongin avait du mal à croire qu'il n'avait que vingt-deux ans, il paraissait plus grand qu'en photo ou qu'à la télé. Il était relativement musclé et, bien que ses cheveux brun légèrement cuivré coiffés de façon désinvolte lui donnaient un air peu professionnel, il y avait quelque chose dans son allure générale qui imposait le respect. Néanmoins, il avait un regard doux, Jeongin le remarqua quand leurs yeux se croisèrent rapidement avant que Jeongin ne détourne le regard, gêné.

— Hum ? fit le PDG en cherchant à rétablir le contact.

— Euh… je suis Yang Jeongin, merci de m'offrir l'opportunité de travailler ici, c'est un honneur pour moi, je ferai de mon mieux ! 

Jeongin s'inclina, il avait peut-être parlé un peu trop fort. Woojin laissa échapper un petit rire.

— Enchanté Jeongin, par contre ne t'attends pas à faire des tâches exceptionnelles pour le moment, le prévint le PDG.

Jeongin s'en doutait de toute façon, et il s'en fichait un peu. Le simple fait de travailler chez PearBox était déjà formidable en soi. Woojin avait commencé à développer des applications mobiles quand il avait à peine dix-huit ans et avait fondé PearBox à vingt ans. Pour Jeongin, qui avait dix-huit ans depuis quelques mois seulement, Woojin était un exemple de réussite, un modèle, et il se sentait heureux rien que d'être en sa présence. 

Woojin le toisa, le menton un peu relevé, puis il baissa les yeux vers l'énorme montre argentée qu'il portait au poignet gauche. Une Rolex certainement pensa Jeongin, et il se demanda combien d'années il devrait travailler avant de pouvoir se permettre de se payer une montre similaire.

— Désolé Jeongin, je n'ai pas trop de temps à t'accorder, j'ai une réunion dans quinze minutes et encore deux ou trois coups de fil à passer… des problèmes à régler…

Il jeta un coup d'œil à Félix qui acquiesça d'un hochement de tête.

— Apporte-nous du café pendant la réunion, dit Woojin à l'intention de Jeongin, Félix te trouvera mieux à faire demain.

— Merci.

Jeongin s'inclina rapidement et suivit Félix qui se dirigeait vers la porte. Il ne l'avait pas encore refermée qu'il entendait déjà Woojin parler à quelqu'un au téléphone et le nouvel arrivant n'aurait définitivement pas voulu être la personne à l'autre bout du fil.