Il était une fois...

Dans un pays dont la localisation et le nom importent peu, un poète anonyme. Il vivait seul, dans une petite maison perdue dans la forêt. Il avait choisi de s'isoler ainsi car il souhaitait se consacrer entièrement à une seule chose...

Depuis sa naissance, il était profondément amoureux. Il ne la connaissait pas, il ne l'avait jamais vue, ni entendue. Et pourtant, elle était là, toujours avec lui, et il était très amoureux.

Il l'attendait avec impatience, et il était certain qu'elle aussi ressentait cet étrange manque, ce vide, cet élan du coeur, et qu'elle l'attendait, cultivant son amour pour lui comme le plus beau des jardins secrets.

Les jours et les années passèrent. D'enfant, le poète devint grand, et de grand, il devint vieux.

Il y avait de cela bien longtemps que l'âge avait tracé dans ses cheveux son sillon d'argent. Pourtant, il n'avait jamais cessé d'aimer cette inconnue familière, qui occupait toujours une grande place dans ses pensées.

Tous les soirs, il se mettait au balcon, et fredonnait quelques vers de son invention, qu'il confiait à la Lune. Depuis toujours, elle était son amie, et il restait persuadé qu'elle transmettait à son aimée ses paroles :

« Lune, transmets à ma bien-aimée mon amour,
Dis-lui que mon coeur amoureux est tout à elle,
Que je reste, humble serviteur, amant fidèle,
Aux murmures séducteurs d'autres femmes sourd.

Conte-lui la braise qui agite mon coeur,
Celle qui, tout au long de ma morne existence,
De mon aimée la si intolérable absence,
M'a fait supporter, comblant ma vie de douceur... »

Il restait immobile, le coeur chaud, tandis que les derniers échos de ses paroles disparaissaient dans la nuit sans nuages, et que la présence de son amour à ses côtés se faisait plus forte.

Le temps, invisible fugueur, continua son oeuvre assassine. Bientôt, le poète confia son dernier message à la Lune, avant de partir pour de nouvelles terres, le coeur plein de joie. Le moment était bientôt venu de la rencontrer...

Il laissa derrière lui l'éclat éteint de ses yeux, mais emporta la flamme de son coeur par-delà les nuages...

Au même moment, à l'autre bout du monde, une vieille femme écoutait, les joues roses de bonheur, la jolie mélodie qui lui parvenait depuis toujours aux oreilles.

Le temps était venu de le rencontrer, elle le savait.

Heureuse, elle se laissa glisser dans le chemin d'un autre monde...