La seule fois où il m'a dit : "Je t'aime", c'était quand il était bourré.

Et encore. Il a plutôt gueulé un : "Je vous aime, putain ! Vous comprenez pas !" - entrecoupé de pathétiques sanglots - général à ceux qui étaient dans la voiture. Ma mère, ma soeur, et... moi. Il a ensuite ajouté qu'il pourrait donner un rein pour nous, ce qui a quelque peu gâché la toute petite touche de poésie que contenait sa première phrase.

Et puis le lendemain, il s'en souvenait plus...

C'est ça, mon frère : un caractère instable, bourru, protecteur et colérique. Et c'est pas facile au quotidien.

Alors quand je lis toutes ces fictions où le grand frère et la petite soeur sont limites en couple - inceste, quand tu nous tiens... -, je me dis que ces personnes ont soit un frère aîné exceptionnellement adorable, soit elles n'en n'ont pas du tout, et qu'elles s'en inventent un, parce qu'elles ont toujours rêvé d'un grand frère aimant, qui les guiderait sur le rude chemin de la vie en les prenant sur ses larges épaules.

« - Tu sais, petite soeur, dès le jour où tu es né, j'ai su que tu serais le soleil de ma morne vie...
- C'est vrai ? 
- Oui. Tu es la prunelle d'or de mes yeux. Je t'aime, petite soeur.
- Moi aussi, je t'aime, grand frère. »

Ce genre de dialogue n'est pas prêt d'arriver entre moi et mon frère.

Mais bon, moi, il serait prêt à me donner un rein, alors...