CHAPITRE XXXVI
Main dans la main avec Angel légèrement en avance sur moi, je balayai d’un regard septique la vaste, et très bien éclairée salle de danse au parquet fait en bois clair. Les lieux dégageaient un certain charme, et une chaleur qui ne m’effrayaient pas. Concentrés sur leur chorégraphie, le groupe de jeunes gens qui dansaient devant un immense miroir sur des notes d'une musique triste, ne nous remarquèrent pas d’emblée. De par leurs expressions, on aurait dit qu’ils étaient ailleurs, comme enfermés dans une bulle, qui au lieu de les emprisonner, leur permettait en lieu et place, d’être eux-mêmes. Et d'ici quelques minutes, je serai peut-être en train de faire ça également. Je regardais les danseurs se mouvoir en suivant les directives d'une femme qui n'était pas si vieille que ça. Je ne l'imaginais pas centenaire, mais je ne m'attendais pas à voir une jeune femme qui devait n'avoir pas plus de trente cinq ans, et lorsque cette dernière nous vis enfin, elle arrêta sa classe et vînt vers nous.
Amanda Carlson était une jeune femme brune, et svelte. Elle avait un corps et des traits faciaux dignes d'un top model. Elle respirait une certaine maturité, et ouverture d’esprit. Et surtout, contrairement aux autres femmes présentent dans cette pièce, elle ne regardait pas mon Angel avec des yeux de rapace. Son attitude était professionnelle, même si on pouvait remarquer qu'elle était nerveuse d'être en présence d'Angel. Et qui ne le serait pas…
- Bonjour Monsieur Walstein. Madame. On va passer dans mon bureau si vous voulez bien. Asseyez-vous. Fit-elle en nous indiquant les deux sièges libres, avant de s'asseoir elle-même en face de nous. Alors en quoi puis-je vous aider, demanda mon potentiel futur professeur avec un sourire chaleureux. Elle avait l'air d'être quelqu'un de bien.
- Ma femme ici présente voudrais prendre des cours de danse contemporaine. Et je comptais sur vous, pour l'y aider.
- Bien sûr, et est-ce que vous en avez déjà fait, me questionna-t-elle.
- Non, lui répondit Angel avec un ton qui disait que la conversation allait se passer entre eux deux, et qu'il ne fallait donc plus me poser de questions. Elle n'en a jamais fait, et vous devez savoir que mon épouse est quelqu'un de très renfermée, et donc si vous décidez de l'accepter parmi vos élèves, il y aura un certain nombre de conditions qu'il vous faudra impérativement respecter.
- Je vous écoute.
Angel me prit la main sous la table avant de commencer.
- Premièrement, vous devrez être très patiente avec elle, et ne pas vous attendre à ce qu'elle vous réponde lorsque vous lui adresseriez la parole. Mais ce n’est pas pour autant que vous ne devez pas lui parler normalement. Ensuite elle ne devra pas être dans une classe de plus de dix personnes. Et vous allez vous en rendre compte, mais elle ne supporte pas les contacts d'inconnus, surtout les contacts masculins. Ce qui m'amène à vous dire, que les duos sont à proscrire tant qu'elle ne vous fait pas savoir d'une manière, ou d'une autre, qu'elle veut essayer. Et enfin, pas de scènes de danse dans l'obscurité, car elle en a une peur bleue. Si toutes ces conditions peuvent vous convenir, alors elle sera l’une des vôtres.
Si on n’était pas en public, j'allais me mettre à pleurer. Il parlait comme si toutes ses conditions étaient normales.
- Je pourrai m'y tenir, déclara Amanda après quelques temps de réflexion.
- Bien. Et quand pourrait-elle commencer ?
- Tout de suite même si elle le veut. J'ai un autre cours qui commence dans dix minutes, avec des novices comme elle.
Angel se retourna vers moi, pour voir si l'idée de commencer tout de suite me convenait.
- Elle va commencer tout de suite, lui dit-il sans me quitter du regard, en exprimant une réponse que seul lui pouvait lire.
- Je vais chercher les papiers d'inscription, alors. Venez avec moi Madame, je vais vous trouvez une tenue adaptée.
- Je peux vous appeler par votre prénom, me demanda-t-elle pendant que je la suivais nerveuse.
- Tenez Monsieur Walstein. Fit Amanda en déposant devant Christopher les formulaires d’inscription, avant de retourner à son siège.
- Vous devez savoir que par le passé, mon épouse n’a pas eu une vie très facile, ce qui l’a rendue extrêmement sensible émotionnellement parlant. Pour son bien, je ne veux pas de traitement de faveur, mais je ne veux pas non plus qu'elle ait à subir le plus petit mauvais traitement. Vous constaterez que certaines choses que vous trouverai banales seront source d’angoisse pour elle, et c’est ce qui m’amène à vous dire qu’il y’aura en permanence un garde-corps dans les alentours, plus précisément dans le café en face. En cas d'urgence, signalez-le-lui et il me contactera. De même qu'il me tiendra également informé du moindre incident, même non signalé. Sa sécurité et son bonheur sont mes priorités, veuillez donc Mademoiselle Carlson, à ce que mon épouse se sente bien avec vous, si vous ne voulez pas avoir à me connaître sous un jour moins plaisant.
- Ne vous en faites pas Monsieur Walstein, je veillerai à ce que tout se passe pour le mieux, m'assura Amanda Carlson, juste au moment où Alexandra revînt dans le bureau. Elle avait délaissé ses vêtements pour un legging noir et un top moulant noir également. Ses courbes étaient soulignées par le fin tissu qui s'étirait sur son corps. Si elle était constamment habillée de la sorte à la maison, je l'aurais sûrement déjà possédée.
Christopher quitta son siège, et prit sa main en lui administrant une discrète caresse afin de faire disparaitre le stress qui se lisait sur le visage d’Alexandra.
- Tu sais que tu es très mignonne dans cette ensemble qui te va comme une seconde peau, lui murmura Christopher en la faisant rougir jusqu'aux oreilles.
Il était maintenant temps de la laisser, mais il avait de moins en moins l'envie de le faire. Après tout, elle pouvait prendre les cours à domicile, avec un nombre restreint de personnes qu’il aura personnellement choisit sur le volet, et le plus important, il serait présent pour tout régler au moindre problème.
Non, il fallait qu'elle s'ouvre plus au monde.
- Tout se passera très bien, me rassura Angel avant de m'embrasser tendrement. Tiens ton téléphone, j'y ai enregistré mon numéro. Je serai à mon bureau, en cas de soucis, tu m'appelles et je serai là dans les minutes qui suivent. Et une fois ton cours fini, tu m'envoie un message et j'enverrai ton chauffeur venir te chercher pour te ramener à la maison. Il s'agit de celui qui nous a conduit ce matin. Et tu n'as pas à t'inquiéter, parce que même en n'étant pas ici avec toi, je veille toujours à ta sécurité.
J’acquiesçai en frottant ma joue contre sa paume, comme le ferait un petit chat, avant de le laisser partir. Le long et lourd manteau noir, recouvrait ses larges épaules et il se déplaçait avec une assurance qui illuminait tout autour de lui. Les jeunes hommes qui entraient, s'écartaient sur son passage avec envie, crainte et respect, tandis que leurs camarades du sexe opposé, le mangeaient des yeux et certaines me faisaient des yeux ronds.
Alexandra le regarda partir, avec une seule envie, courir le rattraper pour qu'ils retournent au manoir afin de passer une journée des plus normale, comme elle le faisait avec lui depuis des mois.
Il avait quitté mon champ de vision, mais comme une idiote, j'étais toujours en train de regarder dans la direction où il était parti. Je devais avoir l'air pathétique, vu que je ressemblais à un enfant que son père venait de déposer à l'école pour son premier jour de classe.
- Alexandra, venez nous allons bientôt commencer. M’interpella mon nouveau professeur sans me toucher.
Je rangeai le téléphone dans mon sac à main, et je le déposai contre le mur, avant de suivre Amanda jusqu'au centre de la salle. Il y'avait sept personnes, plus moi, huit, à savoir cinq garçons et trois filles.
- Bonjour à tous, comme vous l'avez remarqué, aujourd'hui nous accueillons un nouvel élève, il s'agit d'Alexandra Walstein.
Ils me regardaient tous comme si je venais de la lune. S’ils savaient que je voudrais être ailleurs moi aussi.
- Vous allez commencer vos échauffements, pendant que je vais lui expliquer ce que nous faisons ici.
Elle m'entraîna de côté tandis que les autres se formait en de petits groupes, pour commencer leurs étirements.
- Et bien Alexandra, durant quatre heures, et cela trois fois par semaine, je vais essayer de t'apprendre à libérer tes émotions, car c'est ce que nous faisons ici à travers la danse contemporaine, libérer nos émotions. Cette danse, comme toute les autres, a pour objectif d'extérioriser tout ce qu'on ne peut pas dire, ou ne voulons pas dire à haute voix. Tu transformes ainsi chaque mot en gestes, déclara Amanda en joignant l'acte à la parole. Le monde devient une toile, ta toile Alexandra, et ton corps devient un pinceau que tu utiliseras pour peindre celle que tu es tout au fond de toi. Tu es alimentée par des émotions telles que l'amour, la colère, la tristesse, la joie, la jalousie, l'envie, le désir, la peur, le courage, ou autre, alors dit le au monde à ta manière.
Elle bougeait gracieusement, son corps en mimant à la perfection au fur et à mesure, chacune des émotions qu'elle me citait.
- Il t'appartient à toi, et à toi seule, de raconter l'histoire qui te plaît, et de la manière qui te plaît. Dans une vie passée j'ai eu à faire de la psychologie, et j'ai même eût à travailler dans ce domaine. C'est d’ailleurs là qu'un collègue m'a parlé, et initié à la danse contemporaine, de là j’ai compris que cette danse était un miroir, qui pouvait nous aider à nous comprendre nous-même. J’ai alors essayé de fusionner ces deux disciplines, et ça à donner la nouvelle activité que j'enseigne dorénavant. Je considère donc cette danse comme une thérapie, tu peux être toi-même, dire ce que tu veux, sans être jugée et à la fin, tu te sens plus légère. Mais attention, si on veut réellement se libérer du poids de nos émotions, et aussi permettre aux autres de comprendre ce que l'on ressent, il faut être honnête, et vraie avec soi-même.
Je suis certaine qu'Angel l'a sélectionné en se basant fortement sur ce critère en question. Il voulait que je vois un psychologue, et moi j'ai choisi de faire de la danse. Mais comme il n'en fait qu'à sa tête, il a donc trouvé un professeur de danse, qui est en plus psychologue et qui pratique une discipline qui unie danse et psychologie. Sournoisement malin. On réglera ça plus tard à la maison.
- Et pour la manière dont j'enseigne, je ne demande jamais à mes élèves d'apprendre des pas de danses précis, parce que je pense que c'est à nous de raconter notre histoire comme on la comprend. Tout ce que je ferai donc, c'est de te montrer les modèles de base, t'apprendre à puiser au fond de toi, pour ressortir ses différents types d'émotions, et toi de ton côté, tu écriras tout le reste selon ton propre ressenti. Autrement dit, je serai là pour expliquer, et corriger l'aspect technique, mais pour ce qu'il en est du côté pratique, et artistique, c'est toi qui en sera l'unique artisane. Pour beaucoup de personnes, il est très difficile pour eux de faire face à certaines de leurs émotions, mais à chaque fois que je croise un cas pareil, je leur dis de ne jamais oublier le fait que c'est nous qui sommes aux commandes, et c'est à nous de décider si on veut continuer à être l'esclave d’émotions qui nous tue à petit feux, ou si au contraire, nous voulons en devenir le maître. Tu me comprends ? me demanda-t-elle souriante.
Je comprenais, mais ce que je comprenais ne me ravissait pas pour autant. Elle parlait de vouloir puiser dans un puits, que je faisais tout pour faire disparaitre. Tout comme Angel, elle voulait que je dompte mon passer ainsi que toutes les émotions qui y sont reliées. Mais comment y arriver quand la simple odeur d'un parfum a fait sauter mes plombs ?
- Allez viens, nous allons passer aux échauffements. Et pour ça, tu auras besoin d'un partenaire qui te montrera comment faire, mais ce sera uniquement pour les étirements. Ça te va ?
Non aurait été une excellente réponse, mais comme elle l’a dit, je dois faire quelques efforts, si je voulais que ça marche. Et si sa méthode peut à être calme quand Angel n'est pas là, alors je suis preneuse.
- Très bien, je vais te mettre avec Carla, c'est une gentille fille tu verras. Vous devez sans doute avoir à peu près le même âge. Carla, viens par ici.
La dénommée Carla était une jeune femme métissé pas plus grande que moi, et aux cheveux naturellement frisés. Ses yeux rieurs, étaient d'une couleur noisette et ils montraient des traces d'une espièglerie sans limite.
- Carla, à partir d'aujourd’hui tu seras la partenaire d'Alexandra pour les échauffements. Et pour la suite, on verra au fur et à mesure. Je vous laisse faire connaissance les filles.
- Bonjour je m'appelle Carla O’connell, et c'est vrai que j'ai l'air d'un bébé mais j'ai vingt-trois ans. Et toi c'est Alexandra me demanda-t-elle joyeusement.
Je lui confirmai dans un silence qu'elle avait raison.
- Dit, je ne voudrais pas être indiscrète, mais est-ce que tu es muette ?
Et voilà la question fatidique. Dire oui ce serait mentir, mais dire non, et elle me posera encore plus de questions. À choisir je préfère ne pas dire toute la vérité.
- J'ai un neveu muet aussi, il est très cool, mais je n’ai jamais pu apprendre le langage des signes, voilà pourquoi toi et moi on aura des discussions où tu auras juste par répondre par oui ou non, ça te va ?
À peine ais-je eût le temps de lui montrer que j'étais d'accord, qu'elle se lança dans une autre question.
- Alors, le type qui était avec toi, c'est ton petit copain ? Si c'est le cas, laisse-moi te dire que tu fais partie des dix femmes au monde, qui ont héritées de la chance des trois milliards et demi des autres femmes restantes. Et avant que je n'oublie, je voulais te dire depuis que je t'avais vu, que j'adore la longueur et la couleur de tes cheveux. Je n'en n’ai jamais vu d'aussi longs, et on peut dire qu'ils sont vraiment roux. On se demande même s’ils ne sont pas rouges foncé. Tu ne feras pas partie des pro-extensions pour la longueur, ou pour le volume.
Cette jeune femme était vraiment un moulin à paroles. À elle seule, elle meublait toute une conversation. Mais ce qui est étonnant, c'est qu'elle était surprise par la longueur et la couleur de mes cheveux, mais qu'en revanche, elle n'est pas plus étonnée que ça, par la couleur bizarre de mes yeux. Elle me plaisait de plus en plus cette Carla.
- Je peux toucher ?
Cette question était purement rhétorique, vu qu'elle n'attendit pas mon autorisation pour toucher.
- Et ils sont si doux, constata-t-elle en prenant ma longue tresse en main. Au fait, je voulais aussi..., commença-t-elle avant d'être interrompu par un garçon filiforme aux cheuveux légèrement longs.
- Et moi c'est Jason, mais tu peux m'appeler Jas. Je suis le seul ami de cette inoffensive, et petite boule de poils que tu vois ici, déclara un jeune homme en ébouriffant les cheveux de Carla.
- Tu vas voir si je suis inoffensive, fit Carla en lui montant sur le dos.
Leurs singeries m’arrachèrent mon premier sourire depuis que j'avais mis les pieds ici.
- Tu vois Jas, même si elle ne parle pas, il lui arrive quand même de sourire. Allez, venez, il est temps d'aller faire ceux pourquoi on s'est tous inscrit ici. On aura la pause pour faire à connaissance avec Alexandra. Enfin, dans la mesure du possible, bien-entendu.
Au bout de ces quatre heures de tortures physique, je me laissai tomber sur le dos sur le parquet lisse, je n'avais jamais autant suée que durant ces quatre heures de danse, j'aurais juré avoir passée quatre heures avec un coach sportif. J'ai dû fournir le double d'effort pour rattraper la première semaine de cours que j'avais ratée, Mais si on retirait le facteur fatigue, et le fait qu'il y'a eu un certain Terrence, qui n'a pas cessé de m'importuner, on pouvait dire que cette journée s’était bien passée. J'avais l'impression de m'être défoulée, ce qui me fait penser qu'il sera plus difficile de me chamailler avec Angel ce soir. Et en parlant de lui, il était temps de donner signe de vie.
De moi
À Angel : Bonsoir, je viens de finir mon cours. Et mon professeur et accessoirement psychologue, te passe ses amitiés.
Avec ça il comprendra.
Et sa réponse ne se fait pas tarder.
De Angel
À moi : J'arrive.
Me voilà bien embêtée maintenant, avec une réponse aussi brève je ne savais pas trop à quoi m'attendre quand il viendra.
De toute façon, c'est lui qui me l'a fait en l'envers.
Alors pourquoi c'est moi qui suis inquiète?
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