CHAPITRE XXXIX
Alexandra sursauta en manquant de faire tomber le cadre, quand la voix basse et neutre de Christopher troubla brusquement le silence dans lequel elle était entouré. Au ton employé, elle ne sut s’il était en colère où juste mécontent de l’avoir trouvé dans cette pièce où lui-même passait très peu de temps.
Qu'est-ce que je fais maintenant moi ? Comment je vais justifier en silence ma présence ici ?
Ne sachant pas la réponse à ces deux questions, je ne bougeai plus. J'attendis qu'il fasse le premier pas, afin que je sache ce qui m'attendait.
Le silence se réinstalla au point que j'entendais de nouveau le bruit de l'aiguille des secondes faire tic-tac. Je fini par croire qu'il était parti, et je redéposai le cadre d'une main tremblante à sa place. Mais à peine que ce dernier eût touchée le bois verni de la table, qu'Angel tendit le bras pour le récupérer. Je m'hasardai à lever mes yeux vers lui. Il regardait la photo, avec une expression contrastée. C'est comme si le simple fait de la voir le torturait et le faisait plaisir à la fois.
- C'est Christophe, ou plutôt c'était Christophe, mon frère jumeau, se reprit-il d'une voix teintée d'une profonde tristesse, qui se dessinait également sur son visage.
Tout comme moi il avait perdu un être cher, la personne qui était littéralement sa moitié. Il savait donc ce que ça faisait d'avoir dans la poitrine un trou béant qu'on ne savait comment, ou avec quoi le refermer.
- Il est mort d'un cancer du cerveau il y a neuf ans, à l'âge de vingt-trois ans. Très exactement un jour après notre vingt-troisième anniversaire.
Le ton de sa voix était de plus en plus basse, jusqu'à en devenir un souffle. En parler pour lui était très clairement une chose difficile, mais il faisait un effort parce qu'il savait que je devais en apprendre plus sur lui. Lui il faisait l'effort de me parler de ce qui le touchait plus que tout, et moi je ne pouvais même pas dire un seul mot pour le consoler. Ce sentiment d'impuissance me déchirait de l'intérieur.
- Mon aîné de cinq minutes trente-trois secondes. C'est d'ailleurs lui qui m'a permis de devenir celui que je suis aujourd'hui. C'est quelqu'un de bien... désolé, je voulais dire que c'était quelqu'un de bien. Il t'aurait sans aucun doute apprécié.
Il sourit tristement puis il remit le cadre a sa place, avant de me prendre par la main.
- Ce n'est pas bon pour toi d'entendre des choses aussi sombres. Et il n'aurait pas apprécié que je te noie de toute cette tristesse aujourd'hui.
Je voulus le faire comprendre que ça ne me dérangeait pas de l'écouter parler de son frère. Au contraire, j'aimais apprendre à le connaître, et cela que ce soit beau ou triste. Mais je n'en n’eus pas le temps, parce que dès qu'on eût quitté le bureau, cette partie vulnérable de lui, s'était refermée comme par magie, et j'avais de nouveaux en face de moi, l'homme doté d'une confiance absolue en lui, et qui d'apparence, n'avait aucune faille dans son armure étincelante.
- J'ai quelque chose pour toi, me dit-il en m'amena sur le lit, où une boîte de taille moyenne m’attendait emballée dans un papier cadeau de couleur blanche. Tu ne croyais pas quand même que je n'allais pas t'en offrir un, s'enquit-il quand il vit ma surprise.
Sans attendre qu'il lui en donne l'autorisation, Alexandra s'installa sur le rebord du lit, et avec des doigts fiévreux et le cœur battant la chamade, elle ouvrit précipitamment la boîte, sous le regard rieur de Christopher. À l'intérieur, il y'avait deux autres boîtes. Elle récupéra la première, et ce qu’elle y trouva allait bien au-delà de ce qu’elle avait pu imaginer.
Il s'agissait d'un bijou en platine avec un pendentif qui représentait un magnifique oiseau perché sur la lettre "T". Les bordures du "T", ainsi que les ailes de l'oiseau étaient parsemées de pierres précieuses, qu’elle devinait être du diamant, et l'œil du volatile était fait avec une pierre verte. Sans la toucher, Christopher lui prit le bijou des mains, et avec une grande délicatesse, il le passa autour du cou à la couleur diaphane d’Alexandra.
- Ce bijoux à une signification à mes yeux. Je l'ai fait faire sur mesure pour toi. La lettre T sur laquelle l'oiseau prend son envol, c'est l'initial de "There", ce qui signifie " là" parce que quoiqu'il se passe, je serai toujours là pour toi. L'oiseau qui est plus précisément une colombe, est la représentation que j'ai de toi. Tu es à mes yeux toute aussi pure, mais également pourvue d'une innocence, d'une beauté, et d'une grande force intérieure, qui me fascineront à tout jamais, Alexandra. Et le tout, forment une promesse que je te fais mon ange, celle de ne jamais t'abandonner, et d'être toujours là. Tu seras toujours libre de faire ce que tu veux, et moi je te soutiendrai dans tes décisions. Peu importe donc, où tu iras déployer tes ailes, ou avec qui tu iras, moi je serai comme ce "T", toujours là, à attendre que tu me reviennes.
Le sérieux de la voix basse et grave de Christopher, fit frissonner Alexandra, dont les larmes coulaient comme des torrents. Elle ne savait plus quoi penser. Son esprit assaillit par tant de pensées, et noyé sous toutes ces émotions qui bouillonnaient en elle, avait cessé de fonctionner. Les doigts tremblants comme le reste de son corps, Alexandra s'essuya le nez de la manière la plus inélégante qui soit, mais ce n’est pas grave, il y’avait plus important à cet instant. Sans le savoir, Christopher apportait un remède au sentiment d’abandon qu’elle connaissait si bien. Ses parents étaient partis en la laissant seul, aux mains d’un homme qui ne pensait qu’à la détruire. Pendant plus de neuf ans elle ne savait plus ce que c’était que d’avoir quelqu’un qui s’inquiétait pour elle, ou très simplement, quelqu’un qui vous faisait le vœu d’être toujours là pour vous, et cela sans aucune autre contrepartie.
Oh Angel...
Ce bijou ne quittera plus jamais la place à laquelle il l'avait mise. Pensa Alexandra en fermant la main dessus. Le regard tendre avec lequel Christopher l’a couvé à cet instant plongea la jeune femme dans un univers de sérénité, d’amour, et de confiance absolue en son partenaire. Jamais elle n’aurait pensé ressentir ce que ce regard gris à lui seul réveillait dans son moi profond, jamais…
- Si tu savais Alexandra, murmura-t-il si bas, qu’elle ne l'entendit presque pas en essuyant ses larmes.
Le deuxième cadeau qui se trouvait dans la boîte, était un coffret rectangulaire qui faisait peut-être vingt centimètres de long, sculpté dans un bois lourd de couleur acajou. Il y'avaient de belles gravures faites sur le côté, et une colombe sur le dessus. Le regard humide, Alexandra parcourut les gravures avec ses doigts toujours vibrants d'émotions. Elle était sur le point de l'ouvrir quand Christopher posa délicatement sa main sur la sienne pour arrêter son geste.
- Tu ne peux pas l'ouvrir pour le moment. Elle n'est pas verrouillée, mais je veux que tu me promettes d'attendre.
Qu'est-ce que je dois attendre ?
- Saches avant tout que je ne t’y contrains pas, elle est à toi, et tu la rangeras où tu veux, mais j’aimerais que tu n’ouvres cette boîte, que lorsque tu parleras de nouveau. Cependant, si tu sais que tu ne pourras pas tenir une telle promesse, alors tu peux y aller, et l'ouvrir dès maintenant. Rien ne t'oblige à attendre.
Voilà ce qui s'appelle être prit entre le marteau et l'enclume. Cette boîte sera constamment déverrouillée et mise à ma portée, mais j’avais le choix entre soit regarder tout de suite ce qu’elle contient, soit attendre de me remettre à parler avant de le faire, et Angel préfèrerait la deuxième option. Et si jamais je ne parle plus jamais ? Cela voudrait dire que je ne saurais jamais ce qu'elle recèle comme trésor.
Donc la question est, est-ce que je me sens capable de retrouver l'usage de la parole avant de mourir de vieillesse ? Et la réponse à cette question a un million de dollars, est que je n'en sais absolument rien.
- Alors tu préfères l'ouvrir maintenant ?
Sans essayer de continuer à résoudre la probabilité que je parle avant de mourir dans ma tête, je lui répondis par la négative, avant de me pencher sur ma table de chevet pour retirer une enveloppe qui se trouvait dans mon tiroir, de mon côté du lit. Je rangeai la boîte à cet endroit, et je remis l'enveloppe à Angel avant de ne plus pouvoir le faire. Il me regarda longuement, et tout comme moi il y a quelques minutes, il avait la même étincelle de joie et de surprise dans le regard.
- Je peux ? me demanda-t-il avec la même expression qu'à un enfant jour de neige.
D'un mouvement hésitant et gêné, Alexandra lui donna la permission de regarder le cadeau qu'elle semblait hésiter à lui remettre. Christopher avait déjà reçu tous types de présents les uns tous plus chers que les autres. Mais c'était la première fois qu'on lui offrait un cadeau qui ne s'achetait pas dans une boutique Cartier ou Armani.
Avec un calme superficiel, je récupérai la lettre qui se trouvait à l'intérieur, puis je lançai un dernier regard vers une Alexandra des plus anxieuse avant de déplier le mot qu'elle m'avait écrit.
Si tu lis ces mots, c'est que j'ai finalement eu le courage de te les remettre. Si je m’étais écouté je t’aurai sans doute écrit un roman de cinq tomes, mais je me serai perdu, comme c’est souvent le cas quand je fais un truc sans que tu ne m’y aides. Tu vois, ça commence déjà. Bon revenons à l’essentiel, je n'ai jamais eu l'occasion de te dire merci de vive voix pour ce que tu as fait.
Merci d'avoir été là, et de l’être toujours,
Merci d'avoir pris soin de moi, alors que rien ne t'y obligeait.
Merci de m'avoir montrer que la vie ne se résumait pas aux coups, et aux insultes.
Merci d'être l'homme que tu es avec moi.
Merci pour toute la tendresse, la patience, et la parfaite compréhension dont tu me couves.
De par mes choix, je t’ai fait comprendre que je voulais t'appartenir, et aujourd'hui, j’affirme par écrit mon choix, car je ne veux pas que tu te méprennes sur ma résolution d’être tienne corps et âme. Bien évidemment je te serai éternellement reconnaissante pour cette nouvelle vie que tu m’as donnée, en prenant la décision de me laisser entrer dans la tienne, mais sous aucun prétexte, je ne veux que tu penses que je veux être à toi, pour simplement te montrer ma gratitude.
Il est certes indéniable que je ne connais pas tout sur l’amour, voir même rien, en revanche, ce dont je suis certaine, c’est que ce que je ressens quand je suis avec toi n'est pas uniquement de la reconnaissance. Tout comme j’ai la certitude que les sentiments de manque, de souffrance, et de vide profond, que j'éprouve quand tu n'es pas là, ne sont pas seulement dus au fait que je me sois habitué à ta présence. Je n’ai pas non plus besoin d’avoir vécue mille vies, pour comprendre que l’émotion qui brûle en moi, quand je te vois, quand je t’entends, ou même quand je te sens, va au-delà de tout ça. Et si avoir tenu ces neuf longues en enfer, était la seule manière d’attendre pour t'avoir dans ma vie, alors je suis plus que disposée à le refaire.
Je n'ai pas besoin de te dire plus, car je suis certaine qu'avec l'incroyable faculté que tu as pour percer le moindre de mes pensées, tu sais déjà ce que j'ai sur le cœur, et tu sais dorénavant ce que j'ai dans la tête, Christopher Angel...
Mon ange.
Bien à toi, Alexandra,
la femme-enfant qui
n'appartient qu'à toi.
Ses mots étaient simples, mais ils atteignaient Christopher comme jamais quelqu'un ne l'avait fait. Il aurait aimé avoir la même force, mais il avait l'impression que s’il lui disait très clairement ce qui se passait au fond de lui, elle risquait de disparaître sous ses yeux. A la mort de son frère, il s’était juré qu’au grand jamais une personne serait aussi intime avec lui. Il avait tenu bon, mais maintenant elle, elle était là, et avouer à voix haute ses sentiments à son égard, serait comme dire aussi à l'univers qu’il n’avait pas tenue promesse, et qu’il était une fois de plus très vulnérable face à cette malédiction qui semblait poursuivre sa famille.
Au bout d’une minute qui sembla durer des heures, il releva enfin les yeux de la lettre, et surprit Alexandra qui le fixait de ses yeux de biche, avec les traits tendus. Elle attendait qu’il lui dise quelque chose, mais tout comme elle, c'est lui qui avait dorénavant peur de parler. Alexandra pâlissait un peu plus à chaque seconde de silence qu'entretenait Christopher.
Il ne pouvait pas le lui dire pour le moment, mais il pouvait le lui prouver. Il déposa donc la lettre sur le lit et il se rapprocha d'elle afin de lui communiquer dans un baiser langoureux, ce qu’il voulait taire.
- Je sais exactement ce que tu veux dire. Et tu n'imagines même pas à quel point le savoir me ravie le cœur, murmura Christopher sur les lèvres roses de la femme-enfant, avant de la prendre dans ses bras. Alexandra, ma précieuse, souffla-t-il dans les cheveux de celle qui était devenue son bien le plus précieux.
Il s'allongea avec elle, en la tenant si fort contre lui, que la jeune femme comprit les grandes lignes des mots qu'il voulait passer sous silence. Car oui, tout comme lui, elle avait appris à lire au travers de certains mutismes.
Arrêtée au dernier étage, j'effleurais le pendentif du collier que j'avais au cou, en regardant les différents vas et viens des organisateurs d'événements. Ils aménageaient avec vivacité la plus grande pièce de la maison, en vue du dîner qui aurait lieu ce soir au manoir. Il y'a trois jours que Noël était passé, et aujourd'hui Angel organisait une soirée d'un genre tout autre. D'ici quelques heures, cet endroit allait grouiller de personnes habillées, et maquillées comme s’ils se rendaient à un couronnement. Ma présence n'étant pas obligatoire, j'allais sagement rester dans la chambre, jusqu'à ce qu'il finisse. Et très honnêtement je n'avais aucune envie de me retrouver parmi eux. Même l'idée d'avoir autant de personnes pour la plupart inconnues, chez lui, ne ravissait pas Angel. Mais d'après ce que j'ai cru comprendre, cette soirée est une sorte de publicité, et pour le bien-être de son entreprise, il était donc tenu de l'organiser.
Même le jardin avait revêtu ses plus belles couleurs pour accueillir les invités. Les véhicules pour la plupart sombres, se confondaient dans la couleur de la nuit. Seules leurs reluisantes carrosseries brillaient à chaque fois qu'elles passaient près des lumières qui éclairaient l'allée principale. Elles étaient plus luxueuses les unes que les autres, et les propriétaires n'étaient pas en reste. Je n'avais jamais vu un si grand regroupement de véhicules de luxes et de manteaux de fourrures. Absorbée, ce fut le retour d'Angel dans la chambre me retira de ma concentration.
Il était concentré sur les boutons de manchettes de sa chemise. Le sujet de mon ravissement venait donc de changer. Je le trouvais somptueux dans ce smoking noir qui soulignait parfaitement sa belle silhouette virile difficilement contenue. Ses cheveux couleur de jais, étaient lissés sur sa tête, ce qui mettait en évidence ses magnifiques yeux gris acier. Il était digne de faire la couverture des plus grands magazines. La forte aura qui émanait de lui, forçait au respect, rien qu'en regardant le visage fermé qu'il arborait, il était certain qu'avec ces traits-là, personne ne lui adresserait la parole.
- Je descends, mais je ne vais pas tarder. C'est juste le temps de serrer quelques mains hypocrites pour les montrer que je suis toujours vivant et je reviens. Et ne t'en fais pas, personne ne montera jusqu'ici. J'ai interdit aux invités, l'accès à tous les étages.
Il m'embrassa avant de s'en aller.
Quelques minutes après son départ, je parti récupérai un livre à la bibliothèque, afin de ne pas sentir le temps passer en l’attendant. Mais à mon retour, je vis que la porte de mon ancienne chambre ouverte, et la lumière allumée.
C'est certainement Angel qui me cherche. Il a vraiment fait vite, même s’il ne s'agissait que de simples salutations.
Je m'apprêtais à y pénétrer, quand je tombai nez à nez avec Monica. Ou plus précisément, je tombai nez à nez avec les seins de Monica. Et comme à son habitude, elle était trop maquillée, à mon gout. Ses lèvres ressemblaient à un pot de peinture. Quanta ses vêtements, et bien là aussi elle n'avait rien changé, j'avais même l'impression qu'ils avaient rétrécie d'en haut durant leur lavage. Elle revêtait une longue robe en satin de couleur grise. Et si les bretelles ne servaient pas à couvrir ses tétons je l'aurais trouvée jolie sur elle.
- Bonsoir, c'est toi que je cherchais, me dit-elle en minaudant.
Qu'est-ce qu'elle me veut encore?
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