CHAPITRE XXIX
- Qu'est-ce que tu fais dans un endroit comme celui-ci ?
Pourquoi fallait-il que ma route recroise celle de cette peste de Monica encore une fois ? Pourquoi tant de malchance ?
- Tu n'as toujours pas récupéré ta langue ?
Monica est la seule personne que je connaisse qui soit capable de trouver des poux sur un crâne rasé.
- N'as-tu pas remarqué que tu n'avais pas le dress-code pour être dans un restaurant tel que celui-ci ?
Toi tu as le dress-code pour travailler dans un striptease, mais je ne le crie pas sur tous les toits.
Cette femme me faisait sortir de mes gonds au sens propre du terme. Elle se pavanait devant moi dans ses vêtements trop court et très ouvert à divers endroits, avec un regard toujours aussi hautain. Elle n'avait pas changé d'un pouce, et mon antipathie naturelle à son égard n'avais pas non plus disparu. Rien que de regarder son visage barbouillé de plusieurs tonnes de maquillage, me mettait dans une rage profonde.
- Ne me dis pas que notre ami commun s'est déjà lassé de toi, me dit-elle avec un immense sourire
Je vais la tuer...
- Tu vois, je t'avais bien dit que ça n'allait pas durer avec lui. Vous ne jouez pas dans la même catégorie, et tu n'es pas taillée pour pouvoir combler un homme tel que lui. Mais vu que cette nouvelle me met dans une excellente humeur, je vais te donner quelques petits conseils pour ta prochaine prise.
Je vais trucider cette peste.
- D'abord changer de lentilles de couleurs, car celles-ci ne sont pas fameuses. Ensuite, faire un régime alimentaire pour enlever le surplus de graisse dispersé un peu partout sur tes hanches et sur tes fesses. Et pour finir, il faudrait que tu prennes rendez-vous avec un coiffeur, pour qu'il essaie de voir ce qu'il peut faire avec la touffe de poiles que tu as sur la tête.
Si elle savait que j'avais déjà tué, elle allait trier avec grand soin ses mots quand elle s’adresse à moi.
Elle me toisa un bout de temps avant de remuer la tête de gauche à droite avec dégout et mépris.
- Non, à bien y réfléchir, laisse tomber, même avec tout ça, je crois que ça ne marchera pas.
Je resserrais ma prise sur la nappe de table, afin de ne pas me laisser aller à mes pulsions meurtrières. Mes dents étaient tellement encastrées les unes dans les autres, que j'avais l'impression qu'ils allaient se briser d'une minute à l'autre.
C'est elle qui ose me donner des conseils alors qu'elle ressemblait plus à une voiture volée qu'à autre chose ?
Elle balaya par la suite la table du regard, en constatant qu'il y'avait en face de moi, une tasse encore fumante, d'un café à peine entamée, et un sourire des plus sadique éclaira son visage de mégère.
- Oh je vois. On peut dire que tu ne perds pas de temps toi. Mais après tout, c'est tout ce qu'on pouvait attendre d'une fille comme toi.
Mon vase venait de déborder. Elle me traitait de salope une fois de plus.
Je me relevai brutalement de ma chaise, pour lui faire face, puis je saisie mon verre de jus d'orange et le lui renversai en pleine figure. Ses traits se déformèrent, la bouche ouverte comme celui d'un poisson hors de l'eau, elle me fusillait du regard. Je revis la même Monica, que le jour où je l'avais giflé. Elle était devenue dégoutante, son maquillage coulait de partout en noircissant son visage, son chemisier blanc était mouillé. Et grâce à son décolleté plongeant, sa poitrine était également recouverte de pulpe d'orange.
Pourquoi fallait-il qu'il y ait toujours des effusions de colères à chacune de nos rencontres ?
Tous les bruits de fond d'assiettes, et de bavardage s'étaient tu, et tous les regards étaient redirigés vers nous. Avec leur visages ahuris, et hautains, je compris que ces gens avaient l’air de ne pas être habituée aux scandales dans les lieux publics, mais je n'avais pas du tout honte, c'était même tout le contraire, je me sentais atrocement bien, soulagée même. Et c'est durant cet instant de silence mortuaire qu'Angel choisit pour faire son retour.
- Tu as finis mon ange, me demanda t'il le plus calmement du monde.
J'acquiesçai lentement de la tête, il se comporta comme si nous étions seulement tous les deux à cette table, me prit par la main et nous nous dirigeâmes vers la sortie sous un silence pesant. Il n'adressa aucun mot, ni aucun regard à Monica et cela accentua mon bonheur au point que je ne pu retenir un léger sourire de triomphe. Arrivé à la voiture que venait de faire avancer le voiturier, il m'ouvrit la portière, je m'installai en le laissant le soin de boucler ma ceinture. Cette tâche achevée, il s'attarda sur mon visage, et avec un de ses sourires en coin qui me faisait fondre, il me caressa la joue.
- Moi, je te trouve magnifique... Alexandra ma féline, murmura-t-il en m'embrassant au coin de la bouche.
Oh mon Dieu, il avait assisté à toute la scène.
Il sourit à pleine dent en remarquant ma gêne, puis referma la portière.
Au bout d'un quart d'heure de route, il parqua l'automobile sur un parking ouvert, et se retourna vers moi.
- Ça te dit de faire une balade avec moi ?
Et comme je m’y attendais, je fis oui de la tête. Avec lui je pouvais aller n’importe ou sans craindre pour ma sécurité. La force de sa présence arrivait à mettre sous clé toutes mes craintes, il brisait toutes mes barrières et réticences pour que je ne garde que l’essentiel : avec lui rien ne m’arriverait jamais…
Paume contre paume, on déambulait donc sans but précis dans les rues. Je regardais les innombrables boutiques de vêtements, de bijoux, les salons de coiffure ainsi que les pâtisseries. L'air était doux, et le soleil préparait sa descente prochaine. Mon esprit était vide de toutes pensées, si ce n'est celles relatives à cet instant que je vivais. Même le comportement de cochon de cette folle hystérique de Monica me passait par-dessus la tête.
Subitement, Christopher s’arrêta avant de m'entraîner à vive allure dans une boutique de peluche qui se trouvait de l'autre côté de la rue. L'endroit regorgeait de peluches de tous types, de toutes tailles et de toutes les couleurs possibles. Je le suivais dans les rayons en lançant des regards haineux aux vendeuses qui le regardaient avec concupiscence. Si la gente féminine allait à chaque fois le manger du regard à chacune de nos sorties, je préfèrerais encore le garder constamment à la maison. Ça m'éviterait d'en attaquer une par accident.
C'était une belle boutique, mais je ne comprenais pas la raison de notre présence.
Angel devait chercher un cadeau pour un enfant. Peut-être le sien, c’est vrai que je ne savais rien de lui. Et s'il y'avait un enfant, c'est qu'il y avait une femme qui voudrait tout faire pour le récupérer. Il faudrait être folle pour laisser un homme comme lui partir sans se battre.
- Alexandra ? Qu'est-ce que tu penses de celui-ci ?
les mains dans le dos, je dandinais sur place en relevant vers lui des yeux tristes, que je voulais néanmoins rendre joyeux. L'ours en peluche qu'il tenait était d'un blanc à vous faire mal aux yeux. Il atteignait facilement un mètre de long, sans même parler de la largeur. Cet ours était si grand, que je pouvais me coucher dessus si jamais je le voulais. Il était magnifique.
Le regard joyeux d'Angel mua en un regard sérieux et scrutateur.
- Tu ne le veux pas ?
Moi ?
- Vu que tu n'as rien gagné comme prix au parc d'attraction, j'ai pensé te l'offrir pour pallier à cette série de défaite. Mais si celui-ci ne te plaît pas, tu peux toujours en choisir un autre, ajouta Angel en voulant redéposer l'ours géant, que je rattrapai au vol. Tout ce qu’il m'offrait était parfait. Angel est parfait.
Son nouveau présent était si grand et gros, qu’Alexandra parvenait à peine en faire le tour avec ses deux bras. Elle était au comble du bonheur. Christopher avait voulu le faire livrer à la maison, mais elle avait mis son véto à cette décision, voilà donc pourquoi elle se baladait dans la rue, avec une peluche que l'on voyait depuis l'espace, et un sourire nias aux lèvres. Les passants s'écartaient à son passage, et même sans le voir, Alexandra sentait leurs regards persistant sur elle, mais elle était trop shootée au bonheur pour pouvoir éprouver la moindre particule de honte. Elle était dans un autre espace-temps. Un monde où régnait une sérénité totale, avec lui comme seule présence. En quelques heures, Christopher l'avait plongée dans un lieu, où il n'y avait que rire de joie et euphorie. Il allait s’en dire qu’elle craignait cette sortie, mais lui, il avait fait de ce moment le plus beau qu’elle n’avait jamais eu en près de dix ans. Il l'avait mise en face d'une de ses peurs, en lui apprenant qu’elle pouvait la transformer en instants de pure beauté. Il l'avait distraite pour qu’elle ne pense qu'à s'amuser, et à ainsi relâcher la pression. À aucun moment il ne lui avait lâchée la main. Il était présent pour elle, comme il le lui avait promis.
Soudain, Alexandra fut happée par une joie, et un bien-être qu’elle n'avait jamais ressenti. Le bonheur, au lieu de seulement l'entourer, jaillissait et coulait littéralement en moi. Frappée par ce grand trouble émotionnel, la jeune femme à la longue tresse rouge s'immobilisai sur le champ. Christopher cessa de pianoter sur son téléphone et le rangea dans sa poche en dardant sur elle un regard d'incompréhension, tandis que ses yeux lui criaient qu’elle allait bientôt pleurer, mais cette fois-ci, elle allait verser des larmes d'espoir. Les écluses venaient de cédés, et Alexandra sentait qu’elle pouvait maintenant s'autoriser à être heureuse, sans avoir peur que tout s'arrête d'un instant à l'autre.
- Pourquoi tu pleures ? Tu ne veux pas être ici ? me questionna Angel peiné.
Oh Angel, si seulement tu savais...
Pour seule réponse, je me rapprochai de lui, et mis ma peluche à nos pieds pour le prendre dans mes bras. J'entendais son cœur battre très vite, et ce son parlait un langage que je pouvais comprendre.
Je pouvais lui faire confiance pour être là.
- Je suis content que cette journée t’ai plu mon ange.
L'arrivée d'une voiture ressemblant à la nôtre, vînt briser la bulle dans laquelle nous étions immergés, et c'est telle une automate, que je suivie Angel jusqu'à elle. Un des quatre hommes de ce matin, en ressortit, remis la clé à Angel, et se retourna pour s'en aller sans un mot, vers une autre voiture qui l'attendait de l'autre côté du trottoir.
Christopher reprit le volant du véhicule, avec Alexandra à ses côtés. Et tout comme à l'allée, elle se laissa attirer par le doux appel du sommeil. Elle ne revint partiellement à elle que lorsqu’elle sentit son dos reposer doucement contre le lit douillet de sa chambre.
- Si seulement tu me laissais vraiment prendre soin de toi Alexandra, déclara Christopher d'une voix basse et triste qu’elle ne lui connaissait pas. Elle voulut lui répondre, mais sa fatigue remporta la bataille pour son corps, et elle sombra alors dans un sommeil profond, peuplé des regards brûlants appartenant à une certaine personne aux yeux gris.
Une envie pressante la poussa hors du doux confort de son lit. Assise sur la lunette des toilettes, Alexandra pesait le pour et le contre, entre prendre une douche, ou alors retourner se coucher et le faire demain. Après de longs pourparlers avec elle-même, elle tira finalement la chasse d'eau, convaincue du bien-fondé de son premier choix. Sa tresse retenue dans une main, elle se savonnait le corps de l'autre, en repensant à chaque détail de cette journée. Et même une fois revêtu de l'énorme t-shirt de Christopher, elle ne pouvait se départir de cette joie qui se faisait de plus en plus présente. Seule l'énorme ours sur son lit était la preuve vivante qu’elle n'avait pas rêvée.
Aujourd'hui, elle s’était sentie revenir à la vie, et protégée. Elle savait maintenant le goût qu'avait la vie à ses côtés, et elle ne voulait pas revenir au moment où ils jouaient au chat et à la souris. Trop fade. Christopher savait presque tout de son passé tumultueux mais il était là, et elle aimait plus que tout la sensation d'être lové dans ses bras. Elle aimait sa façon de l'embrasser et cette manière dont il avait de la regarder comme si elle était la chose la plus importante au monde. Et même s’il régissait chaque aspect de sa vie, elle se sentait néanmoins libre. Elle était libre dans sa soumission car c’était elle qui avait décidé de s'en remettre à lui.
La réponse à mes questions s'imposait doucement à moi. Cette journée était tout ce dont j'avais besoin pour pouvoir mettre de côté mes peurs afin de voir la vérité. J’étais la mieux placée pour savoir que rien dans la vie n'était acquis. Du jour au lendemain on pouvait tout perdre et se retrouver plus bas que terre. Mais cette incertitude ne devait pas alimenter ma peur de vivre, ni être un frein à mon bonheur. Quelles difficultés seraient à même de me faire souffrir encore plus que je ne l'ai été en dix ans ? Et un bonheur, vrai, même court, ne valait-il pas mieux que pas de bonheur du tout ? Et Angel était celui qui me rendait heureuse.
Aujourd'hui j'avais vu un échantillon assez important d'hommes, mais aucun ne me mettait dans l'état dans lequel Angel me mettais en étant uniquement dans la même pièce que moi. Et aucun d'entre eux, n’était à mes yeux plus beau et plus sexy que mon Angel. Tout ce que je voulais, était couché à quelques pas de ma porte, et c'est tout ce que j'ai besoin de savoir, le reste n'avait pas d'importance. J'ai une totale confiance en Angel, et je veux être à lui, dans tous les sens du terme. Je veux de lui, et je n'imagine pas ma vie sans lui. Je veux qu'il soit à moi et j'ai besoin de lui appartenir.
Cette conclusion me fit quitter les bras moelleux de mon doudou géant aux poils doux, pour la chambre d'Angel. Je voulais ses bras à lui. Les doigts tremblant et le cœur battant à mille à l'heure, je me tenais anxieuse derrière sa porte. Et si jamais sa proposition n'était plus à l'ordre du jour ?
Tu aurais dû y penser avant de courir comme une idiote jusque devant sa porte, me cria une voix en moi.
Non, il avait dit que j'avais tout le temps pour lui donner une réponse. Et que je devrais lui faire part de ma décision, d'ailleurs en y pensant bien, comment j’allais faire pour le lui faire comprendre ? Peut-être que je devrais attendre de trouver un moyen avant d'y aller.
L'estomac noué, je diminuai ma pression sur la poignée de la porte. Ma peur devenait de plus en plus forte. Non !
La peur de vivre ne doit pas entraver mon bonheur.
La peur de vivre ne doit pas entraver mon bonheur.
La peur de vivre ne doit pas entraver mon bonheur.
La peur de vivre ne doit pas entraver mon bonheur.
Aidée par ce mantra, et poussée par le peu de confiance en elle qu’elle avait cumulé depuis son arrivée dans cette maison, Alexandra ouvrit la porte avec vivacité. La chambre silencieuse, était plongée dans l'obscurité la plus totale, et regarder ce gouffre de noirceur la ramenait à plusieurs mois en arrière. De son passé particulier elle avait héritée de la peur de l'obscurité, mais ce n'était pas le moment de la subir. Elle devait le voir ce soir par peur de ne plus avoir plus ni courage, ni volonté de le faire un autre jour. Les poings serrés, elle franchit le seuil.
Une agréable fraîcheur émanait des lieux, mais ça ne refroidissait pas son corps qui avait soudainement chaud. Très chaud même. Il y’avait son odeur partout. À tâtons, et les doigts toujours tremblants comme des feuilles, elle trouva l'interrupteur, et la lumière fût. D'un pas hésitant elle s’avança alors vers l’énorme lit de Christopher, en constatant avec tristesse et soulagement qu'il n'y était pas.
Le fait que je ne l'ai pas trouvé ici est peut-être le signe que je devais rien tenter.
- Alexandra ?
Et ça, c’était le signe pour faire quoi Alexandra ? Railla une petite voix dans ma tête.
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