CHAPITRE X
Mais qu'est-ce qui se passe ici ? se demanda Christopher en sentant la lourde ambiance qui régnait dans la chambre d'Alexandra.
Quand ses yeux remarquèrent par la suite l'immense brasier de peur profonde qui luisait dans le regard de la jeune femme, il ne put se retenir d'approcher d'un air sombrement menaçant la troisième personne présente dans la pièce.
- Qu'est-ce-que vous êtes en train de lui faire ? cracha le maître des lieux, en colère que l'infirmier ait pu tenter quelque chose.
Ce dernier blêmit, en essuyant la fine pellicule de chaleur qui glissait le long de sa tempe.
- Je ne lui ai rien fait Monsieur. J'essayais de lui retirer l'aiguille du bras, mais elle refuse que je l'approche rétorqua l'infirmier tout juste avant de voir le verre vide d'eau voler non loin de son visage.
- Je vais m'en occuper. Le docteur Barnes arrive dans quelques heures. Il va se charger de l'examiner. Termina Christopher d'une voix aussi glaciale que l'était le regard qu'il portait à l'infirmier.
N'en n'espérant pas plus, Paul ressorti pendant que Christopher marchait jusqu'au pied d'un lit désordonné.
Se tenant difficilement dans la position assise, Alexandra avait la tresse qui trainait sur le lit à côté d'elle d'où plusieurs mèches folles s'en échappaient, elle ressemblait à une sauvageonne. Ses lèvres tremblantes, étaient entre-ouvertes pour laisser passer l'air qui faisait soulever sa poitrine dans un rythme accéléré. Et ses magnifiques yeux étaient semblables à ceux d'une biche apeurée.
Elle était magnifique.
- Calmez-vous Alexandra, commençais-je doucement. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne vous veux aucun mal. Si je ne me préoccupais pas de votre bien-être je ne vous aurais ni ramené, ni faites soigner.
Je lui parlais comme a une enfant, et elle m'écoutait hésitante. Voyant de par sa respiration qu'elle se calmait, je me permis d'approcher encore plus près d'elle, les mains levées devant moi comme pour prouver de ma bonne foi.
- Je veux juste retirer l'aiguille que vous avez au bras.
Elle baissa ses yeux vers l'aiguille comme pour vérifier que ce que j'avançais était vrai, avant de me laisser venir. Avec douceur, je retirai lentement le métal planté dans son bras à la couleur diaphane, avant de l'aider à se remettre normalement sur le lit.
- M'entendez-vous, et me comprenez-vous quand je vous parle ? Entama-t-il d'une voix neutre en retournant s'asseoir sur le siège qu'il avait laissé vide quelques temps plus tôt.
Qu'est-ce je fais ? Je lui fais comprendre que c'est le cas, ou bien je continue de jouer mon rôle de sourd-muet grandeur nature.
En silence, je pesai le pour et le contre, puis au bout d'un certain temps je me décidai à lui répondre en agitant la tête de haut en bas.
- Et est-ce que vous pouvez me parler ?
Là, c'était toute autre chose. Car même si j'en étais capable, je n'étais par contre pas pour autant sûre de savoir encore comment le faire.
C'est donc sans surprise que je le vis froncer ses sourcils d'incompréhension quand je fit distinctement oui, puis non, de la tête.
- Si je comprends bien, reprit Christopher au bout d'une minute, vous pouvez, et ne pouvez pas parler à la fois ?
Alexandra lui fît un signe affirmatif les yeux baissés.
Un long silence s'installa entre eux avant qu'elle ne l'entende se lever de la chaise.
- Je vais vous laisser. Tachez de vous reposer, vous en avez besoin.
Sans chercher à savoir si c'est ce qu'elle voulait, Christopher l'obligea à quitter la position assise dans laquelle il l'avait mise, et remonta la couverture sur elle.
En rabattant la porte sur la jeune femme aux mille mystères, Christopher était encore plus perdu qu'avant.
De retour dans son bureau, c'est en vain qu'il essayait de finaliser la lecture de certains contrats, quand Léa l'informa de l'arrivée de Barnes.
- Je vous préviens avant qu'on n'entre la voir, qu'elle est un peu farouche.
- Je comprends. Répondit le médecin en suivant Christopher dans la chambre.
- Alexandra ? Appela Christopher en entrant, avant de s'apercevoir qu'elle s'était rendormie.
Il se dirigea alors au plus près d'elle en réitérant son appelle. C'est là qu'il se rendit compte que la jeune femme avait le visage en sueur, et crispé de peur, jusqu'en avoir les ongles qui s'enfonçaient sur le couvre-lit.
- Alexandra reprit-il dans un doux murmure en lui effleurant instinctivement une joue qui était dorénavant humide de larmes.
À ce contact, elle ouvrit instantanément les yeux apeurés, le souffle court et en frissonnant.
- Calmez-vous, ce n'est que moi, Christopher.
Angel... remarqua Alexandra en laissant échapper un soupir de soulagement.
- Vous allez bien ?
Elle regarda autour d'elle avant d'acquiescer positivement. Christopher la regarda d'un air dubitatif puis se retourna vers le vieux médecin arrêté derrière lui. Ce n'était pas le moment pour des confessions entre eux, et il le savait.
- Je vous présente le docteur Barnes, c'est me médecin qui s'est occupé de vous. Il est là pour voir si tout va comme il le faudrait.
Après un coup d'œil vers Christopher, Alexandra le laissa venir.
Se tenant au-dessus de la jeune femme, Christopher croisa les bras pour cacher les poings qu'il serrait fermement.
Il voyait bien qu'à chaque touché du médecin, Alexandra serrait les dents en crispant son visage comme si elle souffrait au-delà du raisonnable. Il était sur le point de mettre fin à cette visite médicale, quand le docteur Barnes lui signifia qu'il avait fini. Pour ne pas effrayer Alexandra avec les termes du médecin, Christopher préféra le conduire dans son bureau pour lui poser la question qui lui brulait les lèvres.
- Comment va-t-elle ?
- Son état s'améliore, ses hématomes sont déjà en train de se résorber, et elle reprend des couleurs. Chose qui est une bonne nouvelle.
- Et pour ce qui est des séquelles qu'elle pourrait avoir ?
- Monsieur Walstein, cette jeune femme est un nid à séquelles, séquelles qu'elle pourrait probablement garder jusqu'à la fin de sa vie. J'ai pour ma part, pris soin de ses blessures physiques, et sur ce plan tout va bien. D'ici quelques semaines il n'y paraitra plus rien. Cependant, pour ce qui est du mental, il faudra qu'elle consulte un spécialiste en la matière.
- Je vois murmura Christopher d'une voix qui masquait à peine sa colère.
- Je vous ai ramené des analgésiques et vitamines qu'elle devra prendre par intervalles réguliers, ainsi que des crèmes cicatrisantes. Les posologies sont marquées sur les ordonnances que voici. Il faudrait palier à sa malnutrition, pour cela j'aurais si possible, besoin de parler à votre cuisinier pour lui donner des instructions sur son régime alimentaire. Et vous devrez vous assurer qu'elle s'hydrate beaucoup, et lui faire également prendre des légers bains de soleil au moins une fois par jours.
- Je vais m'assurer personnellement du bon suivi de vos consignes. Fit-il en décrochant la ligne fixe pour contacter Léa afin de lui demander de monter mettre de l'ordre dans la chambre d'Alexandra et d'envoyer le chef cuisinier dans son bureau.
Pendant que je continuais de discuter avec Barnes, des coups à la porte m'annoncèrent de l'arrivée du chef cuisinier.
- Entrez.
- Bonjour Monsieur, vous m'avez fait appeler ?
- Oui. Barnes voudrait aborder avec vous du régime alimentaire de mon invitée. Sur ceux, je vous laisse discuter. Docteur, se fut un plaisir de vous voir, terminais-je en serrant la main du médecin avant de retourner presqu'en courant dans la chambre d'Alexandra.
Dans le couloir menant à la chambre de celle qui ne cessait de m'attirer, je vîs Léa arrêtée face à la porte.
- Que faite vous là ? je vous ai demandé de remettre de l'ordre dans cette chambre.
- La jeune femme m'en interdit l'accès.
À ce que je vois, la scène de ce matin se reproduit. Songeais-je en me saisissant de la poignée.
En ouvrant la porte, j'eu juste le temps de me baisser avant que l'oreiller lancé par Alexandra ne me passe par-dessus la tête. Mais Léa n'avait pas eu cette chance, et reçu donc le coussin en pleine face.
- Alexandra ! grondais-je
Mais en voyant la peur se rependre dans ses magnifiques yeux, je regrettai bien vite le ton sec que j'avais employé. Ne pouvant supporter d'être la raison de cette sombre émotion que je voyais, je quittai précipitamment la pièce, avant d'y revenir quelques heures plus tard avec un plateau-repas. Je ne savais pas trop quoi faire. Sans un mot donc, je l'aidai à s'asseoir, et déposai le repas sur ses cuisses, puis je me remis sur ce siège qui me connaissait bien depuis le temps.
- Mangez.
La tête baissée par crainte de représailles, Alexandra fit la seule chose qu'elle faisait quand elle avait peur, elle s'immobilisa en se retenant presque de respirer.
- Il vous faut récupérer vos forces si vous voulez guérir, pour cela il vous faut manger et prendre vos médicaments Alexandra. Reprit Christopher afin de la convaincre, mais elle ne bougea pas. Il ne savait plus quoi dire. Jamais il n'a eu prendre en compte ce genre de réaction chez une femme. Alors avec le peu de vestige de douceur qu'il lui restait encore en stocke, Christopher ajouta ceci :
- Je suis désolé pour le ton que j'ai employé.
C'est alors que de sa main valide, Alexandra souleva difficilement la cuillère avant de la laisser tomber dans le plat en créant des éclaboussures de soupe tout autour. Une vague de frisson de peur s'empara d'elle.
Et s'il me bat ?
Quand elle entendit Christopher se lever de sa chaise, son cœur se mit à battre plus que de raison et elle ferma les yeux en attendant. Mais il se contenta de s'asseoir à sa hauteur.
- Je ne vais rien vous faire Alexandra. Vous pouvez donc ouvrir les yeux. Lui dit-il d'une voix rassurante.
Christopher prit la serviette de table, nettoya les éclaboussures, avant de prendre une cuillérée de soupe. Telle une brise, il souffla légèrement dessus, et la tendit à Alexandra.
La cuillère se tenant devant ses lèvres scellées, Alexandra encra son regard dans celui de Christopher, comme pour y voir quelque chose qui pourrait la pousser à ouvrir la bouche, mais les traits de son visage restaient impassibles. Après une dernière hésitation, elle entrouvrit timidement la bouche pour recevoir son repas.
Concentré, Christopher ne parlait pas, ne la regardait pas d'une manière particulière, et encore moins il ne la jugeait. Quand il eut fini de la faire manger, il attrapa les boites de médicaments qu'il avait amenées, en sorti un comprimé de chaque, et les tendit à Alexandra.
- Ce sont là les médicaments que le médecin vous a prescrit. Vous devez prendre un comprimé de chaque, une fois par jour.
Et cette fois-ci quand Christopher approcha la main de sa bouche, c'est avec une certaine dose de confiance qu'elle l'ouvrit afin de lui permettre de déposer un à un les cachets sur sa langue, avant de porter le verre d'eau à ses lèvres. La tête basculée en arrière, elle avala le tout puis remit ses yeux dans ceux de Christopher.
Pourquoi faisait-il tout ça pour moi ?
- Je sais que c'est encore un peu tôt, mais le docteur Barnes préconise que vous consultiez un psychologue. Lâcha-t-il brusquement ne sachant pas quoi d'autre lui dire.
Alexandra eut un mouvement de recul.
- Ne vous inquiétez pas vous le ferez quand vous serez prête.
Les yeux sur son attelles au poignet, le temps passait doucement, et Alexandra sentait les effets apaisant des cachets qu'elle venait de prendre, se mêler à ceux entraînés par la grande quantité de nourriture à laquelle elle avait eut droit. La fatigue remonta en elle une fois de plus, et elle luttait pour ne pas fermer les yeux et s'endormir, encore.
Elle en avait mangé bien plus qu'il ne le fallait, mais étant donné qu'elle ne savait comment dire qu'elle était rassasiée à un homme comme lui, elle s'était contenté de tout avaler.
- Vous voulez aller aux toilettes ? Demanda Christopher en la sortant de sa petite phase de somnolence.
Elle fît non de la tête, mais elle mentait. Elle ne se souvenait plus de la dernière fois où elle avait autant bu, où même autant manger. Mais les vieux réflexes avaient la vie dure, et la jeune femme estimait qu'il n'était pas le moment pour elle d'aller aux toilettes.
- Quand vous en aurez besoin, décrocher votre téléphone de chevet, puis composer la touche 1 ou 2 et vous m'aurez en ligne. Vous n'aurez pas besoin de parler, je saurais que c'est vous par votre silence.
Christopher se leva et la força à se rallonger avant de partir en direction de la porte avec le plateau qu'il avait amené.
En silence elle le regarda partir, partagée entre le manque, et le plaisir de retrouver cette solitude qu'elle connaissait si bien. Mais quand Christopher atteignit la porte, une autre peur s'empara d'elle, celle de se retrouver dans l'obscurité, même la plus petite.
Faîtes qu'il n'éteigne pas la lumière, Faîtes qu'il n'éteigne pas la lumière.
Je ne veux pas me retrouver dans le noir encore.
Et comme s'il l'avait entendu, Christopher laissa la lumière allumée dans la chambre avant de partir rejoindre son bureau pour essayer de travailler un peu sur ses dossiers délaissés.
Au moment où il éteignit la lumière de son bureau pour aller se coucher, la lune était déjà très haute dans le ciel. En passant devant la chambre de son invitée, il entendit grâce à la porte entrebâillée, de faibles gémissements qui en sortait. Il se précipita à l'intérieur, du regard il cherchait sur le lit sans l'y voir. Anxieux, il en fît le tour pour vérifier dans la salle de bain, quand il la surprit étendue comme une crêpe sur le sol, à côté de la porte des toilettes.
- Mais qu'est-ce que vous faites, vous savez bien que vous ne pouvez pas encore marcher !
Elle sursauta avant de tourner la tête vers lui.
- Vous vouliez aller aux toilettes ?
Alexandra se contenta de baisser les yeux effrayée et honteuse.
- Je suppose que c'est un oui. Affirma-t-il pour lui-même avant de la soulever en lui dérobant au passage un hoquet de surprise.
Je serai derrière la porte. Quand vous aurez fini, faites du bruit pour que je vienne vous ramener dans votre lit.
Désormais assise toute seule dans cette immense salle de bain, à la luxueuse décoration, avec son bras sous attèle, Alexandra eût tous les problèmes du monde pour baisser son pantalon trop grand et trop lourd pour elle.
Une fois fini, elle le remit tant bien que mal. Et sans pour autant se lever totalement, elle abaissa la lunette, puis tira la chasse d'eau en se demandant toujours comment faire pour rejoindre la chambre quand Christopher ouvrit la porte en la faisant sursauter. Sans préambule, il vint la soulever et la ramena sur le lit avant de sortir de la pièce et tout cela sans un mot, comme si ce qu'il faisait eu été tout à fait habituel.
Cette nuit-là, tout seul dans son lit, il dû s'efforcer de trouver le sommeil sans elle. Il s'était habitué en seulement deux jours, à sa présence, à sa chaleur, ainsi qu'au léger bruit de son souffle quand elle respirait. Mais maintenant, il devrait réapprendre à s'endormir seul, et surtout faire face à ses peurs.
Le temps courait, mais il n'y arrivait pas, alors, beaucoup plus tôt que d'habitude, Christopher céda face à son envie d'aller la voir. En ouvrant la porte de sa chambre, il se rendit compte une fois de plus qu'elle n'était plus dans son lit.
Ne me dites pas qu'elle a encore essayée d'aller aux toilettes toute seule. S'irrita-t-il en faisant le tour du lit pour aller la chercher, quand il l'a vit sur le marbre, endormie, recroquevillée sur elle-même.
Intrigué par ce qu'il ressentait, et fasciné par ce qu'il voyait, Christopher passa quelques minutes arrêté au dessus d'elle, à la regarder dormir avant de la remettre doucement dans son lit.
Elle a l'air si fragile. Pensa-t-il en s'installant à son tour près d'elle, bien décidé à dormir une nuit de plus avec son attrape-rêve.
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