CHAPITRE VI
Il était plus de trois heures du matin quand le bruit sec du téléphone retentit en brisant le silence qui régnait dans la chambre de Christopher.
Après avoir laissé échapper un grognement, il se tendit le bras pour décrocher avant que la troisième sonnerie ne se meure.
— Qu’est-ce qui se passe demanda-t-il la voix dure encore embrumée de sommeil.
Il savait que si son téléphone sonnait aussi tard c’est que quelqu’un avait merdé. Après quelques secondes à écouter son interlocuteur, Christopher se redressa de tout son séant encore plus irrité par ce qu’il entendait.
— Bien, organisez une réunion avec toutes les directions concernées. J’arrive dans 30 minutes. Je veux aussi que vous y incluiez mes avocats et que vous fassiez venir mon assistante et envoyez-moi le pilote, je viendrai en hélicoptère. Puis il raccrocha sans ménagement Christopher se leva de son lit bien réveillé à présent, et prêt à faire tomber des têtes.
— Comment ils avaient pu laisser un truc comme ça arriver ? Dit-il entre ses dents en s’enrageant encore plus contre son personnel ?
Je venais de finir de prendre ma douche froide en exprès quand le téléphone retentit une fois de plus.
Je décrochai en mettant le haut-parleur pour pouvoir m’habiller en même temps.
— Bonjour Monsieur entama la voix rocailleuse de Weller, il était le chef de sécurité de mes entreprises.
— Nous l’avons retrouvé, il était en route pour l’aéroport.
— Avait-il réussi à faire la transaction ? demandai-je en retenant ma respiration ?
— Non-Monsieur, la rencontre devait avoir lieu en Suisse et il était entrain de faire sa valise pour s’y rendre avant que nous l’arrêtions.
— Faite revenir l’échantillon et assurer vous d’obtenir de lui toutes les informations nécessaires, notamment sur les commanditaires et trouver lui une prison au fin fond du Mexique où il n’y aura personne pour profiter des informations dont il a pu avoir pris connaissance chez nous.
— Très bien Monsieur.
J’étais encore entrain de m’habiller quand on toqua à la porte de ma chambre.
— Entrez dis-je abruptement en me dirigeant dans l’antichambre ma veste en main.
Il s’agissait de Martha. Ma gouvernante, c’était une petite femme rousse, svelte d’environ une quarantaine d’années et qui travaillait pour moi depuis bientôt 6 ans. Elle avait un regard, et une prestance vive, et maternelle qui lui permettait de s’imposer facilement auprès des autres employés.
— Monsieur, votre pilote vient d’atterrir dit-elle de sa voix douce, en venant me déposer une tasse de café plus une ne tartine.
— Je descends tout de suite. Dis-je avant d’enfiler ma veste ?
— Soit dit en passant, je ne serais pas à la maison se soir pour le dîner.
— Très bien Monsieur. Je voulais également vous rappeler que c’est ce soir que commence mon congé d’une semaine.
Merde ! Ça m’était complètement sorti de la tête.
— Mais avant de partir, n’oubliez pas de contacter l’agence de placement pour vous assurer qu’elle fera venir quelqu’un dès lundi pour coordonner le service.
— Bien Monsieur me répondit-il avant de refermer la porte ?
Je m’avançais pour boire mon café d’une traite en me demandant comment faisait cette femme pour toujours savoir quand je suis réveillé afin de m’envoyer mon breuvage.
Toujours dans mes pensées, je ressortis en refermant violemment la porte de ma chambre.
Calme-toi Christopher, cette porte n’est en rien coupable de ce qu’il se passe.
Il était 3 h 47 quand j’atterris sur le toit du siège social de Walstein Entreprises. Après avoir pris l’ascenseur, je me dirigeai directement vers la porte de la salle de réunion principale qui se trouvait au 50e étage. J’ouvris la porte de l’immense salle aux baies vitrées munie d’une table de réunion de 30 places, le visage fermé comme à mon habitude et vis mes 7 collaborateurs assirent les mines sombres et inquiètes. Les baies vitrées nous affichaient un ciel encore sombre, ce qui ajoutait une dose de tension à cette rencontre. Ils étaient tous calmes et anxieux, on aurait dit qu’ils venaient de se faire arrêter pour trafic d’êtres humains.
Au moins ils savent que si je me déplace en personne c’est qu’ils vont passer un sale quart d’heure.
Ma réputation ajoutée au fait que certains d’entre eux ne m’ont jamais vu en personne, rendra cette rencontre difficile, mais au moins il n’y aura pas de discutions inutiles, ils iront toujours droit au but.
Je ne suis pas là pour qu’ils m’assomment de détails techniques, afin de noyer le poisson dans le verre d’eau. Je veux juste savoir ce qui se passe, et surtout qui est responsable d’une telle bavure.
- Quelqu’un peut m’expliquer ce qui s’est passé exactement dans mes locaux il y’a quelques heures ? demanda Christopher sèchement à peine installé.
— Personne ne veut commencer ?
Et bien vu qu’il n’y a pas de volontaire, Monsieur Baldwin vous qui êtes le directeur de la section recherche et développement, pourquoi vous ne commenceriez pas par me décrire dans les grandes lignes le produit concerné.
Après un raclement de gorge, il remit nerveusement ses lunettes sur son nez et se lança.
— Il s’agit de graines de maïs nouvelle génération. Elles seront encore plus résistantes aux insectes des champs et elles n’auront pas besoin de beaucoup d’eau pour leur développement. Ce seront donc des plantes qui n’auront donc également pas besoin de trop forte dose d’insecticides voir même pas. Me répondit-il sereinement ?
— Monsieur Mills en tant que chef de la sécurité de cette entreprise en particulier, pouvez-vous me dire comment est-ce que un échantillon de mon produit en cour de conception à pu finir dans les mains d’un espion industriel ?
— Mais avant tout ça, comment avez-vous fait pour ne pas découvrir pendant votre enquête de routine de préembauche qu’il était un espion industriel ?
— Il n’a été approché qu’une fois dans nos locaux. Et en ce qui concerne le vol de l’échantillon il l’a fait sortir graine par graine chaque 2 jours et ceux, pendant 46 jours afin de ne pas se faire prendre par le scanner.
Nous n’avons découvert le vol que lorsque l’un de nos biologistes a constaté qu’il y’avait une perte récurant d’une graine chaque 2 jours sous la supervision de Monsieur Helt.
— Donc si je comprends bien il se jouait de vous tout ce temps et ce n’est que 46 jours après que vous vous êtes rendu compte qu’il volait pendant tout ce temps l’objet de vos recherches ? Demandai-je ahurie.
— Oui Monsieur me répondit Mills d’une petite voix.
— Je vois. Peut-être que c’est ce biologiste a qui vous devez maintenant votre place au sein de cette entreprise, que je dois nommer nouveau directeur de la R&D, puisqu’il semblerait que c’est le seul à faire ceux pourquoi il est payé.
La voix de Christopher était calme et tranchante. Tous ceux présents autour de la table savaient que c’était juste l’éclaircie avant la tempête.
— Et êtes-vous au moins sûr que c’est juste 23 graines qui sont sorties du laboratoire et qu’il n’a rien dérobé d’autre ailleurs ?
— Oui Monsieur, répondit Baldwin.
Je regardai ensuite Mills pour avoir confirmation.
— Oui Monsieur, nous avons refait et revérifié tous ses parcours au sein de la société et c’est juste les 23 graines qui ont été dérobées, il n’a rien pris d’autres.
Il me disait ça avec une certaine assurance qui me mettait en rogne. S’ils avaient tous fait leur travail, je ne serais pas là, et ma tension ne serait pas non plus entrain de jouer au yo-yo.
— Sortez tous d’ici avant que je cède à l’envie de tous vous foutre à la porte. Les personnes concernées seront recontactées pour les nouvelles directives à mettre en place pour éviter des situations semblables dans le futur.
— Vous pouvez tous retourner à vos occupations. Tous sauf la directrice des ressources humaines ainsi que les avocats.
Après une minute pour laisser les autres sortir, je demandai à mes avocats mes risques en cas de renvoie de tous ceux qui étaient impliqués dans cette bavure, puis je demandai au RH de prendre contacte avec mon assistante pour la liste des personnes a viré. Et au vu de ce qui s’est passé on peut dire qu’elle sera longue cette liste, surtout au niveau de la sécurité et des recherches et développement.
Je ne suis pas particulièrement connu pour ma bonté et ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer.
Et voilà ma journée de travail sur le terrain était finie en moins de trois heures. Il ne me restait plus que des tonnes de papiers a lire, approuver, ou rejeter et à signer. On peut donc dire que cette réunion était le moment le plus palpitant depuis des lustres.
Et c’est à ça que se résumait ma vie professionnelle et je m’ennuyais.
Je n’avais même plus besoin de vraiment travailler parce que de l’argent, j’en avais plus que de raison. Même en 10 vies je ne pourrais pas tout dépenser, mais je n’avais rien d’autre comme passe-temps outre celui de jouer à gagner de l’argent. Comment une vie peut être résumée à ça, amasser de l’argent, parce qu’on n’avait rien d’autre de plus captivant à faire.
Et quant au jeu de l’amour, je n’avais jamais eu l’envie d’y jouer, car c’est certain que si jamais je m’attachais je finirais par souffrir quand cet être mourait sous mes yeux, comme c’était le cas de tout ceux qui m’entourent.
Pour ce qui est des enfants, je n’y pensais même pas. Je n’ai pas non plus envie d’en avoir.
Ce n’est pas la peine de perpétuer la malédiction familiale, la lignée des Walstein s’éteindrait avec moi, et ça fait des années que j’ai déjà accepté cette finalité.
D’ailleurs aucune des femmes que j’ai fréquentées ne m’a jamais donné l’envie de le faire avec elle. Encore moins Monica, ma connaissance actuelle. Je n’arrivais même pas à la voir comme ma copine, elle ne méritait pas d’avoir autant de crédit de ma part. Tout ce dont elle était follement amoureuse, c’étaient de mes énormes comptes en banque et rien de moins.
Donc tant qu’elle avait des Louboutins chaque jour, et qu’elle s’habillait à mes frais dans les plus grandes enseignes du monde, je pouvais faire ce que je voulais d’elle sans cries de colère de sa part ou de prise de tête.
Je sais que cela ressemble un peu à avoir ma prostituée personnelle, mais c’est la triste réalité de ma vie et ma réalité en plus d’être triste, était fade comme un ciel gris.
Christopher Angel Walstein était un milliardaire de 32 ans. Ces arrière-grands-parents venaient d’Europe de l’Est et s’étaient implantés en Amérique, là où ils se disaient que les rêves devenaient réalité.
Et après 3 générations de Walstein, son frère jumeau et lui venaient au monde avec un père qui ne voulait pas les reconnaître et une jeune mère de 17 ans qui ne savait pas quoi faire de deux bébés qui pleuraient tout le temps, mais qui faisait quand même de son mieux pour les élever jusqu’à ce qu’elle meurt renversée par un chauffard ivre, 12 ans après leur naissance. Aidés de la naïveté de leur âge, ils ont cru qu’avec la mort de leur mère, leur père aurait peut-être eu pitié d’eux et serait venu les récupérer, mais rien ne fut. Tout ce qu’ils savaient de lui est qu’il était d’origine italienne et que c’est de lui que son frère et lui tenaient la couleur mate de leur peau ainsi que l’extrême noirceur de leurs cheveux. Et quant à leur grande carrure et leur physique naturellement avantageux, son frère et lui les avaient reçus en héritage de leur branche maternelle. Tous les hommes de la famille Walstein étaient naturellement bien bâtis et ils avaient tous le même regard gris et froid. Outre cette particularité, la famille Walstein en avait d’autres comme toujours donner naissance à plusieurs enfants en même temps, et de toujours en perdre jusqu’au dernier. On pourrait même dire que la symbolique du cycle de la vie était active en mode plutôt accélérée au sein de cette famille.
Et pour en revenir à leur père, il n’est jamais venu, ainsi après la mort de leur mère, ils avaient donc été vivre chez leurs grands-mères maternelles avant que cette dernière ne meure à son tour à leur 16e année. Il ne restait donc plus à ses côtés que son frère Christophe, aussi, pour éviter qu’ils ne soient séparés ou trimballés d’une famille accueil à l’autre, jusqu’à leur majorité, ils ont décidé de fuir afin de faire face à leur avenir précaire ensemble.
Ils n’avaient pas fait les grandes écoles de commerce ni fréquenté les meilleures universités du pays. Tout ce qu’ils savaient, ils l’avaient appris tout seuls. Ils étaient des autodidactes.
Christophe était selon Christopher, le plus intelligent entre lui deux et c’est lui qui avait d’ailleurs inventé le logiciel sur lequel Christopher avait bâti son immense fortune. En effet à seulement 19 ans, Christophe avait créé un code informatique qui était maintenant un support utilisé sur tous les ordinateurs. Quand ils avaient compris l’étendue de la découverte informatique de Christophe, ils n’en revenaient pas, car après ces 3 années de souffrances ils allaient enfin sortir la tête de l’eau, même pour de bon cette fois-ci.
Et pour le bon déroulement de la suite des évènements, ils avaient tout prévu, Christophe s’occuperait de l’aspect création et Christopher allait se charger du côté business. Chacun allait donc s’employer à réussir dans son domaine de prédilection.
Mais ce qu’ils n’ont pas vu venir, c’était la mort de Christophe 4 ans plus tard, après s’être battu pendant quelques semaines contre un cancer du cerveau. Encore un coup de la part du cycle de la vie.
Il devait tout ce qu’il était à son frère, et il ne pouvait même pas lui dire merci.
Quelque part il s’en voulait d’avoir été celui qui avait survécu, il avait l’impression de n’être qu’un vulgaire imposteur, parce qu’il vivait dans une opulence qui n’était à l’origine pas la sienne.
Après la mort de son jumeau, Christopher pensait en son for intérieur qu’il était maudit, c’est la seule raison qu’il a trouvée pour justifier tous ces morts autour de lui. Et pour se protéger de la douleur qu’il ressentait à chaque perte, il a décidé de ne plus s’attacher, vu qu’une mort précoce était le destin qui attendait tous ceux qui entraient dans sa vie. La seule personne à y être accepté avant que les portes ne se referment, avait été celui qui, au fil des années était devenu son meilleur ami, il s’agissait de John Carter.
Christopher vivait reclus du reste du monde et son ami John était par conséquent devenue au fur et à mesure son porte-parole et son représentant officiel dans toutes les rencontres où cérémonies où il ne voulait pas aller.
Profitant de cette aide, il s’était donc encore plus replié sur lui-même et avait enfermé son cœur à double tour avant de jeter la clé au loin. Il avait volontairement mis une distance entre lui et le monde ainsi que tout ce qu’il contenait comme être humain.
Il créa ainsi contre sa volonté un épais voile de mystère autour de lui, car il ne recevait ou ne se déplaçait que lorsque c’était très important, et très peu de personnes pouvaient se vanter d’avoir déjà un jour discuté avec lui. Ceux qui savaient à quoi il ressemblait pouvaient se compter sur les doigts de la main.
Christopher fuyait comme la peste les apparitions en public, et évitait absolument toutes rencontres avec la presse, quelle qu’elle soit. Les médias essayaient en vain d’avoir des informations personnelles sur lui, ou au pire de l’avoir en photos, mais rien ne fuitait. Ils ne savaient que ce qu’il voulait leur faire savoir, en d’autres termes, rien du tout. Donc chaque semaine les fausses rumeurs allaient de bon train, on le traitait de play-boy, de briseur de cœurs, on lui accordait des copines imaginaires, on disait de lui qu’il était mort. La seule chose sur laquelle la presse était d’accord, c’était pour dire qu’il était un homme d’affaires qui n’avait rien à envier à qui que ce soit.
Afin de se protéger émotionnellement des contrecoups de cet éloignement qu’il avait lui-même mis en place, Christopher avait appris à devenir un être froid, distant, cynique au visage dur, inexpressif et fermé à tout sourire.
C’était un homme puissant, redoutable, craint, respecté en affaire et qui était connu pour ne jamais accorder de deuxième chance à qui que ce soit.
Tandis que les hommes le détestaient et l’enviaient à la fois, les femmes, elles, le voyaient comme le fantasme vivant qu’il était. C’était un homme athlétique d’un mètre quatre-vingt-treize avec un corps entretenu grâce au sport intensif qu’il pratiquait à raison d’au minimum 2 heures par jour. Chaque muscle de son corps avait été endurci et développé durant des années et ils étaient tellement beaux qu’on en regretterait presque de les voir couverts de vêtements.
Ses cheveux de couleur complètement noirs étaient coupés court et toujours plaqués sur sa tête. Il avait en plus hérité des magnifiques yeux de la famille Walstein. Ils étaient d’un gris à vous couper le souffle. Mais ils étaient aussi beaux, que menaçant et n’étaient en aucun cas rieurs.
Ses lèvres quant à elles, étaient minces, fermes et tout comme la froideur de ses yeux, elles ne laissaient jamais passer un seul sourire.
Sa voix virile et forte, était pourvue d’un grain particulièrement hypnotisant et elle était en plus dotée d’un certain calme qui faisait froid dans le dos quand il était en colère.
À seulement 32 ans, il était un homme d’affaires accompli, prospère et touchait à presque tous les domaines, l’informatique, les technologies renouvelables, l’aéronautique, la biotechnologie, frôlant même quelques fois l’illégalité.
Et comme il aimait à le rappeler, on ne devient pas l’homme que je suis en partageant des bonbons à la fraise et en dansant en longueur de journée le ukulélé sur des arcs-en-ciel.
Après sa réunion, Christopher était allé dans sa salle de sport privée qui se trouvait dans l’immeuble pour faire ses exercices quotidiens pendant quelques heures. Et aux environs de 10 heures il avait repris sa routine qui consistait à traiter le plus de dossiers possible jusqu’à ce qu’il soit fatigué et qu’il retourne dans sa tanière pour broyer du noir jusqu’à s’endormir !
Pour ce soir, Christopher avait décidé de rentrer à voiture afin de profiter du calme de la nuit. Il voulait se défouler aussi longtemps que possible sur la route, et pour cela, il prit le plus long des chemins pour rentrer chez lui. Il avait voulu habiter en dehors de la ville, au milieu de nulle part afin de ne jamais être dérangé par des visites et des visiteurs non pertinents.
En somme, Christopher avait donc conçu sa vie, de telle sorte à pouvoir rester seule ou qu’il soit.
Il était 23 heures passées et cela faisait près d’une heure que Christopher laissait son bolide fendre la nuit en avalant les kilomètres, quand il vit une masse noire tituber avant de s’effondrer au beau milieu du bitume.
— Mais qu’est ce que c’est que ça se demanda-t-il à voix basse, les yeux froncés pour mieux voir de l’autre côté de son pare-brise.
Il croyait être en proie à des hallucinations du fait de sa fatigue, et de son défaut en nourriture, mais il ralentit quand même pour en être sûr.
Il laissa alors son véhicule aller très lentement jusqu’à ce qu’il s’arrête à quelques centimètres de ce qui était le corps d’une femme, mais il n’en était pas non plus certain.
Il descendit alors prudemment de la voiture pendant que la pluie lui battait durement la tête.
Avançant calmement, Christopher se rendit compte avec stupeur qu’il s’agissait bel et bien du corps d’une femme. Et cette dernière avait les vêtements complètement déchiquetés au point que l’on voyait presque sa poitrine. Tout son corps était recouvert de blessures et les morceaux de ses vêtements étaient ensanglantés. Ses cheveux étaient en bataille et ils étaient recouverts de feuilles et de brindilles. Elle venait ainsi de la forêt en déduit il en regardant autour de lui.
Ne sentant aucun mouvement, il finit par se demander si elle n’était pas morte.
Christopher s’agenouilla entre elle et la voiture pour vérifier si elle respirait toujours, quand il vit la tête de l’inconnue se relever doucement avant que les yeux de cette dernière ne s’accrochent aux siens. Et c’est ce moment qu’un éclair choisit pour fendre le ciel dans un bruit assourdissant.
Profitant de la lumière de l’éclair, il put voir clairement les yeux de l’inconnue et Christopher aurait mille fois préféré que le visage de la jeune femme reste dans l’obscurité, car à cet instant, il sut qu’il était perdu.
Voir ses pupilles éclairés par la lumière de la foudre, c’était comme si c’était sur lui que la foudre s’était abattue. Il était électrisé par les yeux de la jeune femme. Il ne voyait que cela, jamais il n’avait vu quelque chose de si beau, et il ne parlait pas de leurs couleurs si singulières.
Non ça allait au-delà de ça.
Christopher avait soudainement l’impression d’être transporté ailleurs, et la bulle dans laquelle il se trouvait le convenait parfaitement.
C’est comme si ce monde qu’il avait trouvé dans les yeux de cette dernière avait été conçu juste pour lui. Il pouvait rester ainsi accroupi pour toujours, il ne sentait pas la pluie suintant sur son corps à travers ses vêtements ni le froid qui s’installait. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il avait plongé dans les yeux de cette inconnue et qu’il avait été transféré dans un endroit qu’il ne pouvait ni ne voulait pour rien au monde quitté.
Il avait vu son regard suppliant et il savait qu’il ne pourrait pas la laisser comme ça, ni comme d’une aucune autre manière d’ailleurs.
Il ne pouvait simplement plus la laisser, et il était maintenant en colère contre ceux qui l’avaient mis dans ce piteux état.
Christopher avait l’intime conviction de la comprendre sans qu’elle n’ait eu besoin de dire un seul mot. Il était littéralement connecté à elle.
Puis brusquement, la jeune femme ferma l’oeil et comme par magie, le charme s’était rompu.
Christopher clignant des yeux comme pour revenir complètement à lui et c’est uniquement à ce moment-là, qu’il entendit le bruit de la pluie auquel se mêlait des voix d’hommes criant à plusieurs reprises un prénom qu’il avait fini par distinguer. En plus de ces voix d’hommes, il entendait des aboiements de chiens accompagnés de projections lumineuses sorties sûrement de lampe torche provenir de la forêt.
C’était elle qu’ils recherchaient et il était hors de question qu’on la lui retire pensa égoïstement Christopher.
Comme le disent les enfants, c’est celui qui trouve qui a, et c’est lui qui venait de la trouver, donc elle lui appartiendrait désormais et cela peut lui importait qui elle était et ce qu’elle avait pu faire.
De plus si elle voulait vraiment rester avec eux elle ne serait pas au milieu de la route, les vêtements déchirés, le corps tuméfié et sous une pluie battante pensa-t-il pour appuyer sa décision de la garder.
Passant un bras sous sa tête légère et l’autre sous ses cuisses, il la souleva tendrement pour la tenir contre son torse, il sentait le souffle affaibli de la jeune femme contre son cou et il en éprouva des frissons qu’il mit sur le compte du froid ambiant.
Il déposa doucement son bien sur le siège passager lui mit la ceinture, puis fit le tour pour s’installer derrière son volant et prit la direction de sa villa sans se hâter pour ne pas laisser de soupçons.
— Je t’ai, donc je te garde… Alexandra, murmura Christopher d’un ton possessif comme pour le faire savoir à la jeune femme inconsciente à côté de lui.
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