☾6☽| Un dîner muy caliente : plus d'échappatoire
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UN DÎNER MUY CALIENTE : PLUS D'ÉCHAPPATOIRE
interview de Camille
«...? »
❝no comment.❞
Qui de mieux qu'un parent pour lire en son enfant comme dans un livre ouvert ? Clément Bourgeois, lui, n'avait pas besoin d'ouvrir un livre pour comprendre sa fille. Il n'avait qu'à jeter un coup d'œil aux œuvres d'art de celle-ci pour apprendre à la connaître, sachant parfaitement ce que pouvait ressentir un artiste quand il se donnait corps et âme dans la création d'une œuvre. Cette méthode marchait si bien qu'il arrivait à oublier que le moyen le plus fiable pour se rapprocher de Camille, était de passer quelques moments ensembles, entre père et fille.
La gestion de l'hôtel familial occupait ses journées, et puisqu'il avait confiance en Camille depuis qu'elle avait assimilé ses devoirs d'aînesse de la fratrie, Clément n'avait plus daigné lui consacrer du temps. (Et puis, Hélène, son épouse, s'intéressait déjà assez au quotidien de leurs enfants selon lui). Mais cette fois-ci, il s'était senti obligé de parler avec notre chère Camille.
Cette soirée fraîche s'annonçait muy caliente !
꒱࿐♡ ˚.*ೃ
CAMILLE
Je devais peut-être songer à arrêter la peinture pour quelques mois. Si l'amour le plus discret laissait par quelque marque échapper son secret, alors c'était sûr et certain, un jour ou l'autre, quelqu'un comprendra que cette toile symbolise ma boîte de Pandore.
— L'heureux élu...?
— Tu sais, c'est très intime comme tableau. Alors, je me demandais si par hasard tu n'aurais pas été ensorcelée par un gentil jeune homme ?
Je me pliai en deux pour ramasser le pinceaux qui avait atterri dans le bocal d'eau, l'essorai avec mon tablier multicolore avant de le retremper délicatement dans ma nuance de vert rouillé. La réaction la plus réfléchie en ce moment serait sans doute de feindre les indifférentes concernant les relations sentimentales. C'est ce pour quoi j'optai lorsque mon père se fit plus insistant en tapotant mon épaule afin de m'obliger à reporter mon attention sur lui.
— Tu me connais, papa. Pour l'instant, je me consacre à mes études universitaires. T'inquiète pas, cette toile est juste le fruit de mon imagination.
Mon père caressa lentement mes cheveux, puis acquiesça avant de s'en aller vers la porte de ma chambre. Dès l'instant où il disparut derrière celle-ci, je passai furtivement un bras sur mon front moite pour essuyer la goutte de sueur qui commençait à glisser sur ma peau.
— Et Camille, dit mon père en re ouvrant subitement la porte tandis que je manquai de basculer sur mon tabouret. Par pitié, cesse de peindre dans ta chambre. T'as eu cinq ans pour t'adapter à ton nouvel espace d'inspiration. D'ailleurs, tes frères n'ont toujours pas digéré le fait que leur salle de jeux a été transformée en "dépotoir pictural", me sourit-il.
Peindre entre quatre murs blancs me démotivait davantage ces derniers mois-ci. J'avais toujours eu l'habitude de m'inspirer des événements marquants de ma vie — plus mon enfance, à vrai dire — depuis que je m'étais mise à la peinture. Mais suite à ma confrontation avec Gabriel il y a près d'un mois de cela, je culpabilisais de l'avoir proposé ce stupide accord. Et c'est ainsi que ma culpabilité, trop envahissante dans mon esprit, s'est changée en source d'inspiration.
J'avais explicitement mis un terme à notre relation sans lendemain, mais je passais tout mon temps à ressasser la nuit que nous avions passée ensemble à Rome. Alors, j'ai décidé de la mettre sur toile, cette fameuse escapade nocturne au septième ciel. C'était donc tout bonnement impossible de dessiner ces moments intimes dans une pièce dépourvue d'intimité, d'où le fait que je peignais dans ma chambre au lieu de mon atelier. Côme et Hugo, les deux petits Bourgeois, pouvaient bien aller se plaindre ailleurs, tiens !
Quoi qu'il en soit, cette fois-ci, ma vie avait définitivement repris son cours normal. Il n'y avait plus de Gabriel dans les parages, juste mes souvenirs de lui et moi. Mais arrivera bien un jour où même ceux-ci finiront de me hanter, n'est-ce pas ?
꒱࿐
Je vérifiai mon apparence dans la glace afin d'être sûre que j'avais bien éliminé les quelques minuscule tâches de peinture sur mon visage au cours de mon bain. Mes frères se moqueraient une nouvelle fois de ma gueule si j'en venais à me présenter à table comme "un pot de peinture", au sens figuré. J'avais troqué mon tablier contre une longue robe blanche en soie avec de fines bretelles, sans oublier mes éternels chaussons Lilo et Stitch; rien de plus simple, et distingué — mais toutefois décontracté — pour l'occasion.
Je descendis les marches de l'escalier une à une, presque au bord de l'ennui total alors que le dîner était loin d'être entamé. Je mettrais ma main à couper que mes parents discuteront avec leur ami pendant des heures avant qu'on passe à table. Mais bien sûr avant cela, ils me chargeront de faire faire un tour de l'appartement à l'invité, comme toujours, pour je cite, "m'exercer à la gestion de l'hôtel". À croire qu'on y accueillait la Reine d'Angleterre, nom d'un chien !
J'arrivai dans la salle de séjour, et saluai tout le monde par une faible salutation, puis m'avançai vers notre invité du dîner à qui je fis la bise.
— Et voici l'aînée qui s'est enfin décidée à se montrer, Camille, m'introduisit mon père.
— La dame en blanche fait son entrée ! commenta le dernier de la fratrie, Hugo, me causant instantanément une migraine infernale.
Agaçants, ces gosses...
— Tais-toi, gentil énergumène, grommelai-je en pressant fortement mes tempes.
— J'y crois pas, elle t'a traité de gentil énergumène ! s'esclaffa Côme, mon autre frère de trois ans mon cadet, avant de piocher un apéricube sur la table basse et de retourner à son jeu mobile.
— Chérie, tu tombes bien, dit ma mère lorsque je m'installe dans le fauteuil, aux côtés de mes frères. Je disais justement à Michel que tu allais leur faire visiter l'appartement.
C'était bien là le problème avec les Bourgeois. Plus rien ne nous surprenait dans la famille, arrivé à l'âge adulte. Les années, mois, et journées se ressemblaient tous et étaient tous prévisibles au détail près. Un gros livre sur les coutumes des Bourgeois devait forcément circuler entre les différents foyers, sinon c'était impossible d'être aussi conventionnel à l'unisson ! Je vous assure, l'un de mes grands cousins en Grande Bretagne était prié de faire visiter le petit champ de vigne quand ses parents recevaient des invités à la maison parce qu'il en sera le futur propriétaire. Quelle folie familiale.
— Bien sûr, lui souris-je en me remettant sur mes deux jambes. Ça ne prendra qu'une bonne dizaine de minutes, et ensuite on pourra passer à table, n'ayez crainte, chuchotai-je à Michel dont le ventre venait de gargouiller.
Ce dernier se fondit en rires, mais visiblement c'était le seul à avoir compris bien pris ma remarque. Mes parents, eux, froncèrent les sourcils face à tant — Oh mon Dieu — d'impolitesse. Soit. Quoi qu'il en soit, ce Michel semblait au moins très sympathique !
Ma mère se rapprocha de moi, et m'informa à voix basse que je devais attendre le retour du fils de Michel, qui était actuellement dans la cuisine, avant d'entamer la visite guidée. Apparemment, celui-ci s'y était abrité après avoir reçu un coup de fil. Sur ces mots, j'allais immédiatement voir si le fils de notre ami de ce soir avait mis fin à sa conversation téléphonique. C'est pas tout, on était au bord de la famine, Michel et moi !
Debout devant la porte massive blanche recouverte par quelques volutes, je donnai trois petits coups sur le bois de chêne pour annoncer ma présence. Puis, j'actionnai la poignée et fis irruption dans la pièce, un sourire de Duchenne scotché sur la figure, par simple formalité. Toutefois, mon semblant de bonne humeur retomba très vite lorsque je découvris qui était le fils de Michel.
— Malédiction, pestai-je en resserrant ma poigne sur la poignée.
Devant moi, Gabriel tournait en rond, une main enfouie dans la poche d'un effroyable jean gris délavé, et le téléphone près de son oreille. Il notifia ma présence, et fut tout aussi surpris que moi.
— ...Mouais, on fait comme ça. Rendez-vous demain à midi, dit-il avant de raccrocher.
Je déglutis avec difficulté lorsqu'il me fixa, impassible, après avoir enfoncé son smartphone dans la poche arrière de son pantalon. Il baissa enfin le regard et fit quelques pas vers moi, au plus grand désespoir de mon cœur qui faisait des siens dans ma poitrine. Au fur et à mesure qu'il réduisait la distance qui nous séparait, je voyais sa mâchoire se contracter de plus en plus.
— Gabriel...
On devait absolument discuter en urgence, lui et moi.
— C'est pas la peine, sache que je suis aussi gêné par cette situation, lâcha-t-il sèchement. T'as pas à t'en faire, on a passé un accord, tu t'en souviens ? Jouons les inconnus comme tu l'as suggéré.
Après quoi, Gabriel m'écarta doucement du passage avant de prendre la direction du salon.
Super. Nous avons donc un Michel et un Gabriel, mais quelle paire de prénoms divins, dites donc ! Quel magnifique cauchemar que de tomber nez à nez avec son coup d'un soir secret des vacances d'été, dans sa propre cuisine. Mes peurs se décuplèrent en un instant tandis qu'une réalité évidente me frappa de plein fouet : il n'avait plus d'échappatoire.
Gabriel était déjà bien plus proche de mon cercle familial que je le craignais, et un viendra un jour où mes parents sauront que leur joyau précieux avait été la plus sage des libertins. Car croyez-le ou non, Gabriel était juste un cas spécial parmi une liste de cinq hommes avec qui j'avais entretenu une relation éphémère à Rome. Non seulement il était français mais en plus de cela, avec Gabriel, ça s'était fait dès le premier soir...
Bon Dieu, serais-je tenue pour responsable si jamais je mettais un feu démoniaque à ce dîner visiblement paradisiaque ?!
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