[9] The one who sees the ghosts of the beloved
29 novembre 1998 ; Pré-au-Lard
Les rues clairsemées du village sorciers s'animaient sous les foulées des ombres qui les habitaient. Drapées de robes ou de vêtements moldus, elles déambulaient sans bruit au milieu des vivants dont les pas sur les feuilles mortes émettaient des craquements sonores. Leurs prunelles mornes glissaient sur les devantures bariolées des commerces de Pré-au-Lard. Leurs lamentations, inaudibles pour les vivants, créaient un brouhaha insoutenable aux oreilles du Survivant. Certains reconstituaient des scènes familières dans le chaos ambiant. Deux adolescents aux cheveux clairs grignotaient des friandises colorées sur les marches de Honeydukes. Un appareil photo pendait au cou du plus vieux. Des centaines de souvenirs avaient été immortalisés sur le papier glacé. Harry se remémorait ses grimaces lorsque le flash aveuglant accompagnait chacun de ses mouvements au cours de sa seconde année. Il avait tellement maudit ce pauvre garçon. La culpabilité étreignit la gorge du Survivant. Cette douleur le maintenait en vie. Cette douleur rappelait que le fardeau des défunts reposait sur ses épaules. Le brun s'approcha de la confiserie d'un pas hésitant, ses doigts tendus dans la direction des deux frères disparus. Ces derniers captèrent ses mouvements et lui adressèrent un sourire radieux à travers leur mort.
« Tu m'autorises à te prendre en photo ? lui demanda Colin en resserrant ses phalanges autour de son appareil.
— Pourquoi ? croassa-t-il.
— Parce que les vivants rayonnent, expliqua-t-il. Ils rayonnent malgré leur peine. »
Alors qu'il ouvrait la bouche pour rétorquer quelque chose, un groupe d'étudiants quitta la confiserie, les bras chargés de friandises. Les silhouettes fantomatiques des frères disparurent dans leur sillage. Ses cadets s'arrêtèrent en remarquant le célèbre Harry Potter. Leurs yeux pétillèrent de cette admiration que le jeune homme haïssait tant. Les remerciements produisirent l'effet d'un coup de poignard. Harry leur répondit par un sourire amer. Comme tant de sorciers avant eux, ils le considéraient en héros de guerre. Ils s'éloignèrent dans une cacophonie de murmures vantant ses mérites.
« Tu as vu sa cicatrice ? Elle est en forme d'éclair. On raconte que Tu-sais-qui lui a fait alors qu'il n'était qu'un bébé. »
« Il a l'air encore plus fort en vrai que dans les journaux. »
« Ma mère ne va pas me croire lorsque je vais lui dire que je l'ai croisé en dehors de Poudlard. J'aurais dû lui demander un autographe. »
Leurs mots formaient cet acouphène persistant qui n'endormait jamais. Sa baguette parut brûler dans sa poche. Elle lui intimait de sceller leurs lèvres. Il ne méritait pas ses compliments. Les muscles tendus comme s'il s'apprêtait à fuir si l'idée leur venait d'opérer un demi-tour pour demander un autographe, Harry les suivit du regard. Son corps se relâcha lorsque leurs silhouettes s'estompèrent au coin de la rue, juste après le magasin de Scribenpenne. Un soupir quitta les lèvres du sorcier dont les yeux verts se portèrent sur le porche de Honeydukes. Les frères Crivey avaient disparu pour de bon.
Déambulant comme un spectre au milieu des vivants, le jeune adulte laissa ses prunelles glisser sur les corps familiers des fantômes qui habitaient le village sorcier. Ses foulées ralentirent à quelques pas de la boutique de farces et attrapes de laquelle s'échappait une fumée multicolore. Les poils de Harry se hérissèrent sur ses bras alors que l'idée d'une explosion se précisait dans son esprit. Son cœur accéléra dans sa cage thoracique. Personne n'attaquait le magasin, personne ne le pouvait. La paix régnait entre les sorciers de Grande-Bretagne depuis que Voldemort n'était plus. Ses pas l'approchèrent de plus en plus de la devanture rouge sur laquelle des lettres dorées formaient le nom de la boutique. Les passants ne paraissaient pas remarquer le chaos. Ils marchaient devant le commerce, ignorant la brume colorée et odorante qui s'en échappait.
Puis il y eut ce rire résonnant au milieu du désordre. Le corps de Harry se figea à son entente. Il aurait pu reconnaître ce son entre mille tant il l'avait entendu. De la fumée versicolore s'évada la silhouette de Fred Weasley. Il bondit sur ses jambes, un large sourire étirant ses lèvres, et lança une bombe. Une vapeur multicolore s'en échappa alors qu'elle explosait au pied du magasin de farces et attrapes. Les vivants ignoraient la présence de ce spectre espiègle. Harry les percevait. Le corps et le cœur lourd, il observa Fred s'esclaffer lorsque sa grenade mouchetait la façade de poudre que les seuls fantômes discernaient. Il mourait d'envie de le rejoindre pour lui hurler des excuses, mais ses pieds restaient figés dans le sol boueux.
« Harry ! l'interpella l'esprit en remarquant sa présence. »
Ses bras s'agitèrent dans sa direction alors que ses lèvres s'étiraient dans un sourire complice. Il sautilla vers lui. Ses pieds se figèrent à quelques mètres de lui. Harry remarqua les craquelures de tristesse au milieu de ses traits joyeux. Il conservait cette personnalité solaire dans la mort que Harry lui enviait tant. Les spectres se montraient si forts. Ils riaient comme s'ils n'avaient pas connu une fin abominable dont Le Survivant était la cause.
« Tu devrais sourire, lui reprocha Fred dont les prunelles scintillèrent.
— C'est si compliqué, sanglota-t-il alors que des larmes glissaient sur ses joues. »
Il tendit la main vers cet homme qui l'avait accueilli comme un énième frère. Ses doigts traversèrent son corps intangible et se refermèrent dans le vide. La mélancolie remplaça l'amusement sur les traits du fantôme dont les yeux se posèrent sur ce bras transperçant son abdomen. Les pleurs du sorcier creusèrent des sillons sur ses pommettes. Incontrôlables, elles brouillèrent son champ de vision. La tête du revenant tourna dans la direction de la boutique de farces et attrapes.
« Je refuse que les vivants se perdent dans le désespoir, annonça-t-il. Le monde est un meilleur endroit lorsqu'on s'amuse. »
Le corps immatériel du spectre s'estompa et se fondit dans la brume qui planait dans les rues du village sorcier. Il adressa un clin d'œil malicieux avant de disparaître et d'abandonner Harry aux cascades salées qui s'échappaient de ses yeux. Ses muscles se défigèrent lorsque le fantôme de Fred Weasley s'évanouit. Elles manquèrent de céder sous son poids. Harry tourna les talons et tangua au milieu de la foule de sorciers. Ceux-ci posèrent des regards curieux et redevables sur lui. Il les haïssait. Ils le remerciaient, serraient ses mains et l'acclamaient comme un héros. Incapable de supporter la moindre vision fantomatique supplémentaire, il rebroussa chemin. Ses épaules percutèrent les corps d'autres sorciers qui n'osèrent pas montrer leur mécontentement.
Les fantômes habitaient Pré-au-Lard et Harry ne voyait qu'eux.
Le Professeur Rogue et le Professeur Lupin se querellaient avec véhémence devant les Trois Balais sous le regard espiègle du Professeur Dumbledore. Ils ne cessèrent par leur discussion envenimée lorsque leur ancien élève tituba près d'eux. Ils existaient dans une bulle qui leur appartenait.
Les ailes blanches mouchetées de taches noires de Hedwige s'étirèrent lorsqu'il passa devant le bureau de poste. Elle s'envola dans les airs et hulula au-dessus de sa tête avant de disparaître comme les autres spectres.
Tout le ramenait à la guerre.
Tout le ramenait aux personnes qui avaient perdu la vie au cours de celle-ci.
Le Survivant tituba de longues minutes. Il manqua plusieurs fois de glisser sur le chemin boueux menant à cette rue reculée au bout de laquelle cette maison inquiétante trônait en haut d'un rocher entouré de brume. Abandonnée par les morts et les vivants, la Cabane Hurlante apparaissait comme le seul lieu de quiétude au milieu du village sorcier. Il se traîna jusqu'au grillage où plusieurs écriteaux invitaient les curieux à s'éloigner. Il avait affirmé à Malefoy qu'il ne le haïssait pas à ce même endroit. Il était parvenu à esquisser un sourire à celui qui avait été son ennemi. Il avait eu le droit d'espérer à de meilleurs moments où les fantômes ne le hanteraient pas. Quelques jours le séparaient de ces instants. Ils paraissaient si proches et si éloignés.
Debout devant ce portail qui menait à la brume épaisse entourant la maison hantée, Harry sentit des milliers d'aiguilles perforer sa gorge et des cascades tomber de ses yeux. Chaudes et salées, elles creusèrent des sillons sur ses joues alors qu'un hurlement déchirait ses cordes vocales. Elles se brisèrent à mesure qu'il cherchait avec désespoir de faire disparaître ses maux. Les fantômes l'encerclèrent. Leurs sourires et leurs remerciements s'opposèrent à la culpabilité qui tenaillait le cœur du Garçon qui avait survécu. Il tendit les mains en direction des corps intangibles de ses parents comme s'ils pouvaient l'envelopper dans cette froide chaleur. Ses doigts se refermèrent autour du vide ; les silhouettes aimantes de James et Lily Potter s'évaporèrent avec celles des autres spectres. Harry Potter n'était pas un héros ; il avait laissé toutes ces personnes mourir. Il aurait dû les protéger. Un nouveau hurlement vibra dans ses cordes vocales détruites par ses sanglots.
Les larmes ne cessèrent pas avant la lente descente du soleil derrière la ligne d'horizon. Des cristaux brillants à la lumière de la fin du jour apparurent sur ses pommettes et craquelèrent lorsque ses lèvres s'étirèrent dans une grimace peinée. De ses jambes lourdes et tremblantes, Harry se traîna jusqu'à une souche pour s'y laisser tomber. Il se sentait vide ; comme si plus rien n'avait de sens dans son existence ; comme s'il naviguait dans un état entre la vie et la mort. D'inquiétants nuages noircirent le ciel derrière la Cabane Hurlante, annonçant une pluie torrentielle pour les prochains jours. Dans un espoir idiot, Harry s'imagina qu'elle le laverait de cette culpabilité qui s'accrochait à lui comme de la crasse. Ses paupières alourdies par le sel de ses larmes se fermèrent, avalant les paysages automnaux de Grande-Bretagne. Ses cris et ses pleurs avaient aspiré son énergie. Il ne souhaitait rien de plus que disparaître le temps que sa stature de héros de guerre s'estompe.
« Harry ? »
Ses paupières gonflées se soulevèrent à l'entente de la voix familière et aimante de Ginny. Son timbre vibrait d'inquiétude. Leurs prunelles se croisèrent. Le marron profond de ses yeux cernés plongeant dans l'émeraude éteinte des siens. Un sourire timide naquit sur son visage alors qu'elle s'approchait de lui avec la lenteur qu'on offrait aux animaux craintifs. Ses doigts délicats se glissèrent dans ses cheveux noirs, dégagèrent son front pour dévoiler cette cicatrice qui l'avait métamorphosé en bête de foire. Plusieurs années le séparaient de son arrivée dans le monde des sorciers. Les regards curieux et persistants sur sa cicatrice n'avaient pas cessé une seule seconde. Elle marquait sa peau et son identité. Elle le transformait en Harry Potter. Elle le transformait en ce garçon qui a survécu.
« Tu me fais une petite place ? »
Supplication prononcée du bout des lèvres comme si elle avait peur de le briser en mille morceaux, Ginny glissa la pulpe de ses doigts sur les cristaux salés que les larmes avaient abandonnés sur son visage. Harry acquiesça et se décala sur sa chaise de fortune. Son amante se lova aussitôt contre lui. Sa tête retrouva le confort du creux de sa nuque et ses doigts s'entremêlèrent aux siens. Son corps irradiait de cette chaleur familière et réconfortante qui permettait à Harry d'oublier l'inconfort de leur position ou la solitude d'avoir survécu à une guerre durant laquelle tant de personnes étaient mortes.
« J'ai vu le fantôme de Fred aujourd'hui, avoua le sorcier d'une voix cassée.
— Je le vois aussi, souffla-t-elle contre son cou. Je le vois quand je me sens mal.
— Il faisait exploser des boules puantes de sa confection devant chez Zonko, expliqua-t-il. Il souriait. Il avait l'air heureux. Il... les mots se bloquèrent dans sa gorge. Il devrait toujours être là. »
Le soupir de sa petite-amie caressa la peau fine de sa nuque. Ses phalanges suivirent les lignes de ses mains comme si elles refermaient les réponses à toutes ses questions silencieuses. Une quiétude paisible les enveloppa comme un cocon alors que la nuit tombait sur Pré-au-Lard. La pulpe de ses doigts couvrit son épiderme de chair de poule dans leur sillage. Ginny Weasley paraissait toujours exténuée. Ses muscles lui hurlaient de dormir et de se plonger dans un sommeil profond auquel elle semblait hermétique.
Ginny accueillait les peines de tous sans broncher.
Ginny accompagnait Hermione lors de ces interminables insomnies.
Ginny rassurait Neville à la manifestation de ses doutes.
Ginny aimait Harry même s'il était la cause de ses pleurs.
Tous leurs chagrins s'additionnaient à la perte brutale de ce frère. Elle se remettait à son rythme. De son corps irradiait une force solaire. Harry l'enviait.
« Tu es si courageuse, avoua-t-il dans un souffle.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— Tu nous portes tous comme un roc et tu ne te plains jamais alors que tu aurais toutes les raisons du monde de le faire, expliqua-t-il d'une voix tremblante. Tu as perdu un frère. Tu pourrais t'effondrer, stagner dans cet état de tristesse, mais tu arrives à aller de l'avant.
— Fred me manque tous les jours, confia-t-elle, mais il détesterait nous voir pleurer sa perte. Il voudrait que l'on continue ce qu'il a commencé de son vivant. Je veux sourire à la vie comme il le faisait si bien. »
Ses doigts s'enroulèrent autour de ceux de la jeune femme. Les battements frénétiques de son cœur lui parvinrent à l'endroit où leur peau se rencontrait. Personne n'incarnait autant les valeurs de la maison au lion que Ginnerva Weasley. Jamais aucun sorcier n'atteindrait son courage. Sa simple présence ternissait la grandeur de ceux qui espéraient toucher les sommets. Harry se sentait souvent minuscule à ses côtés. Sa bravoure rayonnait autour d'elle comme un bouclier qui ne camouflait pas sa tristesse. Cette dernière existait dans son corps, mais elle refusait de ployer sous ses assauts répétés. Le cœur de Harry gonfla dans sa poitrine. Il avait une chance incommensurable d'avoir une personne comme elle à ses côtés.
« Je t'aime, déclara-t-il sans détacher son regard de la maison hantée. »
La jeune adulte se blottit contre lui. Son souffle régulier caressa son épiderme et dressa les cheveux à la naissance de sa nuque. Ses doigts se resserrèrent autour des siens comme si elle craignait qu'il ne s'échappe à son toucher. Leurs corps n'en formaient qu'un. Ils se mêlaient et se contractaient ensemble. Harry avait trouvé son âme sœur chez cette femme à la chevelure de feu.
« Je t'aime aussi, répondit-elle dans un soupir qui provoqua une traînée de chair de poule sur sa peau. Je t'aime. »
Les minutes s'étirèrent. Ils ne prononcèrent pas la moindre parole. Les battements rapides et réguliers entretenaient une conversation silencieuse dans laquelle se partageait la pureté de leurs amours. Les oreilles de Harry perçurent les inflictions de leurs sentiments. Ses prunelles lourdes observèrent le soleil former un halo derrière la Cabane Hurlante avant de disparaître. La reine obscurité se répandit dans le village sorcier. Quelques chandelles et lampes à huile déversèrent leur lumière chaude et vacillante dans les rues. Les jeunes adultes se redressèrent lorsqu'un frisson parcourut l'échine de Ginny. Ils regagnèrent l'école de sorcellerie sans articuler de mots, sans lâcher la main de la personne aimée.
Harry se sentait capable de braver toutes les épreuves tant que la sorcière la plus courageuse connue par le monde se tenait à ses côtés.
Tant que Ginny Weasley se tenait près de lui, il espérait un avenir rayonnant dans lequel les fantômes cesseraient de le tourmenter de leur bienveillance.
5 décembre 1998 ; Bureau des directeurs
Chacune des années à Poudlard de ce garçon qui avait survécu à la mort s'accompagnait d'une visite dans le bureau que les directeurs de l'école de sorcellerie occupaient. La pièce circulaire baignée par la lumière rouge du coucher de soleil se dessinait dans sa familiarité rassurante. Harry Potter en connaissait chaque recoin. Le bureau massif dont les pieds en forme de serres griffaient le parquet croulait sous les parchemins et objets divers. Une sphère de la taille d'une grosse bille reposait sur une imposante pile de livres aux titres énigmatiques que Hermione aurait déchiffrés en quelques secondes. Une fine couche de poussière recouvrait l'immense chaise sur laquelle tous les directeurs de Poudlard s'étaient un jour assis. Minerva McGonagall ne possédait pas un temps infini et elle franchissait le seul de son bureau de façon si sporadique qu'il ne comportait aucun signe distinctif de l'enseignante. Elle alliait ses cours de métamorphose et son rôle de directrice avec brio. Quiconque aurait frôlé la crise de nerfs à sa place, mais elle conservait son calme.
Les perles émeraude des yeux de Harry Potter oscillèrent entre les bibelots qui s'entassaient sur une bibliothèque si pleine qu'elle menaçait de s'effondrer et le perchoir vide que le phénix avait déserté au décès de son propriétaire. Elles évitèrent un point précis de la pièce. Depuis la chaise confortable sur laquelle la Professeure McGonagall lui avait ordonné de s'installer, les portraits des anciens directeurs cherchaient à capter son attention.
Harry se savait incapable de soutenir les regards perçants de ceux qui s'étaient assis derrière ce bureau. Son cœur lui hurlait pourtant de relever la tête et de plonger ses prunelles dans ceux qui avaient croisé le chemin de Tom Jedusor. Ils ne pourraient pas lui faire du mal. Ils ne pourraient pas l'atteindre depuis leur prison colorée. Le Survivant céda à sa curiosité et redressa le menton. Les yeux bleus de Dumbledore pétillaient encore de cette malice que ses lunettes en demi-lunes accentuaient. Un discret sourire étirait ses lèvres camouflées par sa longue barbe argentée. Il lui adressa un signe de la main pour le saluer. Les poings de Harry se serrèrent autour de son pantalon. Incapable de lui répondre, il glissa son regard sur le portrait à la droite de Dumbledore. Enfermé dans un cadre austère, un visage mêlant dédain et mélancolie s'animait entre des cheveux sombres. Ses yeux noirs analysaient le jeune adulte comme un livre ouvert. Ils effaçaient la présence des autres directeurs ronflant dans leurs prisons éternelles à eux seuls.
Le cœur du sorcier se serre à la vision de ses portraits immortels. La mémoire de ces deux hommes se répandrait à travers les générations de directeurs s'installant dans son bureau. Les autres les oublieraient. Ils partageaient cette mort violente, cette disparition soudaine. Les ambitions de grandeur de Tom Jedusor leur avaient retiré leur vie avant leur terme naturel. Les sacrifices des professeurs étaient voués à s'estomper année après année. La culpabilité pesait sur les épaules du sorcier dont les lèvres ne parvenaient pas à répondre aux clins d'œil malicieux de Dumbledore par des sourires.
« Je suis désolé. »
Prononcés d'une voix faible que les portraits auxquels il adressait ces paroles n'entendirent pas, les mots tremblèrent dans sa gorge. Ils tremblèrent de cette émotion envahissante qui contenait ses larmes. Les lois de l'univers affirmaient que l'existence humaine se terminait avec la mort. Harry les détestait, ces lois. Elles apportaient tant de douleurs à ceux qui subsistaient. Les fantômes s'érigeaient en exception cruelle ; remuant le couteau dans la plaie de leur deuil. Jamais ils ne reviendraient. Ils resteraient dans un coin de son esprit et le hanteraient jusque dans sa mort. Ses doigts caressèrent sa cicatrice comme pour rassurer de sa propre existence. Harry Potter, le garçon qui avait un jour survécu, demeurait sur cette planète. La boursoufflure sur son front se transformait en cette preuve qui l'empêchait d'échapper à la peine.
L'immonde gargouille bloquant l'entrée du bureau se déplaça dans son dos. Ses traits hideux disparurent derrière la silhouette de Minerva McGonagall. Habillée d'une élégante robe en velours, elle s'arrêta sur le seuil du bureau lorsqu'elle remarqua sa présence silencieuse, prostrée sur une chaise. Un sourire chaleureux étira ses lèvres et souligna les rides parsemant son visage. Elle s'empressa de contourner son bureau. Son index glissa sur la fine couche de poussière recouvrant les accoudoirs de son fauteuil, révélant sa couleur naturelle. Elle s'installa sur son assise. Ses yeux exténués lorgnèrent sur les nombreux parchemins qui rendaient invisible le plateau de son bureau. Ses doigts se refermèrent autour du rappeltout dans lequel une épaisse fumée rouge dansa.
« Je ne me souviens pas de mes oublis, s'amusa-t-elle en reposant l'objet au sommet d'une pile d'ouvrage.
— C'est souvent le problème des rappeltouts, souligna Harry. Ils ont tendance à être imprécis. »
Les prunelles rieuses de la directrice singèrent celles de son prédécesseur. Elles pétillaient de malice et sondaient les tumultes de son âme derrière ses lunettes. Mis à nu par son regard persistant, Harry chercha à se fondre au dossier de sa chaise. Dumbledore possédait cette faculté fascinante et agaçante qui lui offrait cette compréhension des êtres humains. Sans prononcer la moindre parole, la directrice agita sa baguette rigide en sapin au-dessus d'une pile de parchemins mouchetés d'encre. Un service à thé fumant apparut aussitôt à son sommet. Elle lui versa dans une tasse d'un liquide brun dégageant une forte odeur de bergamote sans se défaire de son sourire en coin. La chaleur de la porcelaine se répandit dans ses mains. Harry l'approcha de ses lèvres asséchées. Alors qu'il s'apprêtait à prendre une première gorgée de sa boisson chaude, ses prunelles émeraude s'arrêtèrent sur la silhouette austère du Professeur Rogue. Les orbes ténébreux de ses yeux l'analysèrent depuis sa prison de peinture. Comme si elle captait la cacophonie de ses pensées, Minerva McGonagall adressa une œillade courroucée aux anciens directeurs qui détournèrent le regard.
« Ils sont intenables depuis qu'ils sont sur ce mur, se plaignit la directrice dans un soupir empli de désespoir.
— Ils ne devraient pas y être, croassa le jeune homme en essayant de retenir ses larmes.
— C'est vrai, admit-elle. Ils ne devraient pas être sur ce mur. »
Ses yeux brûlèrent de ces larmes qui menaçaient de couler. Harry secoua la tête avec cette rage qui ne le quittait jamais plus de quelques heures. Il en avait marre ! Ses sanglots accompagnaient la majeure partie de ses journées. Ils le fatiguaient. Il ne supportait plus les faiblesses de son âme. Il ne supportait plus ces fantômes qui lui arrachaient ses pleurs. Des ondulations animèrent la surface du liquide dans sa tasse, comme un témoignage du tremblement de ses mains. Son corps le trahissait une nouvelle fois.
« J'en ai marre de constamment pleurer, souffla-t-il alors que sa gorge se serrait. J'en ai marre de souffrir et de toujours ressentir cette peine. Elle me dévore. Je voudrais oublier ces émotions qui m'assaillent et me brisent. Parfois, je me dis que ne rien ressentir serait une délivrance. Je... »
Les vêtements de la directrice se froissèrent dans ses mouvements et coupèrent le jeune adulte. Minerva McGonagall contourna le bureau avant de s'accroupir à quelques pas de sa chaise. Sa main irradia d'une chaleur rassurante lorsqu'elle la déposa contre son épaule. Ses lèvres, étirées dans un sourire bienveillant, s'ouvrirent pour articuler des mots qu'il entendit à peine. Des larmes bouillantes roulèrent sur ses joues. Des sanglots silencieux se bloquèrent dans sa gorge nouée alors qu'il cherchait à retenir cette peine dévorante. Ses pleurs s'échouèrent dans sa tasse dont plusieurs gouttes se renversèrent sur son pantalon et sur ses doigts. Il ne sentit pas la brûlure de la boisson contre sa peau. Ce surplus d'émotions l'anesthésiait. Il s'efforça à articuler quelques mots que les sanglots les avalèrent.
Immobile, la directrice l'invita à se délester de sa douleur par un sourire bienveillant. La tasse disparut de ses mains sans avoir à amorcer le moindre mouvement de baguette. Sa main resta sur son épaule, irradiant de cette chaleur humaine. Elle ne prononça aucune parole. Elle ne chercha pas à arrêter les spasmes de ses membres. Elle resta là, silencieuse, à attendre que les larmes sèchent sur ses joues. Elle ne se redressa que lorsque Harry distingua les traits de sa silhouette dans son champ de vision.
« Je n'en peux plus, croassa-t-il. »
L'empathie calme de la directrice emplit le bureau de sa quiétude. Sa paume contre son épaule propagea une chaleur agréable dans son corps. Elle n'articula pas le moindre mot. Elle n'en avait pas besoin pour prouver son soutien. Minerva McGonagall s'illustrait dans cette bienveillance calme qui l'érigeait comme une des sorcières les plus respectables de sa génération. Harry aurait pu se satisfaire de ce silence, mais il éprouvait le besoin d'entendre une figure importante poser des paroles sur ses maux.
« Je n'en peux plus ! répéta-t-il d'une voix se brisant. Je n'en peux plus de cette culpabilité qui m'arrache le cœur un peu plus à chaque instant et qui m'interdit de dormir ! Je n'en peux plus de ces fantômes qui m'adressent des sourires et me suivent à la trace alors que je suis la cause de leur disparition ! Je n'en peux plus de toutes ces personnes qui me regardent comme si j'étais un héros alors que tant de personnes ne sont plus présentes parce qu'ils étaient proches de moi ! Je n'en peux plus de tout ça ! »
Les doigts de la directrice se refermèrent autour de son épaule. Ils l'accrochèrent à cette réalité morose dans laquelle son cœur détruit par la guerre s'élimait à chaque instant. La douleur accompagnant ses journées se répandit dans ses veines comme un poison mortel. Elle le maintenait en vie. Elle prouvait qu'il était encore vivant. Sa raison s'évaporait à mesure qu'il ressentait cette douleur. Il redevenait cet adolescent en proie aux ambitions nocives de Tom Jedusor. Il revenait à cette époque où son esprit s'étiolait des folies de Voldemort.
« Je n'en peux plus de me déplacer comme un fantôme au milieu des vivants ! continua-t-il alors que des larmes bouillantes roulaient sur ses joues. Je n'en peux plus de cette douleur constante ! Je veux oublier ! Je veux recommencer à vivre comme avant, mais c'est tellement compliqué ! »
Un sanglot déchira ses cordes vocales et coupa le flot de ses pensées désespérées. La présence de la directrice se manifesta comme une ombre bienveillante dans son champ de vision déformée. Elle le couvrit de son regard empathique et l'empêcha de sombrer dans la folie vers laquelle la culpabilité le poussait. Elle attendit que les larmes sèchent sur ses joues et que les tremblements de ses membres s'apaisent pour articuler la moindre parole.
« Le passé ne disparaîtra pas, prononça-t-elle avec une déchirante douceur. Il sera toujours présent, quelque part. Voyez-le comme un phare qui vous guidera dans vos décisions présentes et futures. La douleur que vous ressentez est insoutenable, mais elle est humaine. Vous ne la ressentiez pas toute votre vie. Elle s'apaisera.
— Quand ? s'impatienta-t-il. Quand disparaîtra-t-elle ? Vous n'arrêtez pas de me l'affirmer, mais elle est toujours là ! sa voix se brisa dans un cri déchirant. Elle est toujours là. Elle me rend fou. Elle me rend pathétique. Jamais je n'arriverais à m'en sortir tout seul. »
Un sourire compatissant sur les lèvres, la directrice se redressa. Une sensation de froid se répandit à l'endroit que sa main abandonna. Elle contourna son imposant bureau. Elle souleva une pile de parchemin poussiéreux pour la poser au sommet d'une tour de papier. Ses prunelles s'arrêtèrent sur les portraits des anciens directeurs desquels s'échappaient de discrets ronflements. Seuls les yeux noirs de Severus Rogue restaient ouverts. Il analysait la situation, les lèvres pincées dans cette moue agacée qui avait si souvent été la sienne. Les pupilles sévères de la directrice lui intimèrent de disparaître. Un grognement échappa au le défunt maître des potions. Il s'éclipsa du bureau malgré son mécontentement. Les oreilles indiscrètes s'évanouirent.
« Les directeurs de Poudlard partagent toute cette fâcheuse tendance à se montrer curieux, soupira-t-elle en s'installant sur son fauteuil. »
Harry n'osa pas articuler le moindre commentaire. Le poids de ses mots planait encore sur ses épaules et il l'avait vidé de son énergie. Il se contenta de garder la bouche entrouverte, comme s'il s'apprêtait à répondre à la directrice dont les doigts s'enroulèrent autour du rappeltout. La brume rouge dansa dans la prison de verre, rappelant sans cesse cette chose qui échappait à ses souvenirs. Un souffle désespéré quittant de ses lèvres, elle abandonna la sphère sur son bureau. Ses prunelles suivirent ses roulements sur le bois. Elle finit par relever la tête lorsque la le rappeltout percuta la tour de parchemins.
« La mémoire est une chose capricieuse, soupira-t-elle en plongeant son regard dans le sien. Je vais vous promettre quelque chose, Monsieur Potter. Je vais chercher une solution pour que vous et les autres élèves ressentiez moins la douleur de la guerre.
— Comment ?
— Je ne peux rien vous confirmer pour le moment, avoua-t-elle en esquissant un sourire discret. Je peux juste vous affirmer que tout finira par s'arranger. »
Quelque chose de nouveau naquit en lui. Entre son impatience et sa peine apparut cette lueur d'espoir ténue. Minerva McGonagall ne prononçait jamais la moindre parole dans le vide. Sa promesse se réaliserait. Harry en était persuadé. Elle se réaliserait. Les émotions s'emmêlèrent dans son esprit et roulèrent sous sa peau. Une main rageuse chassa les derniers sillons de ses larmes sur ses joues. Ses lèvres s'étirèrent dans un sourire qu'il espérait sincère. Les choses s'arrangeraient.
Elles s'arrangeraient un jour.
9 décembre 1998 ; Cachots
Des milliers de gouttelettes s'accumulaient entre les pierres des alcôves de l'école de sorcellerie. Elles ne disparaissaient pas malgré les nombreux sortilèges limitant l'humidité de la salle des potions dans laquelle la lueur des torches vacillait. Penchés au-dessus des chaudrons desquels s'échappaient des vapeurs colorées, les élèves de dernière année suivaient les instructions de leurs manuels sous le regard malicieux du Professeur Slughorn. Les cernes violacés soulignant ses prunelles vertes entachaient tant ses traits que ses sourires polis paraissaient mornes. Il se fondait à la perfection à cet environnement qui avait été le territoire lugubre de Severus Rogue. Toute la salle de classe dégageait cette atmosphère sinistre. Ceux qui avaient le malheur de passer trop de temps en son sein se retrouvaient atteints par la maladie terne qui noircissait les pensées de l'ancien maître des potions.
Les yeux perdus entre les lignes de son livre de cours, Harry Potter glissa une main dans ses mèches humides. Elles s'éparpillèrent autour de son crâne, animées par une existence qui ignorait les choix de leur propriétaire. Chaque nouveau mot inscrit sur la page jaunie par les années plongea le sorcier dans un état de perplexité qu'il avait connu à de rares occasions. De sa plume usée, il ratura avec rage une instruction dont le sens lui échappait. Son écriture brouillonne nota quelques informations sur un parchemin vierge alors que Neville s'appliquait à hacher un ingrédient odorant. Ce dernier se soustrayait à la lame aiguisée du couteau que le maladroit lion serrait entre ses doigts. Il bondissait hors de son atteinte dès que le tranchant s'approchait de ses racines.
« Je crois que les champignons sauteurs veulent ma mort, gémit Neville en abandonnant le couteau sur la paillasse qu'ils partageaient. »
Les cours de potions du mercredi s'animaient souvent autour d'une notion théorique. Les exceptions se présentaient lorsque les nuits du Professeur Slughorn s'écourtaient. Lorsque cette situation advenait, il leur offrait la possibilité de prendre de l'avance sur leur concoction. Il se contentait de la supervision de ses élèves dont les lèvres articulaient des malédictions à l'encontre des ingrédients capricieux.
Les prunelles envieuses du garçon à la cicatrice se portèrent vers la silhouette de sa meilleure amie. Ses mèches brunes défiaient les lois de la gravité et se transformaient en crinière autour de son visage concentré. La pulpe de son index souligna les instructions que ses lèvres adressèrent à Zabini. Ce dernier s'exécuta sans broncher. Harry l'aperçut plusieurs fois prendre le risque de proposer une suggestion à la lionne. Elles reçurent toute la même réaction : un silence oppressant s'installait au cœur de leur duo atypique durant lequel elle jaugeait les intentions du Serpentard et elle finissait par obtempérer lorsque les hypothèses de son camarade se montraient raisonnables. L'entente cordiale entre les deux élèves de maisons ennemies paraissait toujours aussi étrange aux yeux du Survivant. Ils ne se cherchaient jamais, travaillaient de façon consciencieuse sur toute sorte de potions depuis le début de l'année, et ne s'emportaient jamais lors de leurs désaccords. Les bribes de leur conversation parvenaient parfois à Harry. Celles-ci ne s'éloignaient jamais des cours. Zabini ne risquait jamais la moindre réflexion qui entacherait leur bonne entente scolaire et Hermione ignorait les touches humoristiques de son camarade. Aussi étrange que cela puisse paraître, leur paire fonctionnait. La tête penchée au-dessus de son chaudron fumant, le Serpentard observa la texture et la couleur de la concoction. Il la décrivit avec des termes précis à Hermione dont les lippes s'étirèrent dans un sourire satisfait.
Une grimace naquit sur les lèvres de Harry. S'il en croyait les quelques adjectifs qu'il avait perçus de leur conversation, une erreur cruciale s'était glissée dans la préparation de leur potion. Il se plongea dans les instructions pour déceler l'étape manquée — celle qui transformait un liquide lisse aux éclats dorés en une purée de pustules marronnâtes — lorsqu'un bocal rempli de plantes aux bienfaits multiples rencontra le coude de Neville. Ce dernier cherchait à retrouver sa plume au milieu du désordre de leur paillasse. Il ne remarqua pas les roulements du pot qui s'écrasa contre le sol. Une forte odeur de belladone et de racine de mandragore remplaça le parfum poisseux et humide de la salle de classe. Une quinte de toux sonore déchira les cordes vocales de Nott dont les yeux sombres cherchèrent la source de la fragrance agressant ses narines. Ce dernier étudiait seul. Malefoy se présentait rarement aux cours de potions et obligeait son camarade à effectuer les tâches de deux personnes.
« Londubat ? l'interpella le Serpentard.
— Ou... oui ?
— Je crois que tu as fait tomber quelque chose, l'informa-t-il en désignant le bocal brisé à leur pied, le nez plissé par l'odeur forte. »
Les lèvres pincées retenant un juron, Neville se pencha vers le récipient en morceaux. Il ramassa avec minutie les fragments de verres éparpillés sur la pierre froide. Une grimace déforma ses traits à la piqure glacée contre sa peau. Une gouttelette rouge roula contre son épiderme. Alors que son camarade de chambre s'affairait à nettoyer les résidus de plantes, Harry entraperçut la silhouette fantomatique de l'ancien professeur de potions dans un coin de la pièce. Vêtu de son habituelle robe noire dans laquelle ses cheveux se fondaient, le Professeur Rogue darda un regard ennuyé dans sa direction. Il glissa sur la roche, s'approchant du bureau que les deux Gryffondor partageaient. Ses yeux sombres se perdirent sur la silhouette de l'élève maladroit et sur la texture peu ragoutante de la concoction.
« C'est catastrophique, siffla-t-il avec ce dédain qui avait tant caractérisé l'enseignant. Votre potion serait capable de mettre le feu à un grand brûlé. Je retirerais cent points à votre maison si je le pouvais. »
Les traits tirés dans une grimace peu sympathique, le professeur fantomatique dégageait cette froideur effrayante. Le Survivant se remercia de l'incapacité de Neville à percevoir les disparus de la guerre. Severus Rogue se montrait encore plus horrifiant dans la mort. Neville se redressa, les mains chargées de déchets. Son corps remplaça celui de l'ancien directeur. Le bond déposa les fragments de verres sur la paillasse et ramena le bocal à son état originel d'un coup de baguette. Il s'empressa de glisser les plantes odorantes, esquissant un sourire confus à Nott dont les épaules se relâchèrent.
« On a dû se planter quelque part, soupira Harry en se penchant par-dessus leur concoction.
— Tu penses ?
— Si j'en crois les instructions, la potion devrait être lisse et dorée. Où penses-tu qu'on s'est trompé ? »
Le visage incliné au-dessus de son manuel raturé de notes, ses cheveux blonds tombant sur ses yeux verts et ses sourcils froncés, Neville analysa la page. Ses doigts parcoururent les lignes une à une alors que ses lèvres articulaient les mots inscrits sur la page sans émettre le moindre son. Une grimace déforma ses traits, indiquant la connaissance de l'erreur glissée dans leur préparation. Elle paraissait impossible à résoudre.
« Ça doit venir de là, soupira-t-il en tapotant le doigt sur le papier.
— C'est foutu ? devina Harry. On peut tenter de l'écrire dans notre rapport ? suggéra le survivant en remarquant sa grimace. Ça peut sauver notre résultat.
— Tu crois ?
— Aucune idée, avoua Harry. »
Un ricanement discret quitta les lèvres de son camarade de chambre qui s'empara d'une plume pour noircir un parchemin de son écriture élégante. De tous les élèves de la maison au lion, Neville pouvait se vanter d'avoir la prose la plus aisée à lire. Harry lui donna quelques pistes de rédactions, l'observant annoter chacune d'entre elles sur un parchemin qui servait de brouillon. Ses yeux clairs et ses lèvres pincées témoignèrent de sa concentration.
« Neville ? l'interpella-t-il.
— Hum ? il ne quitta pas le parchemin de son regard, mais Harry savait que son attention se portait entièrement sur lui.
— Tu penses qu'on ira mieux un jour ? »
Les mouvements de son ami s'arrêtèrent à l'entente de sa question. Il rangea sa plume à la droite du parchemin avant de plonger ses prunelles dans les siennes. Elles pétillaient de cette force que Harry lui enviait si souvent. Tous se moquaient de Neville pour sa maladresse sans percevoir le courage pur qui coulait dans ses veines.
« J'en suis persuadé, sourit-il avec maladresse. »
Harry n'articula pas de nouvelles questions ; elles lui manquèrent. Les jeunes adultes se replongèrent dans la rédaction de leur rapport. Les mouvements de Neville mimèrent le perfectionnisme de Hermione. Elle ratura un parchemin sous le regard ennuyé de Zabini. Plusieurs minutes s'écoulèrent sans que son camarade se redresse. Ses yeux verts se posèrent sur le chaudron bouillonnant. Les doigts enroulés autour de sa baguette, il la pointa en direction de la concoction odorante.
« Tu vas faire quoi ? lui demanda Harry en s'approchant de lui.
— Je tente le tout pour le tout. »
Sa baguette décrivit une arabesque dans les airs alors qu'il lançait un sortilège dans la direction du liquide inquiétant au fond du chaudron. Une épaisse fumée noire et une odeur de suie s'échappèrent de la marmite. Les jeunes adultes n'eurent pas le temps de s'éloigner avant que le liquide n'explose. Leur peau se tacha de poussière noirâtre et de gelée au parfum immonde. L'attention des autres élèves se dirigea vers eux. Les lèvres de Nott articulèrent un juron imagé alors que ses doigts passaient dans ses cheveux pour découvrir la texture visqueuse qui se mêlait à ses mèches. Les prunelles inquiètes de Hermione se posèrent sur lui. Harry glissa une main hésitante sur sa joue et il étala les traces noires sur sa peau.
« Qu'est-ce que... s'étonna Harry.
— Je savais qu'il ne fallait pas accepter un sort qui répare les potions de la part de Seamus, soupira Neville dont les lippes s'étirèrent dans un sourire désolé. C'était évident que ça allait se terminer comme ça. »
Un rire amusé quitta les lèvres du Survivant. Les cheveux blonds recouverts d'une masse visqueuse et la peau tachée de suie, Neville afficha une moue boudeuse. Se tenant les côtes alors que son hilarité s'accentuait, Harry sécha la larme solitaire roulant sa joue droite du dos de sa main. Son rire se bloqua dans sa gorge lorsque le Professeur Slughorn annonça la fin du cours par un claquement de mains. Les élèves s'empressèrent de ranger leurs affaires, rêvant d'un repas chaud et consistant, avant de quitter la salle.
Harry s'attarda après le départ de l'enseignant de la pièce sombre. La silhouette fantomatique du Professeur Rogue se dessina dans un coin du laboratoire. Debout aux côtés de ce bureau qu'il avait occupé de nombreuses années, il observa le désordre de son ancien sanctuaire. Ses yeux obscurs s'éternisèrent sur le corps de Harry dont les prunelles vertes s'animèrent sous le coup de l'émotion. Quelques larmes roulèrent sur ses joues avant de s'assécher. Un sourire chaleureux étira les lèvres de l'enseignant spectral alors que sa bouche s'ouvrait.
« Vous avez les yeux de votre mère, Potter. »
Le sourire de l'enseignant se métamorphosa avec lenteur. La douceur se propagea aux traits de son visage ; ils s'affinèrent un peu plus chaque seconde. Ses cheveux s'éclaircirent et s'allongèrent. Ses yeux devinrent le miroir de ceux du jeune adulte. Lily Potter remplaça son ami d'enfance. Ses prunelles vertes glissèrent sur le mobilier de la salle de classe avant de s'arrêter sur la silhouette de son fils unique. Les larmes s'agglutinèrent dans ses cils et creusèrent des sillons dans la suie recouvrant son visage. Elle esquissa un sourire maternel et attristé.
« Tu es dans un sale état, remarqua-t-elle sans se défaire de son rictus doux.
— On a fait exploser notre potion, expliqua Harry en passant une main dans ses cheveux visqueux.
— Le sortilège qui répare les potions ? devina-t-elle. On avait aussi des élèves qui tentaient de le lancer lors de nos cours, se rappela-t-elle avec nostalgie. Ça terminait souvent par les moqueries de ton père ou les œillades exaspérées de Severus. »
Les larmes ne cessèrent pas de rouler sur les joues du Survivant. La silhouette fantomatique de sa mère parcourut la distance qui les séparait. Ses pas s'arrêtèrent à quelques mètres de lui. Elle tendit une main dans sa direction. Ses doigts se stoppèrent avant de toucher sa peau. Si elle avait été encore en vie, Harry aurait pu sentir la chaleur de son épiderme contre le sien. Il n'en était rien. Il ne sentait rien ; aucune sensation de picotements contre sa joue.
« Essuie tes larmes, lui implora-t-elle d'une voix douce.
— Comment ?
— Accepte la disparition de ceux qui sont partis, commença-t-elle. Laisse le temps faire son travail même si ça te paraît trop lent. »
La bouche du jeune adulte s'entrouvrit pour articuler une réponse lorsque la voix inquiète de Hermione l'interpella depuis l'entrée de la pièce. Le spectre de sa mère s'évapora aussitôt. Son sourire chaleureux s'imprima sous ses paupières. Laisse le temps faire son travail. Tous ne cessaient de lui répéter cette phrase unique comme si elle s'appliquait de façon simple. Hermione ne prononça aucun commentaire sur les marques que les larmes avaient abandonné sur son épiderme lorsqu'il la rejoignit dans le couloir. Elle s'empressa de passer une serviette humide sur sa peau et elle s'employa à faire disparaître les traces visqueuses que l'explosion avait laissées dans ses cheveux.
« Je pense qu'on n'aura pas le temps de rejoindre la Grande Salle pour manger, soupira-t-elle. On tente les cuisines pour récupérer quelque chose à grignoter ?
— Qui êtes-vous et qu'avez-vous faire de Hermione Granger ? la charia-t-il. »
17 décembre 1998 ; couloirs de Poudlard
Un étrange silence se propagea dans les corridors de l'école de sorcellerie. Les portraits conservèrent ce mutisme inhabituel, interpellant quiconque traversait les longues allées de pierres. Certains avaient disparu de leur cadre. D'autres se murmuraient des informations sur une réunion des tableaux dans l'aile ouest de Poudlard. Un duc hautain organisait une réception continue lors des premières neiges et la plupart des peintures cédaient à la tentation de les rejoindre. Harry Potter profita de cette rare quiétude. Les mains enfoncées dans la chaleur de ses poches, il déambula dans les couloirs sans aucun but à atteindre. Les cours d'arithmancie auxquels sa meilleure amie assistait deux fois par semaine ne l'avaient jamais intéressé. Il se contentait d'errer sans objectif en attendant qu'elle s'extirpe de la salle de classe.
Ses pas ralentirent devant un immense vitrail. Fenêtres sur le parc de l'école de sorcellerie, il offrait une vue saisissante sur le manteau blanc recouvrant le gazon verdoyant et les feuilles rougeâtres que les arbres avaient abandonnées. De larges flocons tombaient des lourds nuages blanchâtres. Ils dansaient dans le ciel avant de rejoindre leurs semblables sur terre. Ses yeux verts se perdirent sur le Lac Noir. Sa surface tapissée d'une fine couche de glace invitait les courageux à s'aventurer vers son cœur. Il faudrait encore un mois et plusieurs élèves souffrant d'hypothermie à l'infirmerie pour que son exploration se voie autorisée par la direction. Les remontrances de Madame Pomfresh revenaient souvent à l'esprit de Harry lorsqu'il arpentait l'infirmerie lors des premières neiges. Elle ne cessait jamais de se plaindre de la stupidité des élèves qui ne parvenaient pas à déceler une couche de glace apte à supporter la masse d'un être humain.
« Ce n'est pas parce qu'un lapin parvient à courir sur la surface du lac que ce n'est pas idiot de vous y risquer. »
Ce soupir exaspéré s'échappant des lèvres de l'infirmière, Harry l'avait entendu tant de fois qu'il résonnait dans son esprit dès que le premier flocon tombait du ciel. Il s'approcha du vitrail, un sourire timide étirant ses lippes. Ses prunelles vertes observèrent l'élégant ballet des flocons. Il avait toujours apprécié les paysages enneigés. Son enfance chez les Dursley s'accompagnait de nombreuses heures à regarder ce spectacle qui transformait les jardins de Privet Drive chaque hiver. Il se souvenait encore des jérémiades de son cousin réclamant toujours plus de cadeaux pour Noël. Harry ne s'inquiétait jamais de cela. Il hériterait de ceux qui ne plaisaient pas à Dudley et de ceux de l'année précédente dont son cousin s'était lassé. Le Survivant se contentait d'observer le manteau blanc recouvrir le goudron de Privet Drive avant de devenir une bouillie brunâtre sous les roues de voitures.
Quelques murmures l'arrachèrent à ses pensées. Harry adressa un coup d'œil à leur source, espérant que les discussions annonçaient le retour des portraits dans les cadres. Ses lèvres se figèrent dans une moue crispée lorsqu'il remarqua les silhouettes de jeunes sorciers. Ils devaient être en deuxième ou troisième année et ils l'observaient avec cette admiration qu'il haïssait tant.
Harry Potter.
Le héros.
Le survivant.
Celui qui a vaincu Tu-sais-qui deux fois.
Personne n'adressait jamais la moindre pensée au véritable Harry Potter. Personne n'adressait la moindre pensée à ce garçon brisé qui avait connu trop d'horreur pour son âge. Il n'avait rien d'héroïque. Il avait essayé de survivre alors que les manigances de Tom Jedusor cherchaient à lui mettre les pieds dans la tombe. Tous le traitaient comme ce surhomme qu'il n'était pas. Tous le transformaient en un être important — plus important que la plupart des autres êtres humains — par leurs regards pétillants d'admiration.
« Je peux faire quelque chose pour vous ? la froideur de sa voix leur arracha un sursaut.
— Je... hésita une fille aux couettes rousses et à la cravate jaune. Comment c'est d'être Harry Potter ?
— Je ne sais pas, son souffle déplaça ses mèches noires alors que ses traits se figèrent dans sa lassitude. Je ne sais pas être quelqu'un d'autre. »
Une exhalation rêveuse échappa à un garçon brun aux joues roses. Il passa ses doigts fébriles dans le nœud de sa cravate et chercha à fuir le regard dur de Harry. Ce dernier les toisa de longues secondes. Son expression froide et son absence de réaction chassèrent les étudiants. Ses épaules se relâchèrent lorsqu'ils disparurent à l'angle du couloir. Ses orbes émeraude s'égarèrent sur les paysages blancs qui se dessinaient derrière les vitraux. Ils avaient perdu leur splendeur. Ils paraissaient tristes et ternes. Ses dents mordant l'intérieur de sa joue, Harry reprit sa longue marche sans but. Il déambula dans les corridors de Poudlard comme une âme errante. Chaque recoin de l'école de sorcellerie aurait pu accueillir une personne disparue au cours de la guerre. Les spectres n'apparurent pas sous les prunelles de Harry. Ils avaient déserté les couloirs.
Harry marcha sans destination. Ses pas le perdirent dans les profondeurs de Poudlard, dans ces coins reculés que les vivants n'arpentaient jamais, et s'arrêtèrent à quelques foulées d'un fantôme. Belle jeune femme aux cheveux bouclés et aux traits nobles, la Dame Grise contempla de son regard mélancolique les flocons s'échappant du ciel gris. Un soupir romantique quitta ses lèvres pincées à jamais dans cette expression hautaine et saturnienne. Sans jamais poser un pied au sol, elle s'égara dans son observation du paysage blanc. Les questions se bousculèrent à l'esprit du sorcier lorsqu'il la remarqua. Le nombre de spectres stagnait depuis son arrivée dans l'école de sorcellerie. Pas un de plus. Il n'avait pas augmenté à la fin de la guerre. Pourquoi certains morts ressentaient-ils le besoin de hanter les vivants ? Pourquoi ne se précipitaient-ils pas dans les couloirs de l'école de sorcellerie ? Pourquoi n'apparaissaient-ils que dans ses hallucinations sinistres ? Toutes ces questions brûlaient les lèvres du sorcier.
« Helena ? »
Les prunelles sans vie et figée dans une mélancolie éternelle se posèrent sur lui. Ses muscles se tendirent et ses traits se crispèrent. Harry l'avait interrompu dans son observation du paysage hivernal. Ses lèvres grises s'étirèrent dans un sourire poli. Il l'approcha de quelques pas. Helena Serdaigle le surplombait de plusieurs centimètres. Ses traits s'animèrent de cette lassitude qu'elle affichait si souvent.
« Est-ce que je peux vous poser une question ?
— N'est-ce pas que tu viens de faire, Harry Potter ? renchérit-elle avec un ennui palpable.
— Une autre ? »
Seul un acquiescement silencieux lui répondit. Les mots se bousculèrent sur les lèvres du sorcier. Ils refusèrent de construire des phrases cohérentes et s'articulèrent autour de bafouilles sans sens. Les traits de la sorcière décédée s'animèrent d'impatience. Un tic nerveux agita la commissure de ses lippes alors qu'il bredouillait avec difficulté des paroles à peine compréhensibles.
« Pourquoi... commença-t-il. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de fantômes à Poudlard ?
— Pourquoi plus de fantômes habiteraient-ils Poudlard ? son rire ne dégageait aucune chaleur et glaça le sang du sorcier.
— Parce que la guerre a causé la mort de nombreux sorciers, articula-t-il d'une petite voix.
— Pourquoi hanteraient-ils Poudlard ? répéta-t-elle. Pourquoi hanteraient-ils les vivants alors qu'ils sont morts en paix ? Pourquoi reviendraient-ils alors qu'ils sont partis en suivant leur valeur, Harry Potter ?
— Je... hésita-t-il. Je ne sais pas. »
Harry Potter s'était toujours imaginé que les êtres ayant connu des morts violentes arpentaient le monde des vivants tant qu'ils n'éprouvaient pas de repos. Sir Nicholas de Mimsy-Porpington et Helena Serdaigle cochaient toutes les cases des fantômes qui habitaient la culture moldue. S'il avait passé plus de temps à parcourir les allées de la bibliothèque ou avait écouté les incessantes explications de sa meilleure amie, Harry aurait su que les morts ne décidaient pas de hanter les vivants s'ils connaissaient de brutaux derniers instants sur terre. S'il suivait cette logique fausse, les rues seraient bondées de spectres.
« Les morts hantent les vivants lorsqu'ils éprouvent des regrets, Harry Potter. Il est une bonne nouvelle que leur nombre n'est pas plus important après une guerre. Les souffrances reviennent uniquement à ceux qui connaissent leur absence.
— Comment ne plus souffrir ? s'impatienta-t-il.
— C'est une question à laquelle personne ne peut répondre à votre place, Harry Potter.
— Je sais, mais... »
Les mots moururent sur ses lèvres, refusèrent de lui échapper. Les prunelles mélancoliques de la Dame Grise se posèrent une dernière fois sur son corps tremblant avant de traverser un mur. Seul dans un couloir de Poudlard, Harry Potter observa la pierre derrière laquelle Helena avait disparu. Il ne supportait plus de rechercher des solutions à sa détresse. Une lamentation lui échappa. Il passa le dos de sa main sur ses yeux lourds de ces larmes menaçant de rouler sur ses joues. Il décida de quitter le corridor désert. Ses pensées cherchèrent un point d'ancrage dans la réalité. Le cours d'arithmancie avait pris fin. Hermione avait déserté la salle de classe.
« Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises. »
Sous la pression de sa baguette, le papier usé de la carte des Maraudeurs s'anima. Les contours de l'école de sorcellerie se dessinèrent et enfermèrent les prénoms de ceux qui l'arpentaient. Ses yeux verts cherchèrent les lettres formant le nom de sa meilleure amie à travers la foule d'étudiants. Neville longeait les murs de la serre. Luna s'aventurait dans la Forêt Interdite. Ginny se glissait dans la salle commune des Gryffondor. Les prénoms de ses proches se distinguèrent des autres.
« Méfait accompli, articula-t-il lorsqu'il remarqua la présence de Hermione à la sortie sud de Poudlard. »
Les tracés complexes s'effacèrent un à un. Couloirs, passages secrets, minuscules points annonçant la vie grouillante de l'école de sorcellerie disparurent dans un ballet d'encre et de magie. Il ne resta qu'un parchemin comme tous les autres. Harry se précipita à travers les allées interminables dans lesquelles s'amoncelaient les élèves aux regards admiratifs. Certains l'interpellèrent pour accaparer son intérêt et certains rougirent dans son sillage comme s'ils avaient attiré l'attention d'une célébrité. Il ignora ces présences oppressantes et ne cessa pas de marcher tant que la neige ne crissa pas sous ses talons.
Les lèvres du jeune homme s'étirèrent dans un sourire espiègle. Hermione n'avait pas encore remarqué sa présence. Ses prunelles marron restèrent ancrées sur cette danse de flocons. Il s'accroupit et glissa ses mains dans la froideur de la neige pour créer une boule compacte. La brûlure glaciale lui rappela qu'il était encore en vie. Sans se détacher de son rictus, il envoya son projectile dans sa direction. Il percuta l'arrière de son crâne, abandonnant de fines particules blanches dans ses boucles indomptables. Son gémissement plaintif et le lent déplacement de sa main vers l'arrière de sa tête arrachèrent un ricanement au sorcier. Une fausse innocence naquit sur son visage alors qu'il créait un nouveau projectile d'un mouvement de baguette pour l'envoyer vers sa meilleure amie. Elle esquiva la boule de justesse, un sourcil relevé dans une moue combative.
« T'es sûr de vouloir te lancer là-dedans, Potter ? l'apostropha-t-elle.
— Évidemment puisque je ne peux pas perdre contre toi. »
Plusieurs offensives se succédèrent avant que les doigts de Hermione ne s'enroulent autour de sa baguette. La rage de vaincre se propagea dans son corps à mesure que l'humidité glaciale se répandait dans ses vêtements. Ses yeux brûlèrent de cette envie de le défaire. Un répit de courte durée auquel le sorcier profita autant que possible. Lorsqu'elle parvint à stopper une boule en plein mouvement pour la renvoyer à son expéditeur à la vitesse d'un boulet de canon, Harry sut que les prochaines minutes se montreraient plus complexes. Le combat s'acheva dans des éclats de rire et des points de côté. Leurs vêtements humides sur les épaules et le corps tremblant sous la froideur hivernale, ils s'écroulèrent contre la rambarde du pont. La tête de Hermione tomba sur son épaule et ses cheveux chatouillèrent ses narines.
« Merci, souffla-t-elle. »
Prononcés sur le bout des lèvres d'une voix essoufflée, les mots de la sorcière la plus brillante de leur génération atteignirent les oreilles de Harry sans qu'il en comprenne le sens réel. Ses sourcils se froncèrent, tentèrent de se rejoindre au milieu de son nez. Ses yeux cherchèrent à découvrir les traits de son amie, mais sa masse capillaire les rendait invisibles. Pourquoi le remerciait-elle ? Il n'avait fait aucune action particulière. Il ne méritait pas la moindre reconnaissance de la part d'une autre personne.
« Pourquoi tu me remercies ? s'étonna-t-il.
— Merci de me faire rire, précisa-t-elle avant de glisser ses doigts entre les siennes pour les serrer. Ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé.
— C'est pareil pour moi, avoua-t-il dans un souffle. J'ai parfois l'impression que ça n'arrivera plus jamais. »
Cette triste réflexion résonna dans le silence qui les enveloppa. Leur amitié s'était façonnée sur des situations difficiles et sur des peurs insoutenables. Ils avaient vécu tant de choses ensemble. Les souvenirs lui arrachèrent un sourire mélancolique. Hermione lui avait sauvé plusieurs fois la vie. Ils discutèrent de longues minutes, se remémorèrent la naissance de leur relation, se chamaillèrent comme deux enfants insouciants. Harry se sentait bien en sa présence. Elle apaisait les maux de son cœur par sa présence familière.
je n'ai aucune excuse pour vous expliquer pourquoi j'ai mis autant de temps pour publier un nouveau chapitre de parce mihi. pour tout vous avouer, j'avais juste la flemme parce que c'est une grosse histoire. elle me prend un temps fou à écrire et corriger.
parce mihi ne devrait plus connaître de pause comme celle que vous avez connu. j'ai pris beaucoup d'avance au cours du nanowrimo et je continue d'en prendre. si tout suit mes plans, la publication de cette histoire devrait se terminer en novembre ou décembre. on verra bien si je m'y tiens. pour l'instant, partez du principe que je publie un chapitre tous les 2ème samedis de chaque mois.
pour vous parler de ce chapitre, je l'aime beaucoup. je ne pourrais pas vraiment vous en expliquer la raison mais je l'aime énormément. j'espère qu'il vous a aussi plus.
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